Conséquences des évolutions de prix et de leur volatilité sur la demande de carburants



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Conséquences des évolutions de prix et de leur volatilité sur la demande de carburants François Gardes, Université Paris I, Ecole d Economie de Paris, centre d Economie de la Sorbonne 1 Séminaire du Crem, Université de Caen, Lundi 8 Novembre 2010 I. Présentation générale 1. Introduction : Argument théorique et types de données 2. Un modèle structurel 3. Modèles dynamiques 4. Présentation des cinq études empiriques II. Estimation des élasticités-prix sur données individuelles 1. Introduction 2. Estimation sur les vagues d une enquête de Budgets de Familles 3. Estimation à partir d un pseudo-panel d enquêtes répétées (INSEE 1985-2006) : calcul d une élasticité de long terme 4. Estimation d élasticités-prix de court et de long terme sur le panel Parc Auto : analyse de deux études récentes 5. Estimation sur un appariement d enquêtes de dépenses monétaires ou temporelles (INSEE 1999 et 2001) III. Effet de la volatilité des prix : analyse de séries temporelles macroéconomiques, 1979-2006 1. Présentation des données 2. Indices de volatilité 3. Spécifications retenues pour la fonction de demande 4. Résultats des estimations IV. Effet de la volatilité des prix : analyse de données groupées des enquêtes de Budgets de Famille 1. Introduction 2. Description des deux pseudo-panels 3. Résultats de estimations V. Effet de la volatilité des prix : analyse des données du panel Parc Auto par un modèle Age- Cohorte-Période 1. Introduction 2. Présentation générale de l enquête 3. Un modèle Âge-Cohorte-Période appliqué au pseudo-panel Parc Auto 1988-2008 4. Résultats de l estimation 5. Conclusion Conclusion Générale 1 Ce texte est basé sur le rapport que j ai dirigé (Adème, Beauvais Consultants-Arma) auquel ont participé : Jean-Marie Beauvais, Beauvais Consultant ; Lucie Calvet, Ministère de l Ecologie, de l Energie, du Développement Durable et de la Mer ; Roger Collet, INRETS ; Patrice Gaubert, Université d Evry ; François Marical, Ministère de l Ecologie, de l Energie, du Développement Durable et de la Mer ; Christophe Starzec, CRNS-Centre d Economie de la Sorbonne. 1

I. Présentation générale 1.1. Introduction De nombreuses études récentes ont analysé l effet de la hausse du prix des carburants sur la dépense de transports privé. Ces études ont utilisé généralement des données temporelles, annuelles ou trimestrielles, dont la volatilité est très diverse selon les périodes. Ces données macroéconomiques fournissent donc des informations précieuses quant à l effet de la variabilité des prix, qui est importante dans une période récente (par exemple pendant l année 2008), mais ne peuvent tenir compte de l hétérogénéité des divers acteurs- hétérogénéité caractérisée tant par le type de véhicule, sa fonction (première, deuxième voiture ) que par les caractéristiques socio-économiques des ménages. Les causes de la volatilité du prix des carburants ont été analysés dans deux rapports récents, d Artus- d Autume-Chalmain-Chevalier (2010) et de Chevalier et al. (2010). Argument théorique Deux hypothèses méthodologiques sont faites pour l étude de la demande de carburant dans des régimes différenciés de volatilité des prix relatifs : on considère d abord que la volatilité du prix des carburants est exogène à la demande des ménages (donc à leurs kilométrages), ce qui permet d en modéliser l effet comme déterminant d une équation de demande estimées isolément (hypothèse H1). En second lieu, l effet de la volatilité des prix est supposé opérer directement, par effet additif complémentaire aux autres déterminants de la demande : il sera donc mesuré par le paramètre d un indicateur de volatilité introduit comme variable explicative du kilométrage des ménages (hypothèse H2). Les hypothèses habituelles du modèle linéaires s y ajoutent, ainsi que l indépendance des effets de la volatilité sur la structure statique ou dynamique de l équation de demande. Ce modèle de demande est donc estimé par une seule équation, sans considération des contraintes théoriques habituelles, qui ne pourraient être prises en compte que par l estimation d un système complet de demande. Discussion des effets de la volatilité des prix sur les décisions de transport des ménages Le signe du coefficient β de la volatilité des prix dans l équation de demande : (1) peut provenir de plusieurs effets : (i) Une influence différenciée des hausses de prix par rapport aux baisses, du à un effet-cliquet de permanence des besoins de transport personnel jointe à un coût fixe d achat des véhicules. Si par exemple la volatilité des prix impacte 2

