16/04/03 Confidentiel

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Transcription:

MEMORANDUM DATE : 16/04/03 DE : RE : FRANÇOIS HOUYEZ NOTE SUR LE RISQUE DE MALADIE CARDIO-VASCULAIRE ET TRAITEMENT HAART NOTE: DES INFORMATIONS CONTENUES DANS CE RAPPORT PEUVENT ETRE CONFIDENTIELLES. ELLES DEVRAIENT PROCHAINEMENT ETRE PUBLIEES DANS UNE REVUE SCIENTIFIQUE. INTRODUCTION De 20 à 50% des personnes traitées par antirétroviraux voient s élever leur taux de cholestérol et de triglycérides. Dans la population générale, ceci a été identifié comme un marqueur prédictif de survenue d un infarctus du myocarde ou d un accident vasculaire cérébral. Taux de mortalité pour maladies cardio-vasculaires dans certains pays (année la plus récente) Hommes de 35 à 74 ans Mortalité pour 100 000 habitants La question est donc la suivante: après le début d un traitement antiviral, lr risque de maladie cardio-vasculaire grave est-il augmenté? Si oui, dans quelles proportions? Cela pourrait-il chez certains amoindrir le bénéfice thérapeutique du traitement antirétroviral? Comme ce risque n a pas pu être correctement évalué avant la mise sur le marché des antiviraux, il est indispensable de mener des études à long terme pour documenter cet aspect du traitement antiviral. De tels efforts ont été initiés en 1999, et ce rapport présente quelques uns des résultats les plus récents.

Si vous souhaitez en savoir plus, au fur et à mesure que d autres résultats seront connus, merci de contacter l auteur de ce rapport. CONTEXTE REGLEMENTAIRE En mars 1999, l agence européenne d évaluation des médicaments, European Medicinal Evaluation Agency (EMEA), a organisé une réunion sur le sujet, en réponse à des questions posées par le groupe de travail sur la pharmacovigilance. Un comité de pilotage fut créé, à charge de répondre aux questions suivantes: 1. Quels sont les moyens les plus appropriés pour répondre aux questions soulevées par le CPMP au sujet de la prévalence (nombre de cas à un moment donné) et surtout de l incidence (nombre de nouveaux cas sur une période): a) des complications à long terme b) Des effets à court terme sur la composition corporelle et les troubles métaboliques La structure du comité est la suivante: 9 sociétés pharmaceutiques ayant commercialisé un produit antirétroviral, des chercheurs universitaires, des représentants des agences (FDA et EMEA), et des représentants associatifs. 4 projets ont été proposés en Octobre 1999: 1. Une étude rétrospective au sein de la cohorte de l administration des vétérans aux USA 2. Une étude prospective multi-cohortes pour évaluer le risque cardiovasculair - étude D.A.D. (Data collection on Adverse events of anti-hiv Drugs). 3. Une étude sur la définition de la lipodystrophie. 4. Une méta-analysis des essais cliniques. Membres du comité de pilotage: Dr Silvia Bader-Weder Hoffman La Roche Dr Marie-Do Mompas Pfizer Dr. Sam Bozette Verteran Administration, San Diego Dr. Robert Munk New Mexico AIDS Infonet Dr. Paul Beninger / Dr Paul Coplan Merck Sharp D. Dr. Orjan Mortimer Rep of CPMP-EMEA Lakemedelsverket, Medical Products Agency, Sweden Dr. Andrew Carr St Vincent s Hospital Sydney Pr. Janet Darbyshire MRC Clinical Trials Unit François Houÿez EATG Dr. Ron Lewis San Diego, USA Dr Edde Loeliger Glaxo Smith Kline Dr. Jens Lundgren D:A:D study, Copenhagen Dr. Jeff Murray US FDA Dr. David Pizutti, Bristol Myers Squibbs, chair person Dr. Steven Schnittman Bristol Myers Squibb Dr. Stephen Storfer Boerhinger Ingelheim Dr Randall Tressler Abbott Laboratories Pr. Ian Weller, chair person, London FUNCTIONNEMENT Le budget dédié à ces études jusqu en 2002 consistait en: $4 700 000 gérés par une Contract research organisation

