L'usine du futur : quel travail dans quel modèle économique?



Documents pareils
Sciences de Gestion Spécialité : SYSTÈMES D INFORMATION DE GESTION

Les activités numériques

CHARTE des RELATIONS. entre. les PARTENAIRES. La BANQUE ALIMENTAIRE. BEARN et SOULE

Les ressources numériques

Les projets d investissement en PME

REFERENTIEL PROFESSIONNEL DU DIPLÔME D ETAT D INGENIERIE SOCIALE (DEIS) Contexte de l intervention

LE DON : UN MODELE DE MANAGEMENT AU SERVICE DE LA COOPERATION

LIVRE BLANC. Dématérialisation des factures fournisseurs

Mutualisation des compétences

Journées ECOTECHNOLOGIES CONVERGENCE Quand l éco-conception devient une source d innovation

LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES Anne DIETRICH Frédérique PIGEYRE 2005, repères, La découverte

Notions et définitions utiles

Rapport technique n 8 :

FICHE TECHNIQUE : METTRE EN PLACE UNE GPEC

L innovation chez OSEO en 2010 L. REINHART Séminaire Aristote «La Recherche en quête d Innovation» Jeudi 18 Novembre 2010

Lean management et conditions de travail!

La plateforme IRM. La maitrise des risques. L accès à la plateforme

La RSE au service de la stratégie de l entreprise et de la création de valeur

LA PROFESSIONNALISATION DU COACHING EN ENTREPRISE :

Comité stratégique de la démarche Alsace 2030 : des ambitions fortes, une vision partagée

GLOBAL SAAS HR SOLUTION INTÉGRÉE DE GESTION DES TALENTS

Ressources humaines. Joëlle Imbert. Les tableaux de bord RH. Construire, mettre en œuvre et évaluer le système de pilotage

Le projet collaboratif 2.0

Banque de détail. Dynamiser votre réseau de distribution et accroître son efficacité commerciale

REFERENTIEL DU CQPM. TITRE DU CQPM : Electricien maintenancier process 1 OBJECTIF PROFESSIONNEL DU CQPM

SIMULER ET CONCEVOIR LE TRAVAIL FUTUR

Les démarches qualités

La Qualité de Vie au Travail, Pourquoi aujourd hui? C est quoi? Pour faire quoi? Comment? Jeudi 5 février 2015 Rencontre Prévention - STSM

Systèmes et réseaux d information et de communication

L évolution du travail en réseau : une nouvelle donne stratégique

Ministère de l intérieur

Améliorer l efficacité de votre fonction RH

Pôle de compétitivité Aerospace Valley. Agilité et Confiance dans la filière aéronautique (2)

Appel à propositions

Autonomie et fragilités de la recherche académique Financements sur projet et reconfigurations du travail scientifique

Phase 2 : Mettre en œuvre. Gestion des projets. Gestion documentaire. Gestion du changement. R Collomp - D Qualité D 2 Ges4on documentaire

Les clés de la réussite

PRESENTATION DE L ASSOCIATION

GÉREZ VOTRE RELATION CLIENT SANS QUITTER MICRO SOFT OUTLOOK

Du taylorisme à la lean production

de gestion prévisionnelle

Participation des habitants et contrats de ville Quels enjeux? Quelle mise en oeuvre?

Guide d accompagnement. Document réalisé par Softcomputing et Microsoft France.

REFERENTIEL PROFESSIONNEL DES ASSISTANTS DE SERVICE SOCIAL

en quelques mots 1

Livre Blanc Oracle Novembre Le Bureau des Projets (PMO) : un levier stratégique de création de valeur pour l industrie

LE METIER DE CONSEIL EN ERGONOMIE OU D ERGONOME-

Développer une culture d efficience

Portail d informations et de données de marchés publics ou la commande publique augmentée

REFERENTIEL STRATEGIQUE DES COMPETENCES DU RESPONSABLE DE FORMATION EN ENTREPRISE INTERVENTION DU 13 OCTOBRE DE VERONIQUE RADIGUET GARF (*) FRANCE

PROGRAMME DE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS

I OBJECTIF PROFESSIONNEL DU CQPM

Introduction à l enquête 2012 «Organisation fonctionnelle des équipes». ADBU

blgpec : Où en est mon établissement? Sommaire :

