Annexe de l Article 6, paragraphe 4 :



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1

2 3 Le 22 octobre 2008, un nouvel hypermarché Carrefour ouvrait ses portes. On peut dire que cette ouverture fut des plus médiatisées et des plus controversées. Ce nouvel hypermarché devait être rattaché à une commission paritaire moins avantageuse pour les travailleurs, tant au niveau des salaires que des conditions de travail. Les syndicats n étant pas en accord avec la direction sur ces nouvelles dispositions dont ils craignaient surtout qu elles soient plus tard étendues aux autres magasins de la chaîne, programmèrent plusieurs actions de protestation. De manière préventive aux grèves prévues à l entrée des magasins, Carrefour s est alors adressé au tribunal de première instance avec une requête unilatérale, demandant à interdire les piquets de grèves. La chaîne obtiendra une imposition d astreintes de 1000 par personne empêchée de travailler ou de pénétrer dans les locaux que ce soit comme travailleur, client, fournisseur ou autre. Deux mois plus tard, les syndicats, à leur tour, allaient en justice. Craignant une jurisprudence dans cette affaire, ils introduisaient une tierce opposition contre la requête unilatérale obligeant les tribunaux, via d autres juges, à réétudier la question et entendre les avocats des organisations syndicales. Le cas de Carrefour n en est qu un parmi d autres. Alors que les conflits sociaux ne sont pas nécessairement plus fréquents que par le passé, les appels aux tribunaux pour régler ces conflits le sont, eux, de plus en plus. Après avoir esquissé la législation actuellement en vigueur en Belgique, nous examinerons les différentes décisions prises par les organes internationaux de supervision en la matière.

4 5 Annexe de l Article 6, paragraphe 4 : A la création de la Belgique, notre pays hérite de la loi «Le Chapelier» datant de 1791 qui interdit les grèves et les coalitions entre travailleurs. En 1866, la loi «Le Chapelier» est remplacée par des restrictions quant aux coalitions et grèves reprises dans l article 310. Son champ d application est étendu et les peines sont renforcées suite à de grandes grèves en 1892. Après la guerre 14-18, en 1921, l abrogation de l Article 310 est synonyme d améliorations des conditions des travailleurs. Les travailleurs obtiennent aussi le droit de vote au suffrage universel simple pour tous les hommes. Une loi garantit désormais la liberté d organisation entre travailleurs. Après la Seconde Guerre mondiale, les esprits ont changé en Europe occidentale avec la mise en place de l Etat-providence. La Charte sociale européenne est ouverte à la signature à Turin le 18 octobre 1961. Les États membres du Conseil de l Europe sont convenus d assurer à leurs populations les droits sociaux spécifiés afin d améliorer leur niveau de vie et de promouvoir leur bienêtre. L Article 6 de la Charte stipule que : «Tous les travailleurs et employeurs ont le droit de négocier collectivement». Il reconnaît aussi le droit de grève. Article 6 de la Charte sociale européenne Droit de négociation collective «En vue d assurer l exercice effectif du droit de négociation collective, les parties s engagent : à favoriser la consultation paritaire entre travailleurs et employeurs; à promouvoir, lorsque cela est nécessaire et utile, l institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d employeurs d une part, et les organisations de travailleurs d autre part, en vue de régler les conditions d emploi par des conventions collectives; à favoriser l institution et l utilisation de procédures appropriées de conciliation et d arbitrage volontaire pour le règlement des conflits du travail; à reconnaître le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives en cas de conflits d intérêt, y compris le droit de grève, sous réserve des obligations qui pourraient résulter des conventions collectives en vigueur.» «Il est entendu que chaque partie peut, en ce qui la concerne, réglementer l exercice du droit de grève par la loi, pourvu que toute autre restriction éventuelle à ce droit puisse être justifiée aux termes de l article G.» En 1967, en Belgique, un arrêt de la Cour de cassation fait jurisprudence : le départ en grève ne peut plus être considéré comme une rupture du contrat de travail. Par un autre arrêt, en 1981, la Cour de cassation reconnaît cette fois le droit de grève en précisant que la grève ne constitue pas un acte illicite, même si non reconnue par une organisation syndicale. Ce n est qu en 1990 que la Belgique ratifiera la Charte sociale européenne. La Constitution belge ne reconnaît pas explicitement le droit de grève. Mais, dans l article 23 garantissant à chacun le «droit de mener une vie conforme à la dignité humaine», elle reconnaît à chacun le droit à des conditions de travail et des rémunérations équitables, ainsi que le droit d information, de consultation et de négociation collective. Sur le site du SPF Emploi, la grève est définie comme telle : «Une grève se caractérise par le fait que des travailleurs ne respectent pas temporairement l obligation contractuelle de fournir des prestations de travail. La non-exécution du travail imposé constitue l élément central d une grève. Il s agit donc d un arrêt temporaire du travail sans pour autant que les travailleurs visés aient l intention de démissionner. Une grève présente généralement un caractère collectif.» L utilisation de la voie judiciaire pour régler les conflits sociaux n est pas une nouveauté. Mais, constatant qu elle devenait de plus en plus courante, syndicats et patronats se sont accordés en 2002 autour d un «gentlemen s agreement». Un «gentlemen s agreement» est un accord informel entre plusieurs parties via une convention ou par partage réciproque. A la différence d une loi ou d un contrat, il repose sur l honneur des parties en regard de sa réalisation, il n est pas imposable aux parties.

