DOSSIER COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE: LA WALLONIE OUVRE SES FRONTIÈRES Située au cœur de l'europe, la Wallonie est ouverte sur le monde. Sa position géographique, sa capacité d'action internationale et son savoir-faire à l'exportation lui permettent depuis longtemps de s'impliquer activement dans la coopération transfrontalière. Le fait que la Wallonie soit une terre de voisinages frontaliers lui confère une proximité internationale encore renforcée par la fonction de capitale européenne de Bruxelles. Forte de ces atouts, la Wallonie collabore avec ses pays voisins, la France, l'allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. Depuis plus de 25 ans, la Wallonie s'investit dans la coopération transfrontalière, principalement au travers des différents programmes de coopération territoriale européenne, mieux connus sous le nom d'interreg. Jusqu il y a peu, ces programmes avaient pour mission de résorber les écarts de développement en Europe en renforçant la collaboration entre les régions, en vue d améliorer les échanges économiques et sociaux. 06 // W+B // 123
Le circuit de Spa Francorchamps, un des acteurs clés dans la coopération territoriale wallonne, au cœur du projet de l Euregio ASTE BOOSTER LA CROISSANCE ET L'EMPLOI Pour la période de programmation des fonds européens 2014-2020, la Commission, le Conseil et le Parlement européens ont confié à Interreg un nouveau défi: booster la croissance et l'emploi en faisant la part belle à la recherche, l innovation, l'énergie, l environnement, les Technologies de l Information et de la Communication et les PME. Une nouvelle page de l'aventure s'ouvre avec un budget global de près de 9 milliards d'euros. "L'objectif est de ne pas faire des frontières un obstacle, mais une opportunité de développement et de croissance, souligne Sabrina CURZI, responsable Interreg et Bilatéral des voisins à Wallonie-Bruxelles International. Il s'agit de permettre aux citoyens européens frontaliers de penser à 360 degrés, aux opportunités de développement de part et d'autre de la frontière. Les programmes Interreg visent à changer les mentalités pour que les citoyens traversent la frontière, coopèrent et établissent des partenariats. L'Europe en a eu conscience très tôt, la Wallonie aussi." Trois programmes, trois aires de coopération, concernent la Wallonie: France-Wallonie- Flandre, la Grande Région et l'euregio Meuse- Rhin. "Autrement dit, reprend Sabrina Curzi, trois frontières sont concernées: la frontière franco-belge, celle avec le Luxembourg et l'allemagne et celle avec les Pays-Bas et l'allemagne. De cette manière, l'ensemble de la Wallonie est couverte, à l exception du Brabant wallon." Dans l'euregio Meuse-Rhin, le projet ASTE (Automotive Sustainable Training Euregio) a pour but d'anticiper les évolutions dans le secteur automobile. Dans la Grande Région, le projet RIFE II (Réseau transfrontalier d'information, de Formation et d'accompagnement d'entreprises à la Gestion de l'environnement) a pour objectif global d'améliorer la gestion de l'environnement dans les PME. Au sein de l aire de coopération France-Wallonie-Vlaanderen, le projet Cosantran de collaboration sanitaire vise principalement à améliorer l'accessibilité aux soins de qualité pour les patients de la zone transfrontalière. Trois beaux exemples de coopération transfrontalière pour une meilleure qualité de vie en Wallonie et dans les régions voisines. Trois modèles de coopération, bonnes pratiques à suivre et à reproduire sans modération pardelà les frontières wallonnes // Jacqueline Remits 07
DOSSIER La gestion des déchets, un élément important pour une bonne gestion environnementale SYMBIOSE TRANSFRONTALIÈRE POUR LES ENTREPRISES ET L ENVIRONNEMENT Les projets RIFE 1 et 2, aujourd hui achevés, sont un succès qui témoigne de l efficacité d une collaboration à «saute-frontières». Située au Sud de la Belgique, la province de Luxembourg développe depuis longtemps et avec succès son sens de la coopération transfrontalière. Partageant ses frontières avec le Grand-Duché de Luxembourg et la Lorraine française, cette province belge est désormais bien ancrée dans la coopération dite «grandrégionale», qui comprend également les länder allemands de Sarre et de Rhénanie-Palatinat, la Communauté germanophone de Belgique ainsi que la Province