Bibliothèque numérique ASSAS.NET www.assas.net Partiel (mai 2012) : Droit des affaires 2, Licence 3 Madame le Professeur Drummond Cas pratique www.assas.net Remerciements ASSAS.NET souhaite remercier, très sincèrement, Océane de contribuer à cette opération et de donner ainsi aux étudiants les outils nécessaires pour assurer leur réussite. www.assas.net - 1 e édition - Page 1
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Note : 16/20 Appréciations du correcteur : Bon devoir. Vous êtes passé un peu rapidement sur certains points. Vous trouverez le sujet en ligne ici Résolution du cas : I/ Dans une SA, certains actionnaires souhaitent procéder à une augmentation de capital, afin d apporter de l argent à la société, auquel un fonds d investissement serait prêt à souscrire à hauteur de 35% du capital. Les associés minoritaires, détenant ensemble 35% du capital actuel, craignent deux choses : - Une perte de leur influence au sein de la société ; - Une perte de la valeur réelle de leurs actions, du fait des réserves et stocks importants dont dispose la société 1 En effet, ils n auraient pas les moyens de souscrire à cette augmentation de capital. Existe-t-il des mesures permettant de limiter voire d éviter la dilution de l influence des minoritaires ainsi que la diminution de la valeur réelle de leurs actions en cas d augmentation de capital à laquelle ils ne souscriraient pas? Des mesures différentes permettent de limiter leur perte d influence d une part (A), et la perte de la valeur réelle de leurs actions d autre part (B). A- Limiter la perte d influence des associés dans la société L entrée d un nouvel associé dans une société entraîne automatiquement 2 une dilution des actions pour ceux ne souscrivant pas à l augmentation de capital. En l espèce, les associés minoritaires disposent d une minorité de blocage pour les décisions en AGE qui requièrent deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés (L.225-96 al.3 C.Com.) Par «perte d influence dans la société», ce que veulent éviter les actionnaires, c est perdre de leur poids politique aux assemblées générales. Comment maintenir le poids politique des actionnaires ne souscrivant pas à une augmentation de capital dans une SA? Deux solutions sont envisageables : l émission d actions de préférence sans droit de vote (1), ou d actions privilégiées à droit de vote double (2). 1. L émission d actions de préférence sans droit de vote L article L.228-11 du Code de commerce dispose en son premier alinéa «lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote [ ]». Et de poursuivre «le droit de vote peut être [ ] supprimé». Ainsi, le fonds d investissement pourrait entrer dans la capital sans diluer l influence politique des anciens actionnaires. Toutefois, l émission d actions de préférence est limitée à 50% du capital social dans les sociétés non cotées, et à 25% dans les sociétés cotées (L.228-11 al. 2 C.Com). Or, en l espèce, le fonds souhaite entrer dans le capital à hauteur de 35%. Ici, la société ne semble pas être cotée, donc l émission d actions de préférence à hauteur de 35% doit être possible. Cette solution permettrait d éviter entièrement une perte d influence. 1 Expliquez 2 Expliquez www.assas.net - 1 e édition - Page 3
Une seconde solution permettrait simplement d en diminuer les effets. 2. L attribution d actions privilégiées L article L.225-123 du Code de commerce permet de conférer un droit de vote double à certaines actions. Plusieurs conditions sont fixées : - L attribution doit concerner toutes les actions entièrement libérées - A condition que l actionnaire les détienne depuis deux ans au moins En l espèce, les actionnaires minoritaires sont propriétaires des actions depuis le décès de leur père, intervenu il y a cinq ans. La deuxième condition est remplie. S agissant de la première, on ne sait pas si les actions ont été entièrement libérées. Toutefois, ce doit être le cas, sinon aucune augmentation de capital n est possible par émission d actions nouvelles, comme c est envisagé en l espèce (L.225-131 al. 1 C.Com). Les deux conditions sont donc remplies. Il faut noter toutefois que cette attribution d un droit de vote double aura pour effet de transformer les actions classiques en actions privilégiées. 