Les aspects théoriques de la réparation du préjudice économique : Réparation intégrale et typologie des préjudices



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Transcription:

Les aspects théoriques de la réparation du préjudice économique : Réparation intégrale et typologie des préjudices CYCLE DE CONFERENCES 2006-2007 «Risques, assurances, responsabilités» Les limites de la réparation La réparation du préjudice économique Maurice Nussenbaum, Professeur à l Université Paris Dauphine, associé de Sorgem Évaluation, expert financier agréé par la Cour de Cassation Jeudi 26 avril 2007 Cour de Cassation 1

SOMMAIRE 1. Qu est ce qu un Préjudice 3 2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice 6 3. Construire une typologie des préjudices économiques 11 4. Analyser les conséquences du préjudice 17 5. Un cas particulier d atteinte patrimoniale 22 6. Date de fixation des dommages 24 7. Nature des informations nécessaires pour quantifier le préjudice 31 8. Les problèmes spécifiques liés à la détermination de la situation normale 32 Conclusion 34 2

1. Qu est ce qu un Préjudice C est l écart entre situation normale et situation effective (en anglais «but for») Situation normale + faute préjudice Situation effective (réelle) La difficulté pour l économiste, c est de reconstituer la situation normale, situation qui n a pas eu lieu. 3

1. Qu est ce qu un Préjudice (suite) Maurice Nussenbaum Notion de préjudice économique : Absence de catégorie spécifique en droit français 1. Préjudice économique = préjudices liés à une activité économique de production ou de service (qu ils soient autres que l atteinte à une chose ou une personne ou consécutive à une telle atteinte) 2. «Pure economic loss» = préjudice pécuniaire détaché de toute atteinte matérielle ou corporelle 3. Conséquences de fautes de nature économique tq atteinte à l intégrité d un marché (pratiques anti-concurrentielles ou pratiques prohibées sur les marchés boursiers On retient la définition (1) 4

1. Qu est ce qu un Préjudice (suite) Le préjudice selon le type de bien Bien ou actif patrimonial ne générant pas de revenus (ex : tableau de maître, maison d habitation) Préjudice = perte de jouissance + coûts subis (réparation, remplacement, ) Actif d exploitation destiné à générer des revenus /fins lucratives Préjudices = coûts subis + pertes de profits 5

2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice Pour l économiste, tout à une valeur, qu il s agisse d une valeur d usage (ou d utilité) ou d échange. Les prix (donc la valeur vénale) dépendent de l offre et de la demande. La valeur d usage (ou d utilité) Pour un actif de jouissance Pour un actif de production 6

2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice (suite) Les prix et les coûts sont des notions distinctes : les prix résultent de l équilibre offre / demande, les coûts dépendent des prix des facteurs de production. Le coût d opportunité est une notion essentielle qui exprime le revenu que pourrait rapporter un actif dans le meilleur emploi alternatif : des locaux vides appartenant à l entreprise ont un coût d opportunité égal à leur valeur locative. 7

2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice (suite) Il existe donc des approches différentes pour définir les préjudices affectant les 2 types d actifs. Actifs de jouissance : Coûts de remplacement ou de remise en état : C est le minimum des deux, si les deux sont possibles, C est le coût de remplacement si la remise en état n est pas possible, C est la remise en état, quel que soit son coût, si le remplacement n est pas possible. 8

2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice (suite) Il peut en résulter un enrichissement Justifié par le principe de réparation intégrale (dès lors que le valeur d usage est affectée). 9

2. Approches économiques et juridiques pour appréhender le préjudice (suite) Actifs d exploitation Usage normal : Revenus normaux - Coûts normaux = profit normaux Situation réelle : Revenus réels - Coûts réels = Profits réels Préjudice : Différence de revenus - Différence de coûts = différence de profits 10

3. Construire une typologie des préjudices économiques 11

3.1. Une typologie des préjudices économiques par domaine N1 N2 N3 Activité Domaine Problématique spécifique Concurrence Cartels Abus de positions dominantes (Accès à des facilités essentielles, économie des réseaux, abus de la fixation du prix) Date de la cessation des paiements Entreprises en difficultés / Procédures collectives Contentieux commerciaux Banque et marchés financiers Fiscalité Propriété intellectuelle Situation irrémédiablement compromise Soutien abusif d'une banque Faute de gestion des dirigeants Préjudice économique résultant de l'inexécution d'un contrat Concurrence déloyale/parasitisme Atteinte à l'image de marque Rupture abusive de pourparlers Produits défectueux Faute dans le devoir de banquier Taux usuraires Manipulation de cours / délit d'initié Opérations sur dérivés Prix de transfert Prix de cession de sociétés et/ou d'activités Contrefaçons de marques et brevets Contrefaçons de logiciels Contrefaçons de produits Fusions acquisitions Organismes publics/réglementaires complément de prix (earn out) et ajustement de prix Recours contre / défense d'une décision d'un Etat (France ou Autres) Recours contre / défense d'une décision des organismes de contrôle (Commission Bancaire, Commission de Contrôle des Assurances) Recours contre / défense d'une décision de l'amf Recours contre / défense d'une décision de la Commission Européenne Recours contre / défense d'une décision du Conseil de la Concurrence 12