2-3 membres du comité de pilotage au sein de chaque comité scientifique des études financées. Les investigateurs principaux restent indépendants vis à vis des sponsors. Les principales décisions scientifiques et procédurières sont prises par le comité de pilotage. ETUDES PRESENTEES 1. Etude rétrosepctive de la Veteran Administration (VA) (publiée dans NEJM, 19 février 2003) 1 La VA est un système de soins gratuits pour les employés du ministère de la défense des USA. Depuis janvier 1993, la VA possède une base de données contenant des informations sur l infection HIV. Les événements cliniques sont rapportés, ainsi que les traitements prescrits. La source sont les hôpitaux de l administration VA Origine = 01/93 ou 1 ère admission dans la Veteran Administration pour soin HIV Durée = analyse jusqu au 30 juin 2001 (12/99 pour la mortalité) ou 6 mois après la dernière admission. POPULATION 36,766 patients de janvier 1993 à juin 2001 1,463,000 patients-mois de suivi (médiane = 40 mois) 50% africains-américains, 98% d hommes; 80% > 35 ans Exposition aux antiviraux: ~70% ont pris des analogues nucléosidiques (NRTI) pour une médiane de 15 mois ~42% ont pris des inhibiteurs de protéase (IP) pour une médiane de 16 mois ~26% ont pris des inhibiteurs non nucléosidiques (NNRTI) pour une médiane de 9 mois >1000 patients ont pris IPs pour >= 48 mois NNRTI s pour >= 24 mois RESULTATS 1764 admissions hospitalières pour maladie cardio-vasculaire sur cette période 2006 admissions hospitalières ou décès imputables à une maladie cardio-vasculaire 15,074 décès quelque soit la cause EXPOSITION AUX ANTIVIRAUX NA = analogues nucléosidiques, PI = inhibiteurs de protéase, NNRTI = inhibiteurs non nucléosidiques. Years Exposure/100 Pt-Yrs 60 50 40 30 20 10 Any ARV NA PI NNRTI 0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 1 Bozzette S, Ake C, Tam H, Chang S, Louis T. Cardiovascular and Cerebrovascular Events in Patients Treated for Human Immunodeficiency Virus Infection. N Engl J Med 2003;348:8:702-10

ANALYSE Comme observé dans d autres cohortes, la mortalité globale a décliné après la fin de 1995. Les taux d admission dans les hôpitaux de la VA pour maladie cardio-cérébro vasculaires n ont pas augmenté pendant cette période. Il était capital de s assurer que tous les décès cardio-vasculaires survenus étaient effectivement rapportés: certains peuvent être survenus en dehors des hôpitaux de la VA, plus proches du domicile. Ceci fut vérifié à partir de l Index National des Décès Events/100 Pt-Yrs 30 25 20 15 10 Toutes causes de mortalité All cause mortality Hospitalisations MCV ou décès Cardio/ cerebro-vascular admission or death Hospitalisations MCV Cardio/ cerebro-vascular admission 5 0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Events/100 Pt-Yrs 30 25 20 15 10 Décès toutes causes ou admissions MCV Cardio/ cerebro-vascular admission or death from any cause All cause mortality Toutes causes de mortalité 5 0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Le graphique ci-dessus est très parlant: la courbe de la mortalité globale et celle de la mortalité globale et des admissions pour maladie-cardiovasculaires sont parallèles, sans la moindre divergence. Si des événements cardio-vasculaires étaient devenus plus fréquents, les deux courbes ne seraient pas restées parallèles. AU NIVEAU DES PATIENTS Dans cette étude, le nombre annuel d admissions vasculaires pour 100 patients n augmente pas en fonction de l exposition aux antirétroviraux (graphe ci-dessous): les taux d admissions pour cause vasculaire ne sont pas différents chez les patients ayant reçu moins d un an de traitement par rapport à ceux ayant été traités depuis plus de quatre ans.