M2S. Formation Management. formation. Animer son équipe Le management de proximité. Manager ses équipes à distance Nouveau manager

RÉFÉRENTIEL BTS TRANSPORT ET PRESTATIONS LOGISTIQUES

Novembre Regard sur service desk

Responsable d agence

L Edition Pilotée XL

Séminaire en ligne : Diffuser un management transversal des projets dans une université

Avertissement. Copyright 2014 Accenture All rights reserved. 2

FISH GEEK. La technologie au service du poisson des producteurs des transformateurs des consommateurs

MASTER 1 MANAGEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ET DES TERRITOIRES

La feuille de route du Gouvernement en matière d ouverture et de partage des données publiques

La qualité pour et par la pédagogie : exemple d animation du SMQ du Master QHSE de Valenciennes (France)

C ) Détail volets A, B, C, D et E. Hypothèses (facteurs externes au projet) Sources de vérification. Actions Objectifs Méthode, résultats

Le système d accréditation n est pas un système basé sur la conformité à la. de ce fait, il se différencie

Pôle Référentiels Métier (Master Data Management)

sentée e et soutenue publiquement pour le Doctorat de l Universitl

Le point de vue de l UNSA

Un projet multi-établissements de territoire en Franche-Comté

Modernisation SI & Télécom des Samu-Centres 15. Assemblée Générale SUdF

Le lean représente-t-il le travail du futur?

Le partenaire des directions financières

Table des matières. Partie I Les enjeux 1. Avant-propos Préface Introduction. Chapitre 1 Les enjeux de l expérience client 3

L environnement du conseil en évolution professionnelle et les premiers questionnements

La modernisation de la gestion publique au sein des EPSCP. Colloque des Agents Comptables. 05 juin 2015

Introduction Frédéric PETITBON Un contexte difficile Nicolas PERNOT

Salon des services à la personne

Contribuer au Développement de Territoires Solidaires

Service Public Régional de l Orientation : des ressources à partager

Epargne : définitions, formes et finalités.

MEMORANDUM POSITIONNEMENT DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE SENEGALAISE SUR LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

Les progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP)

Auditer son environnement Telecom Un des fondements du projet TEM

Position du CIGREF sur le Cloud computing

STIMULER L INTELLIGENCE TERRITORIALE

"L'usinedu futur: queltravail dans quelmodèleéconomique? "

REFERENTIEL QUALITÉ ASSURANCE QUALITE DE DISPOSITIFS DE FORMATIONS SUPERIEURES PROFESSIONNELLES. Juin 2006

LE PROJECT MANAGEMENT OFFICE. Olivier CALDIER

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

En face du commanditaire, on met un chef de projet qui connait le domaine (banque, administration, etc.)

Déjeuner EIM Enterprise Information Management. Mardi 16 novembre 2010 Restaurant l Amourette Montreuil Thomas Dechilly CTO Sollan

La démarche lean dans le secteur public : conditions de mise en oeuvre et résultats potentiels

Panorama. des Solutions CRM de Sage. Placez vos clients au cœur de votre entreprise

Le «Grand Dialogue» de La Poste

SIMULER ET CONCEVOIR LE TRAVAIL FUTUR

Groupe de travail 3 : Emploi, formation, compétences

La Supply Chain. vers un seul objectif... la productivité. Guy ELIEN

Transcription:

Conférences ATEMIS L'usine du futur : quel travail dans quel modèle économique? Tommaso Pardi sociologue GERPISA, ENS-Cachan Sandro De Gasparo ergonome ATEMIS ESCP - Paris, le 2 avril 2015

L'usine du futur : quel travail dans quel modèle économique? Quel travail dans l usine du futur? Activité et coopération dans la dynamique productive Sandro De Gasparo ergonome, ATEMIS ESCP - Paris, le 2 avril 2015

L avenir de l industrie Proposition : l avenir de l industrie se joue dans son rapport au service vers une «industrie au service des services» Conséquences d une telle proposition du point de vue du travail : reconsidérer le processus de production et la place du travail vivant activité la question des usages et la dynamique de la demande coopération transverse l organisation du travail et la fonction managériale coopération interne (H-V)

