Mardi 25 décembre Culte de Noël au temple de Brest. Une communauté en cadeau. «Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce.

Transcription

1 Mardi 25 décembre Culte de Noël au temple de Brest. Jean I Une communauté en cadeau. «Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce.» Avez-vous reçu un ou plusieurs cadeaux pour ce Noël? Peut-être ne les avez-vous pas encore ouverts, et attendez-vous d être rentrés chez vous pour les ouvrir. Mais même si vous n avez rien reçu, j ai la joie de vous partager un cadeau, de vous en offrir un, de la part du Seigneur. : «Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce.» C est a priori le genre de cadeau pour lequel on ne peut que prononcer un «merci...» un peu gêné, dans lequel il faut entendre aussi : «mais qu est-ce que c est?» Et le fait est que ce cadeau, comme la plupart des cadeaux de Dieu, ne correspond pas à la façon dont nous les humains nous concevons les cadeaux. Reprenons donc un peu cette phrase, et essayons de la comprendre en nous appuyant sur ce que Jean nous a dit auparavant. «Nous avons tous reçu». Voilà un premier détail de ce cadeau magnifique : c est qu il n est pas réservé à Jean. Celui-ci ne dit pas : «et j ai reçu pour moi tout seul...» Voilà une première différence importante avec nos cadeaux humains. En général, ils sont fait à l intention d une seule personne, son destinataire officiel. Si vous faites un cadeau à quelqu un en comptant bien en profiter autant, on peut soupçonner votre intention profonde! Ici, ce cadeau concerne de nombreuses personnes. Et cela fait même déjà partie du cadeau : voilà un cadeau qui vient briser notre égoïsme, notre tentation de toujours nous replier sur nous seuls. Ce cadeau, c est déjà un «nous», une communauté. Ce n est pas un cadeau fait à chacun d entre nous isolément, individuellement. Ce cadeau constitue notre communauté, notre famille. Ce nous, avant tout, concerne ici Jean l évangéliste et les premiers chrétiens avec qui il a vécu de ce cadeau. Je peux dire cela parce que juste avant, il a pu dire : «Et la Parole s'est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.» Par cette phrase, Jean fait allusion à sa propre expérience, une expérience qu il n a pas vécu tout seul, mais avec d autres disciples. C était au moment de la Transfiguration, quand, avec Pierre et Jacques,

2 son frère, Jean a contemplé Jésus rayonnant de lumière, en quelque sorte dans un avant goût de sa résurrection. Et vous vous souvenez sans doute qu à ce moment-là, les trois disciples ont entendu une voix disant : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le!». «Nous avons tous reçu». Ce cadeau a été reçu. En apparence, rien de plus normal pour un cadeau, puisque c est un don. Mais il peut y avoir, dans les cadeaux que nous nous faisons, nous les humains, une manière de reconnaître une compétence à faire valoir, un goût que nous voulons alimenter chez l autre, un plaisir que nous voulons susciter chez lui, peutêtre pour recevoir de la reconnaissance en retour, ou encore un succès dont nous voulons féliciter l autre. Ce dernier type de cadeau est souvent le cadeau que les parents font quand leurs enfants ont réussi une épreuve (le bac, le permis de conduire, un concours ) Je ne dis pas que cette façon de faire des cadeaux soit condamnable. Mais je veux attirer notre attention sur le fait que Dieu agit d une toute autre manière : ce cadeau est gratuit. Absolument gratuit. Les premiers disciples n avaient pas de compétences particulières que Dieu serait venu encourager en Jésus-Christ. Devenir apôtres, évangélistes, on peut difficilement imaginer qu ils en avaient le goût, l envie avant, car personne d autre ne l était! Et quand bien même cela a fait naître du plaisir chez les disciples, ceux-ci n ont pas vraiment témoigné de reconnaissance, même après la résurrection. Non ce cadeau est gratuit c est une grâce. «Nous avons tous reçu de sa plénitude». Voici qui va nous permettre de comprendre un peu mieux de quel cadeau il s agit. Car il n y a qu une seule chose qui soit pleine, dans ce monde. Vraiment pleine, qui se suffise vraiment à elle-même. C est Dieu. Dieu seul est accompli, complet plein, selon les sens du mot grec traduit ici par plénitude. Ce que les disciples ont reçu et qui fonde leur communauté, c est Dieu lui-même, rien de moins! Voilà qui est proprement abasourdissant, quand on y pense. Voilà qui nous fait mieux comprendre encore pourquoi Jean dit que ce cadeau a été reçu : on ne peut pas le mériter, l obtenir par ses propres forces. Car personne n a jamais vu Dieu, personne ne peut l atteindre par ses efforts. Ce ne peut être que Lui qui se donne. Cela nous fait aussi encore mieux comprendre que ce cadeau est gratuit. Si Dieu se donne lui-même, ce n est pas parce qu il lui manque quelque chose, qu en se donnant il pourrait obtenir. C est nous qui recevons cette plénitude, nous en sommes les bénéficiaires. Dieu se donne et ce don est plein, complet, parfait. C est

