Les clés pour comprendre le droit de la construction



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Transcription:

Les clés pour comprendre le droit de la construction INTRODUCTION Le droit de la construction est la branche du droit privé régissant les opérations de construction d ouvrages immobiliers : contrats et responsabilités des constructeurs. La discipline relève essentiellement du droit privé, sauf lorsque les outils de la construction sont des contrats administratifs. Le droit de la construction n a pas le même objet que le droit de l urbanisme, discipline du droit public relevant de la compétence des juridictions administratives, qui met en œuvre une politique publique de gestion et d utilisation des sols. Le droit de la construction régit plutôt les rapports de droit privé qui naissent à l occasion de l acte de construire : construction en société, contrats et responsabilité des constructeurs. Ces matières sont cependant complémentaires car pour mener à bien un programme immobilier, il faut s interroger, en amont des questions de contrats et de responsabilités, sur le droit de construire sur le sol. Il fut un temps où l urbanisme et la construction partageaient le même Code : le Code de l urbanisme et de la construction publié en annexe d un décret du 26 juillet 1954, avant d être séparées en deux codes par une loi nº 72-535 du 30 juin 1972. Le droit de la construction se distingue ensuite du droit de la promotion immobilière en ce qu il n a pas pour objet premier la commercialisation des immeubles. Les deux matières partagent cependant une large zone commune : d une part, il existe des modèles de contrats dont l objet

16 L ESSENTIEL DU DROIT DE LA CONSTRUCTION est à la fois de construire et de commercialiser (vente d immeuble à construire) ; d autre part, la loi qualifie les promoteurs immobiliers (vendeurs et mandataires) de constructeurs afin de leur étendre la garantie décennale et la garantie biennale que le Code civil réserve en principe au louage d ouvrage immobilier (art. 1792 et s.). Limité à l origine à une garantie de dix années offerte au maître de l ouvrage faisant construire un édifice pour éprouver sa solidité, le droit de la construction s est densifié au cours du XX e siècle. À l instar du droit de la consommation, son développement est dû à l essor de l ordre public de protection. En matière de construction, et plus largement de promotion immobilière, le consommateur prend la figure de l accédant à la propriété. Une partie importante du droit de la construction se trouve ainsi dans le Code de la construction et de l habitation. Une partie seulement, puisque le Code civil reste le corps de règles où l on trouve les principes de solution communs aux constructions immobilières : réglementation du contrat de louage d ouvrage et des responsabilités applicables aux constructeurs, droit commun de la vente d immeuble à construire, du contrat de promotion immobilière, mais aussi le droit des biens auquel le droit de la construction immobilière est naturellement adossé (art. 552 et s., C. civ. relatifs à l accession immobilière). 1 La formation du droit de la construction En 1804, le domaine de la construction immobilière ne comportait pas suffisamment de règles spécifiques pour qu on parlât de «droit de la construction». La pratique n inventa que plus tard la vente d immeuble à construire et la profession de promoteur immobilier. Les ouvrages étaient construits par des architectes et entrepreneurs dans le cadre de contrats de louages d ouvrage (art. 1787 et s., C. civ.). Une poignée de textes (contre plusieurs aujourd hui dans le seul Code civil) régissaient la construction d édifices : il s agissait des articles 1792, 1793 et 2270 C. civ. Le premier, dans sa rédaction originelle, rendait les architectes et entrepreneurs des marchés à forfait responsables pendant dix ans de la perte de l édifice provenant d un vice du sol ou de la construction ; le troisième rappelait, au chapitre de la prescription, la durée décennale de cette responsabilité, et enfin l article 1793 réglemente toujours les conditions du paiement des travaux supplémentaires dans les marchés à forfait de bâtiment. Les destructions dues au premier conflit mondial, associées à la cherté des loyers dans l entre-deux-guerres, incitèrent un grand nombre de particuliers à faire l acquisition de leur logement. Face au coût des terrains dans les villes, certains eurent l idée de construire en indivision un immeuble d habitation collectif, puis de le partager pour réaliser une copropriété. Pour échapper à la règle de l unanimité imposée par l indivision, d autres songèrent à constituer des sociétés de construction entre les accédants à la propriété. La construction terminée, la société était dissoute et l immeuble partagé par lots entre les associés. Ces sociétés, réglementées par

