LES ARTS AFRICAINS 01 / 02

Transcription

1 NOM, prénom, classe LES ARTS AFRICAINS 01 / 02 Jusqu au XXe, nombre d œuvres fabriquées par les peuples d Afrique noire sont avant tout des objets liés à des cérémonies sociales ou religieuses. Certaines œuvres sont détruites après avoir été utilisées. Un objet religieux qui perd son pouvoir magique n est plus d aucune utilité et est abandonné. s et statuettes sont des formes abritant les esprits (ancêtres, dieux ). On appelle «masque» l ensemble des éléments permettant d incarner un personnage lors d une cérémonie : costume, actions, voix Chez de nombreux peuples africains, les esprits de la nature sont néfastes et hideux, difformes (bossus, longs cheveux sales ). La réalisation d une belle statuette, d un beau masque, selon les goûts africains, permet d offrir à l esprit un corps dont il sera fier, transformant sa laideur en beauté. Il devient alors bénéfique. Dans la plupart des vocabulaires africains, un même mot signifie «beau» et «bon». Ainsi dans la région de Sanga, «edou» signifie beau-gentil-propre, et «yanay» laid--mauvais-sale. A - Un art figuratif, entre réalisme et idéalisme L art africain traditionnel est avant tout figuratif. Les œuvres représentent des réalités corporelles précises (corps humain, oiseaux ) et sont donc en partie réalistes (on dit aussi naturalistes). Ce réalisme peut être renforcé par l ajout de certains matériaux comme de la peau, des cheveux, des cornes Tête masculine (serviteur ou roi) Culture Ifé Nigéria, XII / XIVe siècles 15, 5 cm de haut, terre cuite Musée du Quai Branly, Paris, France Wanyugo Culture Sénoufo, Côte d Ivoire 1988, archives Barbier Mueller, Genève, Suisse Cependant ce réalisme ne cherche pas à imiter parfaitement la réalité : il n est pas illusionniste. Il va au contraire de pair avec un certain idéalisme. Il ne s agit pas de faire le portrait physique exact d une personne, mais d en donner une évocation, souvent flatteuse. Ce portrait met plus en avant le caractère, les qualités (puissance, calme ), le statut (roi ). Si bien que l œuvre peut ne plus ressembler physiquement à son modèle. Un vocabulaire spécifique distingue les portraits ressemblants physiquement, et ceux renvoyant au caractère, aux qualités et au statut (chez les Yoruba la «texte extérieure» est nommée «ori ode») et la «tête intérieure» «ori inu»). Pays Bushongo Photographie de Eliot Elisofon Dans l art africain traditionnel, la plupart des œuvres proposent un art figuratif simplifié : les formes tendent à une géométrisation (un œil devient un cercle ou un cylindre ; les coiffures sont stylisées ), et les couleurs tendent à une simplification (choix de quelques couleurs appliquées en aplats ). Les matériaux réels rajoutés (peau, corne )à l œuvre ne sont pas destinés à renforcer l imitation d un modèle. Au contraire, ils ont pour but de donner plus de réalité à idée, à une expression, à un esprit. Il faut que l on puisse y croire! Les nombreuses manipulations donnent aux objets une patine, un aspect poli, lisse au toucher et brillant, qui est apprécié. Les traces laissées par les outils qui ont servi à fabriquer les œuvres tendent à disparaître. Roi du Dahomey sous la figure d un lion culture Fon (actuel Bénin), fin XIXe, 170 cm de haut, bois, musée de l homme, Paris, France B - Les règles de création Le système de proportion du corps Les statuettes à forme humaine ont des proportions particulières. Très souvent sculptées à partir d un rondin de bois, elles ont une posture verticale. Trois zones d importance différente sont dégagées : la zone tête-cou qui occupe 1/3 ou 1/4 de la sculpture ; la zone torse-bras, souvent allongée afin de mettre en évidence le ventre et le nombril ; la zone des jambes (les dimensions les plus petites). La sculpture est destinée à être Akyé ou Abé ou vue de face (frontalité). Les Gwa ou Kyaman formes du corps se répartissent Côte d Ivoire, XIX-XXe, 24,5 cm de haut