3 un don qui dure, pour toujours. Combien de cadeau nous faisons-nous les uns aux autres qui ont une telle durée de vie? «Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce». Voilà une dernière expression qui sans doute est la plus compliquée de la phrase. Nous avons vu ce que signifiait le mot grâce. La gratuité renvoie pourtant à l idée d une chose accomplie une fois pour toutes. Quand je fais un cadeau gratuit, je n attends rien en retour et quand je l ai fait, c est terminé, pas la peine d y revenir. Mais ici, plus encore que «sur», le mot grec ainsi traduit pourrait être rendu par «à la place de», «successivement à». Il ne s agit pas d un mille feuille de grâce. Ça, je crois, c est spontanément notre façon humaine de comprendre. Nous voulons voir s accumuler les choses, parce que nous avons peur d en manquer. Il nous faut du stock, il faut faire des réserves. En passant dans un grand magasin, il y a quelques jours, j ai vu une affiche placardée sur une vitre à l entrée, au sujet d une marque célèbre de chocolats : «Rupture de stock». Sans doute parce qu une opération commerciale proposait de les vendre avec 30 % de remise. Ils sont donc partis très vite Avec Dieu cela ne fonctionne pas de la même manière. Une grâce vient qui laisse la place à une autre, qui laisse sa place à une autre, et ainsi de suite, ce qui fait que jamais la grâce ne manque, mais qu elle n est peut-être pas toujours la même. Là encore, je crois que cela nous aide à mieux comprendre de quelle plénitude il est question. Quand un verre d eau est plein, il n y a pas intérêt à le faire trop bouger, faute de quoi il va déborder. Quand un panier et plein, il est souvent lourd à porter. La plénitude évoque donc peut-être plus souvent l immobilité dans notre esprit. C est sans doute aussi ainsi que le judaïsme a pu essayé de dire cette plénitude quand il affirme que Dieu est «un». Dieu est un, il n y a que lui qui soit Dieu et tout Dieu est en lui. Mais on peut avoir vite fait de penser qu alors Dieu est une sorte de monolithe immobile, surtout si on se le représente sur un trône. Or la plénitude dont nous parle Jean ici est une plénitude en mouvement et c est dans ce mouvement même que nous recevons le don de Dieu! Cela paraît très compliqué Et pourtant : «Personne n'a jamais vu Dieu; Dieu le Fils unique, qui est dans l intimité du Père, est celui qui l'a fait connaître.» Jean a rencontré un homme, Jésus de Nazareth, dont il a petit à petit compris qu il n était autre que Dieu luimême. Ou plutôt comme une personne de Dieu, le Fils, venant vers les humains pour mieux leur laisser ensuite contempler Dieu tel que l on avait toujours pensé qu il était seulement, c est-à-dire le Père. Le Père lui-même

4 s effaçant pour laisser à nouveau les humains le contempler dans la personne du Fils. Et grâce sur grâce, sur grâce Car il s agit bien de grâce, tant ce cadeau est merveilleux et tellement précieux que s il nous est ainsi donné il ne peut être qu absolument gratuit! Dieu lui-même se donne à nous! Que pourrions-nous payer en échange? Bien. Tout cela est sans doute bien joli, mais si seuls Jean l évangéliste et les autres disciples qui ont vu Jésus de leur propre yeux, ont pu en bénéficier, en quoi cela nous concerne-t-il? En quoi cela peut-il aller plus loin qu une meilleure compréhension intellectuelle de qui est Dieu? Pour répondre à cette question, il nous faut remonter un peu dans le prologue : La lumière, c est-à-dire la Parole, c est-à-dire Dieu le Fils, «est venue chez les siens, et les siens ne l'ont pas accueillie. Mais à tous ceux qui l'ont acceptée, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le droit de devenir enfants de Dieu, puisqu ils sont nés non du fait de la nature, ni par une volonté humaine, ni par la volonté d un mari, mais qu ils sont nés de Dieu. Et la Parole s'est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité.» Quand nous faisons un cadeau, nous autres êtres humains, nous avons l habitude de l emballer dans un beau papier. Histoire de faire durer un peu le suspens avant la découverte de ce qui est offert. Et c est à la personne à qui le cadeau est fait qu il revient d ouvrir le paquet. Avec Dieu, il en va différemment : c est à celui qui reçoit le cadeau de s ouvrir lui-même, comme s il était en quelque sorte le paquet pour mieux recevoir le don de Dieu. «À ceux qui croient en son nom» nous dit Jean. La foi c est ce mouvement d ouverture que nous faisons en nous-même devant Dieu. Nous nous ouvrons. Dans la reconnaissance de ce que nous sommes en vérité : nos faiblesses, nos erreurs, nos blessures, nos désirs, nos joies, nos espoirs Tout cela révélé devant Dieu. Et alors, le cadeau vient : dans la protection sur nos faiblesses, le pardon de nos erreurs, la guérison de nos blessures, la révélation de la vérité quant à nos désirs, nos joies, nos espoirs Bref, à travers l établissement d une nouvelle relation avec Dieu : devenir son enfant. Pas selon les moyens humains, ce que dans la Bible on appelle la chair, mais selon l action de Dieu, l Esprit. Et cela, c est pour nous aussi, sœurs et frères. Ce n est pas le privilège des seuls premiers chrétiens. C est un cadeau pour nous tous, un cadeau qui peut se renouveler jour après jour, à mesure que nous osons toujours plus nous ouvrir à lui. Grâce sur grâce Nous pouvons chaque jour davantage découvrir qui est Dieu en Jésus- Christ, découvrir qui nous sommes face à Dieu, car «la Parole s'est faite

5 homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité.» Jésus n est pas un coach en développement personnel. Un sage dont les enseignements nous aideront à mieux vivre, à être plus performants. Jésus est Dieu qui veut établir avec nous une relation gratuite et vraie. Pas de marchandage, mais de la lucidité. Pas de mensonge, mais de la gratuité. À la suite de Jésus, Dieu fait homme, dont nous célébrons la venue ce matin encore, il nous est donné le droit de devenir enfants de Dieu. Vivons de ce droit qui nous est fait. Ouvrons-nous à ce cadeau. Il nous durera toujours. Sœurs et frères, Joyeux Noël! Ainsi soit-il.