3.2. Nécessité pour le juge de caractériser la nature du préjudice subi Passé Futurs Pertes subies (damnum emergens) Coûts supplémentaires Destruction d actif Coûts supplémentaires futurs Manque à gagner (lucrum cessans) Perte de revenus passés Insuffisance de revenus futurs 13

3.2. Nécessité pour le juge de caractériser la nature du préjudice subi (suite) Cas particulier de la perte de chance (loss of chance) Absence de définition juridique générale Elle est courante en matière délictuelle ou quasi-délictuelle. Mais elle peut être utilisée en matière contractuelle. 14

3.2. Nécessité pour le juge de caractériser la nature du préjudice subi (suite) Cas particulier de la perte de chance (loss of chance) (2) Maurice Nussenbaum Faute qui a pour conséquence de réduire à néant la possibilité de réaliser un profit ou d éviter une perte La notion s applique donc aussi bien aux pertes (qui auraient pu être évités) qu aux bénéfices (qui auraient pu être obtenus) 15

3.2. Nécessité pour le juge de caractériser la nature du préjudice subi (suite) Cas particulier de la perte de chance (loss of chance) (3) La chance perdue est un préjudice certain. La conséquence étant aléatoire : on ne récupère pas l intégralité de la conséquence favorable mais : 16

4. Analyser les conséquences du préjudice 4.1 Les différentes notions de coûts : Attention à la différence entre coûts comptables et coûts économiques 1. Coûts comptables Coûts variables Coûts directs Coûts fixes (et frais généraux) Maurice Nussenbaum 2. Coûts économiques Incluent des coûts ignorés par les comptables Excluent des coûts pris en compte par les comptables Coûts d opportunité (inclus) Coûts exclus : Sunk costs tels que amortissements ou dépenses passées non récupérables (n influe pas sur la décision actuelle). Coûts marginaux (ou coût incrémental) : variation du coût total pour une unité supplémentaire produite Notion d horizon : court terme ou long terme. 17

4.2 Coûts subis : existence d une ambiguïté avec les gains manqués Cas général : tous les coûts supplémentaires supportés par la victime pour restaurer sa situation. Dans certains cas, le coût subi est un coût d opportunité, c est-àdire une perte implicite de revenus : Ex : Service interne de réparation qui en réparant un préjudice manque une prestation facturable. Dans certains cas le coût subi peut être assimilé à un manque à gagner 18

4.3. Gains manqués et pertes de revenus Il s agit d une appréciation in abstracto «du gain qui pourrait être raisonnablement attendu, eu égard au cours normal des évènements» (art. 252 du code civil allemand) Fonction des éléments suivants : Prix moyens de marché. Coûts normaux de production. État de la demande et de la part de marché. 19

4.4. Perte de revenus et perte de valeur d un actif A priori 2 notions différentes : valeur de bien = - Valeur vénale - Coût de reconstitution - Valeur d usage Mais en fait, les 2 notions se recoupent : - valeur d une entreprise = valeur des bénéfices futurs attendus : (cash flow net des dépenses d investissement) - Et perte de valeur d un actif patrimonial 20

4.4. Perte de revenus et perte de valeur d un actif (suite) Maurice Nussenbaum Cas particulier de la perte de valeur d un savoir-faire du fait de sa divulgation. Ex : affaire Chantelle (cf Arrêt du 27 septembre 2000 de la CA de Paris Stés VF Diffusion et VF Boutiques c/ Sté Chantelle SA ) Un savoir-faire est un actif patrimonial mais aussi un actif de production. Mais il ne perd sa valeur que si sa capacité à générer des revenus futurs est obérée En distinguant de manière stricte les actifs patrimoniaux des actifs productifs, le droit sous-estime leur continuité. Une perte de valeur doit être démontrée par une perte prouvée d une capacité à générer des revenus dans l avenir ou par une perte de valeur vénale. 21

5. Un cas particulier d atteinte patrimoniale Divulgation ou copie d un savoir-faire et usage illicite : cas de la faute lucrative Le droit à restitution des gains illicites n est pas consacré par le droit français (proposition dans le projet de réforme du Code des obligations art. 1 371). La victime a cependant été privée d une négociation : celle qui aurait conduit à en refuser l usage ou à en fixer le prix. Le prix qui aurait ainsi été établi constitue un coût d opportunité pour elle (c est-à-dire le revenu non perçu d un usage alternatif). Le prix aurait été fixé au niveau qui aurait rendu inintéressant ou dissuasif l usage illicite. 22

