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1 AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé depuis le site Ce texte est protégé par les droits d auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l autorisation de l auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival ) doit s acquitter des droits d auteur et la troupe doit produire le justificatif d autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes. 1

2 C était si bien à Brisbao Comédie en 3 actes De Brigitte Bardou 2

3 Caractéristiques Durée approximative: 90 minutes (entracte possible) La pièce se passe dans les bureaux d une conserverie de poissons en Bretagne juste avant Noël. Distribution : 3 hommes, 4 femmes Agathe : dame de 70 ans environ, un peu sourde ou jouant à l être, mère de Rebecca, Edith et Simon Rebecca : fille aînée d Agathe, femme de Victor, sœur d Edith et Simon. La quarantaine. 4 enfants dont l aîné Tommy s entend très bien avec Agathe (on ne le verra pas). Ne travaille pas. Edith : deuxième fille d Agathe. Enseignante. Divorcée. Victor : Mari de Rebecca. Fonctionnaire et boursicoteur. Simon : fils d Agathe. Productuer d émission de télévision. Flora : fille de la voisine (Mme Normand), employée à faire le ménage de temps en temps. Serge : ex-amant d Agathe Delphine : agent immobilier (peut être un homme ou femme) Décor : La pièce principale d une maison de vacances en Bretagne. Costumes : Tenues actuelles décontractées. Une robe un peu habillée pour Agathe pour la scène avec Serge. Public: Tout public Synopsis : Agathe, 70 ans, ses enfants Rebecca, Edith et Simon et son gendre, Victor, viennent passer quelques jours dans la maison de vacances de la famille en Bretagne. Les tensions entre frère et sœurs, bien que palbables, gardent des proportions raisonnables jusqu à ce que l inattendu surgisse en la personne d un agent immobilier, d une soi-disant demi-sœur et de l ancien amant d Agathe. Alors tout s emballe et les conjectures vont bon train jusqu au dénouement final assez surprenant! L auteur peut être contacté par courriel à l adresse suivante : bbardou@lisiere.com 3

4 Acte 1 Acte 1 Scène 1 : Rebecca, Victor Entrée de Victor et Rebecca. Victor porte un gros sac qu il jette au milieu de la pièce. Victor (se laissant tomber dans un fauteuil): Ouf! Il se relève et fait un geste vers la télé. Rebecca (l observant du coin de l œil tout en examinant la pièce) : Ah non! Pas la télé! Pas déjà! Victor : Mais il y a du rugby Rebecca se dirige vers une chambre puis l autre et revient. Rebecca : Ouf! Les chambres sont faites. Mais la salle de bain est sale. Victor va voir les chambres à son tour. Rebecca commence à enlever les housses (ou les draps) qui recouvrent les fauteuils, passe un doigt sur un meuble et le regarde. Rebecca (pour elle-même) : Pas bien propre, tout ça. Victor revient. Victor : Le grand lit est pour nous, mon amour! Rebecca hausse les épaules et le regarde d un air froid. Rebecca : Mon amour Tu parles! ça te va bien! Victor : Ecoute chérie Rebecca : Arrête avec tes yeux de merlan de frit et tes mots doux! C est pas le moment, je te jure! Je ne comprends même pas que tu oses encore me regarder en face. Victor : Ce n est pas si grave Je vais me refaire Rebecca : J ai déjà entendu ça mille fois. Victor : Mais c est plus fort que moi, tu le sais bien! Rebecca : L argent que tu gagnes passe encore même si, au cas tu ne le saurais pas, tu as fait 4 enfants qu il faut bien nourrir mais celui que j ai hérité de papa! Si j avais su, j aurais mis ça sur un compte bloqué à mon nom. Mais il a fallu que je te fasse confiance! 4

5 Victor sort un paquet de cigarettes de sa poche. Rebecca : Tu ne vas pas fumer ici j espère! Déjà que maman respire mal! Victor : Mais elle n est pas encore là! Rebecca : Et alors? Tu veux empester les lieux avant qu elle arrive? Victor (rangeant son paquet) : Bon, on fait la paix sinon ça va être invivable. Je range mes cigarettes. Je ne te regarde plus, ni avec mes yeux de merlan frit, ni avec les autres. Je me tais. Petit silence. Rebecca sort un pull de son sac et l enfile. Rebecca : Fait pas si chaud la maison est humide. Elle l a toujours été ; ça me rappelle mon enfance. Victor : la petite Rebecca des photos avec ses couettes et ses chaussettes blanches Rebecca : N essaie pas de m attendrir! Victor : On ne va pas passer 8 jours ici en se faisant la gueule. Déjà que je vais avoir en prime une belle-mère qui débloque et une belle-sœur qui je sais pas quoi. Je vais craquer. Rebecca : Tu as toujours été très généreux. Victor : OK. On se boit un petit whisky? Il doit bien en rester une goutte quelque part. ça vieillit bien le whisky. Rebecca : A cette heure-là? Tu n y penses pas Victor : OK. On va faire un tour en ville? Rebecca : Non, je les attends. Victor : OK. On fait une belote? Rebecca : Arrête, je te dis! Victor (se dirigeant vers la sortie) : OK. Donc je fais faire un tour en ville et si je vois un whisky passer je le boirai à ta santé. Victor sort. Rebecca transporte un sac dans une chambre et revient téléphoner. Rebecca (au téléphone) : Allo, Madame Normand? Bonjour! C est Rebecca Seignier. Oui, excellent, merci! C est sûr, ça faisait longtemps mais on court toujours, vous savez comme c est et puis on voyage alors venir ici en plus 5

6 mais je suis bien contente d y être! Et puis maman y tenait beaucoup... Oui, j ai vu. Ah c est elle! Je pensais que c était vous ça m étonnait aussi Non rien, mais il reste un peu de poussière et la salle de bain est sale Elle a quel âge déjà? Ah oui, déjà, je la croyais plus jeune Oui, je veux bien. J ai deux trois choses à lui faire faire. Petit temps mort. Rebecca transporte un autre sac. On frappe. Rebecca ouvre la porte. Flora entre. Acte 1 Scène 2 : Rebecca, Flora Flora : Alors comme ça, la salle de bains est sale Rebecca : Eh bien vous avez fait vite! Flora : Vu la tête de ma mère j avais pas bien le choix. Et puis on est à côté quand même. D ailleurs vous auriez pu venir dire bonjour plutôt que d appeler. Alors cette salle de bain? Rebecca : Allez voir vous-même. Flora va voir et revient. Flora : Je ne sais pas ce que vous appelez «sale». Rebecca : Quand il y a des cheveux dans la baignoire, pour moi c est sale. D ailleurs je me demande bien de quand ils datent ces cheveux. Ça doit être les vôtres en fait. Flora (désagréable) : Y a pas de cheveux dans cette baignoire. Vous devriez mettre des lunettes. Rebecca : Vous ne pouvez pas être un peu aimable? Flora : Je suis très aimable avec les gens aimables. Rebecca : Si ça continue, je vais demander à votre mère de me trouver quelqu un d autre. D ailleurs c est elle que je pensais avoir. Flora : Ne vous gênez pas. Je viens déjà de me faire engueuler. Un peu plus, un peu moins Mais pour l avoir elle ça va être dur. Elle est très malade. Rebecca : Ah bon? Flora : Elle ne vous l a pas dit? Rebecca : Euh,, non Je suis désolée! Flora : Mais oui Même que si je me laisse aller, rien que d y penser, je vais me mettre à pleurer là, sous vos yeux. 6