2 LES ARTS AFRICAINS : 02 / 02 de manière symétrique autour d un axe vertical, contrebalancé par de légers décalages (rotations de la tête, positions différentes des mains ). Le mouvement est souvent présent mais retenu : les jambes sont fléchies, le torse penché. Le profil révèle souvent des lignes obliques, pour contraster avec l aspect qu a la sculpture vue de face. Le système de mise en couleur Trois couleurs fondamentales, appliquées la plupart du temps en aplat. Le blanc : positif. Couleur de la lumière du jour ; des dieux et des esprits ; de l innocence, de la pureté, du non-initié ; de la Ethnie Ashanti, Ghana, XIX- XXe, 44,5 cm de haut droiture Le noir (parfois bleu) : négatif. Couleur de la nuit ; de la mort, du mal (maladies ) ; de la sorcellerie ; de l antisocial Le rouge : ambivalent. Couleur du soleil, du feu, du sang, des forces agressives ; de la puissance ; de la naissance ; de la jeunesse... Une art de l expression L art africain a pour but de matérialiser une puissance magique. Les œuvres doivent intimider, effrayer, surprendre... ; bref être avant tout expressives. La ressemblance exacte de l œuvre à son modèle, à la réalité, est secondaire. L œuvre présentera même des caractéristiques jugées «laides» mais plus expressives : Surfaces incrustées de déchets, sales ou poussiéreuses La sculpture est parfois recouverte d une croûte faites des restes des matériaux utilisés lors de sacrifices (sang, plumes, duvets, alcool ). Recherche de la «dissemblance», de la déformation (asymétrie, décalage des yeux, creusement des joues, marques rappelant des maladies, malformations ) Associant des anatomies de différentes espèces (humain + lion ). Assemblages d objets symboles d un être particulier (panthère, aigle ) ou auxquels on donne un sens particulier (métal, os, cadenas, miroirs, peaux, crocs, mues, carapaces, coquillages (cauris) ). Une caractéristique particulière est à relever, celle d un «non-fini». L œuvre, créée dans l urgence pour une cérémonie, n est pas achevée. Peu importe l aspect beau ou laid, seul le contact immédiat et direct avec l esprit invoqué est recherché. C - Deux exemples destinés à la gestion des conflits et opposés dans leur aspect Le masque Wé démontre la forte expressivité parfois liée à ces masques. Celui-ci, qui concerne soit la famille élargie, soit plusieurs villages, et qui est utilisé dans le cadre de la gestion de conflits (justice, guerres), présente un visage volontairement effrayant, laid et qui s écarte de l aspect des visages habituels. Il rend compte du caractère indéfinissable de l esprit qu il incarne : humain et animal s y mêlent dans une accumulation d éléments hétérogènes (poils humains et animaux, défenses sculptées au-dessus de la bouche, clochettes en métal brillant alliant le son et le mouvement à l expressivité du masque, nez triangulaire épaté, lèvres charnues, dents importantes et alignées, patine noire de l ensemble, couleur rouge rehaussant des yeux cylindriques protubérants et dont la face blanche cerne un trou noir ). Culture Kwélé (rites conjuratoires des forces néfastes : deuil ) Congo 38 cm de haut, bois et pigments Culture Wé Côte-d Ivoire, 37 cm de haut, bois, poils, fer et pigments Le masque Kwélé illustre la relation figurationabstraction que l on peut trouver dans certaines œuvres africaines. Figuration parce que le visage est à la fois anthropomorphique (visage d être humain) et zoomorphique (les longues cornes l entourant pourraient symboliser «bata», le bélier). Abstraction parce que l ensemble est très simplifié, géométrisé. L expression s efface pour une forme de «neutralité» et de «maîtrise» (yeux étirés et mi-clos, bouche presque effacée en une petite fente ). De même, les couleurs ne sont pas réalistes : elles sont réduites à deux des couleurs fondamentales et opposées symboliquement dans l art Africain, le blanc et le noir-bleu. associé à Ce type de masque est appelé «pibibuzé» : homme. Les cérémonies bweté qui l utilisent sont destinées à repousser les forces néfastes (famine, maladie, mort, conflits au sein de la communauté ou avec d autres villages ).

3 Wanyugo Culture Sénoufo, Côte d Ivoire 1988, archives Barbier Mueller, Genève, Suisse

4 Tête masculine (serviteur ou roi) Culture Ifé Nigéria, XII / XIVe siècles 15, 5 cm de haut, terre cuite Musée du Quai Branly, Paris, France Pays Bushongo Photographie de Eliot Elisofon

5 Akyé ou Abé ou Gwa ou Kyaman Côte d Ivoire, XIX-XXe, 24,5 cm de haut Ethnie Ashanti, Ghana, XIX- XXe, 44,5 cm de haut

6 Roi du Dahomey sous la figure d un lion culture Fon (actuel Bénin), fin XIXe, 170 cm de haut, bois, musée de l homme, Paris, France

7 Culture Wé Côte-d Ivoire, 37 cm de haut, bois, poils, fer et pigments Culture Kwélé (rites conjuratoires des forces néfastes : deuil ) Congo 38 cm de haut, bois et pigments