INTRODUCTION Les clés pour comprendre le droit de la construction 17 une loi du 28 juin 1938, devinrent une technique de commercialisation d immeubles par des professionnels dont le métier est né des difficultés rencontrées par les futurs copropriétaires pour gérer cette opération complexe. Progressivement, la construction de programmes immobiliers ; devint ainsi l affaire des promoteurs immobiliers. Ils constituèrent des sociétés de construction avec des investisseurs privés qui cédaient leurs parts sociales aux accédants, parts donnant vocation à la jouissance d un lot, puis à sa propriété à la dissolution de la société. Les accédants étaient associés au financement de la construction par les appels de fond auxquels ils étaient tenus de répondre. Dans les années 1950, les promoteurs inventèrent une autre technique pour construire et commercialiser parallèlement leurs programmes : la vente en l état futur d achèvement (VEFA), variété de vente de chose future dont les effets (paiement du prix et transfert de propriété) se produisent au fur et à mesure des travaux de construction. Par la suite, le législateur s est saisi de cette pratique qu il a dotée d un régime spécifique avec la loi du 3 janvier 1967. La VEFA fut ainsi le premier contrat nommé du secteur de la construction immobilière ; d autres suivirent comme le contrat de construction de maison individuelle, le contrat de promotion immobilière ou, plus récemment, la vente d immeuble à rénover. 2 Les objectifs du droit de la construction La construction d un ouvrage immobilier place l acquéreur ou le maître de l ouvrage devant deux risques majeurs : celui d une construction ne tenant pas ses promesses (en raison de l incompétence du constructeur ou de la cupidité du promoteur tirant les prix au détriment de la qualité) ; celui d une construction inachevée en raison de la déconfiture du promoteur ou du constructeur. Contre le danger de malfaçons et autres dommages à l ouvrage, les articles 1792 et suivants du Code civil organisent une responsabilité objective des participants à l acte de construire (architectes, entrepreneurs, promoteurs, vendeurs). Le régime actuel remonte à la loi Spinetta (du nom de son rapporteur) du 4 janvier 1978, modifiée par une Ordonnance du 8 juin 2005. Le droit des assurances garantit l effectivité de cette responsabilité soumise à assurance obligatoire (art. L. 241-1 du Code des assurances). Une obligation d assurance, de dommages cette fois, pèse aussi sur les maîtres de l ouvrage en application des articles L. 242-1 du C. assur. L objectif de l assurance dommage-ouvrage est de faciliter l indemnisation rapide des désordres de construction, indépendamment de la question des responsabilités (qui se posera lors du recours subrogatoire qu exercera l assureur du maître de l ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité).