3 En outre, ce privilège devra être octroyé à tous les détenteurs d action de même catégorie depuis plus de deux ans (L.225-123). Cette attribution pourra avoir lieu lors d une AGE ou être inscrite dans les statuts (même article). Cependant, cet avantage sera attaché à la personne de l actionnaire et non à l action, par définition de l action privilégiée. Il est donc moins favorable que la première solution en cas de revente des actions. B- Limiter la perte de valeur réelle des actions En cas d augmentation de capital, quand la société dispose de réserves importantes ou de stock, les nouveaux associés profitent de cette situation au détriment des anciens actionnaires. En effet, dans cette situation, la valeur réelle de l action est supérieure à sa valeur nominale. En souscrivant des actions au prix nominal, les nouveaux actionnaires font baisser proportionnellement la valeur réelle de toutes les actions. Comment éviter la diminution de la valeur réelle des actions en cas d augmentation du capital dans une SA? L article L.225-128 du Code de commerce prévoit un mécanisme : «les titres de capital nouveaux sont émis, soit à leur montant nominal, soit à leur montant majoré d une prime d émission». 4 Cette prime d émission permet de compenser la différence entre valeur réelle et nominale des actions. Si elle est bien calculée, elle compense totalement cet écart et permet d éviter la perte de valeur réelle des actions. Cette prime est votée en AGE en principe, en même temps que l augmentation de capital (L.225-129 C.Com). II/ La nomination d un Directeur général délégué est envisagée dans la SA, qui se verrait attribuer un complément de retraite. Quel organe est compétent pour fixer ce complément de retraite? En principe, l article L225-53 alinéa 3 du Code de commerce prévoit que «le Conseil d administration détermine la rémunération [ ] des directeurs généraux délégués». Ceci étant, un complément de retraite est-il une rémunération au sens de l article L.225-53 du Code de commerce? Si oui, alors le Conseil d administration est seul compétent, et la décision n est pas une convention, éventuellement soumise à la procédure des conventions réglementées (Cass. Com., 1987, «Lebon»). Selon le même arrêt, si le complément de retraite n est pas une rémunération, alors logiquement c est une convention. L arrêt Lebon pose trois conditions pour que le complément de retraite soit considéré comme une rémunération : 3? 4 Méthode du cas pratique www.assas.net - 1 e édition - Page 4
- Il doit être la contrepartie de services exceptionnels rendus par le mandataire durant son mandat social - La contrepartie doit être proportionnelle aux services rendus - La contrepartie ne doit pas constituer une charge excessive pour l entreprise Dans l arrêt Lebon, il s agissait d un P-DG, toutefois la solution doit être transposable à un autre mandataire. En l espèce, le complément de retraite serait la contrepartie de la qualité du DGD d après l énoncé, et non pas de services exclusifs rendus à la société. 5 La première condition ne semble pas remplie. Si tel est le cas, les conditions étant cumulatives, le complément ne peut être considéré comme une rémunération. Dès lors, il s agit d une convention entre la société et le DGD. Quel organe est dès lors compétent? L article L.225-38 du Code de commerce prévoit un encadrement spécifique des conventions sensibles. L octroi d un complément de retraite par le CA au DGD est-il une convention réglementée au sens de L.225-38 du Code de commerce? Cette procédure s applique à certains actes, à certaines personnes : - A certains actes, les «conventions». En l espèce, d après l arrêt Lebon, il s agit bien d une convention. - A certaines personnes, et notamment lorsque la convention intervient «entre la société et [ ] l un de ses directeurs généraux délégués», comme c est le cas en l espèce. La convention n est pas interdite au sens de l article L.225-43 C.Com. En outre, est-ce une opération