De l'état des lieux à la prospective



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ÉTUDE SECTEUR Santé PHARMACIES D OFFICINE De l'état des lieux à la prospective

02 ÉTUDE - mars 2012 Sommaire 03 Principaux enseignements 05 Étude initiée par la CPNEFP 05 Constat 06 Méthodologie suivie 07 Caractéristiques principales de la branche 09 Facteurs d'évolution 09 Transformation du modèle économique de l officine 11 Évolution du cadre juridique de l'activité 13 Évolution de la demande 14 Place de l'officine dans le système de soins 16 Évolutions de la structure de la branche 16 Baisse globale du nombre de pharmacies d officine 19 Évolutions des métiers et de l'organisation 19 L organisation du travail et les métiers 22 Deux scénarios possibles pour l avenir 22 Scénario 1 : absence de réaction de la profession dans un contexte de concurrence accrue 23 Scénario 2 : la profession prend sa place dans le nouveau paysage du système de santé 25 Synthèse des scénarios 25 Des pistes pour l'action 27 Annexe 1 29 Annexe 2 31 Lexique Étude réalisée par le cabinet Ithaque pour l OMPL

ÉTUDE - mars 2012 03 La pharmacie d'officine, un acteur incontournable du système de soins Principaux enseignements Un contexte économique difficile qui va avoir des effets sur la branche Depuis plusieurs années, la branche traverse une crise économique dont les causes sont structurelles et qui produira des effets sur les prochaines années. n n n Les politiques de limitation des déficits par la maîtrise des dépenses de santé vont peser sur l économie globale de l officine. La demande de soins se transforme avec des besoins plus affirmés de conseil, le vieillissement de la population et les politiques de maintien à domicile dans lequel le pharmacien a un rôle à jouer. La concurrence et notamment celle d Internet va s accentuer. Une certaine concentration des pharmacies d officine pourra voir le jour, limitée néanmoins par le cadre juridique. Des nouvelles missions pour l officine En revanche, des perspectives nouvelles s'ouvrent aux entreprises de la branche avec la reconnaissance de nouvelles missions dont le dépistage, la prévention et l'accompagnement de patients chroniques, le conseil Missions qui pourront être rémunérées à l'acte en fonction d'objectifs déterminés. Les ressources humaines constituent un facteur clé dans la stratégie de développement de ces nouvelles missions. Répondre à de nouvelles demandes et développer des activités impliquant du service et du conseil ne pourront se faire sans le personnel compétent au sein de l officine. Des capacités d investissement seront nécessaires pour aménager les espaces requis dans l officine et pour assurer certaines des nouvelles missions. Toutes les officines ne pourront pas s'y impliquer de la même façon en fonction de leur taille et de leur localisation. Globalement, le réseau va connaître une réduction du nombre d'officines et une augmentation de leur taille moyenne. Un risque existe de disparition d'officines localisées dans des zones touchées par la désertification médicale. Une évolution des métiers Les nouvelles missions concerneront plutôt les titulaires et les adjoints, mais c'est toute l'équipe officinale qui est concernée par la recomposition des tâches et de nouveaux modes d'organisation du travail. Les préparateurs devront trouver leur place dans ces nouveaux modes d'organisation, et leur formation devra être adaptée en conséquence et se renforcer dans des domaines tels que : le conseil «hors ordonnance» et la prévention ; les techniques de communication ; la pharmacologie ; la connaissance des pathologies ; des domaines spécifiques liés au développement d une activité de l officine : phytothérapie, aromathérapie, orthopédie Les fonctions de gestion, logistiques et administratives vont se développer sous l effet des exigences accrues de gestion et la recherche de gains de productivité. Mais cela ne se traduira pas nécessairement positivement sur l emploi.

04 ÉTUDE - mars 2012 Deux scénarios pour l'avenir Ces deux scénarios se différencient sur le plan des stratégies mises en œuvre par les entreprises en réponse à ces nouveaux défis. Scénario 1 : absence de réaction de la profession dans un contexte de concurrence accrue Les officines cherchent à répondre à la crise plutôt par une réduction des coûts que par une redynamisation de l offre de service. Le réseau se réduit en nombre d officines et en couverture géographique (de l ordre de 3 000 à 3 800, soit la moyenne des hypothèses avancées). La taille moyenne des officines augmente légèrement mais il n'y a pas de réelle restructuration du réseau. Le développement de nouvelles activités est limité car leur rémunération est jugée trop faible par une grande partie des entreprises. La baisse démographique du nombre de pharmacies d officine impacte négativement le volume d emplois, cet effet est accentué par la baisse de l emploi moyen par officine. La baisse de l'emploi est estimée de 11 000 à 12 000 pertes d'emplois salariés par rapport au niveau de 2010. Le turnover de la branche a tendance à augmenter dans ce contexte. Scénario 2 : la profession prend sa place dans le nouveau paysage du système de santé L activité reste soumise à une conjoncture difficile ainsi qu aux efforts constants de maîtrise des dépenses de santé. Mais les entreprises cherchent à répondre à la crise par une redynamisation de l offre de service et développent de nouvelles activités. Un mouvement de reprise d'officines se confirme ainsi qu'une relative concentration du réseau. La taille moyenne des officines augmente mais la différenciation s accroît entre les plus petites officines qui n'ont pas les capacités suffisantes pour s'adapter aux nouvelles missions, et les plus dynamiques (moyennes et grandes) qui se positionnent sur une offre de conseil et de services. L'emploi baisse néanmoins, de l ordre de 3 000 à 4 000 emplois à l horizon 2015. Le développement des nouvelles missions va probablement inciter au recrutement d adjoints plutôt que de préparateurs. Dans les officines de plus de 20 salariés, des rayons spécialisés pourront générer des emplois de personnels spécialisés, de préparateurs formés sur ces spécialités mais également d autres vendeurs spécialisés. Le turnover de la branche a tendance à diminuer dans ce contexte. La recherche de gains de productivité nécessite des compétences renforcées en gestion, management, logistique, achats mais une partie de ces compétences est mutualisée au niveau des groupements ou des petits regroupements locaux. Synthèse des scénarios La différence entre les deux scénarios se joue principalement sur la capacité de la branche à se positionner sur les missions de conseil-accompagnement des patients, sur de nouvelles demandes, et à s affirmer comme un acteur incontournable du système de soins. C est un investissement qui ne donnera pas de résultat économique immédiat et nécessitera un temps d adaptation. Cela n empêchera pas une certaine restructuration du réseau ni une diminution de l emploi, mais celle-ci peut être plus limitée dans le scénario 2 que dans le scénario 1. L évolution des compétences apparaît bien comme un enjeu central pour passer du scénario 1 au scénario 2.

