Sommaire. Revue d actualité n 4 Cabinet d Avocats Barraquand Lapisardi. Nullité des contrats. Assurances. Vente. Marchés publics



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Transcription:

Sommaire Droit public des affaires Focus Contrats publics : panorama des recours ouverts aux candidats évincés Nullité des contrats Brèves L absence de transmission au Préfet de la délibération autorisant le Maire à signer un contrat n entraîne plus la nullité du contrat Marchés publics Le Conseil d Etat annule le seuil de 20 000 euros Les marchés de définition perdent leur attrait Procédure contentieuse Un nouveau moyen mis à disposition des requérants : la question prioritaire de constitutionnalité A noter également Publication d un «guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics» Rappel sur les seuils applicables aux procédures mise en concurrence prévues par le Code des marchés publics à compter du 1 er janvier 2010 L attestation fiscale est désormais dématérialisée Droit immobilier Focus Les modalités d interruption de la prescription font l objet de divergences au sein de la Cour de cassation Assurances Vente Brèves Les clauses types des contrats d assurance obligatoires de construction sont modifiées Le vendeur en l état futur d achèvement a seul qualité à agir contre l assureur dommages-ouvrage en cas de désordres survenus en cours de chantier La clause de non garantie des vices cachés ne s applique qu au vendeur de bonne foi La clause de non recours contenu dans un acte de vente n exonère pas le dernier exploitant d un site industriel de son obligation de dépolluer Urbanisme L autorité administrative ne peut revenir sur une décision renonçant à exercer son droit de préemption La Commune et l Etat ne sont pas responsables à l égard des acquéreurs de terrain d une ZAC annulée Procédure civile La procédure d appel en matière civile est modifiée La répartition des compétences entre le TGI et le TI est modifiée A noter également Les tarifs de rachat de l électricité photovoltaïque ont été publiés p. 1

Droit public des affaires - Focus Revue d actualité n 4 Contrats publics : panorama des recours ouverts aux candidats évincés Au cours de ces trois dernières années, le paysage du contentieux de la commande publique a été substantiellement modifié du fait de revirements jurisprudentiels 1 et de la transposition de la directive 2007/66/CE du 11 décembre 2007 dite directive recours par l ordonnance n 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique et son décret d application en date du 27 novembre 2009. Aussi, il nous paraît important de dresser le panorama des recours ouverts aux candidats évincés. Les recours ouverts AVANT la conclusion du contrat Tout d abord, il faut s interroger sur ce qu il faut entendre par la «conclusion du contrat». Cette question paraissait réglée tant la solution du Conseil d Etat était claire et arrêtée et somme toute, logistique : le contrat est conclu au moment de sa signature (CE, 3 novembre 1995, Chambre de commerce et d industrie de Tarbes, n 197304). Pourtant, dans une ordonnance récente rendue sur un recours en référé suspension contre un acte détachable introduit par un candidat évincé, le tribunal administratif de Toulon a jugé que le contrat est conclu au moment où la personne publique a pris la 1 CE, 16 juillet 2007, société Tropic Travaux Signalisations, n 291545 ; CE, 3 octobre 2008, Smirgeomes, n 305420 ; CE, Ass 28 décembre 2009, Commune de Béziers n 304802 ; cf nos précédentes revues d actualités et article consultables sur notre site internet. décision de confier le contrat à un candidat (TA Toulon, 26 novembre 2009, Société travaux construction matériaux, n 0902896). Ce point, pourtant simple au premier abord, ne semble donc pas entièrement solutionné. Trois recours peuvent être introduits : Le référé précontractuel est le recours le plus connu des candidats évincés. Cette notoriété est liée à l efficacité de ce recours. Les délais d instruction sont particulièrement rapides (le juge doit statuer dans un délai de 20 jours) et les pouvoirs du juge étendus : il peut enjoindre à l auteur du manquement de se conformer à ses obligations, suspendre l exécution de toute décision, annuler toute la procédure de passation ou supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat 2. L efficacité de ce recours a été récemment accrue : désormais, la seule saisine du juge a pour effet d interdire au pouvoir adjudicateur de signer le contrat (L 551-4 du CJA). Ce recours présente, cependant, des limites : il n est ouvert que pour certains contrats administratifs et ne concerne que des manquements portant sur les obligations de publicité et de mise en concurrence 3. 2 Du moins pour les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs. 3 Ce recours est ouvert aux «contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public» (L 551-1 du CJA). p. 2