(ii) (iii) (iv) (v) négativement la consommation, les hausses de prix ont une influence supérieure aux baisses équivalentes. Une augmentation de la volatilité peut brouiller l effet-prix, dans la logique des modèles de Lucas (prix comme transmetteurs d information). L effet-prix est alors diminué, ce qui se traduit par un effet significatif de la volatilité, dont le signe dépend du sens de cette volatilité (en supposant un retour à l équilibre dans la phase régressive du prix). La perception des hausses de prix peut surpasser celle des baisses, ce qui se traduit par un effet négatif de la volatilité (dans ce cas, la longueur des cycles de hausse et baisses conjoncturel influence l effet de la volatilité). Un modèle structurel de prix endogènes est présenté ci-après (point 3). Une phase de volatilité des prix peut entraîner une anticipation de hausse durable, ce qui, par des ajustements de long terme de la motorisation et le changement des habitudes de transport, impacterait négativement la demande de carburants par les ménages. Au contraire, une volatilité repérée sur une longue période (ce qui n est pas le cas général) accrue peut cacher au consommateur une hausse durable du prix, ce qui impacterait positivement la consommation. L existence d un coût fixe dans les changements de mode de transport tend à réduire la substitution lors de hausses ou de baisse des prix. Une dissymétrie des effets induirait alors un effet négatif de la volatilité, selon le schéma présenté en (i). On notera que pour chacune de ces explications, des décalages temporels doivent exister entre la cause et l effet. Ces décalages pourront être estimés empiriquement, leur analyse théorique étant incertaine. 1.2.Un modèle structurel Les spécifications des fonctions de demande estimées dans les quatre parties empiriques sont, soit double-logarithmiques, soit de Working (coefficient budgétaire fonction du revenu et des prix logarithmiques). La première spécification a l avantage de fournir directement des élasticités constantes sur toute la distribution du revenu et des prix, tandis que la seconde correspond la minimisation d une fonction de coût Piglog, qui définit le système complet de demande Almost Ideal. On ne connait pas de modèle structurel générant la spécification double-logarithmique. Nous en proposons une justification duale avec prix endogène, en adaptant le modèle proposé par Gardes (Gardes-Merrigan, 2007). Le revenu Y du ménage est réparti entre l épargne, supposée ici proportionnelle au revenu : S=sY (hypothèse H1), la dépense nécessaire (dépense minimale pour survivre en conservant un statut social donné) D min contenant la dépense de carburant D 1 et les autres dépenses D 2, appelées dépenses discrétionnaires, avec D min + D 2 =(1-s)Y. L utilité indirecte est séparable entre les utilités fournis par le revenu minimum et l ensemble de la dépense D= D min +D 2, cette dépense étant mesurée en terme de dépense minimale (hypothèse H2): V(π,y) = V 1 (π, D min ) + V 2 (π, ) (2) Les deux composantes de la dépense ont des prix endogènes π 1 et π 2 fonctions des caractéristiques socio-économiques Z=( z 1,, z K ) du ménage, Z contenant un indicateur de niveau de vie du ménage, par exemple son revenu réel par unité de consommation. Les élasticités des prix π i par rapport aux caractéristiques sont supposées constantes (hypothèse H3): avec le prix monétaire, supposé identique pour tous les ménages. On 3

suppose enfin que l utilité est séparable entre les deux dépenses et les deux prix (hypothèse H4), l utilité des dépenses D 2 (mesurées en unités de dépense minimale) discrétionnaires étant de type CRA (à aversion au risque constante, hypothèse H5) :,,, (3) On suppose enfin (hypothèse H6) que les dépenses nécessaires D min fournissent une même utilité pour tous les ménages (conditionnellement à des caractéristiques socio-économiques semblables) : V 1 (p, D min, Z)=V 0. L identité de Roy appliquée à la dépense discrétionnaire fournit l équation de demande : = (4) qui se transforme en une équation double-logarithmique de la dépense minimale sur le revenu, les autres caractéristiques socio-économiques du ménage et les prix monétaires. On suppose que l utilité des dépenses nécessaires V 2 s écrit sous une forme Cobb- Douglas (hypothèse H7):,, ce qui implique :. Le modèle fournit donc finalement une équation double logarithmique de la dépense de carburant D 1 par rapport au revenu, aux prix monétaires et aux autres caractéristiques du ménage. On suppose enfin (hypothèse H8) que les hausses de prix sont perçues différemment que les baisses de prix (par exemple plus fortement) par les consommateurs. Dans ce cas, l effet décrit au point 2.i se traduira par une influence apparente de la volatilité des prix sur la demande. Notons le prix endogène dépendant de la volatilité (considérée comme une caractéristique supplémentaire du vecteur Z) et v le coefficient de sur-estimation des hausses de prix, qui augmente avec la volatilité: (H6) 1 vp, 1 vp (5) L effet dissymétrique des prix se traduit par la variation de demande:.. (6) qui est négative si est positif. L estimation du paramètre permet d identifier l effet de la volatilité sur le prix virtuel indiqué par le paramètre. 4.2. Modèles dynamiques Deux modèles dynamiques permettent de prendre en compte les effets d habitude 2 et les propriétés stochastiques des séries. Dans le premier, la dépense de carburant est supposée régie par une équation de longue période et un ajustement partiel des dépenses en courte période : Equation de longue période : (7) Equation d ajustement partiel : 1 (8) Le modèle fournit l équation réduite : 1 (9) 2 On trouvera dans Collet et al., 2008, 2010, une analyse des effets d addiction dans les dépenses de transport. 4

Cette équation peut être estimée en fixant par grid search le paramètre d ajustement pour calculer la quasi-différence de dépense 1 ou en instrumentant la dépense retardée dans l équation (9). C est cette dernière technique qui sera utilisée dans le troisième chapitre. La cointégration des séries de dépenses de carburant et de prix permet d estimer un modèle à correction d erreur (ECM) qui s écrit dans la procédure d estimation en deux étapes : (i) (ii) Le coefficient indiquant une force de rappel qui doit être comprise entre 0 et 1 pour que la spécification soit valide. 1.3.Présentation des cinq études empiriques La première analyse empirique montre qu on peut, par diverses méthodes, dont une méthode originale utilisée pour la première fois dans cette étude (appariement de données de dépenses monétaires et temporelles), estimer des élasticités-prix sur des données individuelles. Ceci permet d effectuer le calcul sur des données abondantes et d estimer des paramètres différenciés par les caractéristiques exogènes ou pas de sous-populations (âge, niveau de vie, localisation, structure familiale ). L analyse des effets de la volatilité des prix est opérée par quatre études indépendantes : dans un premier temps, des séries macroéconomiques françaises de prix et de consommation de carburants ont été constituées sur une longue période (1969-2008). Elles ont été utilisées pour estimer, par des modèles statiques standart et une modélisation dynamique, l impact de divers indicateurs de volatilité, descriptifs et non conditionnels ou conditionnels, sur la dépense en carburant des ménages. En deuxième lieu, un pseudo-panel des enquêtes françaises de Budget des ménages (BdF) a été constitué pour les années 1985 à 2006 (dans le cadre du mémoire de M2R de Lucie Calvet). Les données individuelles de l enquête française Parc Auto permettront ensuite de tester l hypothèse d absence de biais d agrégation sur un vrai panel. Enfin, le modèle est testé plus finement à partir des données individuelles des panels Polonais constituées par Christophe Starzec pour un période marquée par de fortes variations du prix des carburants (travail empirique effectué par F. Gardes et C. Starzec). 5