de Liège. Echanger les bonnes pratiques, faciliter la mobilité des travailleurs, favoriser le développement durable et promouvoir les entreprises de la (Grande) région sont autant de défis à relever que d occasions à saisir pour créer une Europe «sans frontières». Un bel exemple de cette collaboration réside dans la mise en place des projets RIFE 1 et 2 «Réseau transfrontalier d information, de formation et d accompagnement d entreprises à la gestion de l environnement», auxquels la Chambre de commerce et d industrie du Luxembourg belge (CCILB) a participé. On peut, ici, en retirer une certaine fierté puisque ces deux projets sont aujourd hui achevés (depuis fin 2012 pour le RIFE 2), mais les méthodes et outils mis en place servent maintenant quotidiennement aux entreprises. «Le projet RIFE 1 (2004-2006) portait principalement sur l utilisation rationnelle de l énergie par les entreprises», explique Lorraine Bodeux (Service environnement CCILB). «Mais, avant même qu il soit terminé, il était clair que les entreprises de toute cette énorme région transfrontalière étaient désireuses d aller plus loin, en abordant les problématiques environnementales ou de certification», continue Mme Bodeux. D où la mise en œuvre du projet RIFE 2 (2009-2012) qui, lui, s articulait autour de trois thématiques liées à l environnement, à savoir «l accompagnement d entreprises pour la mise en place de systèmes de management de l environnement» pouvant mener à une certification 14001 ou à un enregistrement EMAS, «l utilisation rationnelle de l eau et l utilisation rationnelle de l énergie», ceci pour renforcer encore les acquis de RIFE 1. «Il s agit vraiment de trois démarches très différentes mais parfaitement complémentaires», précise notre interlocutrice. «Au niveau des PME, nous avons formé des consultants. En Wallonie, c est la Chambre de Commerce du Luxembourg belge, l Intercommunale de développement économique du Luxembourg et l Université de Liège (ULg, campus d Arlon) qui ont été préala- 08 // W+B // 123
blement formés. Il s agissait de mettre en commun et d harmoniser les outils pour permettre les meilleures pratiques en matière d environnement dans un panel de PME et de les promouvoir à l ensemble des entreprises de la région transfrontalière. Nous nous sommes vus régulièrement pour analyser les différences de perception et y apporter une réponse commune. L apport du travail transfrontalier a été, ici, de tester des méthodes différentes et d avoir des retours différents pour proposer une approche.» Et Lorraine Bodeux de remarquer que les résultats sont là puisque «la plupart des entreprises participantes quasi toutes en Région wallonne sont maintenant certifiées». Les partenaires du projet notent encore le fait que ce projet a permis la mise en place, en collaboration avec l ULg, de services à la disposition des entreprises. «Le savoirfaire continue. Même en France et au Luxembourg, les consultants formés continuent d enseigner ces méthodes adaptées aux PME.» Soulignons également qu en Région wallonne, des entreprises ont été accompagnées en étant elles-mêmes formées à la réalisation d un «préaudit» énergétique. «Au Luxembourg, le Centre de Recherches Public Henri Tudor (Grand-Duché de Luxembourg) a développé une méthode plus adaptée et, en France, c est la méthode de l agence pour le développement qui a été privilégiée. La richesse est venue de la comparaison des méthodes et résultats et de ce qui pouvait être conçu pour améliorer le service aux entreprises.» Lorraine BODEUX // SERVICE ENVIRONNEMENT CCILB Cette vision globale et intégrée du service aux entreprises dans le cadre du développement durable a permis aux entreprises wallonnes, lorraines et luxembourgeoises de partager des retours d expérience, de découvrir des pistes pour améliorer les performances environnementales et de diminuer ses besoins et les coûts associés en énergie et en eau.» // Marc Vandermeir LE TURBO SUR UN MÉTIER D AVENIR : L AUTOMOBILE Concernant le secteur de l eau, les deux autres partenaires des projets RIFE 1 et 2, le Cebedeau, à Liège, et le Centre de Recherche Public Henri Tudor, à Luxembourg «ont échangé et mis en place une méthode commune de diffusion dans les PME des trois régions transfrontalières concernées.» En conclusion, les partenaires des projets constatent que «des approches et