ÉTUDE - mars 2012 05 Étude initiée par la CPNEFP Le présent document présente les principaux résultats de l'étude prospective confiée au cabinet Ithaque par la CPNEFP (Commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle) de la pharmacie d officine et l OMPL (Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les professions libérales). L étude fait suite au portrait statistique de branche réalisé en 2010 1 et vise à analyser l'évolution des métiers de la pharmacie d'officine au travers de différents facteurs qui impactent ou vont impacter le secteur : facteurs économiques, réglementaires, sociétaux et organisationnels. À partir de l analyse des principaux facteurs d évolution, l étude identifie les différents impacts sur les entreprises, les emplois et les métiers, et formule des hypothèses sur les scénarios possibles pour les années à venir. Constats De nombreuses zones d'incertitudes demeurent aujourd'hui tant sur l'avenir économique que sur le cadre réglementaire de l'activité. Des mutations importantes sont déjà en cours ou vont intervenir. Elles portent sur : l'évolution démographique : combien d'officines et combien d emplois demain? ; la réglementation de l'activité : ouverture à la concurrence, encadrement juridique, développement de la vente sur Internet ; les nouvelles missions pour les officines qui sont prévues par la loi HPST 2, et les modalités concrètes de leur mise en œuvre ; le modèle économique de l'officine et sa rentabilité : quel sera le modèle viable demain? Comment vont s équilibrer les différentes sources de revenus de l officine? Parmi ces différentes évolutions : certaines sont déjà inscrites dans le paysage mais la forme qu elles prendront concrètement reste incertaine (la loi HPST et son application) ; d'autres sont fortement probables mais dans des proportions difficiles à déterminer comme l'évolution démographique du réseau ; d'autres enfin sont de l ordre du possible mais pas inéluctables (la remise en cause des cadres réglementaires et économiques de l'activité par exemple). L avenir de l officine fait débat dans de nombreuses enceintes et il existe un grand nombre de données et d'interrogations qui doivent être prises en compte dans ce travail. Ainsi, les facteurs d'évolution semblent bien cernés aujourd'hui. Mais il existe moins d'analyses sur l'impact de ces évolutions sur les métiers et les compétences de l officine. C'est notamment sur ce point que l'étude apporte une valeur ajoutée. L horizon temporel de cette approche prospective est le moyen terme de l ordre de cinq ans. 1 Portrait statistique de la branche de la pharmacies d officine OMPL cabinet Ithaque 2010 2 Loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

06 ÉTUDE - mars 2012 Méthodologie suivie Le travail a été réalisé à partir de plusieurs sources : des enquêtes dans dix officines de différentes tailles et localisations (urbaine, rurale, périurbaine) ; des entretiens avec des personnes ressources : représentants professionnels employeurs et salariés, des experts du secteur, des personnalités politiques, un organisme de formation un travail documentaire pour exploiter les nombreuses analyses déjà produites sur les différents aspects économiques, réglementaires, sociaux ainsi que la presse professionnelle ; trois groupes de travail ont été organisés avec des titulaires et des salariés de la branche avec l appui des membres de la CPNEFP, employeurs et salariés : un groupe a réuni une trentaine de titulaires à Paris en provenance de toute la France ; un groupe a réuni une dizaine de titulaires à Grenoble, provenant de différents départements de la région Rhône-Alpes ; un groupe d une trentaine de salariés préparateurs a été rencontré à l occasion d une formation continue suivie au CFA (Centre de formation d'apprentis) Planchat à Paris. Nous remercions ici les membres de la CPNEFP qui ont permis l organisation de ces trois réunions, dont le contenu et les échanges riches ont alimenté cette réflexion prospective.

ÉTUDE - mars 2012 07 Caractéristiques principales de la branche Les pharmacies d officine n La branche 3 comprend 21 600 officines qui emploient 120 000 salariés. n Les officines de moins de cinq salariés représentent 65 % du total de la branche mais leur nombre diminue régulièrement. Les trois grandes régions françaises (Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d Azur) représentent globalement le tiers des officines et le tiers des effectifs salariés. Officines par tranche d effectif salarié (en %) 45 % 40 % 42 % 35 % 30 % 25 % 23 % 31 % 20 % 15 % 10 % 5 % 3 % 0 % Moins de 3 salariés 3 à 5 salariés 6 à 9 salariés 10 salariés et plus (Source des données : OPCA PL, 2010) 3 cf. portrait statistique de branche OMPL avril 2012

08 ÉTUDE - mars 2012 Les emplois et les métiers n Près de 90 % des salariés sont des femmes. n La branche est plutôt jeune avec un âge moyen de 37,4 ans contre 39,2 pour l ensemble des professions libérales. n Les préparateurs en pharmacie constituent presque la moitié des effectifs salariés. Ils sont également plus jeunes, ils sont en moyenne âgés de 35,8 ans. n 80 % des salariés ont un CDI (Contrat à durée indéterminée) mais seulement 63 % travaillent à temps complet. n Plus de 60 % des individus ont un niveau d ancienneté inférieur à cinq ans, signe d une branche jeune mais au turnover important. Répartition des effectifs par métier 50 % 47 % 40 % 30 % 20 % 19 % 18 % 10 % 4 % 2 % 4 % 3 % 0 % Préparateurs en pharmacie Pharmaciens salariés Pharmaciens libéraux Autres vendeurs Personnel administratif Chargés de maintenance Autres (Source des données : Enquête Emploi, 2009)