Et le temps des annulations systématiques pour une case non cochée dans l avis de publicité est révolu : depuis l arrêt Smirgeomes 4, les chances de succès d un tel recours sont plus faibles que par le passé car le requérant doit désormais prouver que le manquement qu il invoque l a lésé ou risque de le léser. Enfin, quand le juge entend suspendre l exécution d une décision, il doit faire la balance des intérêts en présence c'est-à-dire prendre en considération l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment l'intérêt public, afin d apprécier si les conséquences négatives des mesures qu il entend prononcer ne l emportent pas sur leurs avantages. Aussi, bien que le référé précontractuel reste un recours intéressant pour les candidats évincés, il ne doit pas faire oublier les autres recours possibles. Le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat et le recours en référésuspension. Ce recours au fond reste toujours possible avant la signature du contrat et il peut être accompagné d un référé tendant à obtenir la suspension de la décision attaquée. Un candidat évincé dans le cadre d une délégation de service public pourrait ainsi attaquer la décision de l assemblée délibérante donnant pouvoir à l exécutif pour signer le contrat. Dans le cadre de ce recours, les manquements invoqués ne sont pas limités, comme pour le référé précontractuel. Cependant, le magistrat doit accepter de «jouer le jeu», en se prononçant très vite car la signature du contrat rend le référé suspension sans objet. En outre, il faut justifier d une urgence et démontrer ainsi que la décision administrative préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu il entend défendre 5. Reste le recours au fond tendant à l annulation de la décision qui serait, à notre sens, toujours recevable après la signature du contrat, à condition d avoir été engagé avant. Mais, une fois l annulation de l acte détachable obtenue, le parcours pour arriver à toucher le contrat est semé d embûches : il faut obtenir du juge qu il enjoigne à la personne publique de convaincre son cocontractant de prononcer conventionnellement la résolution du contrat ou à défaut, de saisir le juge du contrat afin d en obtenir la nullité. Mais là encore, le dernier revirement de jurisprudence en la matière vient considérablement réduire les possibilités d obtenir cette nullité (cf sur ce point notre brève dans la présente revue d actualité). Les recours ouverts APRES la conclusion du contrat Le Conseil d Etat a créé un nouveau recours au fond (le recours en contestation de validité, communément appelé «recours «Tropic» du nom de la jurisprudence l ayant créé) ouvert aux seuls candidats évincés après la signature du contrat. Ce recours peut être assorti d un référé suspension. 4 Voir en ce sens l article de Me Sophie Lapisardi «Référé précontractuel, un recours plus difficile pour le candidat évincé», publié au Moniteur en date du 17 juillet 2009, consultable sur le site internet du cabinet. 5 Cf notamment CE, 14 mai 2003, commune de Nîmes, n 251326. p. 3

Le recours au fond présente plusieurs avantages. Il concerne tous les contrats administratifs pouvant intéresser un concurrent évincé. Le requérant peut invoquer tout moyen d illégalité (ainsi, par exemple, l incompétence de l auteur de l acte). Le juge dispose de larges pouvoirs : il peut résilier le contrat, en modifier certaines clauses, décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité cocontractante, annuler le contrat avec ou non des effets différés si cette mesure ne porte pas une atteinte excessive à l intérêt général et même, accorder une indemnisation en réparation des droits lésés. C est un recours efficace et complet mais son caractère subjectif et la palette des pouvoirs du juge en rendent l issue incertaine. De plus, les délais d instruction sont longs. Cet inconvénient peut être contourné par le référé suspension qui tend à obtenir du juge qu il prononce la suspension du contrat le temps que le juge du fond se prononce. Il faut alors démontrer l existence d une urgence c'est-à-dire que le contrat préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu il entend défendre. Le seul fait d invoquer la perte de bénéfices ne suffit pas : il faut démontrer que cette perte est substantielle au regard du chiffre d affaires de l entreprise évincée. Le candidat évincé pourra également avoir recours au juge du référé contractuel. Ce recours présente un certain nombre de caractéristiques communes avec le référé précontractuel et sa dénomination a pu laisser penser que ce recours serait LA solution après la signature du contrat. Or, si ce recours a l avantage d être jugé dans de courts délais (un mois), il vise des hypothèses bien précises. En effet, les contrats concernés ainsi que les moyens susceptibles d être soulevés sont limités aux mêmes hypothèses que pour le référé précontractuel. En outre, dans la majorité des cas, c'est-à-dire sauf lorsqu un avis d attribution n a pas été publié ou, pour les accords-cadres et les systèmes d acquisition dynamique 6, le juge des référés précontractuel doit être saisi dans un délai d 1 mois 7 (R 551-7 du CJA). De même, les hypothèses dans lesquelles le juge peut prononcer l annulation du contrat sont strictement limitées 8 : il s agit des violations flagrantes des règles de publicité et de mise en concurrence. Enfin, si le juge peut prononcer des sanctions financières, il ne peut pas allouer de dommages et intérêts. 6 Dans ces deux hypothèses, le juge peut être saisi dans un délai de 6 mois à compter du lendemain du jour de la signature du contrat (R 551-7 du CJA). 7 Plus précisément, au plus tard le trente et unième jour suivant la publication d'un avis d'attribution du contrat ou, pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique, suivant la notification de la conclusion du contrat (R 551-7 du CJA). 8 Soit, lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsqu a été omise une publication au Journal officiel de l'union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite, lorsqu ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique ou sous certaines conditions, lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 (L551-18 du CJA). p. 4