II. Estimation d élasticités-prix sur données individuelles 2.1. Introduction L estimation des effets-prix est généralement opérée à partir de données temporelles, pour lesquelles les variations des diverses variables explicatives sont souvent corrélées du fait de tendances communes. Ces estimations macroéconomiques, basées sur l estimation de systèmes complets de demande sous contrainte de Slutsky, souffrent de plus de biais d agrégation, dus aux différences des prix subis par les agents et aux différences de leurs préférences, et ne permettent pas d estimer des effets différenciées par sous-populations distinguées par exemple par l âge, la structure familiale ou la localisation. De plus, la variabilité des prix relatifs est parfois faible dans ces séries agrégées. Pourtant, la quasitotalité des élasticités-prix utilisées dans la littérature proviennent d estimations sur séries temporelles agrégées. Pour toutes ces raisons, il serait souhaitable de disposer d estimations sur données individuelles, comme on le fait couramment pour estimer les effets-revenu (Gardes et al., 2005). Dans les estimations sur données macroéconomiques que nous avons effectuées, l élasticité-prix directe de la dépense de carburants est par exemple, dans la spécification dynamique ECM, de l ordre de -0.23 (t de Student=5.4) en longue période, de -0.15 (t=4.1) dans l équation d ajustement de courte période. Six méthodes peuvent être utilisées dans la littérature pour estimer des effets-prix sur données individuelles : (i) (ii) On peut considérer la variation des prix pendant la période d enquête, et estimer ainsi les élasticités à partir des variations de prix relatifs d une vague de l enquête à l autre. Cette méthode a été utilisée par Lucie Calvet sur les six vagues l enquête de Budgets de Familles (BdF) de l INSEE de 2006 (voir le paragraphe 2.2). Elle fournit des paramètres qu on peut considérer comme de courte période, dans la mesure où des ajustements plus longs, par exemple de changement de l équipement automobile, ne peuvent se produire pendant la période. La même méthode peut s appliquer à partir d un panel d enquête, tel le panel polonais que nous analyserons dans le sixième chapitre. Des enquêtes répétées (repeated cross-sections) permettent d observer de plus fortes variations de prix relatifs d une année à l autre, et d estimer des élasticités qui pourront être considérées comme de long terme dans la mesure où les enquêtes sont dispersées sur plusieurs années (c est le cas des enquêtes BdF, distante de cinq ans en moyennes). Les paramètres estimés traduiront donc tous les ajustements de long terme opérés par mes changements de prix. Cette méthode a été utilisée par Cardoso-Gardes (1996) sur un pseudo-panel des enquêtes BdF de l INSEE de 1979, 1985 et 1989 pour le calcul des élasticités-revenu et par Lucie Calvet pour la détermination des élasticités-prix à partir des enquêtes BdF INSEE de 1985, 1989, 1995, 2000 et 2006 (voir le paragraphe 2.3). 6

(iii) (iv) (v) (vi) Deaton (1988) a proposé une méthode originale de calcul des effets-prix à partir de statistiques de prix locale mesurés par les valeurs unitaires des dépenses (dans des enquêtes où quantités achetées et valeurs des dépenses sont relevées), dans laquelle les différences de qualité des biens consommés, générateurs de prix différenciés, sont pris en compte par les effets fixes liés à la localisation. Une hypothèse de séparabilité forte, portant sur l utilité directe ou l utilité indirecte, permet, par la formule de Frisch, de dériver les élasticités-prix directes et croisées à partir des élasticités-revenu et du paramètre de Frisch de flexibilité (égal à l élasticité-revenu de l utilité marginale indirecte de la monnaie). On applique cette méthode aux dépenses de transport (sans vérification préalable de l hypothèse de séparabilité, voir Gardes-Urdanivia, 2010) au paragraphe 2.4. Ruiz et Trannoy (2006), Clerc-Marcus (2009) ont utilisé la méthode proposée par John Hicks et Richard Stone, reprise par Lewbel, pour estimer les variations des prix relatifs entre ménages, pour des agrégats de biens et services comme l alimentation, par l intermédiaire d une agréation des postes désagrégés (pain, viande, vin ) en fonction des coefficients budgétaires propres à chaque ménage. L endogénéité de ces prix agrégés est traités par instrumentation. Le grave défaut de cette méthode est qu on compare, d un ménage à l autre, des agrégats différents, ce qui rend la méthode inapplicable sur une seule enquête. Par contre, on peut l appliquer plus validement à partir d un ensemble d enquêtes répétées (l alimentation de qualité du premier ménage subira des changements de prix d une enquête à l autre différents de l alimentation de subsistance du second) si l on suppose que ces deux type d alimentation interviennent de la même façon (en tant qu agrégat d une fonction alimentaire) dans les préférences des deux ménages. On discutera les estimations d élasticités-prix des dépenses de transport de Ruiz (2007) et Clerc-Martus (2009) au paragraphe 2.4. Nous proposons (paragraphe 2.4) dans cette étude une méthode originale consistant à apparier une enquête de dépenses monétaires avec une enquête d usage du temps (Budget-Temps) qui permet, selon le modèle de Becker, de calculer un prix complet pour chaque type d activité (alimentaire, d habillement, logement ) différencié entre les ménages par les changements du coût d opportunité du temps et des différences de temps utilisés pour chaque activité. 7

