Cour Administrative d Appel de Nancy N 13NC01324 Inédit au recueil Lebon 2ème chambre - formation à 3 M. MARTINEZ, président M. Daniel JOSSERAND-JAILLET, rapporteur M. GOUJON-FISCHER, rapporteur public SOCIETE D AVOCATS FIDAL TROYES, avocat(s) lecture du jeudi 26 mars 2015 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2013, du ministre chargé du budget ; Le ministre demande à la cour : 1 ) d annuler le jugement n 1101471 du 27 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé M. et Mme B...des suppléments d impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, qui leur ont été assignés au titre de l année 2007 à hauteur d un montant total de 768 014 euros ; 2 ) de remettre à la charge de M. et Mme B...lesdites impositions ; Le ministre soutient que : - l inscription d un bien immobilier au bilan ne permet pas à elle seule de regarder ce bien comme affecté à l exercice d une activité professionnelle pour l application des dispositions de l article 151 septies B du code général des impôts relatif à l abattement d imposition de certaines plus-values ; - la condition cumulative de l affectation du bien à l activité économique doit également
être remplie ; - l opération réalisée par M. et Mme B...ne remplit pas cette condition ; - en tout état de cause, si une part de l immeuble devait être regardée comme affectée à une réserve relevant de l activité de l entreprise, 3 468 des 3 975 m² seraient exclus du bénéfice de l abattement en raison de leur mise en location à des tiers ; Vu le jugement attaqué ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2013, présenté par MeA..., cabinet Fidal, pour M. et Mme B..., qui concluent : - à titre principal, au rejet de la requête ; - à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des cotisations d impôt sur le revenu au titre de l année 2007 à hauteur de 469 845 euros et de la pénalité de 40 % d un montant de 27 106 euros ; - dans tous les cas, à ce que soit mise à la charge de l Etat une somme de 3 000 euros en application de l article L. 761-1 du code général des impôts ; M. et Mme B...font valoir que : - l opération réalisée, soumise comme celles intervenues en application de l article 151 octies du code général des impôts au régime des articles 39 duodecies à 39 quidecies du même code, doit recevoir la même réponse jurisprudentielle que ces dernières, pour lesquelles le seul critère de l inscription à l actif du bilan a été retenu ; la doctrine administrative a été modifiée pour appliquer cette jurisprudence ; - il est constant que le bien a été inscrit à l actif de l entreprise de Mme B...dès 1986 ; - l affectation de l immeuble à l exploitation professionnelle a été continue depuis, même si elle est devenue partielle ; - il est justifié de la part de l activité de Mme B...dans les locaux utilisés pour le stockage, jusqu en 2008 ;
- le bail du local à usage paramédical de leur fille est établi par l acte notarié de cession de l immeuble du 4 août 2006 ; la surface non louée est donc déterminée avec précision ; - il ne peut être tiré du régime de la taxe professionnelle des éléments utiles au litige qui porte sur une imposition distincte ; - les revenus locatifs de l immeuble ont été déterminants pour la survie de l entreprise et ont conditionné le plan d apurement du passif, faisant de cette location un des éléments de l activité professionnelle de MmeB... ; cette circonstance s oppose à la demande subsidiaire du ministre chargé du budget ; - à titre subsidiaire, faute de mentionner une plus-value en report d imposition de 575 722 euros issue d une transmission de l activité en 2001, l avis d imposition supplémentaire sur les revenus de 2007 est irrégulier, ce qui doit entraîner la décharge de cette imposition à hauteur de 469 845 euros ; - à titre subsidiaire, l administration ne peut s appuyer exclusivement sur la fiche de calcul, manuscrite, non signée et raturée, de l expert-comptable pour établir un manquement délibéré qui lui permettrait d appliquer la majoration de 40 %, réduite à 27 106 euros ; - ils ont supporté au titre de l impôt sur le revenu pour 2007 une imposition sur une plus-value professionnelle de 128 108 euros pour la cession de l immeuble, qui n a donc pas été exonérée à 100 % en tout état de cause ; Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre chargé du budget, qui persiste dans ses conclusions et moyens ; Le ministre soutient en outre que la doctrine administrative sur l article 151 septies B du code général des impôts diffère de celle sur l article 151 octies ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience ; Après avoir entendu au cours de l audience publique du 5 mars 2015 : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ; 1. Considérant qu à la suite d une vérification de comptabilité relative à l activité de fabrication de pièces mécaniques exercée par Mme B...