7 Rebecca : Bon, bon, ça va Allez nettoyer cette baignoire et n en parlons plus. Flora sort et revient aussitôt. Flora : Comme je le disais, c est pas des cheveux, c est des félures dans l émail. Je vais être obligée de changer la baignoire. ça va prendre un peu de temps vu que j ai jamais fait ça. Flora se laisse tomber dans un fauteuil. Rebecca sort une paire de lunettes et va voir. Elle revient. Flora : Belle invention, hein, les lunettes? Rebecca : Bon, ça va! Flora : Faudrait voir à rappeler ma mère pour dire que vous êtes plus que désolée. Rebecca (vaguement en rogne) : ça va, je vais le faire. Flora : J aimerais bien écouter. Si ça dérange pas trop Rebecca : Je vous dis que je vais le faire! Flora : Bon, bon Je vous crois. (elle se lève et va vers la porte) Au fait, je voulais vous dire : elle se porte comme un charme, ma mère, mais elle veut plus faire la bonniche. Faut la comprendre à son âge! Mais pleurer j aurais pu quand même, je fais ça quand je veux. C est comme un don. D ailleurs je veux être actrice. Rebecca : Vous êtes gonflée! Flora : Moins que vous. C était dégueulasse d appeler ma mère pour trois malheureux faux cheveux dans une baignoire. C était obligé que ça fasse des histoires après. Elle ouvre la porte. Rebecca fouille dans son sac. Rebecca : Attendez! Elle lui tend une pièce. Flora : Non mais ça va pas? Vous croyez que tout se règle avec de l argent vous, hein? J en veux pas de votre pièce. Quand je pense. Rebecca : Oui? Flora : Non, laissez tomber! On entend des bruits. 7

8 Flora : Tiens on dirait que vous avez de la visite. Entrée d Agathe et Edith. Acte 1 Scène 3 : Rebecca, Edith, Agathe, Flora Agathe : J ai soif. Edith : Encore! Rebecca (embrassant sa mère) : Bonjour, maman. Agathe : Je voudrais un coca cola. Edith (à Flora) : Vous n auriez pas du coca cola chez vous par hasard? Flora : Appelez ma mère. (désignant Rebecca)Y a qu à demander à cette dame. Elle sait comment on fait. Elle sort. Edith : Eh bien, elle est aimable celle-là! Rebecca (embrassant Edith) : Vous avez fait bon voyage? Edith (ironique) : Excellent. J ai passé mon temps à lui acheter des coca cola et à la conduire aux toilettes. Pas eu le temps de me rendre compte que je conduisais. Rebecca : Pour une fois que tu t occupes d elle Edith : Oui, oui, je sais, pas la peine de me le rabâcher. (frissonnant) Fait humide ici. Rebecca couvre sa mère d un châle. Rebecca : C est la fille de Madame Normand, celle qui vient de sortir, qui a fait le ménage. Je suis sûre qu elle n a pas aéré. Ça aurait séché un peu tout ça. Edith : Et Simon? Tu as des nouvelles? Rebecca : Non. Tu connais Simon Déjà beau qu il envisage de venir! Edith : Oui, c est même surprenant Les réunions de famile c est pas sa tasse de thé. Agathe : Simon a beaucoup de travail. Et mon coca cola, on a des nouvelles? J adore le coca cola. Depuis que Tommy m y a fait goûter, je ne bois plus que ça. Rebecca : C est pas très bon pour toi, ça, maman. Agathe : C est bon tout court. Ca suffit, non? 8

9 Rebecca : Si tu veux. Viens, on va t installer. Elles vont toutes les deux vers une porte. Edith reste au centre de la scène et manipule son portable. Rebecca (à une porte de chambre) : Voilà. Tu vas dormir là avec Edith. Agathe : Et toi? Rebecca : Eh bien dans la chambre au grand lit. Avec Victor. Tu te souviens quand même! Agathe (plaintive) : Oui, un peu. Mais je veux la revoir. Elles vont vers l autre porte. Mimique agacée de Rebecca à Edith Petit silence. Edith marche de long en large, regarde si elle a des messages. Agathe (revenant) : La grande est beaucoup mieux. Elle donne sur le jardin. (un temps) Dommage, y a pas de palmier. A Brisbao, il y avait un grand palmier juste devant la terrasse de la chambre. Rebecca : C est quoi cette histoire de Brisbao, maman? On n est pas à Brisbao, on est à Concarneau. C est toi qui as voulu venir ici, tu te souviens? Et des palmiers y en a pas ici. Agathe : C est bien ce que je dis, c est dommage (un temps) Je veux cette chambre-là. L autre est bruyante. Rebecca : Bruyante? Mais qu est-ce que tu racontes? Elle donne sur le jardin. Agathe : C est ça. Le jardin est bruyant. Rebecca : Mais elles donnent toutes les deux sur le jardin Enfin si tu veux. Mais celle-là a un grand lit. Et je dors avec Victor. Agathe : Eh bien, je dormirai avec Edith. Ce ne sera pas la première fois. Rebecca : Mais Edith : Tu ferais mieux de céder tout de suite. Rebecca : Bon, mais Victor Edith : Quoi, Victor? Après 18 ans de mariage, il va le supporter, non? Rebecca : Si je comprends bien, toi aussi tu préfères cette chambre-là Edith (montant le ton) : Mais je m en fiche, moi, de la chambre. Si tu savais comme je m en fiche! De la chambre, des vacances, de la vie, de tout! 9