2.2. Estimation sur les vagues d une enquête de Budgets de Familles 22.1 Enquête française (INSEE 2006) : calcul d une élasticité de court terme Lucie Calvet a estimé, dans le cadre d un mémoire universitaire (Université Paris I, 2010) des élasticités basées sur les six vagues de l enquête INSEE de 2006, élasticités qui peuvent être considérées comme mesurant l effet des variations de prix en courte période. Elle obtient pour l ensemble des carburants une élasticité compensée de courte période de - 0.26 après correction des effets saisonnniers (Calvet, Calvet-Marical, 2010, tableau 3). Cette élasticité est donc du même ordre de grandeur que celle qui a été estimée dans l équation d équilibre de longue période d un ECM sur séries temporelles macroéconomiques françaises. 2.3. Estimation à partir d un pseudo-panel d enquêtes répétées (INSEE 1985-2006) : calcul d une élasticité de long terme Le pseudo-panel constitué par Lucie Calvet (Calvet, 2010, Calvet-Marical, 2010 ; voir Chapitre IV) permet, grâce aux fortes évolutions de prix relatif des carburants constatée sur cette période longue, d estimer des élasticités-prix de longue période (incluant les changements de mode de déplacement des ménages) de -0.62 pour le prix au litre (-0.59 pour le prix au kilomètre) dans un modèle incluant l effet de la dépense totale et celui du nombre d actifs (pour le pseudo-panel par âge de la personne de référence). L estimation pour un groupement par génération donne des résultats semblables (élasticités de -0.69 et -0.73). Les élasticités estimées par sous-populations distinguées par leur niveau de vie montrent de différenciation mais peu systématiques, alors que la différenciation est plus significative entre ménages ruraux (élasticité de l ordre de -0.7 à -0.8) et urbains (élasticités de -0.8 à -0.9 selon les estimations). Ces résultats montrent qu une hausse des prix du carburant, quelle qu en soit la cause, fera fortement baisser la consommation de carburant des ménages à long terme pour toutes les populations. 2.4. Estimation d élasticités-prix de court et de long terme sur le panel Parc Auto : analyse de deux études récentes Collet et al. (2010) expliquent les kilométrages individuels des ménages et apportent quelques éclairages à la thématique de la dépendance automobile. Leurs résultats mettent l accent sur le modèle d addiction rationnelle de Becker et al. (1994), qui n avait pas encore été testé sur des données portées sur la voiture. Celui-ci se révèle pertinent pour décrire le comportement empirique d automobilité des ménages français en 2000. En effet, l addiction à l usage de l automobile est statistiquement avérée. Les ménages seraient donc théoriquement conscients de la dynamique temporelle de leur consommation de kilomètres en voiture, et tiendraient compte des effets futurs de leur mobilité actuelle pour déterminer leur kilométrage annuel optimal. A l échelle nationale, les élasticités de l automobilité des ménages au prix kilométrique (défini par le coût en carburant pour faire cent kilomètres avec les voitures du ménage) et au revenu ne font pas apparaître de réelle surprise, malgré l originalité du modèle. Ces mesures respectives sont de 0.23 et +0.10 à court terme, 0.37 et +0.16 à long terme, et 8

sont d amplitude comparable avec celles d autres travaux empiriques qui utilisent une spécification voisine. En distinguant le type de motorisation, les auteurs montrent que l usage des voitures à essence est plus sensible que celui des voitures diesel aux variations de prix de leurs carburants. Ils calculent que l élasticité à court terme du kilométrage d une voiture diesel au prix du gazole est de 0.13, et que celui d une voiture essence au prix des supercarburants est de 0.32. Ces valeurs sont quasiment identiques à celles obtenues plus récemment sur l enquête BdF par Calvet (2010), et reportées dans Calvet, Calvet-Marical, 2010, tableau 3 : élasticité de court terme de -0.35 pour l essence et de -0.11 pour le diesel. A long terme, Collet et al. (2010) estime que les sensibilités sont environ 2.5 fois plus fortes. Tableau II.1 Elasticité de l automobilité annuelle des ménages au revenu au coût kilométrique* Horizon Court Long Court Long France métropolitaine +0.10 +0.16 0.23 0.37 * coût en carburant pour 100 kilomètres avec les voitures du ménage. Note : évaluations à la moyenne de l échantillon, et à toutes autres choses égales, i.e. à nombre constant d automobiles, d adultes, de permis dans les ménages. Source : Collet, de Lapparent et Hivert (2010). 9

Tableau II.2 Elasticités-prix du kilométrage annuel des véhicules Voitures à essence (au prix du supercarburant) Voiture Diesel (au prix du gazole) Horizon Court Long Court Long France métropolitaine 0.32 0.52 0.13 0.21 Note : évaluations aux véhicules à essence et diesel moyens, à toutes autres choses égales. Source : Collet, de Lapparent et Hivert (2010). Kemel et al. (2009) exploitent également les données issues de l enquête Parc Auto pour estimer l élasticité au prix du carburant, évalué en euros par kilo d équivalent pétrole, pour un ensemble de variables caractérisant le parc automobile des ménages. A partir des vagues annuelle d enquête 1999 jusque 2007, les auteurs ont identifié 322 ménages répondants systématiquement motorisés sur cette période comptant neuf années. Ce panel long a servi de matériau empirique pour estimer un modèle structurel, comprenant une équation relative à l efficacité énergétique du parc des ménages (mesurée en kilomètres par kilo d équivalent pétrole de carburant), et une autre équation traitant de leur automobilité. Ce modèle est estimé de façon séquentielle, et utilise des spécifications dynamiques dans les deux équations. A court terme, l efficacité énergétique du parc des ménages est pratiquement insensible à l évolution du prix des carburants, dans la mesure où l équipement automobile peut être considéré comme fixe à cet horizon. A long terme, les ménages ont clairement la possibilité de faire évoluer leur parc automobile, notamment en le composant de véhicules moins énergivore lorsque le prix des carburants augmente. A efficacité énergétique donnée, les variations relatives du prix du carburant et du coût kilométrique en carburant sont équivalentes. Ainsi, l élasticité de l automobilité des ménages au prix kilométrique est évaluée à 0.26 et 0.45 à court et long terme, des valeurs assez proches de celles reportées par Collet et al. (2010). Les auteurs mettent également en avant un effet dit «de rebond» : une augmentation du coût de l énergie pousse les ménages à améliorer l efficacité énergétique de leur équipement, réduisant ainsi la progression du coût à l usage, et générant ainsi un rebond de la consommation d énergie. Concernant la consommation de carburant pour l usage de la voiture, Kemel et al. (2009) montrent que l effet de rebond est quasi nul à court terme dans la mesure où l équipement des ménages y est fixe. A long terme cependant, celui-ci est particulièrement élevé, et tend à montrer que les ménages cherchent réellement à limiter l effet de l augmentation du prix du carburant sur leur automobilité, par l amélioration énergétique de leur équipement. Les auteurs montre ainsi un résultat surprenant : l élasticité de l automobilité des ménages au prix du carburant est sensiblement la même (voire supérieure) à court et à long terme, autour de 0.2. Par ailleurs, l élasticité-prix de la demande des ménages en carburant est estimée à 0.30 et 0.76 à court et long terme. Ces mesures sont récapitulées dans la table suivante. 10