courante conclue à des conditions normales, lui permettant ainsi d échapper par le mécanisme des conventions autorisées (L.225-39 C.Com) à la procédure des conventions réglementées? Le caractère exceptionnel, non habituel de l octroi d un complément de retraite l exclut nécessairement. Par conséquent, la procédure prévue à l article L.225-40 du Code de commerce doit bien s appliquer. La procédure devra se dérouler ainsi : -le DGD devra soumettre la convention à l autorisation du CA. Il ne peut prendre part au vote (ici, il ne semble pas être administrateur, cela ne pose donc pas de problème) -le Président du CA «avise les commissaires aux comptes» de la convention «dans le délai d un mois à compter de la conclusion des engagements» (R.225-30 C.Com) -les commissaires aux comptes établissent un rapport spécial avec toutes les mentions prévues à l article R.225-31 C.Com qu ils présentent à l assemblée -l assemblée statue sur le rapport, et le DGD ne peut prendre part au vote s il est actionnaire Dans cette hypothèse, l assemblée des actionnaires, le commissaire aux comptes s il existe ainsi que le CA devront se prononcer sur l attribution de cet avantage. Toutefois, si la société est cotée, le mécanisme est différent. L article L.225-42-1 du Code de commerce issu de la loi Breton s applique. En effet, il précise «les engagements pris aux bénéfices de leurs [ ] directeurs généraux délégués, par la société [ ] correspondant à [ ] des avantages dus [ ] à raison de la cessation de ces fonctions [ ] sont soumis aux dispositions» concernant les conventions réglementées. Ici, que le complément de retraite soit considéré comme une rémunération ou non importe peu, l article incluant dans les avantages soumis à la procédure des conventions réglementées les éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus. La loi TEPA a ajouté une condition de performance à l octroi de ces avantages à l alinéa 2 de l article L.225-42-1, «appréciée au regard de celles de la société dont il [ ] exerce [ ] la direction générale déléguée». Si la société est cotée, le mécanisme d autorisation décrit ci-dessus aura donc à s appliquer obligatoirement, que le complément soit une rémunération ou non. En outre, l autorisation du CA sera rendue publique, elle devra être renouvelée à chaque mandat (même article). III/ Un actionnaire souhaite révoquer un administrateur. La révocation d un administrateur lors d une AG doit-elle être inscrite à l ordre du jour pour être valable? L article L.225-18 al. 2 du Code de commerce dispose que les administrateurs «peuvent être révoqués à tout moment par l assemblée générale ordinaire». La révocation des administrateurs se fait ad nutum, d aucuns diront qu ils sont «assis sur un siège éjectable». 5 Expliquez mieux www.assas.net - 1 e édition - Page 5
L article L.225-105 pose en effet le principe que «l assemblée ne peut délibérer sur une question qui n est pas à l ordre du jour». Mais l exception suit de près : «Néanmoins, elle peut, en toute circonstance, révoquer un ou plusieurs administrateurs [ ] et procéder à leur remplacement». Le président du CA n est donc pas tenu de modifier l ordre du jour. Toutefois, ils devront veiller à ce que la révocation ne se fasse pas dans des conditions vexatoires et que le principe du contradictoire soit respecté, sans quoi elle serait abusive, donnant lieu à l octroi de dommages et intérêts pour la jurisprudence (Cass. Com., 1992, «Pesnelle»). 6 IV/ Le DG de la SA contracte un prêt auprès de sa holding, une SNC dont il est par ailleurs co-gérant associé. Les actionnaires de la SA, dont certains au moins sont administrateurs, ne sont pas satisfaits du taux du prêt, qu ils ont appris une fois l emprunt contracté. Les associés peuvent-ils obtenir l annulation du prêt? Le signataire du prêt, à la fois DG de la société emprunteuse et cogérant de la société prêteuse, est dans une situation de conflit d intérêts évidente. Par conséquent, la procédure des conventions réglementées s applique-t-elle à ce contrat de prêt? Deux conditions doivent être remplies (art. L.225-38) : - Quant à l acte, ce doit être une