La coexistence de ces recours Nous savons que le cumul référé précontractuel (rejeté)/référé contractuel ne sera possible que dans des cas extrêmement limités (si le pouvoir adjudicateur n a pas respecté l obligation de suspension de la signature du contrat ou n a pas respecté la décision du juge du référé précontractuel) car le Code de justice administrative le prévoit (L 551-14 du CJA). Les autres cas de cumul n ont pas été abordés par le législateur mais semblent possibles. Le cumul référé précontractuel (rejeté)/recours au fond Tropic paraît possible, sous réserve de la position de la Haute Assemblée sur l autorité de la chose jugée de l ordonnance en référé précontractuel. De la même façon, il pourrait être envisagé d introduire un recours Tropic associé à un référé suspension Tropic concomitamment ou consécutivement à un recours en référé contractuel. En conclusion, les recours à disposition des candidats évincés ne manquent pas et si quelques questions restent en suspens et nécessiteront d être tranchées par la jurisprudence, une chose est sûre : il n y pas de solution clefs en main! La stratégie contentieuse devra être élaborée en fonction de chaque dossier, des moyens susceptibles d être soulevés et des attentes de chacun. p. 5

Droit public des affaires - Brèves Nullité des contrats Revue d actualité n 4 L absence de transmission au Préfet de la délibération autorisant le Maire à signer un contrat n entraîne plus la nullité du contrat Les actes des collectivités territoriales sont, pour la plupart, soumis à une obligation de transmission en Préfecture pour devenir exécutoires. Faisant application d un avis du Conseil d Etat en date du 10 juin 1996 (Avis CE, 10 juin 1996, n 176873, ci après dénommé Préfet de la Côte d Or), le juge administratif jugeait, de façon constante, que l absence de transmission de la délibération du conseil municipal autorisant le Maire à signer un contrat avant la signature dudit contrat constituait un vice de nature à entrainer la nullité du contrat, car le Maire était incompétent pour le signer. La transmission de cette délibération en préfecture, après cette signature, ne pouvait pas régulariser cette incompétence du signataire. Cette jurisprudence avait conduit le juge à déclarer nuls de nombreux contrats dans diverses circonstances. Ainsi, une partie saisissait le juge du contrat d un différend lié à l application du contrat et le juge soulevait d office la nullité de celui-ci pour incompétence du Maire. Aussi, ce qui pouvait être perçu par les parties comme une simple irrégularité, avait des conséquences importantes, surtout pour des contrats de longue durée comme les délégations de service public. Parfois, cette incompétence du signataire public était utilisée par l une des parties pour soulever la nullité et ainsi échapper à ses obligations contractuelles. Le Conseil d Etat vient d opérer un revirement de jurisprudence dans un arrêt en date du 28 décembre 2009 (CE, Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Beziers, n 304802). Il considère désormais que ce vice n est pas de nature à entraîner la nullité du contrat. L intérêt de cet arrêt dépasse cette seule irrégularité. Dans cette décision de principe, le Conseil d Etat se prononce sur les pouvoirs du juge du contrat confronté à la question de la validité du contrat en distinguant deux hypothèses : - le recours engagé par l une des parties pour contester la validité du contrat ; - le recours engagé à la suite d un litige relatif à l exécution du contrat. La Haute Assemblée fait prévaloir «l exigence de loyauté des relations contractuelles» et la poursuite de l exécution du contrat. Le contrat sera écarté ou «annulé» dans de rares hypothèses «tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement». C est une véritable révolution dans le contentieux de la nullité et nombre de procédures actuellement en cours, vont être concernées. Le contrat est sécurisé mais la jurisprudence crée, une nouvelle fois, de l insécurité juridique. p. 6