RISQUE RELATIF A 24 MOIS Aucune classe d antiviraux ne semble favoriser la survenue de maladies cardio-vasculaires après 24 mois de traitement, comme l indique le graphe ci-dessous: NA = analogues nucléosidiques, PI = inhibiteurs de protéase, NNRTI = inhibiteurs non nucléosidiques 1.75 1.5 1.25 1 0.75 0.5 0.25 POURSUITE DE L ETUDE NA PI NN NA/PI NA/NN Une des principales limites de cette étude est la relativement courte durée d analyse. C est vrai pour l ensemble de la base, mais cependant un sous-groupe de plus de 4000 patients disposent de données sur plus de 4 ans. La poursuite de l étude devrait permettre d augmenter la précision des estimations et de mesurer des effets à plus long terme. Des études de pharmacovigilance et coût/efficacité pourraient être conduites.

Miilllliiers de patiients-moiis Actuellement Extension Nouveau total % augmentation Total 1,463 651 2,114 44% NA 610 368 978 60% PI 323 208 531 64% NNRTI 112 203 315 181% Comme le montre la table ci-dessus, la projection des données collectées après l extension de l étude illustre le gain attendu: par exemple, en ce qui concerne l exposition aux NNRTI, cela représenterait une augmentation de 181% et ceci augmenterait la fiabilité des résultats. EN RESUME L étude rétrospective VA ne montre pas d évolution du nombre annuel de nouvelles maladies cérébro-cardiovasculaires pendant la période d observation. Il s agit d une étude très large et puissante comparativement à d autres études rétrospectives de ce type. Non seulement elle ne montre aucune augmentation, mais en plus aucun effet imputable à une classe de médicaments n a pu être trouvé: il ne semble pas y avoir d effet lié à une classe de produits antiviraux plutôt qu une autre qui serait associé à une augmentation des maladies cardio-vasculaires. Cette absence d augmentation de l incidence peut s expliquer de plusieurs façons: 1. Effectivement, il n y a pas eu de telle augmentation 2. Une telle augmentation existe mais n a pas pu être mesurée par cette étude. Elle serait passée inaperçue. Ce serait le cas si de très nombreux infarctus du myocarde n ont pas été soignés dans les hôpitaux de la VA ou s il y avait eu une tendance à se rendre moins systématiquement à l hôpital dans les dernières années (phénomène observé dans la plupart des états aux USA : les coûts prohibitifs et les complications nosocomiales écartent les patients des structures hospitalières). Il est difficile de savoir si un phénomène de la même ampleur existe pour la VA qui dispense pourtant des soins gratuits. Il est également possible que l impact des antirétroviraux existe, mais qu il ait été trop faible pour être convenablement enregistré dans cette étude. Je me permets de détailler un peu plus ce point de vue. Supposons que vous souhaitiez mesurer l impact de la pollution atmosphérique sur le cancer du poumon. Si vous suivez 100 fumeurs pendant 20 ans (période pendant laquelle la pollution augmente, mais pas la consommation de tabac), le taux de nouveaux cancers peut ne pas changer. Si 4 nouveaux cancers apparaissent chaque année, en nombre cumulé sur 10 ans cela représente 40 cas, mais sans que l on observe d augmentation du nombre annuel de nouveaux cas au cours le temps. 60 personnes ont résisté au cancer induit par le tabac. Elles ont peut-être une constitution les protégeant très fortement contre cet agent polluant majeur, de sorte qu un agent polluant mineur comme la pollution atmosphérique n a pas eu d impact apparent. Considérons maintenant la même étude mais chez des non-fumeurs : pendant les 5 premières années, on n enregistre aucun cancer du poumon, puis de temps en temps un ou deux nouveaux cancers. Ces personnes ne sont pas exposées au tabac, mais seulement à la pollution atmosphérique qui augmente au cours du temps. C est le seul facteur associé à l augmentation apparente des cancers du poumon. Même si la pollution à un moindre impact que le tabac, cet impact peut être plus facilement mesuré dans une population non exposée au tabac. Son effet est marginal chez le fumeur, mais devient significatif chez le non-fumeur.