ÉTUDE - mars 2012 09 Facteurs d'évolution Les différents éléments mentionnés dans les paragraphes suivants abordent les aspects économiques, sociaux, réglementaires qui feront partie du paysage de la pharmacie d'officine dans les années à venir. Ils sont observables dès aujourd hui et constituent la toile de fond commune aux scénarios développés dans le chapitre suivant. Les facteurs d évolution retenus sont les suivants : la transformation du modèle économique de l officine sous l effet des politiques de maîtrise des dépenses de santé, d une part, et de la mise en place de nouveaux modes de rémunération, d autre part ; l adaptation des différents cadres juridiques qui régissent la pharmacie d'officine, la formation et l exercice de la profession ; l évolution de la demande de soins, sous l effet du vieillissement de la population, le développement du maintien à domicile et la désertification médicale en zone rurale ; la démographie des officines qui constitue un des facteurs déterminants de l emploi des années à venir. Transformation du modèle économique de l officine Le secteur traverse depuis quelques années des difficultés économiques dont les effets sur la démographie et l emploi ne se sont pas encore faits pleinement sentir. Les causes de la crise sont structurelles et vont donc continuer à produire leurs effets au cours des années qui viennent. Il convient donc de les inscrire dans la réflexion prospective à moyen terme. Par ailleurs, les débats engagés depuis plusieurs années sur le mode de rémunération des officines ont abouti en 2011 à faire prendre un tournant important puisqu ils ouvrent la possibilité d une rémunération mixte : marge sur les médicaments, d une part, honoraires pour certains actes, d autre part. C est une évolution de fond qui a potentiellement un fort impact sur l économie de l officine. Contexte : baisse des volumes de vente et des remboursements La baisse des volumes de vente est une tendance observée depuis plusieurs années et tout indique qu elle va se poursuivre dans les années à venir. Malgré un vieillissement de la population qui poussera à une demande de soins et de médicaments plus élevée, tous les acteurs s accordent à reconnaître que les volumes de médicaments et les prix baisseront. Les chiffres d affaires et plus encore l excédent brut d exploitation ont chuté à partir de 2006. L impact de la chute du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation sur le nombre d officines et sur l emploi a commencé à se faire sentir à partir de 2007-2008 mais il risque de s accentuer dans les années à venir avec l accumulation de mauvaises années.

10 ÉTUDE - mars 2012 Au-delà des impacts structurels sur les entreprises et sur l emploi, cette érosion du chiffre d affaires et des marges sur le médicament oblige à repenser l économie de l officine différemment, en équilibrant ses revenus sur une base plus large, incluant un ensemble de services. Évolution du chiffre d affaires des officines de 2004 à 2011 6 % 5,7 % 5 % 4 % 3,9 % 3,4 % 3 % 2,5 % 2 % 1 % 1,4 % 1 % 1,4 % 0,8 % 0 % 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Source : KPMG 4 Évolution du taux de marge brute 32 % 31 % 30 % 29 % 31,4 % 31,1 % 30,7 % 30,2 % 29,8 % 29,6 % 29,3 % 28,8 % 28,7 % 28,5 % 28 % 28 % 27,6 % 27,6 % 27,5 % 27,6 % 27,7 % 27,8 % 27 % 26 % 25 % 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 Source : Interfimo 4 Étude KPMG pharmacies : moyennes professionnelles 2012-20 e édition - mars 2012

ÉTUDE - mars 2012 11 Politique de maîtrise des dépenses de santé n Les politiques de maîtrise des dépenses de santé tendent à diminuer régulièrement la part remboursée du prix des médicaments et à limiter les volumes et les prix unitaires. Cette option est très certainement inscrite sur le long terme. n Parmi les différentes sources de revenus de l officine, plusieurs sont soumises à une concurrence qui s est accentuée ces dernières années (parapharmacie, voire demain vente sur Internet de médicaments). n D autres sources potentielles de revenus, tels les nouveaux services qui sont prévus par la loi HPST, génèreront d autres recettes mais à un niveau qui n est pas encore connu. Il dépendra de la négociation entre la profession et les pouvoirs publics. Le développement d un nouveau mode de rémunération (à l acte) est aujourd hui certain mais son niveau n est pas encore précisé. Transformation du système de rémunération La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 introduit pour la première fois la possibilité d une tarification des honoraires de dispensation pour les pharmaciens (article 74). Cette évolution est la conséquence de la loi HPST qui ouvre la possibilité pour l officine de mettre en œuvre de nouvelles missions dont le dépistage, la prévention et l'accompagnement de patients chroniques Les modalités de cette nouvelle rémunération seront discutées annuellement dans le cadre de la convention avec l'assurance maladie. La rémunération sera fonction de la réalisation des objectifs par le pharmacien. Il est probable que cette négociation sur les honoraires aura des incidences sur les marges de dispensation. C est ainsi toute l économie de l officine qui se trouve transformée. Cette transformation radicale comporte aujourd hui beaucoup d inconnues qui inquiètent globalement la profession mais elle paraît cependant inscrite de façon irréversible dans le paysage de l officine pour les années qui viennent. Au-delà du tournant économique qu elle implique, cette transformation s inscrit dans une perspective de revalorisation de l officine comme acteur important du système de soins et lui permet de légitimer sa place dans les réseaux de proximité aux côtés des autres professionnels de santé 5. L enjeu pour la branche est de gérer la période de transition entre le système actuel et le nouveau système qui mettra du temps à se mettre en place et à produire ses effets. En attendant, la crise continuera à produire des effets négatifs. Évolution du cadre juridique de l'activité L activité est fortement réglementée et les éléments qui composent cet encadrement réglementaire sont susceptibles de connaître des mutations importantes dans les prochaines années. Ces bouleversements sont pour une grande part déjà engagés, et notamment ceux liés à l évolution du système de santé, sa régulation économique ou à la réforme du médicament. Dans ce processus en évolution constante et par définition difficilement prévisible, des tendances lourdes se dégagent. Ces hypothèses peuvent être retenues comme hypothèses de travail pour envisager à moyen terme l avenir des entreprises et des métiers de l officine. Seuls les éléments les plus importants sont analysés ci-après. Ouverture du capital des officines La décision de la Cour de justice de l'union européenne de mai 2009 a confirmé le maintien du statu quo : il ne peut y avoir d ouverture du capital d une officine à des non-pharmaciens 6. Dans le cadre actuel, compétence professionnelle et propriété économique sont totalement liées ; la détention et l exploitation d une pharmacie sont donc réservées au seul pharmacien. 5 Malgré leurs réticences, ces derniers seront d ailleurs contraints eux aussi de rentrer dans une logique de réseau plus poussée et à considérer l officine comme un partenaire de ce réseau. 6 Un État membre peut estimer, dans le cadre de sa marge d appréciation, que l exploitation d une pharmacie par un non-pharmacien peut représenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail. L État membre est donc légitime à légiférer dans ce domaine.