Marchés publics Le Conseil d Etat annule le seuil de 20 000 euros Le Conseil d Etat (CE, 10 février 2010, Premier Ministre, n 329100) vient de juger que la fixation à 20 000 euros du seuil endeçà duquel les marchés pouvaient être passés sans publicité et mise en concurrence est contraire aux principes d égalité d accès à la commande publique, d égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. En conséquence, il a annulé sur ce point le décret du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics, tel que codifié à l article 28 du code des marchés publics. Cependant, il a reporté les effets de cette annulation au 1 er mai 2010, sous réserve des actions engagées à la date de cette décision. En pratique, à compter du 1 er mai 2010 et sauf réforme survenue entre-temps, seuls les marchés d un montant inférieur à 4 000 euros (seuil fixé avant le décret annulé) pourront être passés sans publicité, ni mise en concurrence. Les marchés de définition perdent leur attrait Rappelons que le marché de définition a pour objectif de permettre au pouvoir adjudicateur qui ne connaît pas «les buts et performances à atteindre, les techniques à utiliser, les moyens en personnel et en matériel à mettre en œuvre» (article 73 du Code des marchés publics), de lancer une procédure d appel à concurrence afin que des études soient menées pour déterminer ces besoins et ensuite qu un contrat soit conclu pour exécuter les prestations en fonction de ces besoins, dans le cadre d un marché d exécution. Dans les versions précédentes du Code des marchés publics, une fois que le titulaire avait assisté le pouvoir adjudicateur pour déterminer ses besoins, le marché d exécution pouvait lui être attribué sans mise en concurrence préalable. Cette procédure ayant été censurée par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE, 14 octobre 2004, Commission c/ France C-340/02), elle a été révisée dans la version 2006 du Code des marchés publics. Aux termes de l article 73, tel qu aujourd hui applicable, les marchés d exécution, faisant suite à plusieurs marchés de définition ayant un même objet et exécutés simultanément, peuvent être attribués après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de définition et ce, sous certaines conditions. La CJUE vient de sanctionner cette procédure aux motifs (CJUE, 10 décembre 2009, Commission c/ France, C-299/08) qu elle n est conforme à aucune des procédures dérogatoires telles que limitativement énumérées à l article 28 de la directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et qu elle n est pas conforme au principe d égalité de traitement des opérateurs économiques énoncé par l article 2 de la directive. p. 7

Cet arrêt nécessitera une nouvelle réforme du Code des marchés publics. Mais, en tout état de cause et dès à présent, il devient impératif de ne plus utiliser cette procédure de l article 73. Les marchés de définition vont ainsi perdre leur attrait : - Les titulaires ne pourront plus espérer obtenir le marché d exécution grâce à cette procédure dérogatoire de remise en concurrence ; - Pire, cet arrêt marque sûrement la condamnation des marchés de définition! En effet, pour que le principe d égalité de traitement entre les candidats soit respecté, le titulaire du marché de définition devra prouver qu il n a pas obtenu, du fait de l exécution de ce marché, des informations de nature à l avantager pour l obtention du marché d exécution (CAA Lyon, 1 er décembre 2005, District de la Semine, n 00LY00950), ce qui semble quasiment impossible. Procédure contentieuse Un nouveau moyen mis à disposition des requérants : la question prioritaire de constitutionalité A titre liminaire, il convient de rappeler qu avant la création de la question prioritaire de constitutionnalité, si un acte administratif était pris sur le fondement d une loi contraire à un principe constitutionnel, le juge administratif jugeait que cet acte administratif était légal et ne l annulait pas (principe dit de «l écran législatif»). A compter du 11 mars 2010 9, si, dans le cadre d un recours devant le juge administratif, le juge judiciaire ou le juge pénal, une partie soutient «qu une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit», il appartiendra au Conseil Constitutionnel de dire si cette disposition législative est conforme ou non aux droits et obligations que la Constitution garantit. S il constate que la loi est inconstitutionnelle, cette dernière sera 9 Loi organique n 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l application de l article 61-1 de la Constitution mettant en œuvre le nouvel article 61-1 de la Constitution. abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel (article 62 de la Constitution). En d autres termes, dorénavant, s il apparaît qu un acte administratif a été pris sur le fondement d une disposition législative contraire à un principe constitutionnel, la loi sera abrogée et l acte administratif annulé. Cette nouvelle voie sera susceptible de présenter de réelles conséquences pratiques en matière de droit de la commande publique dans la mesure où le Conseil Constitutionnel a dégagé plusieurs principes constitutionnels en la matière, tels que les principes de continuité des services publics (DC, 25 juillet 1979, n 79-105), d égalité d accès à la commande publique (DC, 22 août 2002, n 2002-460) ou le principe de la liberté d entreprendre (DC, 16 janvier 1982, n 81-132). Toutefois, cette procédure sera longue. Elle comportera plusieurs étapes (une première analyse de la question par la juridiction saisie, le renvoi de cette question à la Cour de Cassation ou au Conseil d Etat qui aura 3 mois pour décider s il y a lieu de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel puis le renvoi de la question au Conseil Constitutionnel qui aura également 3 mois pour statuer) et pendant cette période, la juridiction saisie devra surseoir à statuer. p. 8