Pour le risque cardio-vasculaire, un tel phénomène existe peut-être : la population de patients suivis par la VA consiste principalement d hommes, de plus de 40 ans, avec un régime alimentaire très riche (US army), retraités et sédentaires avec moins d exercice physique, et des valeurs augmentées de cholestérol. Le stress y est important, et l hypertension sans doute fréquente. Tout concourt à ce qu ils soient atteints de maladies cardiovasculaires. A côté de cette «force» qui les pousse à la maladie cardiaque, les traitements antiviraux n exercent peut-être qu un effet noyé dans la masse, un effet marginal. Ceux qui n ont pas développé de maladie cardiaque malgré tout sont tout à fait capables de résister à l effet des antiviraux. Au contraire, dans l étude DAD, européenne à 70%, le régime alimentaire est différent, comme le mode de vie, il y a plus de femmes (24% contre 2%), et le risque de aux maladies cardiaques est peut-être plus faible qua dans la population des VA. En revanche, un nouveau facteur de risque comme le traitement antiviral peut exercer un effet mesurable. Le graphe de la page 1 illustre les inégalités en fonction du pays de résidence : la fréquence des maladies cardiaques est très supérieure aux US comparativement aux pays de l étude DAD. Les taux sont tellement élevés aux USA, qu un effet marginal comme le traitement antiviral peut y tout à fait passer inaperçu, même s il existe. 2. D:A:D 2 (publication en cours): Data Collection of Adverse events of anti-hiv Drugs L étude DAD, débutée en 1999, a pour but de déterminer si l exposition aux antiviraux est associée à un risque accru d infarctus du myocarde (IDM). Comme son investigateur principal l a expliqué (Jens Lundgren, Copenhagen), l utilisation des antirétroviraux est de plus en plus souvent associée à une augmentation des taux de lipides (dyslipidémies), de la résistance à l insuline, de l accumulation de graisse intraviscérale et peut-être aussi de l hypertension artérielle. Si c est le cas, on peut vraisemblablement s attendre à une augmentation parallèle des phénomènes d athérosclérose et d autres maladies cardiovasculaires (MCV). Cependant, la précision de l extrapolation du risque que font courir ces facteurs de risque aux personnes infectées par HIV et sous traitement antirétroviral n est pas «établie. Une hypothèse a servi de base à cette étude : sur le graphe ci-contre, les traits verticaux représentent les années. Il se peut qu il y ait une période de latence entre le moment où le cholestérol s accumule dans les vaisseaux artériels et celui où cela provoque un infarctus du myocarde. C est effet n est pas immédiat, mais aucun cardiologue n a pu mesurer la durée de cette latence, même dans la population générale. Au départ, on ne sait même pas si cela peut effectivement se traduire par une augmentation des troubles cardiaques. Si cela se révérait être le cas, quelle serait son ampleur? 2 N Friis-Møller, CA Sabin, R Weber, A d Arminio Monforte, W El-Sadr, P Reiss, F Dabis, L Morfeldt, S De Wit, C Pradier, G Calvo, M Law, O Kirk, AN Phillips and JD Lundgren for the D:A:D Study Group D:A:D Coordinating Centre, Copenhagen HIV Programme, Denmark, AHOD, Aquitaine, ATHENA, BASS, CPCRA, EuroSIDA, HivBIVUS, ICONA, Nice Cohort, St. Pierre Cohort, Swiss HIV Cohort Study. 10th Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, Boston, February 10-14 2003, Abstract 130