convention. Or, un contrat de prêt est bien une convention ; - Quant à la personne. L article L.225-38 al. 3 C.Com précise que «sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général [ ] est associé indéfiniment responsable, gérant [ ] de cette entreprise». En l espèce, le DG qui a signé la convention est à la fois cogérant, mais également associé indéfiniment responsable de la SNC prêteuse, en vertu de l article L.221-1 du Code de commerce. Les deux conditions cumulatives étant remplis, la procédure des conventions réglementées a vocation à s appliquer. En effet, l opération n est pas courante au sens de l article L.225-39 du Code de commerce : un emprunt est un acte grave et exceptionnel. La convention n est donc pas autorisée. 7 La convention n entre pas dans le champ des conventions interdites de l article L.225-43 du Code de commerce. Par conséquent, la procédure de l article L.225-40 aurait du être respectée en l espèce. Tel n a pas été le cas, car les administrateurs qui doivent normalement donner leur autorisation préalable (L.225-40 alinéa 7 C.Com) «apprennent la réalisation de cette opération par la suite». De plus, la convention n a pas non plus été approuvée par l AG, ces mêmes personnes étant actionnaires. La sanction est donc non pas celle de l article L.225-41 C.Com mais celle prévue par l article L.225-42 C.Com. Les conventions peuvent donc «être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société» En l espèce, le taux d intérêt de 15% étant bien supérieur à celui des banques, aux dires de certains actionnaires, le contrat de prêt pourra être annulé. Et de fait, un taux d emprunt de 15% paraît important. Dans ce cas, l action en nullité devra être intentée dans les trois ans à compter de la date de la convention pour ne pas être prescrite (art. L.225-42 al. 2 C. Com). Le dernier alinéa prévoit que l AG peut couvrir une telle nullité sur rapport spécial de commissaire aux comptes. En l espèce, cinq actionnaires sont mécontents. On ne sait pas quelle part ils cumulent dans le capital ni si ils ont le droit de vote après l augmentation de capital. Si le DG, par ailleurs actionnaire, souhaitait faire valider l opération, il avait un poids important : son père, président du CA et associé, voterait probablement dans son sens. En outre, le DG et son père sont les deux seuls associés, cogérants de la holding qui détient également des parts dans la SA. Or, la nullité peut être couverte par l assemblée générale ordinaire (AGO), la décision ne relevant pas des pouvoirs de l Assemblée générale extraordinaire (AGE) délimités aux articles L.225-96 et L.225-97 du Code de commerce. Par conséquent, les conditions de majorité sont la majorité simple des voix des actionnaires présents ou représentés (L.225-98 al.3 C.Com). Il y a fort à parier que le DF, aidé par son père et la holding, obtienne la majorité. Dans ce cas, la nullité pourrait être recherchée par le biais de l abus de majorité. La jurisprudence, pour annuler la décision couvrant la nullité, exige que la décision soit prise : - Contrairement à l intérêt social, c est le cas en l espèce si le taux est excessif 6 Et si le fonds demande l inscription? 7 Insuffisant. Expliquez + méthode du cas pratique. www.assas.net - 1 e édition - Page 6
- Dans le seul but de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires. Ici encore, la situation de conflit d intérêts évidente va dans ce sens. Par ces deux moyens, la nullité du contrat de prêt pourra être obtenue. De surcroit, les actionnaires pourront engager la responsabilité du DG sur le fondement de l article L.225-251 C. Com pour ces agissements : «infractions aux dispositions législatives» pour ne pas avoir respecté la procédure des conventions réglementées. De plus, la procédure de l article L. 225-252 pourra aussi s appliquer en «réparation de l entier préjudice subi par la société». Enfin, cette faute de gestion sera considérée comme un juste motif de révocation en vertu de l article L.225-55 C. Com, étant contraire à l intérêt de la société et constitutif d un conflit d intérêts. www.assas.net - 1 e édition - Page 7