A noter également Publication d un «guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics» Attendue de longue date par les acteurs de la commande publique, la circulaire du 29 décembre 2009 relative au guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics (NOR ECEM0928770C) a été publiée au Journal officiel le 31 décembre 2009. Cette circulaire abroge la circulaire du 3 août 2006 portant manuel d application du Code des marchés publics (NOR EC00620004C), devenue obsolète sur de nombreux points tels que les nouveautés apportées par l ordonnance du 7 mai 2009 en matière de recours (voir sur ce point, sur notre site internet, nos revues d actualité d octobre et décembre 2009). Ce guide constituera une aide pour interpréter les articles du Code des marchés publics mais il ne s agit pas d un document réglementaire et il ne pourra pas être invoqué devant un juge. Rappel sur les seuils applicables aux procédures de mise en concurrence prévues par le Code des marchés publics à compter du 1 er janvier 2010 Dans notre précédente revue d actualité, nous vous avions présenté un tableau synthétique des nouveaux seuils applicables aux marchés publics communautaires. Dans ce prolongement, le décret n 2009-1702 en date du 30 décembre 2009 10 a modifié les seuils applicables en droit national. Ces seuils sont, en tous points, identiques aux seuils communautaires. Nous vous renvoyons donc à notre revue d actualité de décembre 2009. L attestation fiscale est désormais dématérialisée L attestation fiscale demandée au titre de l article 46 du Code des marchés publics peut désormais être demandée et obtenue sur internet, sur le site impots.gouv.fr. Attention, cette possibilité n est ouverte qu aux sociétés assujetties à l impôt sur les sociétés. 10 Décret modifiant les seuils applicables aux marchés passés en application du code des marchés publics et de l'ordonnance n 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et aux contrats de partenariat. p. 9

Droit Immobilier - Focus Revue d actualité n 4 Les modalités d interruption de la prescription font l objet de divergences au sein de la Cour de cassation Les questions liées à l interruption des prescriptions sont souvent délicates, surtout lorsque les jurisprudences des différentes chambres de la Cour de cassation divergent. La Cour de cassation a, en effet, développé une jurisprudence tendant à faire échec à la prescription biennale assureur / assuré, inadaptée au contentieux de la construction. Toutefois, les principes posés à cette fin, en des termes généraux, sont en opposition avec les règles appliquées aux autres cas de prescription. Cette divergence s est encore illustrée récemment. Ainsi, par deux arrêts en date du 22 octobre 2009 (Civ. 2 e, 22 octobre 2009, n 08-19840 et 07-21487), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s est rangée à la position de la première chambre, en affirmant que «toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige». L application de principe permettait, dans les deux espèces, de considérer comme non prescrites les actions intentées par les assurés à l encontre de leurs assureurs respectifs. Toutefois, la rédaction de cette règle en termes généraux se heurte à la jurisprudence réaffirmée par la troisième chambre de la Cour de cassation dans un arrêt du 18 novembre 2009 portant sur l action d un maître d ouvrage contre l entreprise, l architecte et son assureur - le recours contre l assureur dommagesouvrage ayant été abandonné (Civ. 3 e, 18 novembre 2009, n 08-13642 et 08-13673). Dans cette affaire, la troisième chambre a maintenu la position qu elle avait dégagée dans un arrêt du 21 mai 2008, en rappelant le principe selon lequel la citation en justice, pour être interruptive de prescription, doit être adressée à celui que l on veut empêcher de prescrire. En l espèce, le maître d ouvrage avait assigné, en 1997, l assureur dommagesouvrage en référé expertise, suite à des désordres apparus sur des maisons réceptionnées en deux tranches (1992 et 1996). L assureur DO avait alors mis en cause les constructeurs concernés et leurs propres assureurs par le biais d ordonnances communes. Suite au dépôt du rapport de l expert, le maître d ouvrage assigne au fond l entreprise, l architecte et leurs assureurs en mars 2003 et se voit opposer la prescription décennale pour la première tranche de travaux. La cour d appel avait considéré que l assignation en ordonnance commune avait un effet interruptif à l égard du maître d ouvrage, car elle tendait au même but que l action engagée par ce dernier. p. 10

