Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement (CAFRAD) Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF) Séminaire sur le partage des bonnes expériences et des défis en matière d e-gouvernance/e-administration «La politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/eadministration : vision, encadrement, financement, formation, etc. Le cas de la République Démocratique du Congo» par Monsieur Bavon Mupenda Mpombo Expert en Bioéthique, en Santé Publique et en Développement Communautaire Tanger (Maroc) 21-23 Avril 2014 1
Introduction et économie de la communication Ce séminaire a une bonne intention au départ : le partage des bonnes expériences et des défis en matière d e-gouvernance/e-administration. Le thème qui m a été proposé par les organisateurs de ce séminaire procède également d une noble intention : le partage des expériences de mon pays sur sa politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/e-administration, en insistant sur sa vision, son encadrement, son financement, la formation y relative, etc. Je serais tenté de dire : «Mais il n y a rien de tout cela dans mon pays». Puis, je fermerai mon ordinateur et ce serait fini. Mais je ne le ferai pas. Je sais qu en dépit de ses multiples conflits armés, la RDC s efforce de se brancher sur l'utilisation par le secteur public des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le but d'améliorer la fourniture d informations et de services, d'encourager la participation du citoyen au processus de décision et de rendre ainsi le gouvernement plus responsable, plus transparent et plus efficace. Je pèse bien mes mots : «la RDC s efforce de se brancher» ; or tout effort peut être couronné de succès ou d échec. C est donc autour de ces deux points centraux (bonnes expériences et des défis en matière d e-gouvernance/e-administration) que graviteront les points qui constituent l économie de cette communication, composée des six points suivants : Une politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/eadministration : état des lieux Vision de la politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/eadministration Comment se fait l encadrement de la politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/e-administration Comment se fait le financement de la politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/e-administration Etat des lieux de la formation en en matière d e-gouvernance/eadministration 2
Perspectives d avenir sur la politique gouvernementale en matière d egouvernance/e-administration 1. Une politique gouvernementale en matière d e-gouvernance/eadministration : état des lieux Le 30 juin 1960, lors de l accession de la République Démocratique du Congo à la Souveraineté, les fonctionnaires jouissaient d une bonne réputation. L Administration Publique arrivait à remplir avec une efficacité certaine les missions de service public. Les voies de communication, par exemple, étaient fonctionnelles, la poste et le téléphone opérationnels, les budgets des provinces arrivaient à destination et le personnel de l Etat était payé à travers tout le territoire national. Puis, entre 1960 et 1965, la qualité des prestations se détériora progressivement du fait des guerres civiles. Démarrée en 1965, la deuxième République proclama la suprématie du militantisme pour la maîtrise des activités d Administration de l Etat. Ce principe va durablement installer les germes du déclin que vont progressivement connaître la Fonction Publique et le pays tout entier. En 1972, ayant pris conscience de la nécessité de disposer d une administration publique fonctionnelle, le Gouvernement a lancé une première réforme générale de l appareil de l Etat. Les grandes orientations de cette réforme ont été la décentralisation de la gestion des ressources humaines, mais aussi la suppression de la dualité entre le parti unique et l administration publique. Ces actions se sont matérialisées par le recrutement de jeunes cadres fraîchement sortis des universités mais, aussi, fort malheureusement, inexpérimentés. En juin 2007, le Gouvernement Gizenga initie déjà l idée de l e-gouvernement. L'«egouvernement», s est-on dit ici, permet aux membres de l'exécutif d'être en contact permanent entre eux, mais aussi avec les membres des autres institutions du pays sans pouvoir se déplacer, suivre sans problème l'évolution des activités de l'etat, procéder au contrôle des entrées et sorties des fonds publics et autres activités gouvernementales. Avec toujours la mise en place d'«egouvernement», les ministres n'auront plus besoin de faire déplacer leurs services vers les ambassades pour la demande des visas et peuvent aussi entrer en contact avec leurs collègues des autres pays. La République Démocratique du Congo a vu sa population passer de 15 millions en 1955 à 70 millions en 2014, repartie sur 11 provinces. 3