L étude DAD est donc une étude prospective (plusieurs milliers de patients sont inclus puis suivis au fur et à mesure). Son objectif principal est de mesurer l évolution du risque d infarctus du myocarde. L objectif secondaire est de modéliser ce risque, afin de prédire des estimations à plus long terme : la figure 8 montre différents scénarios en fonction de différentes hypothèses pour le long terme. 1. Le risque augmente très fortement au fil du temps (ligne bleue) 2. Le risque augmente modérément (ligne rouge) 3. Le risque augmente mais plutôt faiblement (ligne verte) 4. Dans un premier temps le risque augmente, puis il redevient ce qu il était (ligne jaune) METHODES - Etude de cohorte, prospective, multinationale (11 cohortes d Europe, Australie et USA) - Information collectée: infection HIV, traitements, risque de survenue de MCV et de diabète. - Puissance statistique: être capable de mesurer un doublement du risque d infarctus du myocarde en fonction de l exposition au traitement. 100 infarctus du myocarde sont nécessaires pour analyser les données. - L ensemble des données des 11 cohortes ont été rassemblées dans une base de données commune en septembre 2002. DAD est une étude prospective: à partir du début de l étude DAD, et pour chaque patient, il y a une date de première visite. Certains patients étaient déjà suivis avant cette date, et leurs données ont pu être récupérées de façon rétrospective. (c est la cas des patients 1 et 3 de la figure 9). Au contraire, d autres patients ont été inclus après le début de DAD (comme le patient 2 qui est entré directement dans DAD sans recueil rétrospectif de ses données). A la fin de l étude, le patient 1 continue d être suivi dans l une des 11 cohortes. Le patient 2 n est plus suivi, et il aura été suivi pour un total de 23 mois. Le patient 3 a eu un

infarctus après 16 mois de suivi dans DAD. A partir de ces exemples, on peut calculer : - le nombre total de patient mois de suivi: 30 pour (1), 23 pour (2), 16 pour (3), total: 69 - un seul infarctus est survenu: le taux est donc de 1 infarctus pour 69 patients-mois de suivi. C est de cette façon que les calculs ont été faits pour l ensemble des 23 468 participants représentant un total de 36 199 années-patients de suivi. DONNEES INITIALES ET ESTIMATIONS A chaque visite initiale, les informations suivantes furent collectées: âge, sexe, triglycerides, cholestérol total, HDL cholestérol, diabète, index de masse corporelle, tension artérielle, tabagisme, antécédents de maladie cardio-vasculaire, antécédents familiaux de MCV (tous facteurs de risques habituels pour IDM). Pour chaque personne, il est possible de calculer une estimation du risque d IDM à 5 ans ou 10 ans à partir de ces facteurs de risque initiaux: grâce à des travaux notamment menés dans la ville de Framingham, on peut calculer la probabilité qu une personne ait un infarctus dans 5 ou 10 ans en fonction de ses valeurs de cholestérol et autres facteurs de risque à un moment donné. Il existe des équivalents européens de l étude Framingham (USA), comme MONICA ou MUNSTER. Pour chacune d elles, une équation a été établie qui permet de calculer le risque. On ignore encore si l une de ces équations est applicable aux personnes vivant avec HIV. On ignore par exemple si l infection HIV elle-même ou l inflammation chronique qu elle provoque sont susceptibles de provoquer des perturbations de cet ordre. Mais une estimation frustre peut être faite, elle tiendra compte : - des taux de lipides à l entrée dans l étude (figure 10): ils sont plus élevés chez les personnes traitées, notamment chez les personnes traitées par analogues nucléosidiques et inhibiteurs de protéase. - Des autres facteurs de risque (figure 11) - En fonction desquels on peut estimer un risque moyen à 3 ans, en fonction du sexe (figure 12) TAUX INITIAUX DE LIPIDES (FIGURE 10) Comparativement aux patients jamais traités, le cholestérol total est plus élevé chez les personnes traitées, quel que soit le type de traitement. Le LDL cholestérol est plus élevé chez les personnes traitées par inhibiteurs de protéase. Ceci concerne des personnes dont il s agit du premier traitement antiviral. Cependant, comme l a suggéré le Dr. Stefan Mauss 3, le cas le plus fréquent d hypercholesterolémie chez des personnes HIV+ traitées par antirétroviraux est représenté par une 3 Differentiating Hypercholesterolemia Associated with Antiretroviral Therapy (ART) S. Mauss* 1, J. Stechel 2, R. Willers 3, G. Schmutz 1, and W. Richter 4 1Ctr. for HIV and Hepatogastroenterology, Düsseldorf; 2 Cologne; 3 Computer Ctr., Univ., Düsseldorf; and 4 Res. Inst. for Lipid Metabolism, Windach, Germany. 9 th CROI, 2002 abstract 689.