6 7 En gros, les syndicats et employeurs au niveau interprofessionnel s engagent dans cet accord à respecter une série de règles en cas de grève. Le patronat s engage à tolérer les piquets de grève, à préférer la négociation aux actions en justice alors que les syndicats s engagent à respecter les procédures de notification de grève, à ne pas recourir à la violence, à ne pas s attaquer à l outil de travail, tout en garantissant le droit au travail des non grévistes. Cet accord devait permettre une certaine accalmie des tensions sociales et une baisse des requêtes judiciaires de la part des employeurs. Hélas, cela n a pas duré. Suite à des interpellations à la Chambre quant aux grèves chez Carrefour le 13 novembre 2008, la Ministre de l Emploi Joëlle Milquet répondra concernant le non-respect de cet accord : «Il me semble que ce «gentlemen s agreement» n est pas toujours entièrement respecté. Ce sujet est relativement brûlant et est évoqué, pour des raisons évidemment différentes, par chacun des partenaires sociaux. Je comptais demander au Conseil national du Travail de se charger de l analyse de ce protocole d accord et de ses difficultés d application, puis d émettre des recommandations. Cela me paraît être le lieu idéal pour cette tâche. Il ne s agit pas d interférer dans les discussions interprofessionnelles. Cette question doit avant tout être abordée par les protagonistes eux-mêmes dans le cadre de la concertation sociale». Que ce gentlemen s agreement ne soit pas respecté tantôt par les employeurs selon les uns, tantôt par les grévistes selon les autres, entraîne des appels de plus en plus fréquents aux tribunaux en boycottant la case «négociation». Ces décisions entraînent des jugements souvent contraignants pour les travailleurs. Ordonnances et astreintes sont devenues monnaie courante pour contrecarrer les piquets de grève. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) de Strasbourg est l organe de supervision le plus spécialisé en la matière. Il est entre autres le fondateur de la Charte sociale européenne. Ce comité a condamné déjà deux fois des décisions de justice prises en Belgique depuis 2002 : Une première fois lors de l interdiction de piquets de grève pacifiques qui entravaient l accès à l entreprise sans commettre d acte de violence ou d intimidation. Cela signifie que la jurisprudence d application en Belgique qui tend à imposer le libre accès viole la Charte sociale européenne. La seconde fois, suite à des jugements pour lesquels le juge a fait appel aux notions d abus de droits (de grève) et surtout de proportionnalité (action syndicale disproportionnée vis-à-vis du conflit). Le juge, en agissant ainsi, s approprie en quelque sorte le droit de décider au cas par cas de la légalité du droit de grève. Ainsi, le droit de grève qui est inscrit dans la Charte sociale européenne, elle-même reconnue par la loi belge, n est toujours pas inscrit en tant que tel dans la loi belge. Le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies a défini le système juridique de la grève en Belgique comme «confus et incertain» en novembre 2007. Ce Comité remet en effet tous les cinq ans un rapport à chaque État signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Dans son dernier rapport, il y fait part d une inquiétude à propos de la situation en Belgique et de la multiplication des «restrictions au droit de grève». Il estime aussi que le droit de grève belge n est pas conforme à la Charte sociale européenne. Selon cette institution, «des cas continuent de se présenter dans lesquels le droit de grève est restreint par des pratiques jurisprudentielles, et ce au-delà des restrictions autorisées par la Charte».