En 2007 les statistiques suivantes sont disponibles : personnes possédant une radio : 48,3%, une télévision : 17,0%, un téléphone portable : 24,3%, un téléphone fixe : 0,7%. Dans d autres pays, notamment occidentaux, une explosion des NTIC a engendré une progression notable des applications disponibles de la vie courante et dans la vie professionnelle au point de banaliser l usage des outils informatiques. Tel n est malheureusement pas le cas en RD. Congo, où cette évolution des NTIC se fait en pas de tortue. Ministère des PT-NTIC : Tout part d une proposition de collaboration entre SIEMENS et ce Ministère pour une informatisation intergouvernementale. SIEMENS a conditionné toute collaboration avec ce ministère à la présentation d un Plan Directeur d egouvernance. La partie RDC a été obligée de lancer un appel d offre, trouver un cabinet qui devrait rédiger ce Plan Directeur. Puis, vint l annonce d un remaniement qui dure jusqu aujourd hui et à l issue de laquelle annonce interdiction formelle fut faite aux ministères de passer des marchés publics. Mais avant cela, le Ministère a fait une proposition d initiative de décret créant un Comité de Pilotage pour l informatisation des services de l Etat. On continue à attendre que ce projet soit délibéré en Conseil des Ministres pour que ce Comité commence ses réunions. Il y aura alors des coordinations techniques constituées des points focaux des ministères. Mais au finish, on va vers la création d une Agence Nationale des Technologies de l Information et de communication. Au niveau du gouvernement, un portail gouvernemental a été créé dans le but de mettre à la portée du public toutes les informations administratives, financières, économiques et politiques du pays. L intention est d approcher l administration des administrés par la création d un serveur alimentant les différents ministères. Ministère du Plan Ce Ministère a créé un Plan Numérique pour l Horizon 2020. C est le Ministère des PTTNIC qui devrait déployer l infrastructure Le Ministère du Plan a déjà le contenant tandis que le contenu peut venir lentement : la fibre optique est déjà installée petit à petit (Moanda Kinshasa ; Kinshasa Kasumbalesa). La suite viendra au fur et à mesure. La RDC compte avoir 12 pays voisins directs et indirects interconnectés à son infrastructure, ce qui permettra d accomplir la vision d être la plaque tournante de tout le continent en matière d informatisation des services. 4
Le Ministère de la Fonction Publique sera l exploitant du contenu et du contenant offerts par le Ministère du Plan sur l infrastructure préparé par le Ministère des PTTNTIC. Ministère des PME En novembre 2009 la Gouvernance électronique des PME est lancée : tout procède par le recensement et l identification par les plus fiables procédés des opérateurs et leurs établissements. Le procédé a consisté en l acquisition par les opérateurs concernés des cartes à puce servant à leur identification dans un fichier relié à un réseau branché sur le marché mondial des PME. 2. Vision de la politique gouvernementale en matière d egouvernance/e-administration A l horizon 2020, la RDC se donne comme vision de devenir le centre stratégique des nouvelles technologies d information et de communication dans l administration et dans la gouvernance servant le Nord et le Sud du Continent. 3. Comment se fait l encadrement La RDC a initié pour la perception des taxes et autres impôts un Guichet unique. Cette expérience doit encore faire son chemin. En réalité, il n y a pas d encadrement précis d efforts d informatisation des services et d actes de l Etat. Des efforts disparates existent ; le choix de domaines d intervention se fait par chaque ministère ou chaque Organisation sans nécessaire collaboration avec les autres. Un problème gangrène la mise en commun d efforts en faveur de l émergence de l e-gouvernance. Il s agit de la guerre de leadership entre ministères clés : le Ministère des PTT et NTIC, le Ministère du Plan et reconstruction, et le Ministère de la Fonction Publique Un atout existe cependant : la présence d écoles clés pouvant permettre un encadrement de départ aux apprenants pour une franche collaboration entre les intervenants clés. On peut citer les écoles d informatiques, de télécommunications, de journalisme et de communication où sont apprises toutes ces techniques. 5
4. Comment se fait le financement de la politique En RDC, le financement de la politique gouvernementale en matière d egouvernance/e-administration est tourné vers l extérieur. Le gouvernement attend presque tout des bailleurs de fonds extérieurs. Il s ensuit par exemple que des bailleurs des fonds qui viennent intervenir le font selon leurs agendas propres et que les organisations et institutions locales doivent suivre pour ne pas louper l opportunité 5. Etat des lieux de la formation en en matière d e-gouvernance/eadministration En dehors de connaissances essentiellement théoriques que les apprenants reçoivent dans les écoles supérieures, des bailleurs des fonds qui viennent intervenir donnent des formations sur le tas et selon leurs agendas propres et leurs modules propres parfois différents entre eux. Suite à une absence de collaboration entre les institutions dans la formation, il devient difficile d atteindre un objectif commun. Ces formations se retrouvent