Ce raisonnement a été cassé par la troisième chambre qui a considéré, en application du principe exposé, que des assignations en ordonnance commune n ont pas d effet interruptif à l égard des parties appelées à la procédure initiale. Il est donc souhaitable que la formation plénière de la Cour de cassation se prononce sur cette question pour mettre fin aux incertitudes jurisprudentielles résultant de la divergence de points de vue des différentes chambres. Il n est cependant pas exclu que les contentieux résultant d expertises judiciaires ordonnées postérieurement à la loi du 17 juin 2008 donnent lieu à une évolution de la jurisprudence des deux premières chambres. En effet, la suspension de la prescription, jusqu au dépôt du rapport d expertise, permet désormais d éviter que la prescription biennale ne soit acquise en cours d expertise. Droit Immobilier - Brèves Assurances Les clauses types des contrats d assurance obligatoires de construction sont modifiées Le régime des contrats d assurance obligatoires souscrits pour les besoins de travaux de construction est encadré par des clauses types impératives (article A. 243-1 du Code des assurances), lesquelles ont été révisées par un arrêté du 19 novembre 2009. En matière d assurance de responsabilité décennale, la clause type (annexe I) tient désormais compte des récentes modifications apportées au Code des assurances (cas particulier des ouvrages existants avant l ouverture du chantier, plafond de garantie, point de départ des garanties). Elle permet également à l assureur d opposer à son assuré une déchéance, et non une exception de garantie, en cas d inobservation inexcusable des règles de l art, ce qui contredit la jurisprudence actuelle. En matière d assurance dommages-ouvrage, la clause type (annexe II) précise la notion d ouvrage assuré en indiquant qu il s agit de l ouvrage réalisé et en tenant compte de la notion d ouvrage existant au sens de l article L. 243-1-1 du Code des assurances. Elle autorise également l assureur à envoyer les rapports préliminaires ou définitifs au plus tard lors de la notification de sa position, alors que la Cour de cassation sanctionnait, jusqu à présent, l absence de communication préalable des rapports d expertise. Enfin, une annexe III a été instaurée pour régir les contrats collectifs de responsabilité décennale souscrits pour le compte de plusieurs personnes tenues de s assurer en responsabilité décennale, en complément des contrats individuels garantissant la responsabilité décennale de chacune de ces personnes. Ces nouvelles clauses, applicables aux contrats conclus ou reconduits à compter du 27 novembre 2009 (date de la publication de l arrêté), devraient donner lieu à des évolutions jurisprudentielles. p. 11

