UNE BANQUE DE DONNÉES INFORMATISÉE SUR L'HISTOIRE DU TAOÏSME

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1 UNE BANQUE DE DONNÉES INFORMATISÉE SUR L'HISTOIRE DU TAOÏSME Depuis un peu plus de deux ans, le Centre de documentation et d'étude du taoïsme conduit un programme de traitement sur ordinateur de textes taoïstes 1. Le besoin d'un tel programme s'était fait sentir grâce au Projet Tao-tsang ^ ^, projet qui a pour but de constituer la première bibliographie analytique et descriptive des ouvrages contenus dans le Canon taoïste. Comme l'on sait, ces ouvrages, au nombre de environ, ne sont souvent ni datés ni signés. De plus, ils n'ont pas retenu, dans leur grande majorité, l'attention des bibliographes chinois traditionnels. Les notices (tiyao %&.$h ) du Siku quanshu zongmu v» ne couvrent qu'une cinquantaine de textes taoïstes! Aujourd'hui, pour dater et situer d'une façon générale les textes du Canon, le seul moyen consiste à chercher des indices à l'intérieur des textes mêmes sous forme de citations, noms de lieux, titres et noms de personnes, etc. Pour indexer ces éléments datables et communiquer les données à tous les collaborateurs au projet, les traditionnels fichiers ne sont plus d'actualité, tant la masse des informations à traiter et à comparer était importante. La décision fut prise d'avoir recours à l'informatique. 1. Centre de recherches de l'ecole Pratique des Hautes Etudes, actuellement hébergé par les Instituts d'asie du Collège de France, 22, Avenue du Président Wilson, Paris. 48

2 Pour commencer, nous avons demandé conseil à l'institut de Recherche et d'histoire des Textes (IRHT) du C.N.R.S. 1. Dans ce centre, plusieurs équipes utilisaient déjà l'ordinateur pour leurs travaux (notamment ceux de 1' «Onomasticon arabicum», répertoire biographique des personnes mentionnées dans les manuscrits arabes). Pour le traitement de textes, l'irht a développé un programme spécial, intitulé «CLEO». Voici un extrait de la présentation générale de ce programme, rédigée à l'intention des utilisateurs éventuels : «CLEO est une chaîne de programmes écrits en langage PLI. C'est un système avant tout documentaire (il effectue une série de tris combinés), mais qui permet aussi la sortie d'index. On a cherché à lui donner comme caractéristiques une certaine souplesse au niveau de l'entrée des données, une diversité des commandes de tri possible grâce à des programmes paramétrés et la possibilité de fournir l'édition soignée des résultats. L'entrée des données constitue un intermédiaire entre le «full text» et le codage : les données sont entrées en clair, mais après un choix préalable des informations à retenir pour le traitement. On retient surtout les informations qui sont spécifiques d'un article du corpus, mais qui peuvent être comparées et sont donc de même nature que celle d'un autre article. Le choix se fait aussi en fonction du type d'interrogation que l'on souhaite, sans que la liste en soit pour autant close dès l'instant que les données sont enregistrées. CLEO s'adresse donc à des données à caractère répétitif et d'une certaine homogénéité. Mais il n'impose pas une structure rigide : les articles peuvent être plus ou moins longs, on peut retenir pour chacun d'eux un nombre variable d'informations, les informations elles-mêmes peuvent être plus ou moins longues : le programme n'impose pas de longueur minimum ni maximum. 1.40, avenue dléna Paris. 49