Tableau II.3 Elasticités au prix des carburants ( par kilo d équivalent-pétrole de carburant) Efficacité énergétique * Automobilité (à eff. énerg. donnée) Effet de rebond Demande de carburant Automobilité Court Terme +0.05 0.26 0.01 0.30 0.25 Long Terme +0.57 0.45 0.26 0.76 0.19 * : efficacité du véhicule moyen du ménage, en kilomètres par kilo d équivalent-pétrole de carburant Note : le niveau statistique est le ménage. Source : Kemel, Collet et Hivert (2009) 2.5. Estimation sur un appariement d enquêtes de dépenses monétaires ou temporelles (INSEE 1998 et 2001) Deux enquêtes de l INSEE, l enquête de Budgets de Familles (Bdf 2001) et l enquête Emploi du Temps (BdT 1998-99), ont été appariées, d abord par groupement des ménages dans les deux enquêtes (donc par pseudo-panélisation des deux enquêtes en 28 cellules associées dans les deux enquêtes), en fonction de caractéristiques des ménages renseignées dans les deux enquêtes, puis par régression (Gardes-Sayadi-Starzec, 2010). Les échantillons ont été limités aux couples avec ou sans enfants, soit plus de 6500 ménages dans l enquête BdF et 5100 dans l enquête BdT 3. Les dépenses de l enquête BdF ont été rassemblées en huit fonctions de dépenses dont la correspondance a été faite avec les temps d activités de l enquête BdT: alimentation à domicile-temps de préparation et de repas, logement (incluant un loyer fictif pour les propriétaires)-réparations et entretien du logement, Habillementmaintenance des habits, transport-temps de transport, éducation-temps d éducation, santétemps consacré aux soins et à la santé, loisir-temps de loisir, divers-temps des activités diverses. On a alors affecté à chaque ménage de l enquête BdF les dépenses temporelles correspondant aux activités, soit en appariant les cellules de chaque enquête dans la pseudopanélisation, soit en utilisant les coefficients d une régression effectuée sur l enquête Budgets-temps des temps d activités sur un vecteur de caractéristiques socio-économiques du ménage. On trouvera des détails de cette procédure dans Gardes-Sayadi-Starzec (2010). Estimation du coût d opportunité du temps Deux méthodes ont été utilisées pour calibrer le coût d opportunité du temps des ménages : selon la première, le coût d opportunité est estimé par le taux de salaire minimal officiel, le travail domestique étant supposé substituable par un travail marchand à faible productivité. Dans la seconde estimation, on suppose que l individu compare les productions domestiques et marchandes : le coût d opportunité est alors son propre taux de salaire marchand net, mesuré par la moyenne des 3 Une pondération a permis de tenir compte des proportions d individus enquêtés en semaine ou pendant la fin de semaine 11

salaires estimés (par la méthode d Heckman) pour la personne de référence et son éventuel conjoint. Endogénéité : une endogénéité peut apparaître entre les prix complets et la dépense complète, puisqu ils dépendent tous deux du coût d opportunité choisi et des temps de travail domestique estimés. On en tient compte en estimant la dépense par l un des coûts d opportunité et le prix par l autre. Le calcul du coût d opportunité en fonction du taux de salaire et de l imposition sur le revenue: OC=w(1-g), suppose non seulement une substituabilité entre les deux types de travail, mais qu il n y a pas de coût de transaction dans l application des choix de travail marchand ou domestique. On peut montrer en effet par un modèle simple que cette formule peut être modifiée dans un cadre de production domestique, et que le coût d opportunité pourrait être plus faible, autour de 0.5w(1-g) : supposons que l utilité soit de forme Stone-Geary en fonction des activités i en quantités Q i : et que la production domestique suive une fonction Cobb-Douglas des dépenses monétaire m i et temporelle t i attachée à chaque activité :, le taux marginal de substitution entre les deux facteurs, à production constante, s écrit : avec et y le temps disponible total pour la consommation et la dépense totale, sous la condition que le rapport des élasticités des deux facteurs soit constant:. On obtient : 1 0.51 avec le temps de travail marchand du ménage. Spécification des fonctions de demande Les estimations sont faites soius les contraintes d homénéité et de symétrie des effetsprix, avec une specification linéaire Almost ideal DS (une estimation quadratique QAIDS fournit des élasticités-prix similaires). Le biais d estimation des élasticités-prix avec indice de Stone est corrigé selon la méthode de Pashardes (Economic Journal, 1997). Correction des effets de qualité Un effet de qualité apparaît dans ce modèle, comme dans le modèle de Deaton (determination d élasticités-prix à partir des différentiels de prix locaux repérés par les valeurs unitaires des dépenses, différentiels qui peuvent contenir des différences de qualité, Deaton, 1988). En effet, une augmentation du prix complet du bien i (dans la dimension d observation transversale, c est-à-dire entre deux ménages) peut provenir, soit d un accroissement du coût d opportunité, soit d une augmentation du temps d activité t i. Chacune de ces augmentations induit un accroissement de la qualité de cette activité, par une hausse possible de la productivité marginale de l activité domestique dans le premier cas, ou du fait de l augmentation du rapport des deux facteurs dans la production de l activité i. Cette variation endogène de la qualité influence les dépenses monétaires et temporelles relative à cette activité. On obtient, comme dans le modèle de Deaton, une élasticité de la quantité Q i sur le prix qui s écrit : 12