méthodes communes ont été créées et mises en place dans le but d améliorer la gestion de l environnement dans les entreprises de la région frontalière. Quand l Euregio communique la passion du moteur et ouvre les chemins de l emploi dans un domaine de haute technologie. Quoi de plus naturel que de s ancrer au bord de la piste du plus beau circuit automobile du monde, celui de Francorchamps? La mécanique automobile et la voiture en général n ont aujourd hui plus rien à voir avec ce qu elles étaient il y a finalement encore peu de temps. Maintenant, même la voiture de «monsieur tout le monde» est bourrée de technologie. Ce qui vaut pour la voiture en général vaut tout autant pour son moteur. Le temps du «bain de graisse et de cambouis» pour les mécaniciens n est plus qu une image du passé. Pourtant, le métier de mécanicien un terme qui subsiste, bien qu il ne soit plus vraiment approprié fait partie de ces quelques professions mal aimées chez les jeunes. Surtout, sans aucun doute, à cause de cette image du passé. Alors même que bien des jeunes ne cachent pas leur admiration pour la voiture. 09
DOSSIER Essai de karts électriques sur une piste improvisée Parce qu il y a dans l Euregio un savoirfaire remarquable autour de l automobile, les divers acteurs de cette vaste région transfrontalière ont voulu, et su, créer un partenariat efficace pour promouvoir chez les jeunes ce métier plein d avenir, mais mal connu. Ce partenariat a pris le nom de projet «Automotive Sustainable Training Euregio» (ASTE). CRÉER INFORMATION ET FORMATION «Nous savions combien ce métier peut attirer les jeunes, à condition de le leur faire découvrir de manière ludique, et à condition que l enseignement puisse disposer de tout ce qu il faut pour lui-même s adapter à la révolution technologique», explique Marc Nelis, du campus de Francorchamps. «D autant que cette révolution ne fait que commencer, comme l indiquent la percée des moteurs hybrides, l arrivée des voitures électriques, celle toute proche des motorisations à pile à combustible, pour ne citer que cela.» L Euregio compte toute une série d acteurs compétents en matière d automobile au sens large, y compris pour l enseignement et la formation. «Il y a des partenaires potentiels, il y a des compétences et nous les avons donc réunis dans un projet qui s imposait : une offre d information, de formation et d équipements didactiques et ludiques sur ces nouveautés prometteuses.» Précisons que le projet ASTE est arrivé à terme en décembre 2013 et a pleinement réussi, puisque ce qui a été développé par la mise en commun de tout ce savoir-faire transfrontalier continue à être mis au service des jeunes et de l enseignement. Ce qui prouve en outre combien ce partenariat était nécessaire, et que rester chacun dans son coin aurait été contre-productif. EQUIPEMENT DIDACTIQUE ET LUDIQUE «Nous avons créé un équipement commun, à commencer par des karts, parce qu ils sont à la fois didactiques, ludiques et faciles à transporter et à utiliser un peu n importe où, y compris dans des environnements scolaires», continue Marc Nelis. L offre s est ensuite développée grâce à une approche très collaborative, qui a permis de proposer cours, outils et équipements, dont un camion semiremorque de démonstration, partagés entre les partenaires. «Chaque partenaire dispose de tous les cours et documents, élaborés selon cinq thématiques. Quant au camion équipé en atelier de démonstration, il est basé au campus de Francorchamps et est doté d une petite salle de classe et de matériel didactique, comme des pièces coupées, etc.» Pour notre interlocuteur, tout l intérêt du projet ASTE est qu il a permis aux différents partenaires de couvrir toute la problématique, plutôt que chacun chez soi selon son secteur (enseignement, demandeurs d emploi, etc), à son échelle et selon son public. «L intérêt du projet est qu il nous a permis d avancer plus vite, avec un résultat plus valorisable. En témoignent les nombreux événements où nous sommes venus avec la remorque et notre matériel, et où il y a beaucoup de visiteurs.» Des jeunes ont-ils été séduits au point de se tourner vers ce métier? «C est tout l objectif de nos actions ludiques de sensibilisation dans les écoles, lors de journées portes ouvertes accueillant jusque 200 ou 300 élèves. Chaque fois, nous étions assaillis de questions. Notre projet leur a permis de repartir avec les réponses concrètes.» D où l attrait qui s est manifesté pour cette profession. «Car nous leur montrons qu en effet, la voiture, ce n est plus seulement la vidange et la mécanique, mais aussi et tout autant l informatique, l électronique, l électricité dans la chaîne de traction, le stockage et la gestion de l énergie, etc.» // Marc Vandermeir 10 // W+B // 123