10 Rebecca (montant encore le ton): Bon, ça va, ça va! Entrée de Victor. Acte 1 Scène 4 : Rebecca, Edith, Agathe, Victor Victor : Eh bien, ça commence fort. on vous entend depuis l allée. (embrassant Agathe et Edith) Bonjour belle maman, bonjour belle soeur. Agathe : Bonjour, mon petit Jules. Rebecca : C est pas Jules, maman, c est Victor. Agathe : Victor? Edith : Oui, maman, Victor, le mari de Rebecca. Agathe : Ah bon! Et où est Jules? Edith : Il n est pas là, maman. Il ne viendra pas. Agathe : Mais pourquoi? Edith : Parce que. Agathe (déçue) : Ah bon Quel dommage, il est tellement gentil, Jules. Comme je dis toujours à Alice, c est mon gendre préféré Victor : Merci. C est gentil pour l autre. Agathe : C est le mari de qui déjà, Jules? Air exaspéré d Edith. Edith : C était le mien, maman. On a divorcé. Agathe : Vous avez divorcé! Quelle horreur! Mais pourquoi? Rebecca : ça fait 2 ans qu ils ont divorcé, maman. Ce serait bien si tu parlais d autre chose. Agathe : Mais pourquoi on ne m a rien dit? On ne me dit jamais rien. Edith : On te l a dit je ne sais combien de fois, maman. Agathe : De mon temps, on ne divorçait pas comme ça pour un oui ou pour un non. Victor (chantant) : «En ce temps-là, la vie était plus belle..» 10

11 Agathe (chantant) : «Et le soleil plus brillant qu aujourd hui» Vous chantez bien. Victor : Et oui! J ai été enfant de chœur. Agathe : Mais je suis sûre que Jules chante mieux Soupir appuyé d Edith. Agathe : Et mon coca cola? Rebecca : C est vraiment indispensable? Edith : N essaie même pas de lutter. Tu ne fais pas le poids. Rebecca (prenant le téléphone) : Bon, je m en occupe. Mais c est bien parce que c est le premier jour. Après il faudra mettre de l ordre dans tout ça. Tu ne dois pas boire du coca cola à longueur de journée! Agathe : Avec un glaçon et une tranche de citron. Rebecca (au téléphone) : Allo, madame Normand? Vous n auriez pas une bouteille de coca cola par hasard? Oui, ma mère ne boit plus que ça Ah et puis je voulais m excuser pour tout à l heure. Je n avais pas bien vu La salle de bain n était pas sale en fait. Oui, je sais. Désolée Je vais avoir encore besoin d elle Si elle veut bien, bien sûr. D accord. Oui, c est ça. On passera. A bientôt. Agathe : Avec un glaçon et une tranche de citron. Rebecca (au téléphone) : Attendez! Vous avez du citron aussi? OK merci Agathe : et le glaçon? Edith : ça suffit, maman. Y en a sûrement au frigo des glaçons. Arrête un peu. Victor : Oh, oh, belle maman, vous avez réjeuni, on dirait Et un petit whisky ça ne vous tente pas? Rebecca : Victor! Victor : Dis, tu vas pas nous jouer la mère fouettard pendant tout le séjour! Ta mère a bien le droit de prendre un peu de bon temps. Si elle ne le fait pas maintenant, elle le fera quand, tu peux me le dire? Agathe : Vous avez raison, mon petit Jules. (faussement triste) C est vrai ça, je vais bientôt mourir. Alors Rebecca : Voilà, Victor, tu es content? Victor : Tu vois bien qu elle s amuse à te faire tourner en bourrique. 11

12 Rebecca entraîne Victor à l écart. Rebecca : Maman perd la tête, Victor, tu le sais très bien alors je ne pense pas qu elle s amuse à quoi que ce soit. Elle n a plus les facultés qui faut pour ça. Victor : Que tu crois! Rebecca : Alors, explique-moi pourquoi elle parle sans cesse de Brisbao. Ça ne date pas d aujourd hui! J ai regardé sur internet. Il n y a aucune ville au monde qui s appelle ainsi. On n aurait jamais dû la faire venir. Tout ça va la remuer, c est obligé! Edith : Si tu crois qu on ne t entend pas! Bien sûr que ça va la remuer comme si tu ne le savais pas avant On entend frapper.. Acte 1 Scène 5 : Rebecca, Edith, Agathe, Victor, Flora Rebecca : Entrez! Flora entre. Elle apporte une bouteille de coca et un citron. Flora : Voilà! Vous avez de la chance : mon petit frère est addict. Vous avez des drôles de boissons pour des gens de votre âge. Agathe : C est pour moi. Je suis très jeune d esprit. Edith se dirige vers la cuisine et revient avec le verre de coca. Flora : Alors comme ça vous allez vendre la maison? Rebecca : Bien sûr que non! Qu est-ce que c est que cette histoire? Qui vous a dit ça? Flora : Je ne sais plus. C est un bruit. Rebecca (la poussant vers la porte) : Eh bien c est un faux bruit. Merci, Flora. Passez demain matin. D ici là ça va aller. Edith : C est quoi cette histoire? Rebecca : Qu est-ce que tu veux que j en sache! Agathe (sirotant son coca) : Quelqu un a dit que la maison est à vendre.c est pas très étonnant! Rebecca : Mais, enfin, maman, qu est-ce que tu racontes??? 12

13 Agathe : Parfois on vend les maisons des vieux pour pouvoir payer les maisons de retraite et être tranquille. J ai déjà vu un reportage là-dessus à la télé. Edith : Sa tête va parfaitement bien. Rebecca : Mais maman, qu est-ce que tu racontes? Tu n habites même pas là! Victor : Bon, moi, tout ça ne me regarde pas, je vais faire un tour Rebecca : Encore! Mais tu n en as pas assez de faire des tours? Edith (en douce à Victor) : courage, fuyons Dis donc c est pas toi qui as besoin d argent? Victor : mais ça va pas non? Tu me crois capable de Il sort. Agathe (toujours dans son coca) : Même que Tommy m a dit : T inquiète pas, mamie, je laisserai jamais personne faire ça! Mais les jeunes, hein, on peut pas compter dessus. Il est où d ailleurs en ce moment Tommy? Rebecca : En Australie, maman Agathe : Alors tu parles! Edith : Maman, je ne vais tout de même pas t apprendre que cette maison est une maison de vacances! Je ne vois pas comment, même si on la vendait, ça t obligerait à aller en maison de retraite! Tu n as pas besoin de Tommy ni de personne pour te défendre, enfin! Agathe : Peut-être. Mais c est quand même mieux quand il est là. Au moins on rit un peu. Parce que vous, vous êtes pas trop marrantes. Moi, j étais pas raide comme ça à votre âge. Comment vous allez être au mien, je me le demande! Heureusement que Simon va venir. Edith : Cool! Quand je pense que je pourrais être tranquille chez moi dans un appartement bien sec et que je viens de me payer 400 km d arrêts pipi-coca pour entendre ça! Bon, je vais faire une sieste Edith sort. Agathe : Qu est-ce qu elle a ta sœur? Elle est toujours énervée! Rebecca : Je ne sais pas, maman Tu n es pas facile, faut dire Agathe : Facile! ça veut dire quoi facile? Pourquoi je devrais être facile? Parce que je suis vieille? Vous me traitez comme une gamine, c est le monde à l envers, non? Rebecca : Bon, bon, ça va. Je n ai rien dit. 13

