Questions de douleur et de refus de traitement pour un patient atteint de cancer métastatique Vignette clinique: prise en charge douleur Dr N. Béziaud aspects éthiques Pr G. Laval Colloque médical du jeudi CHU Grenoble Jeudi 24 mai 2012 Clinique de Soins Palliatifs et de Coordination en Soins de Support 04 76 76 56 67 Mai 2012 1
Mr M., 45 ans, cancer colique découvert sur douleurs osseuses par métastases dorsolombaires Chimiothérapie débutée, Relais du traitement par AINS et palier 2 (tramadol) par un opioïde fort : la morphine. 1. Comment procéder? Ordonnance titration adaptation 2. Quels conseils au patient? 3. Quelle surveillance? Mai 2012 2
Pour les douleurs d origine cancéreuse, Pour une douleur par excès de nociception, La prescription d un opioïde fort est articulée autour de 5 principes essentiels (SOR 2002) : Prescrire par voie orale en priorité, A intervalles réguliers, En respectant l échelle OMS à 3 niveaux, Avoir une prescription personnalisée, Avec un souci constant du détail : - prescription en anticipant les accès douloureux et les effets indésirables, - réévaluation effectuée régulièrement selon la durée d action du produit et l intensité de la douleur. Mai 2012 3
Instauration d un traitement opioïde fort Arrêt de l opioïde faible (tramadol) Intérêt de poursuivre l antiinflammatoire à discuter selon le rapport bénéfices/risques Ordonnance sécurisée pour l opioïde fort : Ecrire en toutes lettres sur l ordonnance (Art R 5132-29 du CSP) : Le nombre d unités thérapeutiques par prise, Le nombre de prises, Le dosage. Remettre l ordonnance au patient ou à un proche en relisant toutes les informations et en s assurant de leur compréhension. Durée de prescription Formes orales : 28 jours (transdermique fractionnés 2x14j, transmuqueux fractionné 4x7j) Formes injectables : 7 jours (sauf système actif de perfusion PSE/PCA). Mai 2012 4
Instauration d un traitement opioïde fort Initiation des doses : phase de titration : augmentation progressive des doses en recherchant la posologie avec le meilleur résultat efficacité/tolérance: initiation par une forme LP ou LI. Chez le sujet fragile comme le sujet très âgé, diminuer les posologies de moitié et/ou d espacer les prises, d utiliser plutôt une forme LI. Opioïde fort de référence: morphine 1mg/kg/j par voie orale Pour les accès douloureux, prescription d interdoses à libération immédiate : 1/6 à 1/10 de la dose quotidienne du traitement de fond Mai 2012 5
1 ère possibilité: titration forme LI 1) Initiation par une forme LI per os toutes les 4 à 6 heures 8 h 20h 8h 8 h 12 h 16 h 20 h 23 h 5 h 8 h Si douleur intense, possible prise horaire (sur 4 heure maximum, au-delà, le patient doit reconsulter le médecin) 2) Passage sous la forme LP quand le patient est équilibré, en fonction de la dose de titration (= dose pour obtention du soulagement), en associant une forme LI pour les accès douloureux
2 ème possibilité: titration forme LP + LI Initiation par une forme LP prise toutes les 12 heures 8 h 20h 8h 10 h 11 h 17 h 2 h En cas de douleurs mal soulagées, recours éventuel à des interdoses LI toutes les heures (max 4 successives, ~10% de la dose prévue sur 24 h) Si + 3 à 4 interdoses LI/24h, ces ID doivent être intégrées dans la dose totale quotidienne de morphine à libération prolongée. Dans tous les cas, l équilibration est atteinte en 3 à 4 jours
Instauration d un traitement opioïde fort Initiation des doses : phase de titration : augmentation progressive des doses en recherchant la posologie avec le meilleur résultat efficacité/tolérance: initiation par une forme LP ou LI. Chez le sujet fragile comme le sujet très âgé, diminuer les posologies de moitié et/ou d espacer les prises, d utiliser plutôt une forme LI. Opioïde fort de référence: morphine 1mg/kg/j par voie orale Pour les accès douloureux, prescription d interdoses à libération immédiate : 1/6 à 1/10 de la dose quotidienne du traitement de fond Pas de titration du traitement opioïde fort de fond par le fentanyl administré par voie transmuqueuse Prescription systématique d un traitement laxatif préventif de la constipation induite par les opioïdes Mai 2012 8
Instauration d un traitement opioïde fort Adaptation des doses : Un traitement efficace se définit par douleur de fond absente ou d intensité faible, respect du sommeil, < 4 ADP/J avec une efficacité des traitements > 50 %, activités habituelles restent possibles ou peu limitées par la douleur, effets indésirables des traitements sont mineurs ou absents. En cas de douleur non soulagée, l augmentation des doses doit se faire de manière progressive, sans dépasser 30 à 50 % de la dose précédente Réadaptation à chaque fois de la posologie des interdoses pour les accès douloureux : 1/6 à 1/10 de la nouvelle dose quotidienne du traitement de fond Mai 2012 9
