LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL

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1 Marie-Ève Laporte LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL Sortir plus forte du cancer du sein Mon Petit Éditeur

2 Retrouvez notre catalogue sur le site de Mon Petit Éditeur : Ce texte publié par Mon Petit Éditeur est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d auteur. Mon Petit Éditeur 14, rue des Volontaires PARIS France IDDN.FR R.P Cet ouvrage a fait l objet d une première publication par Mon Petit Éditeur en 2010

3 À mon Héro sans «s» Et à nos trois promesses À l équipe médicale qui opère des prouesses À mes Lecteurs : ils firent que Bulamel naisse Jamais les bras ne baisse Ôte le nocif stress Jamais de rire ne cesse

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5 Un immense merci à Nadine Touma, auteure du tableau «Bulles à Mel» illustrant cet ouvrage, qui en exprime la quintessence : cancer du sein, mais joie de vivre, sérénité, féminité.

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7 Prologue 17 septembre 2009, un an après ce mois de septembre 2008 qui allait changer ma vie, mais je ne le savais pas encore pour le mieux Jeudi 4 septembre 2008 : la rentrée des classes vient d avoir lieu, après nos vacances idylliques et sportives dans les Alpes où nous avons marché de façon intensive avec nos trois bambins. Je me sens en pleine forme. À tel point que j hésite à décaler la visite médicale du travail prévue ce matin-là. Cela va me faire perdre du temps, de toute façon je vais très bien et j ai beaucoup de travail qui m attend. Mais bon, c est la rentrée, j ai encore le recul des vacances, et de bonnes résolutions plein la tête : cette année, j essaierai de rentrer plus tôt le soir, de moins me faire dévorer par le bureau et le stress, et surtout par la politique et les luttes d influence. Oui, c est décidé, je vais rester loin de tout cela. Allez, on y va, à cette visite médicale, mon arrivée plus tardive au bureau ne va pas mettre en péril l entreprise. L infirmière s extasie sur mes nouvelles chaussures en daim beige (celles qui sont ensuite malencontreusement devenues grises en utilisant un rénovateur noir par erreur), tout en me faisant réaliser les tests de vision, me pesant, me posant les questions routinières. Tout va bien. Puis le médecin du travail, une dame très douce, me reçoit. Elle m interroge sur mon rythme de vie et sur le stress lié à mon poste de directrice marketing dans une organisation en plein chamboulement, et 9

8 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL encourage les bonnes intentions dont je lui fais part, avant de m examiner. Je m exécute sans souci car de toute façon, tout va bien. Jusqu à ce froncement de sourcil alors qu elle me palpe l aisselle gauche, et son silence soudain trahissant sa concentration. «Avez-vous remarqué que vous avez un ganglion, là?» Non, je ne l avais absolument pas noté. «Avez-vous eu récemment une infection du côté gauche?» Soulagement : oui, oui, c est sans doute cela, ce fameux gros panaris au pouce gauche dix-huit mois plus tôt qui m avait alors coûté deux visites aux urgences pendant le week-end de l Ascension pour une opération puis des antibiotiques de cheval, faute de m être fait soigner à temps j avais à l époque mis en priorité la visite du grand chef américain et apparemment couru un vrai danger en attendant quatre jours avant de réagir ; je m étais alors dit que oui bien sûr, j allais être plus vigilante et faire plus attention à moi à l avenir. Le médecin semble soulagée par cette explication qui constitue une raison plausible du ganglion, mais me recommande quand même de voir rapidement mon médecin traitant pour «ne prendre aucun risque». Je rentre au bureau, et fais preuve toute la journée d une amnésie étonnante, plaisantant comme d habitude après une visite médicale du travail sur le fait que j aie été déclarée apte malgré mes mèches blondes. J ai tout simplement effacé de mon esprit le ganglion. Il ne me revient en tête que le soir, après avoir couché les enfants et alors que je me démaquille dans la salle de bains en discutant avec mon mari. D un seul coup, comme un flash, l information me revient. Elle me gêne, mais je pense encore que ce n est rien, c est un reste du panaris. Enfin, je 10