14 Agathe : Oui, comme d habitude Toi, tu ne dis jamais rien. Tu n as pas besoin. Rebecca : ça veut dire quoi ça au juste? Agathe : Rien. (un temps) Non, moi je crois que ta sœur a un problème avec les hommes! Rebecca : Maman! Mais Agathe : Qu elle se soit séparée du seul homme qu elle ait eu dans sa vie, ça veut tout dire Et tu te rends compte, comment elle va faire pour avoir des enfants maintenant? A l âge qu elle a! Surtout que. Enfin bon, c est pas Liz Taylor quand même! Et Liz Taylor ou pas, après l âge c est plus l âge. Et puis je dis ça mais si ça se trouve, c est bien plus grave. Peut-être qu elle est lesbienne. Y en a de plus en plus des lesbiennes Rebecca : Mais enfin, maman! Edith (sortant comme une furie de la chambre) : Tu parles trop fort et tu as tout faux, maman, je ne suis pas lesbienne, je suis bi! Je me tape des hommes et des femmes à longueur de journée. Et je suis stérile. Donc, question enfants, on est à l abri. Heureusement d ailleurs parce qu imagine un peu que je fasse des enfants qui me ressemblent! Déjà que Rebecca en a fait 4. Rebecca : Merci pour eux, Edith! Entrée de Simon. Acte 1 Scène 6 : Rebecca, Edith, Agathe, Simon Agathe : Simon, mon chéri! Simon (embrassant sa mère) : Salut maman. Mais tu es en pleine forme dis-moi! (embrassant Rebecca) Toi, par contre, petite mine Tu es fatiguée? Rebecca : Non, je vieillis. Edith (embrassant Simon) Alors voilà notre sauveur! Tu as ton costume de père Noël, j espère On t attendait de pied ferme pour mettre l ambiance. Pour une fois que tu peux te libérer Qu est-ce qui se passe au fait? Ta boite a coulé? Agathe : ça va, Edith! (à Simon) Alors tu as fait bonne route mon chéri? Pas trop out? Simon (éclatant de rire) : Out??? Mais comment tu parles, toi? Rebecca : Laisse tomber, c est l influence de Tommy. 14

15 Simon : Si crevé. Je n ai pas arrêté ces derniers jours pour tout boucler avant de partir. Agathe : C est vrai que tu travailles dur, toi! Edith : Parce que, moi, je suis toute l année au club med peut-être? Agathe (à Edith) : Oui, presque les enseignants avec toutes vos vacances! En plus, tu n arrêtes pas de dire que les élèves ne savent rien alors tu ne dois pas trop te creuser la tête pour leur apprendre quelque chose. Edith : Qu est-ce qu il ne faut pas entendre! Je voudrais t y voir, toi, devant ces hordes de sauvages Tu regardes les actus pourtant! Tu ne vois pas qu on est une espèce menacée? Je ne sais pas si tu es au courant mais «en rang par 2» c est bien fini. Agathe : Tu ne peux pas comparer ton travail à celui de Simon, quand même! Il est chef d entreprise, lui! Simon : Arrête maman Qu est-ce que tu as Edith? Tu es bien agressive! Edith : Rien Ou plutôt si : je viens de me taper un trimestre sinistre à essayer d apprendre à lire et écrire à des ânes qui vont bientôt passer le bac, là-dessus plutôt que de me reposer un peu, je saute dans ma voiture pour emmener maman ici parce que Rebecca et Victor devaient déposer les enfants chez leur grand-mère de Bordeaux. J arrive et j apprends que je suis homo, que je ne ressemble pas à Liz Taylor, que ma vie est foutue et que c est toi qu on attend. Ça me gave! Agathe : Oh là là que d histoires pour rien! Tu n as pas le sens de l humour, ma fille. Edith : C est ça. Pas du tout. Rebecca : Bon, moi, je vais préparer le repas. Rebecca sort. Agathe (à Edith) : Ne laisse pas ta sœur tout faire comme toujours. Après, elle est désagréable. Déjà que Edith (à Simon) : T as entendu, Simon? Agathe : Mais c est pas à Simon que je parle Edith (sortant vers la cuisine) : Ah maman, tu nous fera tous mourir de rire Acte 1 Scène 7 : Agathe, Simon 15

16 Agathe : Heureusement que tu es là, mon grand, parce que tes sœurs Y en a une qui se prend pour ma mère et l autre qui est complètement hystérique Si tu savais ce que j ai dû supporter pendant le voyage! Simon : Allez, maman, c est quand même chouette de se retrouver tous ici pour Noël. Tu ne trouves pas? Agathe : Hum, hum Simon : On est une famille unie, tu vois Grâce à toi! Agathe : Et ton amie, la grande brune, là, elle n est pas venue? Simon : Eh bien, non, tu vois. Agathe : Tant mieux! Simon : Ah bon? Et pourquoi? Agathe : Je ne l aime pas. Simon : Eh bien, tu n y vas pas par quatre chemins, toi! Tu as de la chance : je ne l aime plus non plus. Sinon je pourrais mal le prendre Agathe : Mais, non, je te connais Et puis c est bien d être franche, non? Y en a un autre que je n aime pas, c est Victor. J ai fait semblant de ne pas le reconnaître tout à l heure et de le prendre pour Jules. Si tu avais vu leurs têtes! Simon : Bravo! Je te félicite! Tes filles doivent se faire du souci maintenant. Agathe : Oui, peut-être elles croient que je perds la tête. Bon, je vais arrêter! Mais ça m amuse et j en ai plus beaucoup des occasions de m amuser! (un temps) Dis-moi, j ai invité quelqu un au réveillon, un vieil ami. Tu ne pourrais pas leur dire que c est toi parce que sinon ça va encore faire des histoires et elles vont me poser un tas de questions? Simon : Mais, enfin, maman, c est ridicule C est qui d abord cette personne, je la connais? Agathe : Non, enfin, si, mais tu ne dois pas t en souvenir Mais on peut faire comme si. Simon : Alors pourquoi je l aurais invité? Agathe : Il est retraité des chemins de fer. Simon : Et alors? Agathe : Tu es toujours dans le train, ça fait un point commun. 16