/ / / où / est l élasticité-prix exacte (hors effet-qualité), / l élasticité-revenu et l élasticité-revenu de la valeur unitaire (valeur unitaire de la dépense comprenant l effetqualité). Cette formule permet de calculer l élasticité vraie en fonction des trois autres paramètres, le problème consistant à estimer le paramètre. Pour ce faire, on peut écrire le modèle pour un individu i dans la sous-population (cellule) C (1),,, (Deaton s equation 14), (2),,, (Deaton s equation 15), On fait l hypothèse que tous les ménages de la même sous-population (définie par exemple par l âge et le niveau d éducation du chef de famille, la localisation du ménage ) sont soumis, du fait de l homogénéité de cette population : (i) au même coût d opportunité du temps, (ii) à la même fonction de production domestique. Il suffit alors d estimer par l équation (2) en intra-cellule et / et / par l équation (2) avec les prix locaux moyens de la cellule C. Résultats de l estimation Elasticité-revenu complet Tableau II.4 Elasticité-prix complet (corrigée de la qualité) 13 Elasticité-prix de Frisch sous l hypothèse de séparabilité additive*** Food 0.92-0.680 (.012) Alcohol,Tob. 0.39-0.173 (.078) Housing 0.76-0.648 (.037) Clothing 0.93-0.517 (.066) Transport 1.24-0.442 (.016) Leisure 1.14-0.590 (.006) Other exp. 1.21-0.297 (.112) Notes: *Total of des dépenses de lodgement et d énergie ** Contenant d autres dépenses que de seule santé *** Income flexibility Φ calibrée à -0.46; =-1/0.46=-2.174 (voir Gardes, 2010) Elasticité-prix par la méthode d aggrégation des sous-postes (Hicks-Lewbel, Ruiz-Trannoy) -0.58-0.810 (0.169) -0.18-0.522 (0.097) -0.48-0.383* (0.150) -0.48-0.527 (0.066) -0.67-0.549 (0.010) -0.72-1.306 (0.032) -0.39-0.953** (0.142)

Conclusion 1. Les élasticités-prix complet sont toutes négatives, significatives et assez proches de celles qu on peut déterminer sous l hypothèse (difficilement acceptable en pratique) de séparabilité additive de l utilité (voir Gardes, 2010). 2. L élasticité-prix des dépenses complètes de transport est de -0.44, soit une valeur proche des élasticités-prix de longue période estimée sur le panel Parc Autos (Tableaux II.1 et II.3 : élasticités de -0.37 et -0.45 pour l automobilité et de -0.76 pour la dépense de carburant), soit des élasticités-prix beaucoup plus élevées (en valeur absolue) que celle qu on a pu déterminer avec des modèle dynamiques sur séries temporelle macroéconomiques (-0.10 à -0.15 pour les modèles ECM, -0.22 pour le modèle d ajustement partiel). 3. La correction pour la qualité endogène s avère importante : de l ordre de 20% en moyenne (voir l Annexe A2.2). 4. Les élasticités-revenu complet diffèrent des élasticités-revenu monétaire classiques (l élasticité classique estimée sur l enquête BdF 2000-donc avec des biais d endogénéité possibles, voir Gardes et al., 2005- est 1.107 (0.016) alors que l élasticité-revenu complet est 1.24 : elles sont donc comparables. Par contre, les mêmes élasticités pour l alimentation à domicile sont de 0.15 et 0.92- on sait que l effet-revenu estimé en cross-section est fortement biaisé à la baisse (gardes et al., 2005): ceci indiquerait une meilleure information sur l effet-revenu donné par l élasticité-revenu complet. Conclusion de la section On a dans ce chapitre utilisé diverses méthodes, dont une originale (appariement de budgets de famille et de budgets-temps) qui ont montré ma possibilité de calculer très précisément des élasticités-prix sur données individuelles, permettant ainsi de comparer les effets-prix de diverses populations. Au terme de ces analyses, les élasticités-prix de longue période s avèrent, pour les dépenses de transport et plus particulièrement pour celles de carburant, plus élevées que celles qu on peut estimer à partir de séries temporelles agrégées : de l ordre de -0.45 à -0.7, elles indiquent une substitution probable, en longue période, vers d autres modes de transport. On peut conjoncture qu elles doivent être particulièrement fortes pour les sous-populations profitant de grandes possibilités de changement de mode de transport, et au contraire plus faibles pour les populations soumises à de forts coûts fixes, comme probablement les populations rurales. On laisse cette étude à des recherches futures utilisant les méthodes que nous avons explorées. 14

III. Analyse de l effet de la volatilité sur séries temporelles macroéconomiques françaises, 1979-2006 3.1. Présentation des données Des séries mensuelles de prix de l essence et du gazole ont été constituées à partir des données professionnelles, sur la période Janvier 1969-Décembre 2008. Un prix moyen des carburants a été calculé à partir de la part des deux types de carburants. C est la consommation totale de carburant et ce prix moyens qui seront analysés dans ce chapitre. L ensemble des séries macroéconomiques est reproduit en Annexe A. 31.1. Des séries mensuelles des prix de l essence et du gazole ont été constituées à partir des archives du CPDP (Comité professionnel du pétrole) sur la période janvier 1969 décembre 2008. Ces séries longues ont permis de calculer un prix mensuel du carburant en pondérant les prix précités par les volumes vendus mensuellement, tant d essence que de gazole, puis de calculer, pour chaque année, un indicateur de volatilité sous la forme d un coefficient de variation. Des séries annuelles ont aussi été constituées : consommation de carburant, prix des carburants, consommation moyenne en litres aux 100 km et P.I.B. Concernant les données mensuelles, il convient de préciser que la collecte a, en fait, porté sur les prix des 6 produits qui sont, en totalité ou en partie, utilisés par les automobilistes : l essence-auto (retirée en 1994), le super plombé (retiré en 1999), le super ARS (entre 2000 et 2007), le super sans plomb 95 (introduit en 1990), le super sans plomb 98 (introduit en 1990) et le gazole qui, lui, a été disponible pendant toute la période étudiée. Mais durant cette période de 40 ans, les sources primaires utilisées par le CPDP ont changé, et il convient au moins de distinguer deux périodes, 1 ère période : de janvier 1969 à janvier 1985, le prix est fixé par arrêté. Le CPDP retient le prix plafond en vigueur à Paris ; 2 ème période : de février 1985 à décembre 2008, Le prix est libre. Le suivi des prix est assuré par le ministère chargé de l énergie. Il s agit alors d une moyenne nationale. Le passage, en février 1985, d un système de prix administrés à un système de prix librement fixés par les opérateurs peut, peut-être, avoir un impact sur la volatilité des prix des carburants. Concernant les données annuelles, autant il est souhaitable de distinguer entre la consommation de carburant tous utilisateurs confondus et la consommation de carburant par les seules voitures, autant cette ventilation n est pas disponible sur toute la période étudiée. La ventilation par utilisateurs provient, là encore, du CPDP. Les annuaires du CPDP contiennent des données comparables pour la période 1995 à 2008. Pour les années antérieures, il a fallu procéder à une rétropolation simple calée sur l année 1995 pour les années 1989 à 1995 et à une double rétropolation sur l année 1989 pour les années 1969 à 1989. 15