18 L ESSENTIEL DU DROIT DE LA CONSTRUCTION L inachèvement de la construction est un risque difficilement supportable pour l accédant à la propriété d un logement. S il n a rien à verser avant l achèvement comme lorsqu il achète clefs en main, il ne court aucun danger ; au pire il aura perdu son temps si l immeuble promis n est pas achevé. Au contraire, le mécanisme de la vente d immeuble à construire peut le faire propriétaire d une construction inachevée, qu il n aura peut-être pas les moyens de terminer s il a déjà versé tout ou partie du prix au vendeur défaillant. C est pourquoi le législateur a doté d un statut protecteur impératif tous les contrats par lesquels un particulier confie à une personne, physique ou morale, le soin global de la construction d un logement : la réglementation de la vente d immeuble à construire (loi du 3 janvier 1967) a précédé celle du contrat de promotion immobilière et du contrat de construction de maison individuelle (lois du 16 juillet 1971 et du 19 décembre 1990). Récemment, la loi Engagement National pour le Logement du 13 juillet 2006 a réglementé de manière impérative les ventes d immeubles à rénover du secteur de l habitation en même temps qu elle a facilité l accession sociale à la propriété (en assouplissant le régime du bail à construction). La distinction du secteur libre et du secteur protégé innerve l ensemble de la littérature du droit de la construction parce qu elle est une clef de lecture de la matière. Le droit des contrats de construction est scindé en deux secteurs : il y a d un côté les contrats soumis à un ordre public de protection parce qu ils sont conclus dans le secteur protégé, qu on peut présenter grossièrement comme celui du logement ; et de l autre, les contrats du secteur libre, gouvernés par le droit commun des contrats, dans lesquels la liberté contractuelle joue davantage. Les règles du secteur protégé se trouvent uniquement dans le Code de la construction et de l habitation. Le secteur protégé se définit par l usage auquel la construction est destinée : pour qu un contrat entre dans le secteur protégé, il faut qu il ait pour objet la construction d un immeuble à usage d habitation ou à usage mixte, professionnel et d habitation ; si l immeuble est destiné à un usage exclusivement professionnel, le contrat sort du secteur protégé pour entrer dans le secteur libre. Ce critère d entrée dans le secteur protégé est objectif en ce sens qu il ne tient pas compte de la qualité de l acquéreur qui peut être une personne physique ou morale, un professionnel ou un consommateur ; seul compte l usage auquel est destiné le bien. Dans le secteur libre, la loi n impose pas de modèles contractuels et les parties choisissent la nature et le contenu de leur contrat ; cette liberté est évidemment relative puisqu elle est bordée par les dispositions d ordre public qui viennent de la théorie générale (licéité de la cause par exemple) ou du droit spécial (comme l interdiction des clauses limitatives ou exonératoires de garantie décennale).

INTRODUCTION Les clés pour comprendre le droit de la construction 19 3 Le Code de la construction et de l habitation Ces différentes lois sont aujourd hui codifiées. Comme beaucoup de codes modernes, le Code de la construction et de l habitation comporte une partie législative et une partie réglementaire. Les normes qui le composent relèvent du droit public (voir par exemple le livre III consacré aux aides publiques) et du droit privé. Il est une codification à droit constant dans laquelle se côtoient les dispositions codifiées de lois qui ne l étaient pas avant (comme celle du 3 janvier 1967 sur la vente d immeuble à construire, codifiée aux articles L. 261-1 et s., CCH) et des dispositions codifiées ailleurs et reprises dans le Code de la construction pour faciliter l accès à la règle. La conception du Code lui permet ainsi de se suffire à lui-même : les dispositions des autres Codes qui intéressent le secteur de la construction et de l habitation y figurent sous une numérotation propre. Par exemple, l article 1792 du Code civil (garantie décennale) devient l article L. 111-13 du Code de la construction et de l habitation (sans disparaître du Code civil). Le Code civil reste cependant le corps de règles où l on trouve les principes de solution communs aux constructions immobilières : le régime du contrat de louage d ouvrage et des responsabilités spécifiques aux constructeurs, le droit commun de la vente d immeuble à construire, du contrat de promotion immobilière ; mais aussi le droit des biens auquel le droit de la construction est naturellement adossé, particulièrement les articles 552 et s. du Code civil sur l accession immobilière. Le droit de la construction est ainsi devenu une spécialité des études de droit, dotée d un Code, mais pour autant la discipline n est pas autonome du droit civil. Le Code de la construction et de l habitation est un corps de règles hétérogènes où figurent des systèmes de contrats et de responsabilités, et des prescriptions d un autre type, telles les normes de sécurité des ascenseurs ou des portes automatiques de garage (art. L. 125-1 et s.). Cet ouvrage ne traitera pas des secondes dont l étude intéresse davantage les règles de l art que les règles de droit. 4 Les acteurs du droit de la construction Sociétés de construction Pour construire un immeuble collectif, la personne morale est un instrument incontournable. Les sociétés de construction sont réglementées aux articles L. 210-1 et suivants du CCH. Il en existe trois : la société de construction-vente, la société de construction-attribution et la coopérative de construction. Les deux premières naissent de l association d un promoteur avec des investisseurs immobiliers qui constituent une société pour construire et commercialiser un immeuble