17 Simon : Maman! N importe quoi! C est vraiment faible comme point commun. Agathe : Tu en veux un autre? Simon (riant) : Je crois que tu ferais mieux d assumer ton invitation toute seule, maman. Agathe : Bon, bon. Merci quand même. Entrée de Victor. Victor : Ah, Simon, salut! Ils se serrent la main. Simon : Salut, Victor. Agathe (à Simon) : Jules n est pas là. Tu sais que ta sœur a divorcé? Simon : Evidemment et toi aussi, maman, tu le sais! Tu viens de dire que tu arrêtais ces bétises! Agathe : Y a qu à moi qu on ne dit jamais rien. Victor : Belle-maman nous fait marcher Agathe : C est ça! Bon, moi je vais voir ce que font les filles. Elle sort. Acte 1 Scène 8 : Victor, Simon Victor : Elle le fait exprès, c est ça? Simon : Je crois bien, oui Victor : ça m est égal, tu sais, elle n a jamais pu me supporter. Tout ça parce que j ai été l obstacle au mariage de rêve que devait faire Rebecca. (un temps) Et toi, la vie, le boulot, les amours, ça va? Simon : Ma foi Pas trop mal. Sauf que j ai eu une scène parce que je partais pour les fêtes. Victor : Hélène, la belle brune, c est ça? Simon : Ah non Hélène c est déjà de l histoire ancienne. Non, c est Claire. Victor : Ah bon! Tu t embêtes pas, toi, mon salaud. Simon : Toi, non plus, cher beau-frère, tu as ma grande sœur rien que pour toi. 17

18 Victor : Ouais. Mais elle n est pas toujours marrante, ta grande sœur. Simon : ça, je suis bien placé pour le savoir! Mais je peux te dire qu il y avait du monde sur la liste des prétendants. Et même une fortune, tu viens de le dire toimême. Victor : Je sais, je sais. Vieille histoire. Y en aurait moins aujourd hui. Simon : Eh bien! C est plus le grand amour chez les Seignier, dis-moi. Vous qui étiez toujours collés l un à l autre. Au point que ça me tapait sur le sytème Victor : Jalousie de petit frère Simon : Oui, sans doute. Petit silence. Victor : Dis-moi, Simon, si tes affaires marchent bien, tu pourrais peut-être me prêter un peu d argent. Simon : Euh Mais. Comment ça se fait que. J y suis : tu as recommencé à boursicoter, c est ça? Victor : Oui, une petite faiblesse passagère. Enfin, c est surtout la bourse qui a eu une faiblesse Mais c est fini, bien fini. Sauf que je me suis mis dans la merde. J éponge ça et j arrête c est sûr. Simon : Ouh là! ça y est, je comprends pourquoi tu trouves que ma sœur n est pas marrante Victor : Oui, bon. Simon : Eh bien figure-toi que, question finances, je ne suis pas non plus certain de mes arrières. Comme tu le sais sans doute, j ai tout mis dans ma société de production. Alors là ça passe ou ça casse. J en saurai plus dans quelques temps. J ai un gros projet sur le feu mais pour le moment Victor : Bon, bon. N en parlons plus. Simon : Demande à Edith. Victor : à Edith??? Tu es tombé sur la tête! Simon : Va savoir Elle ne dépense rien, Edith. Elle doit en avoir de côté. Victor : Avec son petit salaire de prof? Simon : Oui, tu dois avoir raison. 18

19 Victor : En plus, Edith, elle est comme ta mère, elle ne peut pas m encadrer. Petit silence. Simon : Si tu peux patienter un peu, y a peut-être moyen que ça s arrange. Victor : Quoi? Simon : Non, rien, rien, je peux pas rien dire pour le moment. (un temps) Ecoute, j ai un coup de fil à passer. On en reparle, ok? Victor : OK. Simon sort. Victor, resté seul, s affale dans le canapé et rumine en silence. Rebecca entre. Acte 1 Scène 9 : Victor, Rebecca Rebecca : Pfffffff! Ces deux-là quand elles sont ensemble, c est comme chien et chat! (petit silence) Tu ne dis rien? Victor : Qu est-ce que tu veux que je dise? Chaque fois que j ouvre la bouche, je me fais bâcher. Rebecca : Tu l as cherché, faut dire. Victor : Tu vois! Rebecca : Si tu veux mon avis tu devrais voir un psy. Tu es malade mon pauvre. Victor : Ah, enfin un peu de compassion! Rebecca : N allons pas jusque là! Comment veux-tu que je compatisse? A cause de toi, je suis obligée de tout compter quand je fais les courses. J ai passé l âge pour ça. Victor : Tu as passé l âge pour beaucoup de choses. Rebecca (scandalisée) : Non mais tu me cherches ou quoi? Victor : Non, je constate, c est tout. Je ne peux même plus te frôler sans que tu t écartes comme si je t avais fait mal. Alors, la bourse, tu vois, c est peut-être un dérivatif. Parce que franchement on ne rit pas beaucoup à la maison. Rebecca : Facile! Avant tu jouais! Victor : Oui mais j avais arrêté et tu le sais très bien. Mais depuis un an c est vrai que je suis tous les soirs devant mon ordinateur à regarder les yoyos de la bourse. C est le seul moyen que j ai de me sentir vivant. 19

20 Rebecca : Eh bien! Si tu veux, j ai des solutions : discute études avec Tommy, occupe-toi des devoirs des jumeaux, joue avec Sara, fais la cuisine, le repassage Entrée d Agathe Acte 1 Scène 10 : Agathe, Rebecca, Edith, Simon Agathe : Y a vraiment rien à en tirer. Si je ne pose pas de questions c est que je ne m intéresse pas à elle et si j en pose elle répond n importe quoi. C est pas moi qui perds la tête c est elle. (petit silence) C est quand même mieux les garçons pour une mère. Rebecca : C est sûr, maman. Et puis on peut compter sur eux pour apporter le repas tous les dimanches. Agathe : Ah ça y avait longtemps! Mais je t ai déjà dit que je préfèrais mourir de faim plutôt que de t entendre rabacher que tu te dévoues. Rebecca : Je ne me dévoue pas, maman. C est normal que je m occupe de toi. Je dis simplement que tu pourrais nuancer tes propos quand tu parles de tes filles. Edith est à la porte de la cuisine. Edith : Oui, genre, y en a une qui fait ce qu il faut et l autre pas. Retour de Simon. Simon (à la cantonnade) : Et alors, les filles, c est prêt? J ai faim! On dîne bientôt? Edith : Oh toi, le merveilleux garçon, la ferme! Simon : Quoi, qu est-ce que j ai dit encore? Agathe : Rien, mon chéri. Tout va bien, tu sais bien comment sont tes sœurs Edith et Rebecca : Maman! Noir 20