Vente Le vendeur en l état futur d achèvement a seul qualité à agir contre l assureur dommages-ouvrage en cas de désordres survenus en cours de chantier La jurisprudence admet la mise en jeu de l assurance dommages-ouvrage avant réception dans des hypothèses limitées (mise en demeure non suivie d effet, résiliation du contrat d entreprise, liquidation judiciaire de l entreprise). La question de la qualité à agir dans un tel cas de figure se pose plus rarement et présente un intérêt certain en matière de vente en l état futur d achèvement. En effet, l assurance dommages-ouvrage bénéficie au maître d ouvrage et aux acquéreurs successifs de l immeuble. Or, les acquéreurs en l état futur d achèvement deviennent propriétaires des constructions au fur et à mesure de leur exécution. Pour cette raison, un assureur dommagesouvrage, assigné par un vendeur en l état futur d achèvement suite à une position de non garantie, a soulevé - outre le malfondé de la demande - son irrecevabilité pour défaut de qualité à agir. Dans cette affaire, l assureur considérait qu il appartenait au vendeur, qui reste maître d ouvrage jusqu à la réception, de déclarer un sinistre survenu avant réception, mais que seuls les acquéreurs pouvaient bénéficier de l indemnité prévue au contrat. La Cour de cassation a validé le raisonnement de la cour d appel : en présence d un dommage apparu avant réception, seul le vendeur en l état futur d achèvement a qualité non seulement pour déclarer le sinistre, mais encore pour percevoir l indemnité nécessaire aux réparations qui s imposent (Civ. 3 e, 16 décembre 2009, n 09-65.697). Une telle solution est cohérente avec le fait que le vendeur, qui conserve la qualité de maître d ouvrage jusqu à la réception, est à ce titre seul compétent pour faire réaliser les travaux réparatoires avant réception. La clause de non garantie des vices cachés ne s applique qu au vendeur de bonne foi La Cour de cassation a eu l occasion de rappeler, par un arrêt du 16 décembre 2009, une jurisprudence bien établie selon laquelle la clause d exclusion des vices cachés ne joue qu à l égard du vendeur de bonne foi. L intérêt de cet arrêt est de réaffirmer que la connaissance du vice est exclusive de toute bonne foi. L affaire portait sur la vente, par une SCI, d un appartement situé au 3 e étage d un immeuble lui appartenant. Le contrat de vente comportait une clause excluant toute garantie pour «les vices cachés susceptibles d affecter le sol, le sous-sol et les constructions, même en cas d existence de termites ou autres parasites». L état parasitaire annexé à l acte de vente, relatif au bien vendu, n indiquait pas de présence de termites. Mais le vendeur avait transmis à son notaire un autre état, portant sur l ensemble de l immeuble, mentionnant la présence de termites à l étage de l appartement vendu. p. 12

Ayant découvert la présence de termites postérieurement à la vente, les acquéreurs ont agit en garantie sur le fondement des vices cachés. La cour d appel de Bordeaux a curieusement considéré que la mauvaise foi du vendeur n était pas démontrée et qu elle ne pouvait résulter de sa seule connaissance de la présence de termites. En outre, elle a retenu que le vendeur n avait pas cherché à dissimuler le vice puisqu il avait transmis l état parasitaire mentionnant la présence de termites à son notaire, à charge pour ce dernier de le communiquer. La Cour de cassation a logiquement censuré cette décision en rappelant, au visa de l article 1643 du Code civil, que «le vendeur qui, ayant connaissance d un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause» (Civ. 3 e, 16 décembre 2009, n 09-10.450). En l espèce, la transmission de l état indiquant la présence de termites suffisait à établir la connaissance du vice par le vendeur, privant d effet la clause d exclusion susvisée. La clause de non recours contenu dans un acte de vente n exonère pas le dernier exploitant d un site industriel de son obligation de dépolluer La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la clause de non recours prévue dans l acte passé entre un vendeur et un sous-acquéreur permettait au vendeur originaire, qui s avérait être le dernier exploitant d un site industriel, d échapper à son obligation de dépollution. Dans un arrêt du 2 décembre dernier, la Haute juridiction a répondu par la négative en rappelant le but et la portée d une telle obligation : «( ) aux termes des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, la charge de la dépollution d un site industriel incombe au dernier exploitant et non au vendeur dès lors que cette obligation légale de remise en état n a pas seulement pour objet la protection de l acquéreur mais un intérêt collectif touchant à la protection générale de l environnement ( )» (Civ. 3 e, 02 décembre 2009, n 08-16.563). Elle a donc confirmé l arrêt d appel selon lequel l acquéreur était fondé à invoquer la responsabilité de l exploitant ou de son ayant-droit, sans que puisse lui être opposée la clause de non recours contenue dans son acte de vente. p. 13