à divers noibeaux : Au niveau universitaire, la Faculté des Sciences de l Université de Kinshasa a ouvert un Département Informatique en 1998 et délivre déjà les diplômes de Licence en sciences informatiques au terme de cinq ans d études sans oublier le projet de Télé-centre dans cette Université qui attend toujours le financement des partenaires belges. Au niveau supérieur, plusieurs Instituts Supérieurs, notamment l Institut Supérieur d Informatique, Programmation et Analyse (ISIPA), créé depuis 1986, l Institut Supérieur de Commerce(ISC), organisent les enseignements informatiques et délivrent des diplômes au terme de trois ans d études. Au niveau secondaire, nous assistons à une mutation de l ancienne section commerciale et administrative à une section informatique et administrative ou les machines à écrire mécaniques et électriques cèdent la place aux ordinateurs surtout dans les écoles privées. Au niveau primaire et maternel, beaucoup d écoles surtout privées ont réformé leur programme en y ajoutant le cours et pratiques informatiques dans les salles équipées en ordinateurs. Des Centres de formation en informatique et Internet connaissent une explosion ces dernières années, beaucoup rivalisent d initiatives en modernisant leurs équipements à coté des promoteurs opportunistes sans matériels informatiques. 6
6. Perspectives d avenir La ruée vers les NTIC est confrontée à la faiblesse du pouvoir d achat du public. Le salaire des fonctionnaires de l Etat sont encore parmi les plus bas du monde. Il sera encore difficile de brancher le pays aux nouvelles technologies, moins encore à une gouvernance automatisée. Si l on ajoute à cela une absence d une volonté politique, la faiblesse dans la couverture énergétique du pays aux dimensions d un sous-continent et la faiblesse du pouvoir d achat des populations limitent cette expansion des NTIC en RD Congo, il y a fort à parier que l egouvernance ne soit pas qu une affaire de la capitale et de quelques grandes villes du pays. Mais tout n est pas encore perdu. La RDC pense faire émerger un schéma pour l amélioration de l'utilisation par le secteur public des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le but d'améliorer la fourniture d information et de service, d'encourager la participation du citoyen au processus de décision et de rendre le gouvernement plus responsable, transparent et efficace. Avec une telle stratégie, la guerre leadership pourra probablement être évitée. Nous présentons et commentons le schéma comme suit! Figure 1 : Stratégie pour une bonne utilisation d e-gouvernance/e-administration 7
Tout repose sur un Comité de pilotage de l informatisation de l administration et des services publics de l Etat. Ce Comité aura deux types de pilotage : le pilotage politique et le pilotage technique. Pilotage politique : sous l impulsion du Conseil de pilotage, suivi et évaluation, fait participer des représentant des institutions les plus variées du pays, parmi lesquelles la Primature, le pool des Conseillers à la présidence, les Ministères du Budget, des Finances, du Plan, des PT-NTIC, de la Fonction Publique, de l Intérieur, Ministère Travaux Publics, etc. Pilotage Technique : ce pilotage est d autant plus important qu il fait intervenir les technocrates des ministères clés qui ont l informatisation de l administration et des services publics de l Etat comme l une des missions principales. Il s agit du Ministère du Plan dépositaire du Plan National Directeur relatif aux NTIC en RD. Congo et en particulier l e-gouvernance, le Ministère des PT-NTIC, qui doit être la main technique pour alimenter le Plan Directeur National au travers d infrastructures nécessaires et de son plan sectoriel d e-gouvernance et le Ministère de la Fonction Publique, utilisateur principal des résultats de l informatisation des services publics de l Etat. Une Coordination Technique se chargera des stratégies et de mise en œuvre de cette informatisation, ce qui permettra de rapprocher l administration des administrés, de réduire le temps, les efforts et les moyens pour que la population se rapproche de ses gouvernants. Conclusion et recommandations Il existe encore en en RD Congo une fracture numérique énorme qu il s agit de combler. Quelques actions comme la bancarisation des salaires, la mise des PME congolaise à l échiquier international, la présence de quelques banques, du guichet unique et d un Plan Numérique National ne sont qu à leurs débuts. Il est temps que le Comité de Pilotage en gestation, le décret qui dort encore sous des tiroirs, l éveil de la volonté politique mais aussi la participation active et effective du pouvoir public, des privés et des partenaires bilatéraux et multilatéraux, des ONG pour l e-gouvernance devienne une réalité comme elle l est déjà dans des pays occidentaux et dans certains pays africains. C est à ce prix que la RDC peut transformer son rêve de devenir une plaque tournante (backbone) de l informatisation des services entre l Afrique du Nord et du Sud et entre l Afrique de l Est et de l Ouest, vu sa position au centre du Continent. 8