L APPROCHE ECONOMIQUE DU PROMOTEUR Yanick Quemeras, Directeur général de Nexity-SEERI QU EST CE QU UN PROMOTEUR? Si les rôles de l architecte et de l entrepreneur de bâtiment sont à peu près compris, celui du promoteur est, d une façon générale, largement ignoré du grand public. En effet la multiplicité des intervenants à l acte de construire ne rend pas aisée la perception du rôle du maître d ouvrage. L activité de promotion est une activité de production se rapprochant de la production industrielle avec ses particularités, notamment que chaque projet est un prototype. Le promoteur achète un terrain, non pas pour faire un placement mais pour monter une opération dont il espère qu elle sera suffisamment bénéficiaire pour justifier le risque encouru. Le public assimile souvent promoteur et marchand de biens, il pense que le promoteur est un «spéculateur immobilier». Si spéculer trouve ses racines dans le latin speculari (observer), le promoteur lui, n observe pas passivement mais au contraire agit en ENTREPRENEUR (par opposition au rentier) dont le métier s il faut le résumer peut l être de la manière suivante : - trouver et acheter un terrain, - un premier paramètre : le prix du terrain, - concevoir et construire un immeuble, - un second paramètre : le coût global de production de cet immeuble et enfin, - vendre cet immeuble, un troisième et dernier paramètre : le prix de vente. Bien sûr ce n est pas aussi simple, mais l essentiel est là 1
LE MARCHE FONCIER Contrairement au marché des logements, ou d autres biens, le marché foncier est un marché sur lequel il existe peu de statistiques. Le marché du foncier est un marché de matières premières où se rencontrent voire se confrontent intérêt Privé et intérêt Public. En effet le propriétaire privé souhaite profiter au mieux de son bien dont la valeur dépend «exclusivement» de la constructibilité que lui a accordé la puissance publique. Ensuite une des caractéristiques essentielles est qu aucun terrain, sauf exception, n est strictement identique à un autre ; cela a son importance lorsque l on sait que la localisation est le paramètre essentiel du choix d un acquéreur (50%, vient ensuite la réputation de l entreprise, la qualité des biens proposés et le prix) C est un marché en relation directe avec le marché immobilier qui comme chacun le sait, peut être sujet à variations. ; c est un marché qui monte très vite en cas de hausse du marché de l immobilier mais qui baisse très difficilement. Sur n importe quel marché, disons celui des télévisions ou automobiles par exemple, il y a un petit nombre d offreurs (de vendeurs, de fabricants) en concurrence les uns avec les autres qui satisfont la demande des acheteurs potentiels. Les prix, régulés par cette concurrence, dépendent des coûts de fabrication et de commercialisation, les quantités vendues du nombre de clients intéressés et solvables compte tenu de ces coûts. Dans le cas particulier du marché foncier, c est à peu près tout le contraire qui s observe. C est en effet la compétition que se livrent les acquéreurs potentiels qui déterminent la valeur ; celle-ci sera, en définitif, celle que lui accordera l acquéreur disposé à y mettre le prix le plus élevé. La seule liberté du propriétaire et vendeur potentiel, sera d accepter ou de refuser le prix le plus élevé qui lui sera proposé, compte tenu de l utilité qu il a par ailleurs de ce terrain. 2
Dans une économie de marché, le propriétaire d un terrain a l embarras du choix. Il peut s adresser à plusieurs promoteurs tous en concurrence les uns avec les autres. En pratique, si le site est porteur, le propriétaire n aura même pas besoin de se déranger pour chercher un acheteur car il sera régulièrement démarché. Le jour où il se décidera à vendre, ce sera évidemment au plus offrant. Et il ne se décidera certainement pas tant que le prix proposé ne sera pas supérieur à la valeur de l usage qu il a lui-même de ce terrain. LE COMPTE A REBOURS DU PROMOTEUR Souvent, pour le promoteur, il est d usage de dire qu un terrain ne vaut qu en fonction de ce qui peut y être construit. Le terrain peut donc être considéré comme une variable d «ajustement» c'est-à-dire la résultante de la différence entre les chiffres d affaires, coût de production et résultats prévisionnels de l opération. Ces deux points, chiffre d affaire et coût de production une fois déterminés, la question du prix du terrain peut se poser. A ce stade il est essentiel de souligner l importance des délais. En effet entre le moment où un promoteur s intéresse à un terrain et celui où la commercialisation des logements débute, il s écoule plusieurs mois dans le meilleur des cas voire plusieurs années dans le cas contraire (négociations, obtention du permis, modifications des règles d urbanisme, recours.). Ainsi si le prix du terrain est plutôt identifié dès au début, les chiffres d affaires et coût de production le sont à titre prévisionnels et plus le temps passe plus ces derniers peuvent évoluer avec les aléas que cela peut comporter. a. Trouver un terrain 3