L évolution des formes de mobilisation du travail De nouvelles exigences productives Evolution des modes de consommation (contenu, formes personnalisation / diversification) Volatilité de la demande (temps, «modes», exigences) Instabilité et imprévisibilité des commandes (temporalité, changements ) Adaptabilité / flexibilité du procès de production De nouvelles exigences / nouveaux problèmes pour le travail Capacité à prendre en charge la variabilité de la production : «flexibilité» Capacité à s adapter / adapter le procès à la personnalisation du produit / de l offre Capacité à «gérer» la relation avec le client (de plus en plus directe et exigeante) Capacité à mobiliser et relier des savoir-faire, des compétences, des «expertises» différentes Des registres stratégiques de compétences et de ressources de l activité émergents Des compétences de régulation à des échelles de temps réduites Des compétences d innovation au plus près du procès de production Des ressources immatérielles et symboliques - savoir-faire opératoires et techniques - compétences symboliques - disponibilité psychique et relationnelle accompagnés de la question de la limite dans cette dynamique Quelles conditions pour une mobilisation durable de ces ressources? (développement vs épuisement) 4

5 Des tensions fortes dans l usine du présent De nombreux symptômes d une tension forte entre : La recherche de gain de productivité (par) des progrès techniques des économies d échelles l intensification du travail des déterminants classiques de la «productivité industrielle» conditions : - qualité stabilisée (mesurable et normalisée) - procès de production stabilisé («tâche») - contexte socio-économique stable et de nouveaux leviers de valeur par une réponse adaptée à chaque client la flexibilité de la production une offre commerciale ouverte des déterminants de productivité de la «logique servicielle» conditions : - place du travail vivant dans la production : activité relationnelle (synchronisation) stabilité / stabilisation des règles de travail engagement subjectif des travailleurs «standard» pilotage centralisé (organisation) loin du travail «sur mesure» hyper-personnalisation (client) loin du travail (et de l usage)

6 Le travail dans la dynamique industrielle (post-)taylorienne classique L «activité» : «accomplissement de la tâche dans des conditions réelles de réalisation pour obtenir les résultats souhaités» écart P/R distinction : - tâche - activité ANTICIPATION! Qualité stabilisée ex ante

Le travail dans la dynamique des nouvelles configurations productives L activité face à une double prescription : celle de l organisation prescrite (au sens de la «tâche» : le processus anticipé sur la base d un résultat stabilisé) des personnes en situation (le client / usager / bénéficiaire final, mais également le collègue, le chef ) anticipation aléa événement Demande adaptation Interprétation des intentions de la tâche (subjectivité)?? Qualité adoption Conditions subjectives, sociales, environn. Interprétation des intentions de la demande ex ante ex post «écart» quelle «innovation» «conformité» évaluation? «révélation» Résultat coproduit Demande singulière projection 7

8 La place du travail vivant dans le procès de production La production dans une logique servicielle PRODUIT bien (+ service / bien) bien / service CLIENT consommateur coproducteur d un usage PROCES DE PRODUCTION séparation [quoi] / [comment] unité quoi-comment TEMPORALITE diachronique / séquentielle synchronisation

La place du travail vivant dans le procès de production La place de l activité dans la production La dynamique de la demande dépasser la logique de la commande (indexée à une offre stabilisée) ou de l hyper-personnalisation («désir») vers une dynamique de la demande comme co-conception d un ensemble bien / service (performance d usage) La dynamique de la coopération dépasser la logique d organisation par segmentation (coordination) et séquentialisation (procédure : tâche) vers une logique de coopération permettant de prendre en charge les enjeux de synchronisation et d arbitrage du travail les enjeux liés aux externalités dans la relation avec les clients / usagers / bénéficiaires La capacité d interprétation des données et des informations (évaluation) dépasser la logique de «progrès» par spécialisation, standardisation, automatisation, numérisation (technique) vers l élaboration d un référentiel partagé créant la capacité de penser le procès productif («doctrine») Des ressources immatérielles à reconnaître et à savoir mobiliser 9