augmentation du VLDL cholestérol. L analyse de la composition en VLDL chez ces personnes révèle des particules de VLDL riches en triglycérides qui ressemble plutôt à l hypertriglycéridémie familiale à faible risque de maladie coronaire par opposition aux hyperlipidémies combinées à haut risque coronaire. En conséquence, une forte proportion de patients avec hypercholestérolémie sous un traitement antiviral pourrait avoir en fait un faible risque coronaire. AUTRES FACTEURS DE RISQUE (FIGURE 11) La population de l étude DAD est certainement différente de la population générale en Europe et aux USA : plus de 50% de tabagisme, des valeurs élevées de cholestérol chez 20% des gens. Parmi les 23 468 participants, l âge médian est de 39 ans (IQR 34 45). C est important à savoir, car chez les individus de plus de 45 ans, le risque coronaire augmente rapidement. Du seul fait du vieillissement de la population de DA, l infarctus du myocarde devrait devenir «naturellement» plus fréquent. 24% des participants sont des femmes, 45% sont des hommes ayant des relations sexuelles avec d autres hommes, 20% sont des utilisateurs de stupéfiants intraveineux, o26% sont au stade sida. Le taux médian de lymphocytes CD4 est de 418/mm 3 (IQR: 255-612). 55% ont une charge virale indécelable. % RISQUE A 3 ANS (FIGURE 12) 4 Avec de tels paramètres, il fut possible d estimer le risque en fonction du type de traitement (figure 12). En appliquant simplement l équation de Framingham, on pouvait prédire une légère augmentation du risque d IDM chez les personnes traitées par inhibiteurs de protéase ou par inhibiteur de protéase et inhibiteurs non nucléosidiques, comparativement aux personnes jamais traitées ou aux autres associations. On note que le risque estimé reste très limité, de l ordre de 1.2% à trois ans. Même dans le cas où de nombreux infarctus du myocarde seraient fatals, cela ne remettrait pas en question l efficacité globale des antirétroviraux. 4 Law M, Friis -Møller N, Weber R, Reiss P, Thiebaut R, Kirk O et al. Modelling the three year risk of myocardial infarction among participants in the D:A:D study. Hiv Medicine 2003; 4(1):1-10.

Les figures 13 et 14 comparent le bénéfice du traitement (baisse de la mortalité de l infection HIV) et le risque possible (survenue d IDM). La différence entre les deux courbes parle d elle-même : la diminution de plus de 80% de la mortalité de l infection HIV ou de la survenue du sida n est pas menacée par une élévation du risque coronaire à 5 ou 10 ans. Cependant ce ne sont que des estimations, et il est important d attendre les conclusions de DAD pour savoir si ces estimations sont valides ou si le risque est plus important, ou au contraire négligeable. Bénéfice du traitement antiviral Possible évolution du risque coronaire par type de traitement Etant donné la taille de la population de DAD, il sera possible de distinguer un effet en fonction de la classe thérapeutique envisagée. Le tableau 15 montre la répartition des différentes associations utilisées par les participants. REGIME ANTIRETROVIRAL INITIAL Tableau 15: traitement initial % y ayant déjà recouru Durée Médiane (IRQ)* ou naifs PI 67% 2.6 ans (1.6 3.4) NNRTIs 34% 0.9 ans (0.4 1.5) NRTIs 81% 3.3 ans (2.0 5.0) Naifs 19% *parmi les sujets traités Résultats: infarctus du myocarde rapportés (IDM) Cette partie ne peut être diffusée en avril 2003. Des résultats ont été présentés lors de la 10è Conférence sur les Rétrovirus à Boston en février 2003, mais ils sont en cours de publication dans un magasine scientifique et leur divulgation risquerait de gêner ce processus.