8 9 La Cour de Justice de l Union européenne a été créée en 1952 et siège à Luxembourg. Son rôle est d assurer «le respect du droit dans l interprétation et l application des traités». Elle règle les contentieux juridiques entre les institutions, les États membres et les citoyens, en vertu des règles contenues dans les traités de l Union européenne. Elle se distingue des autres juridictions internationales car sa juridiction est obligatoire et ses décisions s imposent à tous dans l Union européenne. Une compagnie de Ferry finlandaise voulait faire passer un de ses bateaux sous pavillon estonien afin de pouvoir embaucher les membres de l équipage au salaire estonien. Le syndicat finlandais a alors demandé à la fédération syndicale des transports de boycotter l entreprise. Celle-ci a réagi en portant plainte. Dans son arrêt, la CJE (Cour de Justice de l Union Européenne) considère que l action syndicale peut être limitée si elle s oppose aux libertés économiques d entreprises. La Cour européenne des droits de l homme a été créée en 1959 et siège à Strasbourg. Son rôle est de contrôler le respect de la convention européenne des droits de l homme par les parties contractantes. C est un organisme distinct de l Union européenne, l organe de juridiction suprême de l Union européenne étant la Cour de Justice européenne. L Union européenne n a pas ratifié en tant que telle cette convention, mais tous ses États membres l ont fait. En outre, les traités européens stipulent que l Union européenne doit respecter les droits fondamentaux tels que garantis par cette convention. Le 21 avril 2009, elle a condamné la Turquie pour violation de l Article 11 de la Convention européenne des droits de l homme traitant de la liberté d association et du droit de former un syndicat. Le gouvernement turc avait décrété une interdiction générale des actions de grève pour les fonctionnaires dans le contexte des journées d action nationales pour la reconnaissance du droit de négociation collective dans le secteur public. Par ce jugement, la Cour euro- péenne des droits de l homme a reconnu le droit de grève comme un droit de l homme devant être respecté dans tous les pays de l Union européenne. Il ne peut être limité que dans des circonstances strictement définies. Elle se prononce ainsi en contradiction avec la jurisprudence de la CJE dans son arrêt Viking. Selon ces instances, la législation belge ne serait pas correctement adaptée et l exercice du droit de grève serait de ce fait restreint chez nous car trop facilement limité par voie judiciaire. Certains juges sont tentés d interdire le recours à la grève dans le cas d un préjudice patronal disproportionné par rapport aux intérêts des ouvriers. Cela risque de conduire à une contradiction avec les législations européennes. Peuton juger que des piquets de grève qui bloquent l accès à l entreprise de façon pacifique sans commettre d actes d intimidation ou de violence sur des personnes ou des biens sont en contradiction avec le droit au travail et à la liberté d entreprise? Le droit de grève et l utilisation de piquets de grèves pacifiques est un droit fondamental. Il peut pourtant être mis en opposition avec le droit à la propriété et le droit à la liberté d entreprise pour les entrepreneurs, le droit au travail pour les non grévistes ou même le droit à la livraison pour les fournisseurs et clients de l entreprise. L ordre public et la sécurité peuvent aussi dans certains cas être considérés. Quand un employeur, pour éviter des piquets, intente une action en justice, il s adresse au Tribunal civil de première instance via une requête unilatérale. Le juge n entend alors que l employeur et ses avocats. La décision étant rendue le jour même ou le lendemain, il n y a pas de procédure contradictoire et les travailleurs contre lesquels l ordonnance est rendue n ont donc généralement pas la possibilité de se défendre. Cela permet d éviter une procédure de négociation ou un débat contradictoire entre l employeur et les contestataires. C est pourquoi l opposition du droit de grève et du droit au travail est parfois

10 11 considérée comme une faille de notre système, et que la mise en place d un nouveau cadre législatif solide, conforme à la Charte sociale européenne, cadrant au mieux les conditions du droit de grève, est souhaitée par certains. Les syndicats restent pourtant très prudents quant à la mise en place d une législation stricte du droit de grève. Car, même s ils assimilent cette «judiciarisation du conflit social» comme une atteinte au droit de grève, figer celui-ci dans un texte de loi clairement défini pourrait le limiter plutôt que de permettre aux travailleurs de défendre des acquis sociaux obtenus par le passé et pouvant faire jurisprudence. les restrictions vis-à-vis du droit de grève via des décisions de justice. Selon la Ligue des Droits de l Homme, en restant spectatrice devant l abandon de la conciliation sociale au profit d une judiciarisation des conflits sociaux, la Belgique pointe ses propres carences réglementaires. Mais chez nous, les différents acteurs semblent s accorder sur la non nécessité de la mise en place d une législation stricte de la grève. Enfin, ce qui est certain, c est qu en période de crise économique, ne pas chercher de solutions aux conflits sociaux de manière concertée n est certainement pas la meilleure chose à faire... Les conflits sociaux ont longtemps été résolus de manière collective, en associant les différents acteurs, dans la recherche du consensus. Il est certain que continuer dans la voie de la judiciarisation ne favorise pas un climat social favorable pourtant indispensable aux intérêts de toutes les parties. La recherche de solutions de manière unilatérale est difficilement concevable. Pourra-t-elle rester gérable à long terme sans arriver un jour ou l autre à un clash? Différents acteurs estiment aujourd hui que notre modèle de concertation sociale ne permet plus de tenir compte des évolutions économiques et sociales. Il n offre plus les marges de manœuvre nécessaires pour faire face à la concurrence entre les régions, les secteurs et les entreprises, dans une économie mondialisée et face à une multitude de multinationales en recherche d optimisation fiscale. Il est un fait criant que la forme des conflits du travail est aujourd hui en pleine transformation. De nombreuses conventions internationales tendent à limiter Auteur : Geoffroy Delitte décembre 2009 Désireux d en savoir plus! Animation, conférence, table ronde... n hésitez pas à nous contacter, Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.

12 E.R. : Sylvie Roberti - Rue des Deux Eglises 45-1000 Bruxelles Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation Rue des Deux Eglises 45-1000 Bruxelles Tél. : 02/238 01 00 info@cpcp.be CPCP asbl - décembre 2009