L INITIATIVE COSANTRAN TISSE DES TERRITOIRES DE SANTÉ TRANSFRONTALIERS Un réseau franco-belge de professionnels de la santé afin de faciliter l accès à des soins de proximité et de qualité. Initié en 2007, le programme Interreg IV «France- Wallonie-Vlaanderen» vise à améliorer le quotidien des populations au sein d un seul et même espace transfrontalier au cœur de l Union européenne. Cette zone de coopération associe cinq régions : le Nord- Pas de Calais, la Champagne-Ardenne et la Picardie pour le versant français, ainsi que la Wallonie et la Flandre côté belge, soit quelque 62.000 Km 2 pour une population de 10,5 millions de personnes. Sur la programmation Interreg IV, 197 projets ont bénéficié d un financement pour une enveloppe totale (fonds européens et financements régionaux) légèrement inférieure à 250 millions EUR. Concernant les thématiques soutenues, les priorités ont été mises sur l économie, la culture, le tourisme, le développement durable et enfin l accès aux services transfrontaliers. PROXIMITÉ ET QUALITÉ C est dans ce dernier créneau qu il faut situer un projet comme Cosantran, dont l objectif premier est d améliorer la vie quotidienne sur l espace transfrontalier en optimisant au bénéfice des patients l accès aux soins de santé. Avec une enveloppe de 1,13 million, dont la moitié provient du Fonds Européen pour le Développement Régional (FEDER), le projet Cosantran a pour finalité d organiser, de structurer et de fluidifier la coopération entre les hôpitaux et les organisations mutuellistes en vue de faciliter l accès aux soins des populations frontalières. «Nous mettons tout en œuvre pour permettre aux patients, tant français que belges, d avoir un accès le plus aisé possible, tout près de chez eux, à des soins de santé particuliers, sans que ces patients ne soient confrontés à des démarches administratives lourdes ou à des coûts supplémentaires», précise Henri Lewalle, en charge de la coordination du projet Cosantran. Afin d autoriser l accès des patients à ces soins de santé de qualité par-delà les frontières, outre l ensemble des structures hospitalières de cet espace franco-belge, toutes fédérées au sein de Cosantran, un important travail, sur le volet administratif et financier, devait nécessairement être mené au sein des mutualités concernées. UN OBSERVATOIRE À EURALLILE De part et d autre de la frontière, les Mutualités chrétiennes, socialistes et libres belges ainsi que leurs homologues du Nord-Pas de Calais, du Nord-Est et des Ardennes en France, ont conjugué leurs forces en créant notamment, dès le début des années 2000 déjà, et sous la forme d un GEIE (groupement européen d intérêt économique), un Observatoire franco-belge de la santé (OFBS) localisé sur le site d Euralille. Cet observatoire, constitué en 1999, a permis de nombreux échanges de savoir-faire mais aussi, de façon très pragmatique, de réaliser des économies d échelle en rapprochant les patients d équipements de soins pointus mais très coûteux. L OFBS coordonne les actions en matière de coopération sanitaire franco-belge et remplit une mission de mise en réseau des acteurs du secteur. EN ROUTE VERS INTERREG V Très concrètement encore, le programme Cosantran a débouché sur la création d un maillage de territoires de santé transfrontalier appelé «Zoast», pour «zones organisées d accès aux soins transfrontaliers». La conjugaison la plus adéquate possible entre mobilité transfrontalière et coopération entre prestataires de soins a permis d offrir aux patients une large gamme de soins complémentaires. En janvier 2012, toutes les conventions «Zoast» ont été resignées. Au-delà des difficultés inhérentes à la mise en œuvre d un projet «soins de santé» aussi ambitieux, les partenaires transfrontaliers associés comptent bien encore aller de l avant et poursuivre l aventure dans le cadre de la nouvelle période de programmation // Hugo Leblud M. Houet - Tilt Photographie 2013 11