Dès que l article aura été publié, vous recevrez un complément. Néanmoins, sachez qu au cours de sa présentation orale à Boston, Jens Lundgren a commenté la première analyse des résultats, selon laquelle il y aurait effectivement une légère augmentation du risque d infarctus du myocarde associée au traitement antiviral. LA POPULATION DE DAD EST-ELLE REPRESENTATIVE DE LA POPULATION HIV EN EUROPE? La figure 20 montre la distribution de la population DAD. La grande majorité vit en Europe (2500 aux USA, 800 en Australie et 20 200 en Europe). L Europe de l Est est sous-représentée. EN CONCLUSION Il est rassurant de constater que l augmentation du cholestérol total n est pour le moment pas associé à une forte augmentation du nombre d infarctus du myocarde au cours des traitement anti-hiv. Les personnes à haut risque de maladie coronaire devraient néanmoins être suivies de près. L IDM peut être fatal. Les recommandations thérapeutiques devraient préciser le type de suivi cardiologique à mettre en œuvre au moment d initier un traitement anti-hiv et pendant son suivi. L incidence actuelle de l IDM est faible dans la population traitée par antirétroviraux. Mais les facteurs de risque sont en augmentation constante, et il est possible que l IDM devienne de plus en plus fréquent à moyen terme. L athérosclérose ne se produit pas en un jour, des décennies sont nécessaires avant qu elle ne se manifeste bruyamment par un IDM. Pour ces raisons, il importe de suivre les personnes concernées de façon à déterminer si leur risque évolue de la même façon que dans la population générale. Il importe également de préciser la place thérapeutique des médicaments hypolipémiant. Comme toutes les classes semblent concernées, il peut être illusoire de changer précocement le régime thérapeutique d»un patient pour diminuer son risque coronaire.

Il existe deux types de facteurs de risque : ceux qui peuvent être modifiées, ceux qui ne le peuvent pas.. Ceux qui peuvent l être: Dyscholestérolémie (total cholestérol > 6.2 mmol/l, et/ou HDL < 0.9 mmol/l) Triglycérides > 2.3 mmol/l Tabagisme Obésité (Index de masse corporelle > 30) Non modifiables mais pouvant être traités: Hypertension Diabète Ne pouvant être modifiés : Age > 45 ans chez l homme / > 55 ans chez la femme Parent proche (1 er degré) ayant eu un IDM à moins de 50 ans Maladie cardio-vasculaire déjà diagnostiquée RECOMMANDATIONS 1. Poursuivre les recherches: 2è analyse de DAD (2 années supplémentaires de suivi) pour mieux apprécier le risque à moyen terme. Ainsi que des sous-études visant à améliorer l analyse statistique et la robustesse des données, visant à distinguer le rôle de chaque classe thérapeutique, etc. Définition d une équation DAD modélisant le risque coronaire dans cette population. 2. Poursuivre les recherches : étude rétrospective VA. 2 années supplémentaires de suivi augmenterait l exposition en terme de patients-années de suivi. 3. Poursuivre les efforts : la définition du syndrome de lipodystrophie. Le rôle diagnostique des marqueurs de l inflammation doit être précisé. 4. Développer des travaux sur la causalité : aucune étude en cours ne compare l athérosclérose chez des personnes HIV+ à des personnes HIV-. Une méta-analyse d essais contrôlés (ACTG 384, FIRST, INITIO) est en cours, mais elle ne permettra pas de comparer à des personnes HIV-. Le virus HIV et l inflammation qu il induit peuvent jouer un rôle parallèlement aux traitement. Si l IDM est plurifactoriel, il faut pouvoir le préciser. Il ne semble pas judicieux de changer le label (product label) des médicaments commercialisés au sujet du risque cardiovasculaire. L information doit être expliquée aux personnes avant le début d un traitement, ou au fur et à mesure. L information contenue dans les boîtes de médicaments n est lue qu au moment de la première prise, c est bien en amont que cette information doit être communiquée et discutée, lorsque le médecin propose le traitement, et non à la pharmacie ou de retour chez soi lorsque l on ouvre la boîte de comprimés. Il faut donc adapter les recommandations thérapeutiques pour que les médecins pensent à en informer leurs patients et au besoin proposer un suivi cardiologique renforcé. Auteur François Houÿez