20 L ESSENTIEL DU DROIT DE LA CONSTRUCTION déterminé. Les coopératives de construction sont d un autre genre : elles regroupent des personnes désireuses d accéder à la propriété de leur logement en recourant aux principes coopératifs pour mutualiser le coût de la construction. L objet de la société de construction-vente est «de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fraction» (art. L. 211-1 CCH). Les associés ne cherchent pas à devenir propriétaires d un lot de l immeuble construit ; mais rien ne leur interdit de se porter acquéreurs d un lot dès lors qu ils en paient le prix à la société. L attribution des immeubles construits aux associés en contrepartie de leurs apports est interdite et passible de nullité (art. L. 211-1 al. 2). Pour commercialiser les lots de l immeuble construit, les sociétés utilisent dans la très grande majorité des cas la technique de la VEFA. Et, quand il reste des lots à l achèvement de l immeuble, ces «queues de programme» sont vendues «clef en main» ou louées en attendant de trouver acquéreur. La VEFA permet de faire participer les acheteurs au financement de la construction puisqu ils versent des fractions de prix au fur et à mesure de l avancée des travaux. Ce financement par les clients dispense généralement la société de recourir à des appels de fond pour solder l achèvement du programme, ce qui rassure les investisseurs car l article L. 211-3 CCH oblige les associés à répondre aux appels de fonds «indispensables à l exécution des contrats de vente à terme ou en l état futur d achèvement déjà conclus, ou à l achèvement des programmes dont la réalisation, déjà commencée, n est pas susceptible de division». Dans la société d attribution en revanche, l immeuble est fractionné en lots qui sont attribués aux associés. Selon l article L. 212-1, alinéa 1 er du CCH, la société d attribution a pour objet la construction d immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance. Comme dans les sociétés de vente, les associés doivent répondre aux appels de fonds nécessités par l acquisition, la construction ou l aménagement de l immeuble (art. L. 212-3) ; mais à la différence de la société de vente, l appel de fonds est la seule source de revenus pour la société d attribution puisque les lots ne sont pas vendus mais attribués aux associés. La société d attribution permet en effet d attribuer à chaque associé la jouissance du lot correspondant aux parts sociales qu il a souscrites : à chaque groupe de parts sociales est affecté un lot qui est attribué au titulaire du groupe considéré (art. L. 212-2 alinéa 1 er in fine); par exemple, le groupe de parts nº 1 à 100 donne droit au lot A, le groupe nº 101 à 250 au lot B, etc. Ces parts donnent d abord vocation à la jouissance des lots y afférents, puis à leur propriété lors du partage du capital à la dissolution de la société. La commercialisation s opère par la cession à titre onéreux de parts sociales donnant vocation à la jouissance de lots déterminés, puis à leur propriété lors du partage du capital social à la dissolution de la société. Lorsque la société d attribution est constituée pour la construction de locaux à usage d habitation ou mixte, professionnel et d habitation, elle est soumise à un ordre public de protection de l accédant. En application de l article L. 242-1 CCH, il suffit que 10 % seulement de la superficie de