21 Acte 2 Acte 2 Scène 1 : Edith, Victor C est le matin. Edith boit un café en pyjama. Victor feuillette un journal d un air distrait. Edith : Elle est où Rebbie? Victor : En courses. C est quoi ce surnom à la con? Edith : Celui que papa lui avait donné. Sorry. Victor : Rebbie, sorry C est quoi cette manière de parler? Silence d Edith. Victor : Bon, excuse. Edith : Ce qui m étonne c est que tu ne l aies jamais entendu, ce surnom! Victor : Si, si, j ai dû J ai la tête en vrac en ce moment. Edith : Ah bon! Qu est-ce qui se passe? Le couple du siècle n est plus au diapason? Victor : C est ça, fous-toi de ma gueule! Edith : Ou alors le pauvre Victor est retombé dans son vieux vice Victor : Bon. Tu vas arrêter, oui? Edith (haussant les épaules) : En fait, je m en fous, moi, tu sais de ta vie. Tu peux bien faire ce que tu veux. (un temps) Mais pourquoi elle est allée en courses toute seule, Rebecca? Les courses du réveillon en plus! Faut toujours qu elle se dévoue, hein, ta femme? Une vraie mère Thérésa... Sauf qu après on le paie cher! En tout cas le mouvement féministe n a pas fait de ravages chez vous! Victor : Merde, mais je bosse, moi! Je peux profiter de mes vacances quand même! Edith : Ah oui! Et, elle, elle se les tourne. Elle a élevé 4 gosses. Jamais un jour de vacances pendant et jamais un après parce que quoi qu il arrive tu bouffes 3 fois par jour. 21

22 Victor : Pas toi peut-être? Edith : Moi je profite temporairement de la situation. Et puis c est pas pareil, je suis une femme. Exploiter les femmes c est un truc de mec. Victor : Elle est bonne celle-là! Edith : Et, bien sûr, comme tous les mecs, il faut en plus que tu ailles voir ailleurs si le gazon est plus vert. Victor : Oh, ne recommence pas avec ça! Edith : Comment veux-tu que j oublie? Chaque fois que je te vois ça me donne des boutons. Se faire coincer entre la poubelle et l évier par son propre beau-frère! C est vraiment dégueulasse. Victor : Bon Dieu, c était il y a 4 ans! Edith : J arrive pas à oublier. Pour moi, tu seras toujours parfumé à Evier de chez Poubelles. Victor : Très drôle! Victor regarde sa montre. Victor : tu ne devais pas emmener ta mère chez le coiffeur ce matin? Edith : ça t arrangerait que je m en aille hein? Mais tu n as pas vu? Il a neigé! Maman vient de me dire que Rebecca avait annulé. Des fois que maman fonde avec la neige On entend frapper. Edith se lève et va ouvrir. Edith (ouvrant la porte) : Oui Acte 2 Scène 2 : Edith, Victor, Delphine Duteil D. Duteil : Bonjour Madame. Je me présente : Delphine Duteil, de Concarneau Immobilier. (elle tend une carte) Voici ma carte. Edith : Oui Et??? D. Duteil : Eh bien, je viens pour l estimation. Edith : Ah bon! Quelle estimation? D. Duteil : Celle de la maison, bien sûr. Edith : Qui vous a demandé une estimation? 22

23 D.Duteil : Je ne sais pas ce n est pas moi qui ai eu le premier contact. Je sais juste qu il fallait passer ce matin entre 10 et 11 heures. Edith : Je vois. (se tournant vers Victor) Victor, tu as de la visite! Victor : De la visite? Edith : L agent immobilier auquel Rebecca et toi avez demandé de passer. Victor ( s approchant ) : Mais, enfin, c est quoi cette histoire, je ne vois pas Edith : ça va, Victor, c est tellement évident! C est pour ça que tu étais pressé que je sorte maman, hein! ( à D. Duteil) Il vous a dit que c était la maison de sa bellemère et qu il n avait rien à voir là-dedans? Il vous l a dit ça? Mais j imagine que ma sœur sait de quoi il retourne. Sauf que comme par hasard elle est partie en courses Alors si ça vous amuse, estimez mais je vous préviens tout de suite : moi je ne suis pas vendeuse! Et, vu que je possède un tiers de la moitié de cette maison, si je ne signe pas, tintin! D. Duteil : Je ne me mêle pas de ça, moi, Madame. On me demande d estimer. J estime. Edith : Et la veille du réveillon en plus! D. Duteil : Je ne fais qu obéir aux instructions que j ai reçues. Edith : Eh bien, estimez, estimez. Après tout, on saura comme ça combien ma sœur et mon pauvre beau-frère ici présent auraient récupéré si.. Mais, dépêchez-vous! Allez-y avant que je vous fiche dehors! D. Duteil : Doucement! (regardant autour d elle) : Jolie maison, jolie situation mais vétuste, n est-ce pas? Vétuste, L électricité n est pas aux normes je suppose Edith : On ne sait pas. D. Duteil : Les normes datent de Edith : Alors non. D. Duteil : Et le toit? Dans quel état le toit? Victor : Parfait le toit! Edith : Vous n avez pas vu la grande échelle le long de la façade? C est pour mon beau-frère. Il monte tous les matins après le petit-déjeuner vérifier le toit ; ça lui fait faire un peu d exercice Je suis certaine qu il peut vous dire combien nous avons de tuiles. Victor : Ma belle-sœur est pleine d humour. 23

24 D. Duteil (regardant le plafond) : Petit problème d étanchéité ici. Y a un balcon juste au dessus, je parie. Edith : Oui, oui. Vous êtes très forte! Un grand balcon. Bien pourri. Mais mon beaufrère va réparer tout ça. C est un sacré bricoleur. Hein Victor? D. Duteil : Je peux voir le reste? Victor : Bien sûr, bien sûr! Edith : C est vétuste aussi. Encore plus même. Victor : Venez, venez, je vous accompagne. Edith : C est ça! attention à l escalier! Il est mangé aux termites! Et n ouvrez pas les volets! Ils ne tiennent que par les crochets! Ah et le plancher est troué. Non mais je t en foutrais moi de la vétusté! Tous les mêmes Après ils te disent que la maison ne vaut rien pour la vendre à toute vitesse. Et qui veut vendre ici? Hein qui? Agathe entre. Acte 2 Scène 3 : Edith, Agathe Agathe : Pourquoi tu cries comme ça, Edith? Dans la suite on doit comprendre qu Edith essaie de faire diversion pour protéger sa mère. Edith (continuant à crier) : Une habitude, maman. Je crie tous les matins en me levant. C est pour me faire sortir la voix. Agathe : C est un truc de nouveau prof? Edith (criant toujours) : Voilà. Exactement. Y a les anciens profs et les nouveaux profs. Les nouveaux ont besoin de se faire la voix. Surtout quand ils sont homos! Agathe : Tu dis vraiment n importe quoi, ma pauvre fille! Edith : Oui, maman, c est ce qui fait mon charme. On sort? Grand bruit «en haut». Agathe : On dirait qu il y a un peu de bruit là-haut. Edith : Ah tu crois? Je n entends rien. Agathe : Une souris sans doute J ai l ouïe trop fine. 24