9 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL voudrais quand même bien en être sûre. Bon, c est décidé, demain, j appelle le médecin. Vendredi 5 septembre Je ne risque pas d avoir une nouvelle amnésie, car j ai informé des amies collègues de la situation, et elles me harcèlent pour vérifier que j ai bien pris rendez-vous avec mon médecin traitant. C est finalement chose faite, pour le lundi. Lundi 8 septembre 2008 : le médecin, après m avoir examinée, décide lui aussi de «ne prendre aucun risque», même si l explication du panaris paraît plausible et que je n ai aucun facteur prédisposant pour un cancer du sein, j ai même allaité mes enfants au total plus de douze mois donc je suis en théorie plutôt protégée. Il m ordonne une mammographie, juste pour se rassurer, «mais alors, dans un centre à la pointe et qui a un excellent diagnostic. Voici l adresse». Vendredi 12 septembre 2008 : me voici au centre de mammographie. Le temps est superbe, le dôme des Invalides brille de mille feux. Cela ne peut que bien se passer, de toute façon je n ai rien. Je n ai jamais passé de mammographie, c est normal, je m apprête à fêter mes trente-six ans. L opératrice pose mon sein gauche sur la plaque et me fait cette réflexion étonnante en allant déclencher le cliché, «vous ne vous êtes pas fait refaire les seins?». Fièrement, je réponds que non. Serait-ce qu elle me trouve la poitrine particulièrement belle et opulente??? «Je vous demande ça, parce que ça aurait pu expliquer la boule que vous avez, là. Vous ne l avez jamais sentie?» Foudroiement. Brusquement, je sais. J ai un cancer du sein. Bien sûr, rien d officiel encore, le médecin qui me réalise ensuite une échographie me donne des statistiques, cette tumeur n est pas forcément cancéreuse, et même, dans la majorité des cas, 11

10 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL elle ne l est pas. «En plus, vous n avez aucun facteur de risque. Mais il faut être vigilant et faire une biopsie.» Celle-ci est programmée pour le 19 septembre. Mais en sortant du centre de mammographie, il est clair dans mon esprit que j ai un cancer du sein. Comment l annoncer? Je ne me résous pas à appeler mon mari, je ne peux pas lui faire ça. Alors j appelle mon amie d enfance, ma complice de toujours, qui plus est chirurgien, et pleure à n en plus finir, sous l œil attiré et fuyant des passants gênés. Comme toujours, Sophie parvient à me faire rire, m alertant sur le fait que je risque de passer à la télévision, avec tous ces ministères autour de moi et ces journalistes potentiellement dans le quartier. Je pense être suffisamment ragaillardie pour appeler Emmanuel sans l affoler. Peine perdue, ma voix s éteint quand il décroche, je ne peux plus parler, que pleurer, la boule du sein semble être remontée dans la gorge. Ce sera la pire période de cette longue aventure du cancer, cette journée suivie du weekend en Berry où nous gâchâmes probablement la fête en l honneur des quatre-vingt-dix ans d une cousine par notre détresse palpable. Après la biopsie le 19, puis l attente, vint l appel de mon gynécologue le 25 septembre 2008, deux jours après mon anniversaire, vingt jours après nos dix ans de mariage, et quatre jours avant le délai normalement annoncé d obtention des résultats. Ce n est pas bon signe. J interromps ma réunion téléphonique avec l Angleterre pour prendre l appel sur mon portable. Il me demande de venir le voir. Je lui dis «c est un cancer n est-ce-pas?» Je le gêne, il n aurait pas voulu m annoncer cela par téléphone, mais il me connaît, et sait que j ai besoin de savoir. J irai le voir ce soir. Mais d abord, je re- 12