12 ÉTUDE - mars 2012 La question pourrait être considérée comme tranchée pour les années qui viennent. Mais on ne peut totalement exclure, dans une approche prospective ouverte, que la réglementation nationale puisse un jour évoluer dans le sens d une plus grande ouverture du capital comme ce fut le cas par exemple pour les laboratoires de biologie médicale. Ouverture de la concurrence à la distribution du médicament à prescription médicale facultative (PMF) Aujourd hui le sujet est tranché et le monopole n est pas remis en cause. Mais, comme pour le point précédent, il ne peut être totalement exclu qu il n en sera pas toujours ainsi à l avenir. Il est certain que la pression de la grande distribution ne se relâchera pas. Ce point est en relation avec celui de la vente sur Internet : si la vente de médicaments à PMF est un jour autorisée sur Internet, il est probable que les partisans d une distribution physique de ces médicaments utiliseront cet argument pour renforcer leur position. Vente de médicaments sur Internet Depuis 2003, la Cour de justice de l'union européenne a ouvert au marché la vente de médicaments sur Internet. Mais la directive de mai 2011 (dite «médicaments falsifiés») autorise les États membres à légiférer. La France a donc l obligation de le faire avant novembre 2012 7. Les principaux choix à opérer portent sur : le type de médicament (tous les médicaments, à prescription médicale obligatoire (PMO) et à prescription médicale facultative (PMF) ou seulement ceux à prescription médicale facultative) ; l adossement obligatoire de la pharmacie en ligne à une officine physique ou au contraire ouverture à tous types d opérateurs pour se positionner sur cette activité (y compris les pure players 8 ). Il est certain qu'à l avenir, un résident français pourra s approvisionner dans une e-pharmacie européenne en ligne, et un opérateur européen pourra vendre en France. Il faut donc retenir l hypothèse d une concurrence accrue mais pas nécessairement sur tous les produits. La part d Internet a déjà connu une croissance assez forte ces dernières années, les pharmaciens indiquent que près d un tiers de leurs patients achètent déjà des médicaments sur des sites étrangers 9. Par ailleurs, il est possible que des groupements constitués ou des officines individuelles ou regroupées à plusieurs pourraient se positionner comme opérateurs de vente en ligne, en fonction de ce que la législation permettra. Il est certain, dans tous les cas de figure, que la part d Internet ira croissante, même si la réglementation française reste restrictive car un certain nombre de pays autorisent déjà la vente de médicaments sur Internet 10. Internet sera donc un concurrent avec lequel il faudra compter à l avenir, plus encore qu aujourd hui. Évolution des formes de sociétés et mise en place des SPFPL 11 Les formes sociétaires se sont fortement développées ces dernières années. Plus de la moitié des mutations d officine sont aujourd hui réalisées sous la forme de SEL 12 et 59 % des officines sont exploitées en SEL. Par ailleurs, plus de 3 500 pharmaciens et SEL de pharmaciens détiennent des parts dans une ou plusieurs SEL, en sus de celle dont ils sont titulaires. 7 L a directive européenne du 27 mai 2011 autorise les pays européens à légiférer sur la vente dans leur pays de tout ou partie de la liste des médicaments et la vente par une pharmacie d officine adossée ou par tous (pures players y compris). Les États ont 18 mois pour transposer la directive. 8 Sont nommés ainsi les opérateurs qui, dans un secteur donné, ne sont pas issus d un opérateur traditionnel et sont uniquement présents sur le web (presse, tourisme, sites de vente en ligne...). 9 Source : enquête du Moniteur des pharmacies n 2922, mars 2012. 10 Une dizaine de pays autorisent déjà la vente de médicaments PMF et cinq autorisent la vente de tous les médicaments (PMF et PMO) sur Internet. 11 SPFPL : sociétés de participation financière de professions libérales, prévues par la loi Murcef de 2001, mais dont les décrets d application pour le domaine de la santé sont toujours en discussion. 12 Les sociétés d'exercice libéral (SEL) sont un ensemble de formes juridiques françaises créées pour permettre aux membres des professions libérales d exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux. Il ne s agit pas d une nouvelle structure juridique mais d un mode nouveau d exercice d une activité libérale à travers des structures juridiques existantes : SELARL (Société d'exercice libéral à responsabilité limitée), SELAS (Société d'exercice libéral par actions simplifiée), SELAFA (Société d'exercice libéral à forme anonyme)