25 Edith : Alors on sort? ça sent mauvais ici et y a des gens pas bien. Et des souris. Et puis (regardant par la fenêtre), regarde, il a neigé C est chouette, non? On va faire un tour au jardin, tu veux? Agathe : Mais tu n es même pas habillée! Et Rebecca ne veut pas que je sorte! Edith : Et alors? Je mets un manteau et ni vu, ni connu. Tiens, si tu veux, on se grouille et je t emmène quand même chez le coiffeur. Comme ça tu seras toute belle pour demain! Agathe : Je veux bien mais Rebecca Edith : Tu la vois quelque part Rebecca? On s en fout de Rebecca! T es pas obligée d obéir tout le temps. Merde, t as 68 ans! Agathe : 71. Tu n as jamais pu retenir ma date de naissance Edith : 71! Quand même. Bon, ben raison de plus. Allez, on y va. Agathe (s habillant aidée d Edith) : Je voulais te demander quelque chose. Edith : Oui Agathe : ça ne te gêne pas si j invite quelqu un pour le réveillon? Edith : Non, je m en fiche, moi, tu sais Plus on est de fous C est qui? Agathe : Tu ne dois pas t en souvenir Edith : Dis-moi son nom Agathe : Serge Galiret Edith : Mais si je me souviens! Enfin un peu C était ton amant? Agathe : Enfin! Edith : D accord, d accord. Enfin pour en revenir à ta question, comme tu le fais toimême constamment si bien remarquer ce n est pas moi qui vais faire la bouffe. Alors tu sais à qui tu dois demander. Ceci dit, elle est en train de faire les courses alors elle ne va pas sauter de joie si tu veux mon avis. Agathe : De toute façon c est trop tard, je l ai déjà invité. (petit silence) Mais tu pourrais pas lui dire, toi, à Rebecca? Edith : Dis donc, elle te fait peur ou quoi ta fille aînée? Acte 2 Scène 4 : Victor, Delphine Duteil, Rebecca 25

26 Elles sortent en continuant à parler. Victor et Delphine reviennent. D. Duteil : Je vais faire mes petits calculs et je vous envoie un courrier. Victor : C est ça, c est ça. Allez sauvez-vous maintenant. D. Duteil (air complice) : Oui, oui, j ai bien compris. Il faut que ça fasse son chemin dans tous les esprits On entend un bruit de porte. Victor (tout bas à D. Duteil) : Bon, au revoir, je ne vous raccompagne pas. Entrée de Rebecca avec un panier rempli de courses. D. Duteil : Oui, oui, je comprends. Ne me raccompagnez pas. Rebecca : Madame D. Duteil : Je me sauve, je me sauve, votre mari vous expliquera. Je suis une amie d enfance. Au revoir Madame. Rebecca (la retenant par un bras) : Mais attendez un peu! (à Victor) Tu as passé ton enfance ici, toi? Première nouvelle! Victor : Ah bon je ne te l ai jamais dit? Rebecca : Mais enfin, Victor, tu n as jamais quitté Paris avant que je t emmène camper en Haute Savoie. Tu avais 20 ans. Qu est-ce que tu racontes? Victor : Je plaisantais. En fait, mon amie d enfance est en vacances ici, elle aussi. N est-ce pas Delphine? On s est rencontré hier quand je suis allé faire un tour. Amusant, non? D. Duteil : Oui, n est-ce pas? Rebecca : Ah bon! Je n avais vraiment pas compris que vous vous connaissiez si bien, j avais cru entendre un «vous» et un «Madame». Mais, installez-vous deux minutes, Delphine je peux vous appeler comme ça n est-ce pas? - je vais vous faire un café. Victor : Non, non, Delphine ne boit jamais de café et elle est pressée Rebecca : Ah tu as une bonne mémoire! Quand vous étiez enfants, elle ne buvait jamais de café, c est ça? D. Duteil : Oui, c est ça et j ai une autre visite à faire On entend des rires. Rebecca regarde par la fenêtre. 26

27 Rebecca : Mais qu est-ce qu elles? Non, je le crois pas! Je ne peux pas m absenter 5 minutes. Elle sort comme une furie. Victor : Allez, hop, vite dehors! D. Duteil s en va. Rebecca rentre avec Edith et Agathe. Acte 2 Scène 4 : Edith, Agathe, Rebecca, Victor Rebecca : Une bataille de boules de neige! Tu veux la tuer ou quoi? Agathe : Laisse-nous tranquilles! Pour une fois qu on rit! Edith : ça va, Rebbie, tout va bien D ailleurs dans 5 minutes je l emmène chez le coiffeur. On a décidé ça toutes les 2. J ai pu obtenir un nouveau rendez-vous pour 11h. Et si tu ne veux pas c est pareil. Ça te va bien de faire la protectrice par devant et des coups en douce par derrière. Rebecca frotte les mains de sa mère. Victor essaie d attirer l attention d Edith et met son doigt sur la bouche. Rebecca : Mais de quoi tu parles enfin? Agathe : Oui, et puis j ai 71 ans quand même! Edith (à Rebecca) : Tu le sais très bien, mère Thérésa, ça va! Rebecca : Non mais qu est-ce qui te prend? Agathe : Il est où Simon? Edith : Il dort encore, maman. Tu sais bien qu il a besoin de repos ton petit chéri avec tout ce dur travail qu il fait! Agathe : Oui, c est vrai, tu as raison Edith : Décidément, maman, tu nous feras tous mourir de rire! Allez, viens, on s en va. Edith et Agathe sortent. Acte 2 Scène 5 : Rebecca, Victor Rebecca : Alors? Victor : Quoi? 27