Avant de trouver un terrain, il faut, c est un euphémisme, le chercher ; le promoteur cherche donc des terrains constructibles de plusieurs façons, les principales étant : 1. La prospection: Cette prospection est établie à partir d une analyse des possibilités physiques confrontées à un examen des documents d urbanisme existants et futurs. 2. les appels d offres : Une autre est de répondre aux appels d offres que lancent les collectivités, propriétaires privés ou publics et les aménageurs par exemple. Ces appels d offres mixent des paramètres tels que par exemple projet, prix de la charge foncière mais de plus en plus démarche environnementale, méthode de commercialisation (résidence principale, investisseur.) 3. enfin les promoteurs peuvent en partenariat avec les collectivités être à l initiative de réflexions sur des mutations urbaines. b. Etudier le terrain Une fois le sujet trouvé, une étude de faisabilité sommaire est menée avec un architecte. Cette étude servira d assiette aux hypothèses de chiffre d affaire et coût de production. Elle doit permettre de définir les premières caractéristiques essentielles du programme (SP, nombre de logements, configuration du ou des bâtiments, nombre d emplacements de stationnement et de sous sols, nature des matériaux de façade et toiture, etc. ) 4
c. Le chiffre d affaires Il s agit là des recettes prévisionnelles. Il est fonction de plusieurs paramètres tels que par exemple : - La localisation est un paramètre essentiel dans la composition du prix de vente, le logement étant un «signe social», - les dispositions du terrain (orientation, déclivité,.). - son environnement (urbanisme et constructions avoisinantes, éventuelles nuisances telles que bruit par exemple), - la desserte, - le produit (typologie, taille des logements, les prestations.), - la concurrence, - l offre existante (neuf et ancien) et à venir, - la zone de chalandise.. Le prix au m² est un élément qui permet une première approche du prix foncier. Ce premier indicateur est évalué en observant les prix récents sur des programmes comparables. Une étude de marché détermine le profil de la clientèle visée qui existe sur le secteur (primo accédants, accédants, investisseurs ) Cette valeur au m², premier indicateur, doit être corrélée avec la taille des appartements, notamment pour les populations dites primo accédantes, c'est-à-dire celles qui n ont pas de revente pour financer leur acquisition. Tout autant que les caractéristiques de l appartement, la mensualité est essentielle pour les primo accédants; aussi, si les appartements conçus sont trop «grands» les clients ne pourront pas les financer. Une solution pourrait être de «baisser» le prix au m² et donc d obtenir un prix de l appartement moindre. Ce n est pas aussi simple et nous en revenons à la question centrale du prix du foncier. 5
Le mieux pour illustrer ce point est un exemple : Prenons un appartement de type 3 pièces vendu 240.000 ; si le logement fait 58 m² le prix au m² en est de 4.140 ; s il est de 64 m², de 3.750. Dans ces conditions cette augmentation de 10% de la surface de l appartement correspond, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse de même ordre sur le prix unitaire du m² mais d un tiers environ sur le foncier, ce qui est loin d être marginal. d. Le coût de production Dès ce stade le promoteur doit s assurer d un certain nombre de points. Classiquement, les dépenses se ventilent sous plusieurs rubriques dont voici la «check list» : 1. FONCIER : outre le terrain sont comptabilisées sous ce vocable : o les frais d acquisition du terrain, o les coûts de démolition, o les éventuelles évictions, o les frais de géomètre, o dépollution o les sondages o Ce dernier point est essentiel, il s agit là d un sujet particulièrement important ; en effet tout promoteur sensé ne se lancera pas dans la réalisation d un projet sans s être assuré de la nature du sous sol pour vérifier les modes de fondations, la présence éventuelle d eau.; les études devant permettre d en avoir une parfaite connaissance seront menées durant la phase de conception du projet. 2. TAXES : il s agit des taxes consécutives à la réalisation de l immeuble telles que la TLE, TDENS, PLD, surdensité, PAE et autres participations. 3. TRAVAUX : à ce stade, n oublions pas qu une simple étude de capacité a été menée et non un Avant Projet Définitif. Le coût prévisionnel 6
(bâtiment et VRD) est donc établi sur cette esquisse à partir soit de ratios soit de chiffrages plus précis selon la complexité du sujet. Un poste Aléa/imprévu permettra de provisionner d éventuelles défaillances d entreprises, des imprécisions de descriptif L évolution des réglementations ainsi que le développement des mesures liées à la démarche environnementale sont également des facteurs augmentatifs de ces coûts que le client n est pour autant pas disposé à payer. Au «surcoût» des prestations nécessaires pour atteindre les nouvelles normes environnementales s ajoute l impact sur le rendement SHAB/SP qui diminue. 4. HONORAIRES : il s agit là des honoraires des intervenants à l acte de construire tels que l architecte, les bureaux d études (structure, acoustique, thermique ), les maîtres d œuvre, la gestion de l opération, les bureaux de contrôle, coordinateur SPS, assurances Dommage Ouvrage 5. FRAIS FINANCIERS : ils sont calculés en fonction des ventes prévisionnelles. Un des facteurs qui agit sur ce poste est le rythme de vente. 6. COMMERCIALISATION : il s agit de la rémunération du commercialisateur, des dépenses de publicité. Véritable valeur d ajustement la valeur du terrain dépend de ce qui peut y être construit et garanti par le permis de construire; l indicateur de valeur en est le prix ramené au m² de surface de plancher (SP). 7