Divulgation ou copie d un savoir-faire et usage illicite : cas de la faute lucrative (suite) La restitution (d une partie) des gains illicites est donc assimilable par la règle de la réparation intégrale. Elle l est déjà dans certains cas (atteinte à certains biens contrefaçon). 23

6. Date de fixation des dommages Le droit français : date du jugement Le droit considère que l évaluation à la date du jugement permet d assurer la réparation intégrale. Valeur : naît au jour du dommage Quantum : déterminé le jour du jugement La «valeur» détermine l étendue du dommage. Elle est définie au jour du dommage. Cette approche repose sur une quasi fiction : on peut séparer la substance du préjudice de son quantum. 24

6.1 Conséquence de cette définition 1. La victime sera indemnisée de l aggravation du dommage entre sa date d occurrence et le jugement si cette aggravation n est pas de son fait. (absence de «duty to mitigate») 2. La victime pourra bénéficier d un enrichissement du fait : Soit de la variation de valeur de l actif, objet du préjudice (par ex augmentation des réserves d un gisement), Soit de l augmentation non attendue des flux de revenus. 25

6.1 Conséquence de cette définition (suite) Le juge peut cependant retenir une date différente de celle du jugement : Si le créancier a refusé une offre raisonnable de réparation formulée par le débiteur, Si le cours des marchandises indemnisées a chuté au jour du jugement, Si le bien s est déprécié après le dommage (terrain devenu non constructible) 26

6.1 Conséquence de cette définition (suite) La règle est dictée par la volonté de ne pas faire bénéficier l auteur du dommage d un effet d aubaine. Il s agit de protéger la victime : l indemnisation ne s appuie pas sur la valeur anticipée du bien ou des revenus attendus au moment du dommage (elle n est pas une évaluation ex-ante) En ce sens, elle s avère : Non fondée économiquement lorsqu il s agit de perte de revenus, Imprévisible et entachée d arbitraire (par suite d une modification de la date). 27

6.2. L approche économique de la prise en compte de la date Pour l économiste, seuls les revenus raisonnablement attendus au moment du dommage devraient être indemnisés avec prise en compte de l érosion monétaire, Les évènements aléatoires survenus entre la date du dommage et celle du jugement sont sans lien direct avec le dommage. En faire bénéficier la victime revient à supposer qu elle n aurait pas modifié le cours des affaires jusqu au jugement (gain certain ou perte de chance?). 28

6.3. L actualisation des préjudices L actualisation permet de ramener les revenus espérés dans l avenir à une valeur aujourd hui (taux sans risque + prime de risque). La capitalisation (au sens financier) au taux sans risque (taux légal) permet de ramener l évaluation passée à la compensation aujourd hui. Attention à la distinction entre capitalisation et addition des intérêts. Pour l économiste, la capitalisation des intérêts s impose. 29

6.3. L actuation des préjudices (suite) capitalisation Date de l évaluation actualisation taux d intérêt effectif ou taux légal Taux d intérêt + PR Le passé étant certain et le futur aléatoire, les taux applicables sont nécessairement différents : taux avec prime de risque pour l actualisation et taux sans risque ou taux légal pour la capitalisation 30

7. Nature des informations nécessaires pour quantifier le préjudice Pertes subies : documents comptables + estimation Manque à gagner : importance de la définition de la situation normale de référence - Nécessité de disposer d une information économique et comptable analytique fiable - D où le problème de l accès aux preuves (discovery?) 31

8. Les problèmes spécifiques liés à la détermination de la situation normale Le plus souvent celle-ci s avère «spéculative» par nature puisqu il faut décrire ce qui se serait passé en l absence de préjudice : Sa définition est d abord d ordre juridique car il s agit de dire ce qui se serait passé en l absence de faute. Seule sa mesure relève de l expertise. 32

8. Les problèmes spécifiques liés à la détermination de la situation normale (suite) Méthodes possibles : par comparaison avec d autres situations ou sociétés comparables non affectées ; par référence à des invariants pré-existants tels que : part de marché avant coûts,. Par modélisation : Economique : simulation du prix de marché concurrentiel Econométrique et statistique pour effectuer des projections ou chercher des éléments comparables. 33

Conclusion Maurice Nussenbaum L évaluation des préjudices comprend deux composantes complémentaires : définition et choix des méthodes d une part et mesure d autre part. Si la mesure relève du fait, la définition appartient au juge qui devrait pouvoir : Définir la situation normale, Qualifier le type de préjudice en fonction du type de bien (actif patrimonial ou actif d exploitation) : Coûts subis et/ou manque à gagner, Passé et/ou futur. Qualifier les types de coûts et de bénéfices pris en compte, Justifier la date de référence et valider les informations prises en compte. 34