à Dosches et Pont-Sainte-Marie portant sur la période du 1er août 2004 au 31 juillet 2007, l administration fiscale a remis en cause l abattement applicable à l imposition sur le revenu des épouxb..., dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de la plus-value de 2 509 855 euros réalisée par eux lors de la cession le 4 août 2006 d un ensemble immobilier situé à Pont-Sainte-Marie inscrit à l actif du bilan des Etablissements B...; que, par un jugement n 1101471 du 27 juillet 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé M. et Mme B...des suppléments d impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, qui leur ont été assignés au titre de l année 2007 pour l exercice du 1er août 2006 au 31 juillet 2007 à hauteur d un montant total de 768 014 euros ; que le ministre chargé du budget demande l annulation de ce jugement et la remise de l imposition à la charge des époux B...; Sur le bien-fondé de l imposition : 2. Considérant qu aux termes de l article 151 septies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : I. - Les plus-values à long terme soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies réalisées dans le cadre d une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont imposées après application d un abattement de 10 % pour chaque année de détention échue au titre de l exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la cinquième lorsque ces plus-values portent sur : / 1 Des biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l entreprise à sa propre exploitation ; / 2 Des droits ou parts de sociétés dont l actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l entreprise à sa propre exploitation ou de droits ou parts de sociétés dont l actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts. / II. - Pour l application des dispositions du présent article : / 1 Les droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l article L. 313-7 du code monétaire et financier sont assimilés à des éléments de l actif ; / 2 Les biens mentionnés au I du A de l article 1594-0 G du présent code ne sont pas considérés comme affectés à l exploitation de l activité. / III. - Les dispositions du présent article s appliquent aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2006. ; 3. Considérant que, pour l application de ces dispositions, doit être regardé comme affecté à l exploitation d une entreprise un bien qui a fait l objet, par celle-ci, d une inscription à l actif du bilan, laquelle constitue un acte de gestion opposable à l administration ; qu ainsi,
contrairement à ce que soutient le ministre chargé du budget, du seul fait de cette inscription à l actif du bilan de l entreprise de Mme B...de l ensemble immobilier cédé le 4 août 2006, alors même qu il était à cette date en majeure partie loué par lots à des entreprises tierces exerçant dans d autres secteurs d activité, cet ensemble immobilier, duquel au surplus l entreprise a pu tirer des revenus essentiels à la poursuite de son activité, devait être regardé comme affecté à l exploitation au sens de l article 151 septies B du code général des impôts ; que, dès lors, la plus-value professionnelle déclarée par Mme B..., après la cession du 4 août 2006, remplissait, pour l intégralité du bien immobilier en cause, les conditions pour bénéficier de l abattement prévu par l article 151 septies B du code général des impôts à hauteur de 100 % compte tenu de la durée de détention dudit bien ; que, par suite, le ministre chargé du budget n est pas fondé à soutenir que c est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé M. et Mme B... de la totalité des impositions contestées ; 4. Considérant qu il suit de là que le recours du ministre chargé du budget doit être rejeté ; Sur les conclusions de M. et Mme B...tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 5. Considérant qu aux termes de l article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l autre partie la somme qu il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu il n y a pas lieu à cette condamnation. ; 6. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de condamner l Etat à verser à M. et Mme B...une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ; D É C I D E : Article 1er : Le recours du ministre chargé du budget est rejeté. Article 2 : L Etat (ministre chargé du budget) versera à M. et Mme B...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents) au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre chargé du budget et à M. et Mme C... B... Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Est.
N 13NC01324 Abstrats : 19-04-02-005-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.