Pour ce qui est des consommations moyennes (en litres aux 100 km), les données proviennent du rapport de la Commission des comptes des transports pour les années 1990 à 2008. Pour les années antérieures, nous avons du utiliser d autres sources. Pour les années 1988 et 1989, les données proviennent de l enquête réalisée par SECODIP. Pour les années 1975 et 1987, les données proviennent de la documentation personnelle d un expert de l AFME. Pour les années antérieures à 1975, nous avons fait l hypothèse que la consommation moyenne restait constante, car les efforts d économie d énergie ne se sont traduits dans les chiffes qu après le premier choc pétrolier. Il faut donc aussi garder à l esprit que nous nous sommes livrés à un travail d homogénéisation des séries disponibles car nous avons été confrontés aux inévitables ruptures dans les séries chronologiques aussi longues. Les principales ruptures concernent : les prix des carburants, en 1985 ; les consommations en litres aux 100 km, en 1990 ; la ventilation des volumes selon les utilisateurs, en 1995. L ensemble des données macroéconomiques est reproduit en Annexe A. 31.2. Quatre remarques préliminaires peuvent être faites concernant ces données macroéconomiques : a. La volatilité d une série temporelle dépend de la périodicité des observations cette série : une volatilité sur série trimestrielle ne correspondra pas nécessairement à la volatilité de la série annuelle associée, si une partie de la volatilité de la série trimestrielle se corrige dans l année : dans ce cas, la raison en est donc que l existence de variations intra-périodiques disparait éventuellement avec l agrégation temporelle, mais l inverse peut être également vrai (voir par exemple les travaux de Hall sur la consommation agrégée comme marche aléatoire et les raisons de l absence de validation empirique de ce modèle liées à la nature des séries temporelle, ou la différence des dynamiques de l investissement selon le terme d analyse). b. La variabilité des carburants peut s observer dans la dimension temporelle mais également dans la dimension transversale des comparaisons interindividuelles ; on pourra donc s intéresser à une méthode permettant de tester l effet de la variabilité des prix sur la demande à partir de statistiques d enquêtes en cross-section. c. Les évolutions de la volatilité du prix des carburants peuvent être corrélées aux cycles économiques : on sait par exemple que le prix des matières premières subit de fortes hausses en fin de phase d expansion des cycles longs et court (du fait de la rareté liée à l expansion et de la spéculation qu elle engendre, voir Gardes, 2008) Ceci rend plus difficile l estimation des relations entre volatilité et demande puisqu il faut spécifier un modèle dynamique tenant compte des évolutions cycliques. 16

d. Il peut exister, sur l ensemble de la période étudiée ou par sous-périodes, des variations corrélées entre les prix des divers types de carburants ou d autres coûts relatifs au transport, qui nécessiteraient une étude de volatilité multidimensionnelle. Dans cette étude, nous nous limitons à l étude unidimensionnelle de la volatilité du prix moyen des carburants. 1.2.Indices de volatilité Deux types d indices sont considérés : 1. Indices non conditionnels : Ce sont des indices basés sur les moments d ordre 2 et plus. a. Estimation récursive par moyenne mobile : la volatilité est mesurée par la moyenne des carrés de la variable centrée sur n périodes passées, le nombre de période étant déterminé par les cycles de prix : 1 1 b. Coefficient de variation annuel sur fenêtre mobile : calculé sur les valeurs mensuelles de la variable (rapport de l écart-type annuel à la moyenne annuelle). c. Lissage exponentiel : Une spécification autorégressive est estimée sur l indice de volatilité auquel s ajoute le carré de la variable décalée ; cette spécification correspond à une moyenne mobile sur un horizon infini ou à un ARIMA(0,1,1): 1 avec 01 soit encore : 1. A partir d une valeur initiale de v et y en période 1 (v étant par exemple l écart-type calculé sur quelques périodes antérieures), on déterminera par cette équation la valeur de v en période 2, puis pour toutes les périodes successives. Ceci processus est intéressant dans la mesure où il minimise l écart quadratique moyen si y suit ARIMA(0,1,1): 1 d. Processus autorégressif sur le prix : le prix en données mensuelles est dans une première étape mis en relation avec ses valeurs passées selon un processus autorégressif. Cette première estimation fournit un résidu, dont la valeur absolue est lui-même estimé selon un processus AR(12) : é é: La valeur absolue de ce dernier estimé fournit un indicateur de volatilité. 17