ÉTUDE - mars 2012 13 Ces prises de participation peuvent être minoritaires (en SELARL) ou majoritaires (en SELAS). Leur développement a permis des installations et facilité des reprises de fonds 13, mais sans que cela modifie sur le fond les modes d exploitation ou la structure de la branche. Il pourrait en être différemment demain avec la mise en place des SPFPL. Leur décret d application est attendu depuis des années, mais devra bien finir par aboutir... Les modalités concrètes qui seront retenues détermineront fortement leur impact réel. La SPFPL est, en effet, à la fois un outil de restructuration du réseau qui peut favoriser les regroupements capitalistiques, et en même temps un outil facilitateur pour la transmission et la reprise des fonds. Si la réglementation adoptée est souple, elle incitera à des regroupements plus importants d officines et relancera le mouvement de reprise en permettant notamment à des SEL de posséder plusieurs officines, à des pharmaciens d investir dans différentes SEL, ou à des holdings de racheter des officines dont les capitaux seraient détenus par des pharmaciens. Ceci permettrait une restructuration du réseau mais le risque existe d une reprise par les titulaires déjà en place au détriment des adjoints aspirant à l installation. Déjà en 2010, une étude Interfimo soulignait que seules 21 % des transactions concernaient des installations. Quelles que soient les modalités, l hypothèse peut être faite que le décret qui finira par être adopté facilitera la transmission des fonds et l installation de jeunes, et permettra également des regroupements entre officines. Jusqu à quel degré? Cela dépendra de la position finale du curseur réglementaire et fiscal. Évolution de la demande Plusieurs points ressortent des enquêtes et de l analyse documentaire : un besoin de rassurance, d'information et de conseil que toutes les enquêtes menées dans le cadre de cette étude et les groupes de travail confirment. Ce besoin est croissant mais prend également d autres formes avec la diversification des sources d information (Internet notamment). Le pharmacien est aujourd hui confronté à des publics souvent désorientés avec une demande importante de conseil et/ou à des publics informés qui sont plus exigeants à satisfaire ; ceci va de pair avec une demande renforcée de sécurisation du produit et du circuit de production-distribution qui aura des incidences sur les procédures internes et sur les outils de gestion mis en œuvre dans l officine. Ceci poussera au développement de démarches qualité qui changeront les modes de travail de l officine. L effet Médiator est, sur ce plan, jugé positif par certains pharmaciens car il le replace au centre de sa mission de conseil et de rassurance. Il est jugé négatif par d autres car il introduit une méfiance vis-à-vis du médicament qui inclut globalement l officine et son activité ; le vieillissement de la population, avec ses conséquences multiples sur le système de soins et sur la consommation de médicaments provoque notamment : une demande de soins accrue ; le développement du maintien à domicile (MAD) et de l'hospitalisation à domicile (HAD), les politiques publiques sont clairement orientées vers le maintien à domicile des personnes âgées et la mise en place de réseaux de prise en charge dans lesquels les pharmaciens devront être impliqués ; et plus globalement une évolution des modes de soins impliquant plus de continuité et de suivi du patient. Ceci responsabilise l officine et l inscrit dans le réseau de soins, cette orientation est fortement affirmée dans la loi HPST ; 13 Elles font cependant l objet de critiques de la part des titulaires enquêtés ou dans les groupes de travail comme étant parfois très déséquilibrées au détriment du repreneur, tant sur le plan financier que sur le plan de la gestion de l officine.

14 ÉTUDE - mars 2012 une augmentation du nombre d établissements de type EHPAD (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) en parallèle avec le développement du domicile. l évolution du paysage santé en zone rurale est marquée par : une désertification médicale qui impacte l activité pharmaceutique et risque d aboutir à une baisse du réseau du fait de la diminution et de la concentration du nombre de prescripteurs généralistes et de leur densité ; un développement de l interprofessionalité dans lequel le pharmacien sera nécessairement impliqué : «notre avenir rural est interprofessionnel» selon l expression d un participant aux groupes de travail. Les SISA (Sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires) et les maisons de santé vont se développer sous l effet des politiques incitatives, et les pharmaciens ne pourront pas rester à l écart de ce mouvement. La concentration de l offre de soins en zones rurales présente cependant le risque d une disparition des officines qui ne seraient pas localisées dans les territoires de regroupement. Des solutions spécifiques devraient être trouvées pour maintenir des officines dans des zones où leur disparition poserait des problèmes d accès aux soins (cf. recommandation du rapport IGAS (Inspection générale des affaires sociales). Place de l'officine dans le système de soins Un tournant important a été pris avec la loi HPST qui ouvre la possibilité pour le pharmacien de prendre en charge de nouvelles missions dans une perspective de santé publique. Ces missions permettraient au pharmacien de légitimer sa fonction au sein du système de soins et introduisent une autre logique économique en ouvrant la possibilité d autres formes de rémunération. Les activités qui entrent dans ces nouvelles missions sont définies précisément par la loi mais les modalités de leur mise en œuvre et de leur rémunération restent à préciser. Les tableaux joints en annexe 1 proposent une approche synthétique de ces nouvelles missions telles qu elles sont prévues par la loi et indiquent leur impact possible sur l organisation et les métiers de l officine. Parmi les nouvelles missions les plus souvent citées 14 : le pharmacien correspondant, dispositif qui permet au pharmacien, dans le cadre d un protocole de coopération, de renouveler les traitements en adaptant éventuellement la posologie et en réalisant des bilans de médication ; le suivi de certains patients atteints de maladies chroniques, en lien avec le médecin traitant, notamment par le biais d entretiens d accompagnement, de suivi, etc. ; la dispensation à domicile, déjà pratiquée par les officines, serait développée dans le cadre des politiques de maintien à domicile et hospitalisation à domicile ; le bilan de médication qui pourrait être réalisé en accord avec le médecin ; le dépistage en officine, déjà pratiqué pour certaines maladies, serait étendu à d autres pathologies ; le suivi vaccinal et la vaccination en officine. La prescription et la délivrance par le pharmacien pourraient être mises en œuvre en vue de simplifier le circuit de vaccination ; l éducation thérapeutique du patient. Le pharmacien pourrait participer à l'éducation thérapeutique et aux actions d'accompagnement. De l analyse du tableau de synthèse sur les nouvelles missions joint en annexe, les réflexions suivantes peuvent être déduites : une partie de ces «nouvelles missions» est déjà partiellement réalisée par un certain nombre d officines et la question est plutôt celle de leur systématisation, de leur extension éventuelle et de leur mode de rémunération ; 14 Source : analyse des nouvelles missions contenues dans le rapport IGAS 2011. Pharmacie d officine : rémunération, missions, réseau.