Urbanisme L autorité administrative ne peut revenir sur une décision renonçant à exercer son droit de préemption Le Conseil d Etat a récemment jugé, en des termes particulièrement clairs, que la renonciation à l exercice du droit de préemption était ferme et définitive, en ce qu elle dessaisissait l autorité administrative d un tel droit : «Considérant qu'il ressort [des] dispositions combinées [des articles L. 521-1 du Code de justice administrative, L. 213-2 et R. 213-8 du Code de l'urbanisme], qui visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l objet d une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s ils peuvent ou non poursuivre l aliénation entreprise, que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer ce droit, que ce soit par l effet de l expiration du délai de deux mois imparti par la loi ou par une décision explicite prise avant l expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement décider de préempter le bien mis en vente» (CE, 12 novembre 2009, société Comilux, n 327451). Cette décision mérite d être soulignée car elle va dans le sens de la sécurité juridique. La commune et l Etat ne sont pas responsables à l égard des acquéreurs de terrain d une ZAC annulée Dans le cadre des contentieux de la responsabilité résultant de l annulation du POS de la Commune de Rayol-Canadel et des délibérations de son Conseil municipal créant la ZAC de la Teissonière, le Conseil d Etat a été amené à se prononcer sur le lien de causalité existant entre les actes illégaux de la commune et de l Etat (classement d un site remarquable en zone d urbanisation future) et les préjudices invoqués par les acquéreurs, au sein de la ZAC, de lots qui se sont révélés inconstructibles par le fait de la sanction de ces illégalités (différence entre le prix d acquisition et la valeur réelle du terrain à leur date d acquisition, compte tenu de l interdiction de construire dont ils étaient frappés). En l espèce, le Conseil d Etat a considéré que le préjudice avait son origine directe dans les contrats de vente passés entre les acquéreurs et l aménageur de la zone (qui ne comportaient pas de conditions suspensives d obtention des permis de construire) et non dans les actes ayant permis l aménagement de la zone, puis la vente des terrains, lesquels ne conféraient aucun droit à construire (CE, 28 octobre 2009, Ministère de l Equipement et Commune de Rayol-Canadel / Terme, n 299753). Cette solution est conforme à une jurisprudence bien établie qui d une part, consacre la théorie de la causalité adéquate et d autre part, considère que le contrat qui s interpose entre la faute de l Administration et le préjudice est la cause directe de ce dernier. p. 14

Procédure civile La procédure d appel en matière civile est modifiée Le décret n 2009-1524 du 9 décembre 2009 (publié au Journal Officiel du 11 décembre 2009) réforme la procédure d appel en matière civile. On retiendra notamment que les parties disposent de nouveaux délais pour conclure (les conclusions de l appelant doivent ainsi être signifiées dans les 3 mois de la déclaration d appel) et pour mettre le dossier en l état, à peine de caducité de l appel ou d irrecevabilité des conclusions (qui peuvent désormais être soulevées d office). Ces nouvelles dispositions s appliqueront aux appels formés à compter du 1 er janvier 2011 (à l exception de la communication, par voie électronique, des actes de procédure autres que la déclaration d appel et la constitution qui sera obligatoire à compter d une date fixée par un arrêté à intervenir et au plus tard, le 1 er janvier 2013.. La répartition des compétences entre le TGI et le TI est modifiée Le décret n 2009-1693 du 29 décembre 2009 (publié au Journal Officiel du 31 décembre 2009) modifie et clarifie les règles de compétence en matière civile, en reprenant l essentiel des propositions du rapport «Guinchard». En matière immobilière, on peut notamment relever que : - Le TGI est désormais exclusivement compétent s agissant des baux professionnels et des conventions d occupation précaire en matière commerciale ; - Le TI est compétent pour «les actions tendant à l expulsion des personnes qui occupent aux fins d habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre» (l ancienne rédaction de ce texte ne visait que le squat des immeubles d habitation) ; - Le TI connaît également, sous réserve des actions relatives au dépôt de garantie qui relèvent du juge de proximité, des actions dont un contrat de louage d immeuble à usage d habitation ou un contrat portant sur l occupation d un logement est l objet, la cause ou l occasion. Ces nouvelles dispositions, qui s appliquent aux procédures introduites à compter du 1 er janvier 2010, contribuent à rendre plus cohérents les blocs de compétence respectifs du Tribunal de grande instance et du Tribunal d instance. p. 15

A noter également Les tarifs de rachat de l électricité photovoltaïque ont été publiés L arrêté du 12 janvier 2010 (publié au Journal Officiel du 14 janvier dernier) détermine les conditions d achat de l électricité produite par des installations photovoltaïques ou thermodynamiques. Les projets pour lesquels la demande d achat a été formulée à compter du 1 er décembre 2009 sans être suivie d une demande de raccordement au réseau public au 11 janvier 2010 sont annulés et devront être renouvelés sur la base de cette nouvelle grille tarifaire. Ces mesures visent à stopper l envolée spéculative des tarifs de rachat d électricité. p. 16