Ces divers indicateurs non conditionnels pourraient être utilisés conjointement en combinaison linéaire, leurs poids étant estimés dans l équation de demande. 2. Indices conditionnels : Des processus ARCH et GARCH sont estimés, sur les données annuelles et sur les données mensuelles de prix après vérification de la stationnarité de ces séries. Dans ce dernier cas, leur moyenne annuelle est utilisée comme indice de volatilité. 3.3.Spécifications retenues pour la fonction de demande L équation de demande des carburants est d abord estimée sous forme statique, double-logarithmique de la dépense (réelle) en carburant par rapport au prix relatif (divisé par un indice général des prix), au PIB réel, à la consommation aux cent kilomètres et aux indicateurs de volatilité (équation 1 du I.2, justifiée théoriquement en I.3). Deux modèles dynamiques sont estimés : une équation autorégressive correspondant à un modèle d ajustement partiel (équation 2 du I.4) et un modèle à correction d erreur, justifié par la cointégration des variables analysée ci-après (équation 3 du I.4). 3.4. Résultats des estimations 34.1. Estimation de différents modèles statiques de la demande de carburant sur l ensemble de la période (1969-2008 en données annuelles), en niveaux : L effet univoque du prix relatif des carburants n est pas significatif. Une forte autocorrélation AR(1) caractérise par ailleurs l estimation (équation 1.a). L ajout du revenu des ménages, mesuré par le PIB réel, fournit, dans un modèle avec une forte autocorrélation négative, une élasticité revenu unitaire et une faible élasticité-prix directe (non corrigée de l effet-revenu) de -0.1 (équation 1.b). L ajout de la consommation moyenne aux 100 km, très significative, augmente substantiellement l élasticité-pib (qui passe à 1.28 : équation 1.c). L adjonction d un indicateur descriptif non conditionnel de volatilité du prix des carburants (le coefficient de variation) s avère significatif (t de Student égal à 3.6 : équation 1.d) et négatif (élasticité de -0.58). L effet du coefficient de variation estimé par ARCH (sur données mensuelles) est également négatif (-0.23 en élasticité) et significatif (le coefficient calculé sur les prix annuels est moins significatif mais également négatif). La correction de l autocorrélation AR(1) par les méthodes habituelles ne modifie pas ces conclusions. 34.2.Stationnarité des séries entrant dans les modèles : 18

a. Les tests (Dickey-Fuller, DF augmentés) montrent que toutes les séries sont intégrées d ordre 1 (type I(1)) : a. Demande de carburant ; b. Prix relatif ; c. Revenu (pib) ; d. Consommation moyenne. Les modèles doivent donc être estimés en différences premières pour éviter les biais de corrélations apparentes dues à des tendances communes. 34.3.Modèle statique estimé en différences premières : Le modèle est estimé avec le PIB réel, le prix relatif des carburants et la consommation aux cent kilomètres. Dans l estimation en différence, l élasticité-revenu est toujours unitaire et l élasticité-prix est significative et de l ordre de -0.07. Ces deux paramètres correspondent aux attentes théoriques, bien que l élasticité-prix (non compensée) soit faible. Il apparait que l effet de la volatilité ajoutée mesurée par un indicateur non conditionnel n est que faiblement significative (élasticité de -0.09, t de Student à 1.7). L effet de la volatilité est également négatif et faiblement significatif quand elle est mesurée par la variance conditionnelle du modèle ARCH, estimé sur données mensuelles (t de Student à 1.7) ou annuelles (t de Student à 3.11). 34.4. Modèle d ajustement partiel : Dans cette spécification dynamique, la dépense de carburant est estimée de manière autorégressive (équation 9) sur les mêmes variables explicatives après instrumentation de la dépense retardée sur le PIB. L estimation de ce modèle en différences premières fournit un coefficient d ajustement à la cible de lmlong terme de 0.5 à 0.6. L estimation du modèle en fixant l ajustement à ce niveau permet d estimer un effet de la volatilité négatif, mais non significatif (t de student entre 0.8 et 1.2 selon l indice de volatilité).. 34.5. Modèle à correction d erreur (ECM) : Ce modèle correspond au mode d intégration des variables de prix et de dépense. L effet des indicateurs non conditionnels est négatif (-0.4 à long terme, -0.1 à court terme) mais peu significatif (t de Student de l ordre de l unité à court terme, de 3.2 à long terme), à la fois dans l équation des équilibres de longue période et dans l équation d ajustement dynamique. L indicateur conditionnel calculé à partir d un ARCH mensuel fournissent également des paramètres négatifs mais non significatifs. Conclusion L analyse des données macroéconomiques indique des élasticités revenu et prix correspondant aux attentes : de l ordre de l unité pour l élasticité au PIB et de -0.1 à - 0.2 pour l élasticité-prix. L effet des divers indicateurs de volatilité est négatif mais généralement peu significatif, sauf pour l estimation d un modèle statique en différences premières. Ce type de données ne permet donc pas de montrer un effet incontestable de la volatilité du prix des carburants sur leur demande. Ceci est du sans doute à l information limitée apportée par ces données macroéconomiques, ainsi 19

qu à l existence de périodes très différentes quant au marché des carburants, qui fait douter de la stationnarité des séries sur l ensemble de la période 1969-2008. Il conviendrait d en tenir compte à l aide de modèles à régimes différenciés. IV. Analyse de données groupées des enquêtes de Budgets de Famille 4.1. Introduction Deux pseudo-panels des enquêtes répétées de Budgets de Familles de l INSEE ont été constitué par Lucie Calvet pour les enquêtes 1985, 1989, 1995, 2001, 2006 : le premier groupe les ménages par tranche d âge du chef de famille et par C.S.P., le second par génération et le niveau de diplôme. Dans ce rapport, on effectue deux types d estimation sur le pseudo-panel par âge : (i) Les résidus d une estimation d un modèle de demande (soit double-logarithmique, soit en spécification Almost Ideal, estimée sur une seule équation de forme Working) sont classés par périodes de volatilité très forte, forte, moyenne de manière à repérer qualitativement une relation entre ces deux variables, puis au moyen d un test quantitatif, la relation entre les signes de ces résidus et le degré de volatilité de la période. (ii) Une seconde méthode consiste à opérer une estimation de différence en différence entre deux sous-populations (susceptible d avoir des coûts fixes à la motorisation inégaux) et deux années différenciées en terme de volatilité intra-annuelle du prix des carburants. Cette estimation est soumise aux restrictions habituelles de cet opérateurs, d une égale influence de tous les autres déterminants macroéconomiques communs aux deux sous-populations (voir par exemple Crépon-Jacquillat, 2010, chapitre 10 ou Cameron-Trivedi, chapitre ). Données L enquête Budget de Famille L enquête Budget de Famille va être utilisée ici pour estimer empiriquement l effet de la volatilité sur la consommation de carburant. Cette enquête est réalisée à un rythme quinquennal, les enquêtes retenues dans cette étude sont celles menées en 1985, 1989, 1995, 2001 et 2006. Entre 1985 et 2006, l échantillon total est de 51 199 ménages métropolitains, soit environ 10 000 ménages par enquête (pour plus de détail sur Budget de Famille, se référer à l Annexe C1). 20