Charlotte Trinquart. Juste un regard

Transcription

1 Charlotte Trinquart Juste un regard 2

2 2

3 «L amour est un espoir qui te fait rire, sourire ou pleurer» Charlotte Trinquart 2 3

4 24

5 Chapitre 1 Le jour commence à se lever, les oiseaux chantent la tristesse du monde. Un grillage noir suit un bâtiment sombre, sale et laid. De l herbe l entoure ainsi qu une longue allée et sur la droite, il y a un parking. Ça ressemble à une prison, mais ce n en est pas une. Deux projecteurs sont sur la façade, ils se croisent. Ils éblouissent les élèves qui arrivent. Les escaliers sont étroits, suffisants pour passer à deux mais pas plus. Il y a des trous dans les murs et on remarque qu à l intérieur, l humidité entre et que l isolant pourrit. Dans le couloir, il fait sombre et clair en même temps. Les murs sont recouverts d une peinture rouge très foncée. Il n y a pas de lumière, il n en faut pas, ils n en ont pas besoin parce qu elle rentre par les fenêtres des classes. Les élèves se rangent parce qu on sonne, une classe a cours de musique. Quand on passe le seuil de la porte, celle de ce cours de musique, on n a pas cette ambiance répétitive 2 5

6 du cours chiant qui te donne envie de dormir. Au contraire, tu as envie d y aller. D ailleurs, les élèves attendent devant la classe. Une éducatrice arrive près d eux et leur ouvre la porte. Les élèves rentrent. Ils s installent à leur place habituelle, sans vraiment penser à en choisir une autre. Un peu plus devant, un peu plus derrière, un peu plus à gauche ou un peu plus à droite. Non, on se contente de son premier choix sans vouloir changer, voir si on a vraiment bien choisi. Les bancs sont divisés en trois rangées. En face du tableau, tout à gauche, du côté des fenêtres, il y a quatre bancs doubles et le bureau du professeur. Dans la rangée du milieu, il y a cinq bancs doubles collés à cinq autres bancs doubles. Et la dernière rangée, celle tout à droite, elle comporte quatre bancs simples, un devant la porte et les trois autres derrière. Le dernier a une armoire derrière lui. Le tableau est propre. La poubelle est vide. Sur le mur en face, il y a des posters. Le premier illustre la Belgique, un autre avec plein de photos des voyages scolaires et le dernier, la capitale du pays en pleine nuit. Sur le mur juste à droite, il n y a que des fenêtres ainsi que des rideaux verts kaki. La peinture est bleue. Ce n est pas très beau. Les élèves sont assis mais ne complètent pas tous les bancs. Ils forment des clans sans trop le savoir. Deux amies se sont mises tout devant, dans la rangée du milieu, elles discutent de leur week-end. L une est un peu plus forte que l autre mais beaucoup plus jolie. Elle a des yeux si beaux, si perçants. Coupe au carré, le dessus 26

7 brun, le dessous blond, un petit air de prétention, sans vraiment l être. Sa copine par contre est mince, je dirais même maigre. Les cheveux noir mi-longs, un appareil auditif et des lunettes, elle semble timide. Deux bancs derrière elles, il y a deux garçons, le plus jeune des deux a posé un casque de moto sur son bac. Il a de la barbe et des cheveux bruns, collé à son GSM, il envoie des messages à sa copine. Son pote est plus grand mais a moins de barbe, il a un visage très caricaturé, de grands yeux, un long nez, le visage allongé, les cheveux plaqués avec du gel, qui donne un effet blond brillant. Sa voix porte loin, il représente le chef de ses camarades, celui qui, quand il fait une remarque tout le monde accepte, quand il fait une blague tout le monde rigole. Il discute avec un type derrière lui. Veste en cuir, écouteur dans les oreilles, son jus sur le banc, ils parlent de musique électronique. À côté, il y a un gars, il est super relax, il rigole tout le temps, mais sans avoir l air motivé, il pose sa tête sur son sac et dort. En face du bureau, du professeur de musique, il y a une fille, fixée sur son GSM, elle est en train de jouer à un jeu vidéo. Et au banc juste derrière elle, il y a une autre jeune fille, elle a déjà sorti son cours, s appuyant contre la fenêtre, cheveux blonds assez longs, les yeux verts, assez mince, pas trop grande, elle attend et regarde son copain, qui se trouve à côté d elle. Il a des cheveux bruns courts, un visage fin, il semble être posé, on dirait un ange. Il dort. 2 7

8 28

9 Chapitre 2 Il roule trop vite, beaucoup trop vite. Il prend le virage à toute vitesse et grimpe sur le trottoir en évitant les passants qui manquent de se faire écraser. Le gros 4X4 noir freine mais trop tard, il renverse une jeune femme. Un garçon pleure sur son corps et insulte le conducteur. Les gens sont curieux, se rassemblent autour de celui-ci. L un sort son portable pour filmer, l autre prend des photos. Aucun ne va avoir à l esprit d appeler les secours. Les gens n ont plus conscience du bien et du mal. Le 4X4 est déjà loin, il ne s est pas arrêté, sûrement trop bourré ou s en fout tout simplement. Après tout, le monde devient de plus en plus égoïste. Le sang se répand de plus en plus sur la route, qui à la longue prend une couleur bordeaux. Ses mains sont rouges, il tient sa tête sur ses genoux, il réclame des secours, personne ne bouge, tout le monde rigole et commente la scène. Les humains sont devenus cruels, sadiques et leurs sentiments ont disparu. Deux, trois minutes plus tard, 2 9

10 les passants continuent leur chemin, laissant ce jeune homme seul, sur la route, avec la jeune femme dans ses bras. Il pleure, il pleure tellement que le visage de la femme est mouillé par ses larmes. «Ryan! Ryan! Allez la prof est là!» dit sa copine qui tenait déjà son stylo en main. Le jeune homme a des sueurs froides. Il lève sa tête et regarde autour de lui. Il regarde la classe avec les yeux à moitié fermés car la lumière est trop éblouissante. Il se redresse en tendant ses bras derrière sa chaise. Ça va? Oui t inquiète, j ai encore fait le même cauchemar Ah! Il ouvre son cours, reprenant la dernière feuille qu ils avaient fait le vendredi. Il jette un coup d œil sur le classeur de sa copine. C est quelle page? 24. Merci. Puis il fixe la prof. * * * Mon bras me pique, comme après chaque cauchemar que je fais. C est toujours le même, la voiture, elle qui se fait reverser, moi qui pleure sur elle 210