3 Un fichier CLEO se présente comme un fichier séquentiel : c'est une suite de «notices» (ou d'articles), chaque notice étant constituée d'une suite de «zones» (les informations retenues). On va à la ligne pour chaque nouvelle information. Le seul codage consiste dans 1. le choix d'un «séparateur de notices» (on utilise souvent le /) et 2. le choix de «codes de zone» qui permettent d'identifier chaque information. Le code de zone est déterminé par l'utilisateur. Il doit cependant être réduit au minimum afin d'alléger la saisie et l'interrogation des données, les codes de zone restant assez nombreux et nuancés pour représenter avec fidélité le fonds documentaire (...). Pour les tris sur zone, les critères sont définis à chaque passage du programme par l'utilisateur. Ce sont les paramètres du programme. On peut combiner des tris à 5 niveaux (un tri principal, soustrié 4 fois) chaque niveau pouvant regrouper plusieurs types de zones. Le nombre de zones de tri est donc limité, mais on peut faire éditer à la suite un nombre illimité de zones.» Nous avons donc adopté pour notre banque de données ce système CLEO, auquel furent apportées certaines petites modifications en fonction de nos besoins spécifiques. Nous avons choisi une vingtaine de codes de zone. Il serait fastidieux de les énumérer tous. A titre d'exemple, voici quelques-uns des plus importants : NOM Nom courant des personnes TZU Nom littéraire, les tzu HAO Appelation poétique, religieuse, le hao AUT Auteur du texte indiqué BIO Sujet de la biographie indexée TIT Titre religieux ou administratif DIV Divinité, personnage mythique divinisé ECO Ecole, courant, mouvement, tradition LOC Nom de lieu, en général ORB Lieu d'origine du sujet d'une biographie 50

4 SAN Montagne TEN Lieu mythique, paradisiaque, etc. LOU Bâtiment religieux, temple, monastère, ermitage, etc. DAT Dates en général, transcrites selon le comput occidental SHU Titre d'un ouvrage, en général RIT Rituel, procédé Chaque notice commence par la référence (REF) à l'ouvrage du Tao-tsangj&jfc indexé. Les notices sont subdivisées en pages (PAG). Le nombre de codes de zone est illimité, et nous pouvons en créer de nouveaux si le besoin s'en fait sentir. Certains collaborateurs ont introduit des codes spécifiques pour l'indexation d'éléments importants pour leur recherche personnelle. Ceci dit, la banque de données est tout d'abord un outil de travail commun, et nous avons donc commencé par l'indexation des textes les plus importants pour le plus grand nombre. Ce sont les biographies, les hagiographies, les textes historiographiques, les recueils d'épigraphie, etc. Il s'agit là de sources riches en données, parfois assez longues à indexer. Pendant quelques mois, tout le monde s'y est mis, et nous avons donc fait entrer environ données dans notre fichier dès la première année. Par la suite, chacun a indexé systématiquement les textes pour lesquels il rédigeait un article bibliographique. Il s'agit, bien sûr, d'indexer à terme tous les textes du Tao-tsang f&j&i Les données des ouvrages à caractère historiographique ne peuvent trouver leur pleine signification qu'en rapport avec les éléments constitutifs des autres textes : rituels, traités et manuels qui sont la matière concrète du taoïsme. Il faudra également prévoir, dans l'avenir, de traiter les sources secondaires telles que les monographies locales {fangzhi 1S & ) et les recueils de notes (biji%$0. Dans notre centre, il a fallu installer un tableau de planning spécial pour pouvoir suivre pas à pas le traitement de tous les textes. En effet, après une première rédaction par les collaborateurs 51

5 au projet (une dizaine), les notices passent par une révision (omissions, données inutiles, etc.), puis par une correction (surtout pour la transcription); suit la mécanographie. Les notices entrées sur ordinateur sortent d'abord en tant que telles, composées et imprimées à double interligne. Les fautes de frappe sont corrigées et les caractères chinois ajoutés, ce qui permet aux notices imprimées de jouer le rôle de corpus de référence. La réalisation de ce corpus permettra aussi, le jour où il sera possible de faire pénétrer les caractères sur l'ordinateur, de reconvertir notre banque de données sans avoir à refaire tout le travail d'indexation. C'est enfin à partir des notices corrigées que nous pouvons demander les tris sur zones simples ou combinées. Ces tris, vous l'aviez compris par ce qui précède, sont en transcription, plus précisément en pinyin ty-%; mais avec des traits d'union entre les mots/syllabes faisant partie d'une unité significative. L'introduction des traits d'union permet la reconversion facile du pinyin dans d'autres systèmes de transcription et augmente grandement la lisibilité des mots pour les mécanographes. Notre fichier sur ordinateur est en transcription pour la simple raison qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, un système de saisie simple et formalisé des caractères chinois. Certes, il se peut qu'un jour nous disposions d'ordinateurs chinois (signalons, en passant, les recherches intéressantes sur le système «glyphoton» du département d'informatique de l'université de Paris VII), mais nous ne savons pas quand cela sera le cas. Je crains aussi que lorsque cette technologie sera au point, elle ne soit point abordable pour des chercheurs comme nous, avec les moyens budgétaires et en personnel que l'on sait. Il a donc fallu tenter notre chance avec un système en transcription. Après deux ans d'expérience (et d'utilisation intensive), il nous est possible d'affirmer que cela marche très bien, et qu'en vérité, pour nos besoins, la nécessité d'arriver à un traitement en 52