28 Rebecca : C est qui cette Delphine? Victor : Mais je t ai déjà expliqué. Rebecca : Tu me prends pour une courge? Victor : C est un agent immobilier. Rebecca : Un quoi? Victor : Un agent immobilier, je te dis. Il y a quelqu un qui a demandé une estimation de la maison. Rebecca : C est ça Dans 5 minutes, tu vas dire que c est moi. Victor : Eh bien, c est une possibilité! Rebecca : Bon, ça va, arrête ton cirque. Tu la connais depuis quand? Victor : Oh Seigneur! Bon, si tu y tiens. Depuis des années. C est ma maîtresse. Elle jouait l agent immobilier pour qu on puisse faire crac crac là haut. Silence dubitatif de Rebecca. Victor : Tu n y crois pas hein? Bon alors je te répète : cette femme est vraiment un agent immobilier. Et je ne suis pour rien dans cette histoire d estimation. J ai fait l idiot parce que j étais sûr que ça allait me retomber dessus vu qu en ce moment tout me retombe dessus Après, je ne sais pas pourquoi elle a sorti cette histoire d amie d enfance. Sans doute parce qu elle avait compris que le terrain était miné. Rebecca : Fine psychologue Victor : Pas besoin. Avec le scandale qu a fait ta sœur A ce propos, je te signale qu Edith est persuadée que c est nous qui sommes à l origine de cette estimation. Rebecca : Comment peut-elle. C est vraiment pas toi hein? Victor : Oh là, on va tous se regarder de travers maintenant! Non, ce n est pas moi. Et ce n est pas Edith non plus si tu veux mon avis ou alors elle a raté une vocation d actrice. Rebecca : Simon..? Victor : Eh bien, malheureusement, il ne reste plus que le Simon chéri de ta maman chérie. D ailleurs il est aussi dans une mauvaise passe financière. Alors Rebecca : Y a quand même un truc qui m échappe. Pourquoi vous l avez pas virée cette femme? 28

29 Victor : Eh bien, Edith pensait que ça venait de moi ou de nous et moi je ne savais pas trop. Rebecca : Et puis ça t arrangerait bien qu on récupère un peu d argent Victor : J avoue Entrée de Simon (débraillé, l air d avoir mal dormi) Acte 2 Scène 6 : Simon, Rebecca, Victor, puis Flora Simon : Salut! Victor : Bonjour! Rebecca : Faut que tu nous expliques, Simon. Simon : Quoi? Rebecca : Pour ce matin. Simon : Ah oui, parlons-en de ce matin! C est vous qui allez m expliquer ce raffut. Moi j ai besoin de me reposer. Je m endors pas avant 2 heure du matin. Alors si c est pour entendre gueuler à 9h, ça va je vais rentrer chez moi. Victor : Il était pas 9h mais 10h bien tassés. Simon : C est pareil! Coup de sonnette. Victor va ouvrir. C est Flora. Victor peut ensuite ramasser un journal(par exemple ) et sortir. Rebecca : Flora? Eh bien? Je n ai pas besoin de vous aujourd hui. Flora : Je viens pas pour travailler. Faut qu on parle. Rebecca : Oui mais pas maintenant. Vous tombez mal. Flora : C est assez pressé. Rebecca : Ah bon Flora : Oui, en plus j ai eu un peu de mal à me décider à venir alors maintenant que j y suis. Petit silence Rebecca : Oui? 29

30 Flora : Bon voilà : ma mère voulait pas remuer le passé mais maintenant que la maison va être vendue, elle me dit que quand même ce serait logique qu on ait rapidement une discussion. Rebecca : Je ne comprends rien. D abord la maison ne va pas être vendue. Flora : Faut pas me la faire. On a vu Concarneau Immobilier sortir d ici. Rebecca : On n est pas au courant mais admettons Et en quoi ça vous concerne? Flora : Eh bien si la maison est vendue, ce serait logique que j aie ma part. Pour le reste on passe mais la maison quand même Rebecca : Votre part? Flora : C est quand même là que j ai été conçue. Simon : Non! Flora : Si Rebecca : C est pas vrai! Flora : Si, si, je vous assure Rebecca : C est très grave ce que vous dites là. Vous avez des preuves? Flora : Non mais on peut faire des analyses ADN si vous voulez. Ma mère est sûre du coup. Elle a couché avec personne d autre que votre père cette année-là et comme je ne suis pas l enfant Jésus Rebecca : Mon Dieu! Simon : Elle te dit qu elle est pas l enfant Jésus! (un temps) Eh bien salut soeurette! Bienvenue dans notre merveilleuse famille! Flora : J ai pas besoin d une famille, juste d un peu d argent. J ai été élevée sans père par une femme qui faisait des ménages, moi. Ça vous dit quelque chose? Rebecca : Je me disais bien aussi que vous n étiez pas nette. Flora : Pas nette, moi! Parce que votre père a profité de la faiblesse de ma mère. Non mais celle-là, c est la meilleure Simon : C est vrai que Rebecca (à Flora, coupant Simon) : C est aussi votre père apparemment. (un temps) Notre mère est au courant? Flora : ça, ça m étonnerait. 30

31 Rebecca : On ne va pas lui dire. Simon : Oui, je suis d accord. On ne va rien lui dire. Rebecca : Peut-être qu elle n en aurait rien à faire d ailleurs. C était pas le rêve, leur mariage. C était un mariage, quoi! Simon : Ouh, toi, ça va pas fort! Rebecca (continuant comme pour elle-même):papa qui collectionnait les aventures et qui n était jamais là même en vacances Simon : Enfin, assez quand même pour faire des enfants à la voisine. Flora : Non pas «des». Mon petit frère c est pas le même père. Simon : Oui, on se doute. Il était mort notre père à cette époque. Alors à moins d avoir été Dieu le père pour le coup Rebecca : Eh bien en tout cas elle ne s est pas ennuyée votre mère! Flora : ça c est bien une réflexion de vous. Mettez vos lunettes, vous direz moins de bétises! Rebecca : Bon, je monte. C est trop pour moi là, je vais craquer. Entrée d Edith. Rebecca qui s en allait, fait demi-tour et revient. Acte 2 Scène 7 : Simon, Rebecca, Flora, Edith Edith : Bon à nous mes petits salauds! J ai laissé maman chez le coiffeur, y a un peu d attente. Alors cet agent immobilier? Silence Edith : Purée! mais qu est-ce qui se passe ici? Vous en faites des têtes Simon : Edith, je te présente Flora. Edith : Oui, bon, ça va je la connais! Simon : Mal, Edith, mal Tu sais qui c est son papa à cette petite? Edith (inquiète) : Non. 31

32 Simon : Eh bien c est le même que le tien, ma petite chérie. Qu est-ce que tu dis de ça? Noir Pour obtenir le troisième acte, merci de m adresser un mail à l adresse suivante : bbardou@lisiere.com en me précisant vos coordonnées (dont un numéro de téléphone) ou celles de la troupe. 32