Quelles conséquences pour l organisation du travail? L exigence de repenser la nature de la prescription Un au-delà de la TACHE : un [comment] désincarné et déconnecté du [quoi], défini à distance du travail (temps et lieu) Des dispositifs (organisés) pour soutenir, accompagner et développer l activité de travail et la coopération Des dispositifs de régulation du travail réguler le couplage [quoi] / [comment] entre les différents acteurs de la (co)production du point de vue de l activité : un périmètre variable en articulant les trois formes de coopération (H, V, T) Des dispositifs de développement des ressources immatérielles de l activité Les registres de ressources immatériels la compétence dont les connaissances, les savoir-faire, la pensée (capacité à interpréter les événements) la confiance entre acteurs (d où la fiabilité des systèmes techniques, des produits, des processus, des décisions) la pertinence des organisations, des processus et des résultats aux regards des attentes / besoins La santé comme ressource (disponibilité et capacité) et comme résultat (effets de l engagement subjectif) l «entente» comme capacité à s entendre sur le sens des choses (signaux / données, informations, messages Des dispositifs de délibération et de production d une «doctrine» partagée créer des espaces ouverts pour élaborer de la «pensée» la «doctrine» comme ressource collective à la pensée de chacun : enjeu santé performance 10

11 L exigence de réinterroger des rapports (et les distinctions) au sein des organisation entre R&D INGENIERIE PRODUCTION COMMERCIAL L exigence de repenser le management pour soutenir le développement des capacités humaines dans l activité les dispositifs d évaluation fondés sur le retour d expérience du travail : comprendre les difficultés rencontrées, identifier les nouvelles solutions opératoires élaborées, accompagner les dynamiques de coopération les dispositifs de professionnalisation, de manière transversale aux qualifications, pour constituer un référentiel de travail partagé, à partir des retours d expériences et des connaissances (techniques et issues des SHS) les dispositifs d innovation, orientée par la performance d usage, prenant appui sur les progrès technologiques et sur les retours d expériences des différentes fonctions de l organisation le management : le mode de mobilisation / développement de cette ressource

12 Le rôle et l activité du management de / par la ressource «manager» anticipation «concepteur» «professionnel(s)»?? «bénéficiaire» projection

La prise en compte des usages dans la production : un levier pour l innovation? Quelles modalités de prise en compte des usages? : entre mesure des «écarts» et évaluation de nouveaux usages CONNAISSANCES => savoir pour agir > interprétation en référence à une «doctrine» INFORMATIONS DONNEES => différence entre données > intégration selon des références formelles => mesure (quantitative) Actuellement : des systèmes d information automatisées Un risque : limiter la prise en compte des usages à la mesure des écarts aux fonctionnalités attendues Modèle industriel classique : des fonctionnalités pré-établies (via la conception du bien) des dimension tangibles et mesurables la distance entre acteurs : concepteurs, relation client, usagers producteurs A construire : des dispositifs de conception, d analyse et d évaluation des usages Une opportunité : analyser et comprendre les besoins et les usages pour accompagner les innovations fonctionnelles Modèle de l économie de la fonctionnalité et de la coopération des espaces de coopération entre tous les acteurs la dimension émergente et non tangible des besoins et des leviers d innovation l ancrage territoriale de la dynamique économique 13

Des questions pour l Usine du Futur à l articulation entre modèle économique et travail dans une dynamique servicielle La nature de la relation entre coopération T et coopération H-V Autrement dit : en quoi un changement de modèle économique dans l industrie implique-t-il un changement du travail La question de l échelle A quelle échelle peut-on penser l Usine du Futur? Une échelle permettant de relier : - la capacité d expression et d analyse des besoins (et des externalités) d un point de vue collectif - la capacité de mettre en relation des acteurs : entrepreneurs, collectivités, usagers, représentants syndicaux - la capacité de penser une dynamique de changement du modèle productif de l entreprise Les enjeux politiques du débat sur l Usine du Futur la dynamique de développement économique que veut-on produire et comment veut-on le produire? la question du travail, en lien avec les sphères de la vie sociale la centralité du travail : enjeu de santé, de socialisation et de développement économique la prise en charge des enjeux politiques du travail par l entreprise par les professionnels par les autres acteurs 14