Quels conseils au patient? Education thérapeutique pour favoriser l observance thérapeutiques du traitement antalgique et préventif de la constipation induite, Réassurer concernant les craintes vis-à-vis du développement d une tolérance, d une dépendance physique et psychique, Consulter son médecin et/ou pharmacien en cas d effets indésirables plutôt que de suspendre le traitement, Anticiper autant que possible la douleur, prendre des interdoses préventifs vis-à-vis des accès douloureux paroxystiques prévisibles. Mai 2012 10
Quelle surveillance? Efficacité antalgique: Un traitement efficace se définit par douleur de fond absente ou d intensité faible, respect du sommeil, < 4 ADP/J avec une efficacité des traitements > 50 %, activités habituelles restent possibles ou peu limitées par la douleur, effets indésirables des traitements sont mineurs ou absents. Absence d effet secondaire rebelle constipation induite par les opioïdes malgré bithérapie laxative nausée/vomissement, troubles neuropsychiques persistants au-delà de 72h malgré un traitement symptomatique bien conduit Absence de surdosage clinique (bradypnée et somnolence) Mai 2012 11
Mr M. devient paraplégique par compression médullaire et tassements vertébraux sur 3 niveaux avec épidurite associée sans possible ostéosynthèse. Une radiothérapie est décidée de même qu un nouveau schéma de chimiothérapie. Mr M. ne veut pas vivre handicapé, dépendant, en fauteuil roulant. Mr M. a entendu parlé de la loi Léonetti. Mr M. refuse la radiothérapie et la chimiothérapie. 1. A-t-il le droit de refuser le traitement? 2. Que doit faire le médecin face à cette demande? Mai 2012 12
A partir de la loi 2002/304 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, A partir de la loi 2005/370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, A partir des décrets d application : 1. N 2006/119 du 6 février 2006 relatives aux directives anticipées prévues par la loi Léonetti, 2. N 2006/120 du 6 février 2006 relative à la procédure collégiale prévue par la loi Léonetti. Oui, obligation de respecter ce refus même si pas en phase terminale : 7 points précis. Mai 2012 13
1. Le médecin respecte la volonté du patient après l avoir informé des conséquences de son choix. 2. S assurer que le patient a compris les conséquences de sa décision. 3. Tenter de convaincre au maintien du traitement jugé pertinent. 4. Si besoin, faire appel à un collègue médecin pour d autres explications. Mai 2012 14
5. Proposer au patient de réitérer sa demande après un délais raisonnable. 6. Si la demande est réitérée, la décision motivée doit être inscrite dans le dossier du patient. 7. La décision de refus de traitement est mise en œuvre en assurant une démarche palliative. Mai 2012 15
Deux précisions 1. Patient considéré comme capable d exprimer sa volonté : La loi ne précise pas ce que signifie «considéré capable». L appréciation de cette capacité reste donc de l ordre de la responsabilité médicale dans le cadre du dialogue médecin-malade. Mai 2012 16
Deux précisions (suite) 2. Patient capable d exprimer sa volonté mais en phase terminale d une affection grave et incurable : «Le médecin respecte sa volonté après l avoir informé des conséquences de son choix» Explications Décision motivée inscrite dans le dossier. Démarche palliative. Mai 2012 17
Mr M. a finalement accepté les traitements. Il reste paraplégique et s aggrave progressivement avec cachexie, troubles confusionnels par métastases cérébrales. Il présente des mélénas à répétition sans chirurgie possible. Le médecin souhaite limiter les traitement, notamment ne plus transfuser car sentiment d obstination thérapeutique déraisonnable. Le patient confus ne peut plus donner son avis. Que doit faire le médecin? 4 points précis. Mai 2012 18
1. Respecter la procédure collégiale : la décision est prise par le médecin en charge du patient : Après concertation avec l équipe de soins, Et sur l avis motivé d au moins un médecin, appelé en qualité de consultant (aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin référent et le consultant), L avis motivé d un 2 ème médecin peut être demandé par ces médecins si l un d eux l estime utile. 2. Rechercher et prendre en compte les directives anticipées éventuelles. Mai 2012 19
3. Recueillir l avis de la personne de confiance (si elle a été identifiée) ainsi que celui de la famille ou à défaut, celui d un de ses proches : Directives anticipées > personne de confiance> famille ou proches, Pour mineur ou majeur protégé, en outre, selon les cas, prendre l avis des titulaires de l autorité parentale ou du tuteur, hormis les situations où l urgence rend impossible cette consultation, 4. La décision motivée est inscrite dans le dossier du patient. Mai 2012 20