INTRODUCTION Les clés pour comprendre le droit de la construction 21 l immeuble construit soient affectés à de tels usages pour que la société tombe dans le secteur protégé et soit tenue de respecter les règles suivantes (art. L. 212-10 CCH) : obligation de conclure un contrat de promotion immobilière avec le promoteur chargé de construire ; obligation de rédiger un écrit équivalent au contrat de promotion immobilière lorsque la société charge son représentant légal ou statutaire de réaliser la construction ; interdiction d exiger ou d accepter des associés des versements de fond avant la conclusion du contrat de promotion immobilière ou l approbation de l écrit équivalent par l assemblée générale, sauf pour le paiement des études techniques et financières du programme et du prix du terrain ; recours au contrat préliminaire de l article L. 212-11, protecteur des intérêts du cessionnaire, si la cession des parts sociales est précédée d un avant-contrat ; constitution d un conseil de surveillance pour contrôler et surveiller l activité du promoteur particulièrement. Le CCH définit les coopératives de construction comme des sociétés dont l objet est de construire un ou plusieurs immeubles à usage d habitation ou mixte, professionnel et d habitation, en vue de leur division par lots, puis de leur attribution ou de leur vente aux associés (art. L. 213-1 CCH). Les locaux de l immeuble construit par la coopérative sont ainsi répartis entre les associés soit par la voie de la vente soit par la voie de l attribution. La conduite de l opération de construction est attribuée soit à un promoteur privé dans le cadre d un contrat de promotion immobilière soit au représentant légal ou statutaire de la société, avec lequel doit être signé un écrit équivalent au contrat de promotion immobilière afin de fournir des garanties efficaces d achèvement de la construction. Il s agit de la même règle que celle applicable aux sociétés de construction attribution du secteur protégé. Contrairement aux sociétés de vente et d attribution, la coopérative de construction n est pas une technique de commercialisation de l immeuble : les lots ne peuvent être vendus ni attribués à d autres que les coopérants ; la coopérative n agit qu au profit de ses associés et non pour elle-même. Il existe un dernier type de société dont l objet social peut être la construction immobilière : la société d attribution d immeubles en jouissance à temps partagé. Cette société, régie par la loi du 6 janvier 1986, est restée en dehors du CCH. Elle a pour objet la construction ou l acquisition d un immeuble dans le but d en attribuer la jouissance, en totalité ou par lots, par périodes aux associés (une semaine par an par exemple). Son étude relève moins du droit de la construction que du droit de la consommation car sa réglementation ne concerne pas l acte de construire mais la protection de l associé titulaire d un simple droit de jouissance et le fonctionnement de cette société dont les associés sont, par définition, éloignés la majorité de l année.

22 L ESSENTIEL DU DROIT DE LA CONSTRUCTION Constructeurs La catégorie juridique des constructeurs n est pas homogène. Elle rassemble des personnes, professionnelles ou non, entrepreneurs, vendeurs ou mandataires, qui ont en commun l obligation légale de garantir le propriétaire ou le maître d un ouvrage immobilier contre les désordres de construction les plus fâcheux. Le constructeur est d abord celui qui réalise matériellement l ouvrage ou dirige sa construction : architecte, entrepreneur général de construction, artisan... mais aussi toutes les personnes liées au maître de l ouvrage par un contrat d entreprise conclu pour la construction d un ouvrage immobilier (bureaux d étude technique par exemple). La qualité de constructeur est attachée aux seuls débiteurs du maître de l ouvrage ; c est pourquoi le sous-traitant de l entrepreneur du maître n est pas tenu des garanties des articles 1792 et suivants du Code civil, alors pourtant qu il participe au chantier de construction. La loi répute également constructeurs certains vendeurs (le vendeur d immeuble à construire, le vendeur d immeuble à rénover en cas de rénovation lourde et celui, particulier ou professionnel, qui vend après achèvement la maison qu il a construite ou faite construire), le promoteur immobilier mandataire et même les fabricants d EPERS (Élément Pouvant Entraîner la Responsabilité Solidaire) alors pourtant que ces derniers sont des tiers dans leurs rapports avec le maître de l ouvrage. 5 Plan La présentation de l essentiel du droit de la construction suivra une division commandée par la dualité des Codes qui le gouvernent : le droit commun de la construction dans le Code civil (Partie 1), le droit spécial de la construction dans le Code de la construction et de l habitation (Partie 2).