ÉTUDE - mars 2012 15 les nouvelles missions ne se substitueront pas à l économie du médicament, qui restera la base du revenu de l officine ; en tout état de cause, elles ne se déploieront effectivement à grande échelle qu à la condition d être rémunérées ; elles ne se mettront en place que progressivement et sans doute assez différemment selon les officines, en fonction des critères de taille, de localisation, et in fine en fonction de la stratégie du titulaire les ressources humaines constituent un facteur clé dans la stratégie de développement de ces nouvelles missions. Répondre à de nouvelles demandes et développer des activités impliquant du service et du conseil ne pourra se faire sans le personnel compétent au sein de l officine. C est un enjeu pour l ensemble des équipes officinales qui renvoie aux questions de formation et de management ; des capacités d investissement seront nécessaires pour aménager les espaces requis dans l officine pour assurer certaines des nouvelles missions ; ressources humaines et capacités minimales d'investissement se conjuguent pour dessiner un profil d officine capable de mettre en œuvre de façon efficace les nouvelles activités. Une taille minimale favorisera clairement le processus d adaptation à la nouvelle donne, avec le risque d une différenciation croissante au sein du réseau entre les plus petites qui s inscriront difficilement dans le mouvement, et les autres (moyennes ou plus grandes) qui auront les capacités de le faire ; les organisations professionnelles, les syndicats, les réseaux et groupements, joueront un rôle déterminant dans le développement des nouvelles missions en fournissant un appui méthodologique, voire financier aux adhérents, en favorisant des expérimentations de coopérations territoriales, ou en nouant des partenariats à plus grande échelle avec d autres acteurs du système de santé (mutuelles ou assurances privées notamment). La mise en œuvre des nouvelles missions légitime l officine comme un des acteurs du réseau de soins dans une logique de proximité. La façon dont les officines s empareront ou non de ces nouvelles missions est donc un élément clé des scénarios développés dans le chapitre suivant. La capacité à s insérer dans le parcours de soins en relation avec les autres acteurs sera également un élément déterminant. Les freins émanant des autres professions de santé ne sont bien sûr pas à négliger (médecins, infirmières ). Les freins économiques également puisque les nouvelles missions ne constitueront qu une part relativement minime du chiffre d affaires. Malgré ces freins et les difficultés de mise en œuvre, l étude considère que ces nouvelles missions sont inscrites de façon incontournable dans le paysage de l officine de demain. Elles sont de nature à transformer les métiers et l organisation du travail de l officine.

16 ÉTUDE - mars 2012 Évolutions de la structure de la branche Un fort développement des officines de plus de 10 salariés Le nombre d officines dans les années qui viennent et leur répartition géographique sont des éléments déterminants de l emploi. Aujourd hui, il existe un constat partagé par la profession et les pouvoirs publics sur le surnombre d officines mais pas nécessairement sur son chiffrage, ni sur les moyens pour le réduire. Le rapport IGAS l évalue entre 2 300 et 5 200 selon les critères adoptés. La fourchette est donc très large! La baisse du nombre d officines est cependant un mouvement déjà amorcé depuis plusieurs années. Les données sur les quinze dernières années apportent un éclairage intéressant sur ce point. Baisse globale du nombre de pharmacies d officine Il est constaté : une baisse du nombre des plus petites officines (1 à 4 salariés) : -20 % entre 1993 et 2009 ; une légère augmentation du nombre d officines de taille moyenne (5 à 9 salariés), accompagnée d une augmentation de leur taille moyenne (6,4 salariés par officine en 2010) ; depuis 2006 le nombre de pharmacies d officine n augmente plus dans cette tranche et l emploi a régressé ; le nombre d officines de ces deux catégories prises globalement est stable : les plus petites (1-4 salariés) sont passées dans la catégorie supérieure (5-9 salariés), ce qui traduit bien une augmentation de la taille moyenne ; un fort développement des officines de plus de dix salariés dont le nombre et les effectifs ont été multipliés par 2,5 sur cette période. Leur poids dans l emploi salarié passe de 9 % à 20 %. Mais cette croissance s est opérée de 1990 à 2005. Depuis cette date, l emploi dans cette tranche n augmente plus. L évolution du nombre d officines ne traduit pas une forte concentration comme dans d autres secteurs mais plutôt une croissance de la taille moyenne à effectif constant. L'augmentation de la taille moyenne des officines observée par le passé va-t-elle se poursuivre? Il est probable que la crise favorisera le développement des pharmacies de taille moyenne plus importante car rentabilité et chiffre d affaires sont deux variables qui seront encore plus fortement liées que par le passé. Des petites officines auront du mal demain à survivre, même si la taille n est pas le seul critère. Des hypothèses chiffrées sont formulées dans les scénarios.