11 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL prends ma réunion téléphonique. Tout ne peut pas s arrêter maintenant. Pas encore. C est ma façon d intégrer l information Une heure plus tard, je vais pleurer chez une amie de l autre division quelques étages plus bas, et c est elle qui me convainc d appeler Emmanuel. «Tu crois le protéger, mais il t en voudra si tu le tiens à l écart et ce sera encore plus dur pour lui. Appelle-le». Et bien sûr, Emmanuel laisse tout et arrive immédiatement, pour participer à ce rendez-vous médical confirmant le diagnostic de cancer du sein. Nous avions prévu de longue date une grosse fête pour nos dix ans de mariage programmée le 11 octobre 2008, avec les personnes qui pour la plupart étaient présentes dix ans plus tôt, qui devait être suivi d un nouveau voyage de noces de rêve, aux Seychelles. Le Bulamel 0 (BULletin de santé A Marie-Ève Laporte zéro car le concept n était pas encore conscient ni le nom déterminé) leur annonça ma maladie, et initia une correspondance régulière tout au long de l année de traitements. Les pages qui suivent sont les s que j ai envoyés tout au long de mes traitements à ma famille et à mes amis, pour les informer de mes traitements, mais aussi pour me guérir. Elles n étaient aucunement destinées à être publiées, je plaisantai même de ce sujet tout au long des Bulamels. Ils ont été mon anti-tumoral et mon anti-tue-moral je remercie au passage mon amie Béatrice de Reynal, nutritionniste renommée, qui m a suggéré ce jeu de mots. De simples comptes-rendus médicaux au départ, les Bulamels ont au fil du temps évolué vers ma nouvelle approche de la vie. Ce sont leurs destinataires qui m ont encouragée à rechercher un éditeur. J ai fini par écouter leur argument selon lequel ces Bulamels pourraient aider d autres personnes, elles- 13

12 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL mêmes confrontées à la maladie directement ou au travers de leurs proches, ou simplement à des interrogations sur le sens de leur vie. Rien ne pourrait plus me combler que mon expérience s avère enrichissante pour autrui, tout comme elle l a été pour moi. Aujourd hui, le cancer du sein a changé ma vie, pour le mieux. Puisse-t-il en être de même pour d autres lecteurs. Mèl 14

13 Bulamel 0 Annonce Chers Famille et Amis, 1er octobre 2008 Nous espérons que vous êtes tous prêts pour célébrer nos dix ans de mariage par une fête inoubliable le 11 octobre qui s approche à grands pas. Je voudrais préciser quelque chose que vous ne savez pas tous encore. Je suis désolée de vous l annoncer par , mais je tiens à ce que vous le sachiez avant la fête pour arriver dans les meilleures dispositions. On vient de me diagnostiquer la semaine dernière un cancer du sein et je vais très prochainement commencer une chimiothérapie. Lorsque nous nous sommes posé la question de savoir si nous maintenions ou non la fête, nous n avons pas hésité longtemps pour répondre par l affirmative car il nous sera très bénéfique d être entourés à condition que ce soit dans la joie et le positif. Soyons très clairs : ce n est pas mon enterrement les médecins m ont dit que je ne mourrai pas de ça, avis à ceux qui comptaient sur l héritage! Donc pas de larmes ni soupirs ni regards entendus, mais rire, bonne humeur et ondes positives pour nous aider à affronter la suite. Je compte sur vous, c est le plus beau cadeau que vous pourrez me faire. Et je vous assure 15

14 LE BULAMEL ANTI-TUE-MORAL que de notre côté, le moral est au beau fixe et l humeur battante. Vous saviez peut-être que nous avions réservé un voyage «de noces» de rêve pour la fin du mois. Nous le ferons lorsque je serai guérie et nous n en profiterons que mieux. Donc non, Mesdemoiselles et Mesdames, je ne vous cède pas la place pour que vous partiez avec mon mari. Voilà, cela vous laisse le temps de vous charger d ondes positives pour les diffuser sans modération le 11. Grosses bises à tous, Mèlépoinsurlézi 16