6 caractères apparaît de moins en moins urgente. Les sorties en pinyin sont parfaitement suffisantes. Il s'agit, après tout, pour nous de traiter des données avec lesquelles nous sommes déjà, par nos recherches, assez familiarisés. Pour lire des entrées comme: NOM Zhang Zi-fang (Zhang Liang) REF 0781 : Xuan-pin lu - BIO - PAG 6a, nous n'avons vraiment pas besoin de caractères! Grâce à Dieu, le traitement sur ordinateur de nos textes laisse quand même une place à notre qualification de sinologue taoïsant. A l'heure actuelle, notre banque de données commence à trouver une ampleur confortable. Avec environ 500 textes traités, nous avons entré lignes. Les tris effectués sur ces données deviennent donc de plus en plus lourds. Le dernier listing des noms de personnes est volumineux : il mesure 18 cm en hauteur et pèse plus de 6 kilos! Il devient donc d'un maniement difficile. Le tri des titres d'ouvrages est presque aussi lourd. De plus, les tris sur papier sont chers et l'envoi de ces grandes liasses aux collaborateurs à l'étranger devient mal commode. Comment alors consulter notre fichier? L'appel sur écran est une possibilité, surtout dans la mesure où le C.N.R.S. finance volontiers l'installation de ce genre de sortie dans les laboratoires. Mais ce n'est pas une solution satisfaisante. En effet: pour appeler notre fichier (c'est-à-dire toutes les bandes enregistrées) et charger la mémoire centrale de l'ordinateur, il faut déjà une vingtaine de minutes! Il faut souvent vider la mémoire d'autres fichiers sur lesquels d'autres laboratoires travaillent en permanence. Il faut donc aménager un temps spécial pour avoir notre banque en direct, à des périodes de la journée où le CIRCE n'est pas trop sollicité. Il n'est donc pas possible d'envisager la sortie sur écran pour la consultation courante. Alors, avoir notre propre ordinateur, un Apple II ou autre machine de bureau? Notre fichier est déjà beaucoup trop volumineux pour pouvoir être stocké dans les micro-ordinateurs actuellement dispo- 53

7 nibles. La solution de l'avenir, mais, espérons-le, un avenir pas trop éloigné, est la sortie en microfiches, fabriquées directement à partir de la bande enregistrée (système COM). Malheureusement, ce système ne semble pas encore être en opération courante au CIRCE. Tout n'est pas encore au point au royaume des ordinateurs! Notre modeste expérience, menée avec des moyens limités a suscité un intérêt certain auprès de chercheurs extérieurs à notre projet. En effet, une fois la banque de données constituée (et elle l'est déjà dans une certaine mesure, car elle rend déjà de grands services au Projet Tao-tsang t&jfëkj, elle rendrait des services non seulement aux spécialistes, mais à tous ceux qui cherchent des renseignements précis dans le domaine de la religion chinoise. Les tris sur microfiches pourront être communiqués facilement aux chercheurs du monde entier. Il serait donc souhaitable, à mon sens, de conserver cette banque après l'achèvement du Projet Tao-tsang, et même de continuer à l'enrichir. Ce maintien ne demanderait que peu de place et d'argent et assurerait la continuation du progrès dans un domaine spécifique de la sinologie française. Kristofer M. SCHIPPER Ecole Pratique des Hautes Etudes 54