ÉTUDE - mars 2012 17 Évolution du nombre de salariés 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 1 à 4 salariés 5 à 9 salariés 10 à 19 salariés 20 à 49 salariés 50 à 99 salariés 10 000 0 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 Source : Unistatis Évolution du nombre de pharmacies d officine 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 1 à 4 salariés 5 à 9 salariés 10 à 19 salariés 20 à 49 salariés 50 à 99 salariés Source : Unistatis Le renouvellement démographique L autre facteur qui va jouer à l avenir sur la démographie des officines est le mouvement de départ des titulaires, qui devrait s accélérer compte tenu de l âge moyen : 49,1 ans aujourd hui, mais en forte augmentation depuis plusieurs années. En dix ans, la tranche des 56-60 ans a plus que doublé, et plus généralement, toutes les tranches supérieures à 50 ans ont fortement progressé. Même si les mouvements de cession ont été très ralentis ces dernières années, leur nombre devrait mécaniquement augmenter dans les prochaines années. Cette tendance est déjà amorcée depuis 2010 et confirmée en 2011. La variable «prix de cession» sera évidemment déterminante sur le rythme et le volume des transactions. Comment s opéreront les reprises? On risque d assister à plusieurs mouvements contradictoires :

18 ÉTUDE - mars 2012 des cessations d activité d officines qui ne trouveront pas toutes des repreneurs, avec une offre de fonds qui dépassera la demande ; des mouvements de regroupements capitalistiques via les SEL et les SPFPL, qui pourront offrir des opportunités d installation à des jeunes pharmaciens. Il est cependant certain que le nombre global d officines baissera, résultat de ce double mouvement (cessation d activité/reprise et disparation d une partie des fonds). La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 prévoit d ores et déjà : le relèvement de 3 500 à 4 500 du nombre d habitants nécessaire pour l ouverture d une pharmacie supplémentaire dans une commune où une officine est déjà installée ; le passage de 5 à 12 ans du gel de licence après regroupement ; l'instauration d une procédure de rachatdestruction de licence, après avis de l ARS (Agence régionale de santé). Plusieurs incertitudes affectent la prévision possible sur le mouvement de reprise des fonds, notamment : l évolution des prix de cession qui freinera ou au contraire accélérera les possibilités de reprise et d installation de jeunes ; les cadres juridique et fiscal, qui tous deux, favoriseront, à un degré plus ou moins élevé, la concentration des officines ainsi que les possibilités d installation et de reprise via les SEL et les SPFPL. Pyramide d âge des titulaires en 2000 et 2010 7 000 6 000 5591 6410 5442 6050 5802 2000 5 000 2010 4 000 3 000 2717 2579 3212 4122 3373 3597 2 000 1 000 977 1378 1605 628 1027 0 < 33 ans 33-37 ans 38-43 ans 43-47 ans 48-52 ans 53-57 ans 58-62 ans 63-67 ans Source : Ordre des pharmaciens Nombre de mutations 1992-2011 1 600 1 500 1 400 1 300 1 200 1 100 1 000 900 800 0 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Source : Interfimo

ÉTUDE - mars 2012 19 Évolutions des métiers et de l'organisation Les différents facteurs d évolution analysés précédemment auront des impacts sur les métiers et les compétences des salariés. Un lien très fort existe entre le modèle économique de la pharmacie d officine et les activités développées dans l officine, d'une part, et les métiers de demain, d'autre part. Il est nécessaire de regarder l ensemble des métiers et leur articulation, pas uniquement sous l angle réglementaire mais bien en fonction des activités et des tâches exercées demain dans l officine. Globalement, les métiers devront tous évoluer dans le sens d un approfondissement du conseil et du service rendu au patient. L organisation du travail et les métiers La question de l organisation du travail interne à l officine L organisation du travail interne à l officine est fortement structurante sur le contenu et le profil des métiers de l officine de demain : diversité plus ou moins grande des activités, développement de nouvelles tâches, recomposition partielle des tâches traditionnelles sont autant d éléments qui induisent des compétences et des collaborations différentes selon les choix adoptés. Ces transformations des métiers sont déjà à l œuvre aujourd hui. Des points de vue différents se dégagent concernant l évolution des métiers et des organisations qui sont au cœur de l activité : va-t-on vers une spécialisation croissante qui irait de pair avec la croissance de la taille et la concentration des pharmacies d'officine? Ceci se traduirait par un développement plus grand de métiers spécialisés (vendeurs-conseils spécialisés, rayonnistes, métiers de la gestion ou métiers supports ) et une plus grande division du travail au sein de l officine. Cela ne pourra cependant concerner que les pharmacies d'officine d une certaine taille et, même si le nombre de ces dernières augmente, l impact sur l emploi restera limité ; dans les autres, la polyvalence serait au contraire plus poussée et les métiers (préparateurs comme adjoints, voire titulaires) devraient développer leurs compétences dans différents domaines liés au conseil, à la gestion, aux nouveaux services, nouveaux produits Dans cette hypothèse, les difficultés économiques pousseraient au développement de nouveaux services et de nouvelles missions, mais à effectif quasiment constant et par conséquent à une plus grande polyvalence entre les salariés déjà en poste. La nécessité de se développer à effectif constant passerait alors également par la recherche de réorganisation, de mutualisation, d externalisation ; pour l heure, le modèle intermédiaire émergeant est celui de la polyvalence avec spécialisation sur des activités ou des produits spécifiques qui concerne principalement le préparateur. Ce modèle pourrait se développer dans des pharmacies d'officine de taille moyenne avec l appui de la formation professionnelle.

20 ÉTUDE - mars 2012 La question de l articulation entre titulaire, adjoint et préparateur Cette question est centrale dans ce débat. Plus largement, c est sur l ensemble des métiers de l officine qu il faut raisonner : «titulaire/adjoint/préparateur/ autres métiers», pour bien comprendre comment les modèles d organisation de l officine vont se recomposer. Le développement des nouvelles missions est en effet de nature à modifier les équilibres existants. Sur ce point, plusieurs tendances peuvent s exercer en parallèle : la plupart des nouvelles missions sont dévolues au pharmacien (titulaire ou adjoint) et peu sont accessibles au préparateur (cf. tableaux en annexe 1). Développer ces nouvelles missions pousserait au recrutement d adjoints plutôt que de préparateurs, mais plus probablement ce développement se fera à effectif constant, prenant une part du temps du titulaire ou de l adjoint. C est d ailleurs la raison pour laquelle leur mise en œuvre sera difficile dans les officines de petite taille ; en retour, si elles sont mises en œuvre, elles redonneront nécessairement un espace plus important au préparateur sur les autres tâches de l officine. D une façon plus générale, il faut réfléchir à l enrichissement du métier de préparateur pour éviter le risque d appauvrissement que présenterait une évolution de l officine fondée trop exclusivement sur les compétences des pharmaciens titulaires ou adjoints ; le préparateur devra nécessairement trouver sa place dans les diverses activités développées, qu elles soient classiques ou nouvelles : la dermocosmétique, phyto-aromathérapie, l'orthopédie, le rayon vétérinaire Une analyse plus approfondie de l organisation devrait permettre également d identifier un rôle possible d appui et de soutien pour le préparateur dans plusieurs des nouvelles missions tout en restant dans le cadre réglementaire de l exercice du métier : premier recours, dépistages simples, dispensation à domicile, suivi de patients Ces missions peuvent être une opportunité pour enrichir le métier, mobiliser les préparateurs voire réaliser des gains de productivité pour l'officine. Les fonctions de gestion, logistiques et administratives Ces fonctions vont se renforcer sous l effet des exigences accrues de gestion et la recherche de gains de productivité. Mais cela ne se traduira pas nécessairement de manière positive sur l emploi et ce, pour plusieurs raisons : recherche d une intégration plus grande des tâches de gestion sur les postes de préparateurs : achat et logistique notamment, comme c est déjà le cas actuellement dans beaucoup d officines ; simplification des procédures administratives avec le développement de la télétransmission (en forte progression) ; mutualisation plus grande des fonctions logistiques, achats, gestion, administratives au travers des groupements, ou externalisation sur des prestataires extérieurs ; mécanisation possible des tâches logistiques pour des coûts d investissement qui baissent. Le développement de démarches qualité Les démarches qualité font partie des tendances qui s affirmeront dans les années à venir. Encore peu répandues, ces démarches se développeront avec la diversité des interventions de la pharmacie d officine. Dans ce contexte, il sera demandé à l officine d apporter une garantie de qualité : délais de dispensation, activités de conseil, procédures suivies dans la mise en œuvre de nouvelles missions Les démarches qualité impliqueront la mise en place de procédures et une définition plus précise des tâches au sein de l'officine. Ceci risque de venir percuter les modes de fonctionnement actuels, souvent assez informels mais assez performants, qui reposent sur une assez grande polyvalence et substituabilité des métiers dans le fonctionnement quotidien de l officine. L approche qualité impliquera une analyse par processus ou type d'activité de l'officine (dispensation, conseil de médication officinale, intervention en MAD ) et une formalisation plus grande des procédures et des tâches.

ÉTUDE - mars 2012 21 L impact sur la formation des pharmaciens et des préparateurs Quel rôle la formation initiale et la formation continue doivent-elles prendre pour accompagner ces évolutions, tant pour les pharmaciens que pour les préparateurs? Pour les préparateurs La réforme du diplôme de préparateur est en débat depuis plusieurs années. Sans préjuger de la forme concrète que prendra in fine le nouveau diplôme revalorisé, l hypothèse retenue est que la réforme qui finira par aboutir 15 reposera nécessairement sur un développement des contenus de formation et un allongement de sa durée. En même temps le nouveau diplôme permettra une plus grande ouverture du fait des passerelles inévitables sur les autres métiers de la santé. Cette évolution sera lente mais inéluctable. Elle correspond par ailleurs aux évolutions du métier décrites précédemment. Le modèle actuel fondé exclusivement sur l alternance risque d être bousculé par ces évolutions. Or, il est bien adapté pour la régulation des flux. Les domaines sur lesquels la formation devrait être renforcée ont déjà été définis dans le référentiel des activités élaboré par la CPNEFP 16. Mais le développement des nouvelles missions amènera de nouveaux besoins. Dans les enquêtes et groupes de travail, les domaines sur lesquels la formation devrait être renforcée ont souvent été évoqués. Citons notamment : le conseil «hors ordonnance» et la prévention ; les techniques de communication ; la pharmacologie ; la connaissance des pathologies ; des domaines spécifiques liés au développement d une activité de l officine : phytothérapie, aromathérapie, orthopédie Il est clair que la formation initiale, même renforcée, ne pourra pas répondre à l ensemble des besoins. La formation continue restera un outil indispensable pour faire évoluer les compétences en cours de vie professionnelle (sur le plan ou la période de professionnalisation). Le taux d utilisation de la période de professionnalisation est actuellement faible dans la branche : 6 % seulement des entreprises ont utilisé le dispositif «période de professionnalisation» en moyenne sur les trois années 2008-2009-2010, et cela a concerné 1 % des salariés, en majorité pour trois types de formation : le BP (Brevet professionnel) de préparateur en pharmacie pour quelques modules ; le CQP (Contrat de qualification professionnelle) dermocosmétique pharmaceutique ; des DU (Diplômes universitaires) orthèse, nutrition, homéopathie, maintien et soins à domicile La période de professionnalisation, malgré une sousutilisation, est donc bien adaptée aux besoins de développement de nouvelles qualifications en lien avec le développement de nouvelles activités au sein de l officine. Son usage devrait être encouragé à l avenir. Pour les pharmaciens L ensemble des mutations économiques et stratégiques auxquelles sont confrontées les entreprises plaide pour un renforcement des compétences en gestion, en management, en organisation, plus généralement en pilotage de l entreprise. Les adjoints pourraient également être concernés par le développement de formations de spécialité en lien avec les nouvelles activités de l officine (diplômes universitaires préparés en période de professionnalisation notamment qui devraient se développer à l avenir). 15 Même si le diplôme de préparateur est un cas particulier dans l ensemble des diplômes paramédicaux, nous formulons l hypothèse que sa réingénierie suivra à terme celle de l ensemble des diplômes paramédicaux qui est en cours actuellement. Cela ne préjuge pas pour autant de la position du ministère de la Santé sur le fond du dossier (contenu, durée, articulation avec le diplôme de préparateur hospitalier ). 16 Référentiel d activité professionnelle du préparateur en pharmacie. Documents de travail 2009 et 2010 CPNEFP.