Scanner multibarrette et pancréatite aiguë : Relation entre délai de réalisation et impact diagnostique. JFR 2008 V. Picot-Anfray, C. Savoye-Collet, JN. Dacher (service de radiologie) P.Ducrotté, G. Savoye (service d hépato-gastro-entérologie)
ABREVIATIONS PA : pancréatite aiguë TDM : examen tomodensitométrique PDCI : produit de contraste iodé CRP : protéine C-Réactive
PLAN Généralités Notre étude Objectifs Matériel et méthodes Résultats Discussion Conclusion
GENERALITES
La pancréatite aiguë Affection inflammatoire aiguë du pancréas Parfois létale «Auto-digestion» du pancréas par activation prématurée des enzymes pancréatiques 2 formes principales: oedémateuse et nécrotique Concerne 0,1 à 0,2 personnes par 1000 habitants et par an en France
Les étiologies de la pancréatite aiguë Obstructive : BILIAIRE + + +, tumorale Toxique/ Médicamenteuse/ ALCOOL + + + Métabolique Infectieuse Auto-immune Traumatique Vasculaire Génétique Idiopathique
Les examens biologiques Ont trois but principaux Établir le diagnostic positif de PA devant une augmentation de la lipasémie à plus de 3 fois la normale Faire le bilan de gravité de la PA à l aide des scores clinicobiologiques spécifiques (Ranson, Imrie) et non spécifiques (CRP) Orienter l enquête étiologique vers une lithiase, une intoxication alcoolique, un obstacle cholédocien
Le scanner Examen de référence en imagerie pour la PA A faire entre 48 et 72 h du début de la PA (conférence de consensus 2001) 4 intérêts principaux Fait le bilan de gravité lésionnel Recherche une étiologie obstructive Guide le geste de ponction-drainage en cas de collection Confirme le diagnostic en cas de doute Technique: Multibarrette Multiphasique (cf diapositive suivante)
La sémiologie TDM de la PA Inflammation intra ou péri-pancréatique (stades de Balthazar) A : aspect normal du pancréas B : pancréas de taille augmentée C : infiltration de la graisse péri-pancréatique D : 1 coulée de cytostéatonécrose E : 2 coulées de cytostéatonécrose ou plus Nécrose pancréatique (évaluée en % volume) Lésions à distance (complications vasculaires etc ) Possibilité d établir un score de gravité TDM (cf diapo suivante)
Le score TDM Index de sévérité d'une pancréatite aigüe en scanner Score de Balthazar Grade A 0 point Grade B 1 point Grade C 2 points Grade D 3 points Grade E 4 points Pourcentage de nécrose Pas de nécrose 0 point Nécrose inférieure à 30% du volume du pancréas 2 points Nécrose entre 30 et 50% du volume du pancréas 4 points Nécrose supérieure à 50% du volume de la glande 6 points Score de gravité TDM: addition des deux précédents de 0 à 3 points mortalité de 3% de 4 à 6 points mortalité de 6% de 7 à 10 points mortalité de 17%
Signes TDM orientant vers une étiologie obstructive Biliaire : Calculs vésiculaires ou cholédociens Tumorale : Masse pancréatique Anomalies canalaires: Dilatation du canal pancréatique principal, signe indirect d une tumeur Atrophie du corps ou de la queue contrastant avec une tête de taille normale
Exemple 1: PA d étiologie biliaire Dilatation des voies biliaires intrahépatiques Présence d une lithiase intravésiculaire Dilatation de la VBP Présence d une lithiase biliaire enclavée dans la tête du pancréas
Exemple 2: PA d étiologie tumorale Dilatation du canal de Wirsung et d un canal secondaire. Thrombose mésentérique supérieure Masse pancréatique à la partie postérieure de la tête
NOTRE ETUDE
INTRODUCTION La conférence de consensus de 2001 sur la prise en charge de la PA a préconisé la réalisation d un TDM avec injection de PDCI entre 48 et 72 heures après le début des signes. Cet examen TDM a pour but d évaluer la gravité, de rechercher une orientation étiologique notamment lithiasique et de confirmer le diagnostic dans certains cas. Cette réalisation précoce n a pas toujours été possible et certains patients ont eu une imagerie décalée en accord avec le prescripteur.
OBJECTIF Etudier l impact du délai de réalisation du scanner sur son rendement diagnostique (gravité et étiologie) dans ce contexte de pancréatite aiguë.
MATERIEL & METHODES Sélection de cohortes et recueil de données: Sur 30 mois Recherche informatique et dossiers papiers A partir du codage informatique «pancréatite aiguë» de patients hospitalisés dans le service d hépato-gastro-entérologie Sélection de patients ayant une PA et explorés par TDM injecté (avec score de Balthazar et index de sévérité) Constitution de groupes et sous-groupes en fonction : du délai de réalisation du TDM > ou < à 10 jours et de la CRP > ou < à 150 mg/l (signe biologique de gravité)
patients codés "pancréatite aiguë" non exploitables pancréatites aiguës TDM précoces TDM tardifs CRP < 150 mg/l CRP > 150 mg/l CRP < 150 mg/l CRP > 150 mg/l
PARAMETRES TECHNIQUES DU SCANNER GE lightspeed 16 barrettes Examen réalisé sans puis avec injection de 100 ml de PDCI à 2,5 ml/sec Coupes fines chevauchées 1,25/ 0,9 mm Reconstructions multiplanaires, MIP, minmip et VR Calcul index de sévérité
RESULTATS 131 pancréatites aiguës 99 TDM précoces 32 TDM tardifs CRP < 150 mg/l CRP > 150 mg/l CRP < 150 mg/l CRP > 150 mg/l
Population générale (131 PA) Répartition en pourcentage des stades de Balthaz ar dans la population "PA" E A 18% 28% D 21% C 24% B 9% 3% 2% 10% Répartition en pourcentage des étiologies dans la population "pancréatite aiguë" 21% alcool 7% 26% 31% lithia s e mixte obstruction ia tro gène métabolique 0 16% Répartition en pourcentage du degré de né crose dans la population "PA" 4% 1% 0 < 3 0 % > 30%, < 50% > 5 0 % Ratio hommes/femmes de 2/1 Moyenne d âge de 56.9 ans Taux de mortalité de 3.8 % (5 décès) 79%
Population générale (131 PA) Répartition des CRP selon les stades de Balthazar 400 Valeur de CRP en mg/l 300 200 100 CRP 0 A B C D E Stades de Balthazar Médianes de durée d'hospitalisation de la population "pancréatite aiguë" selon le stade de Balthazar Nombre de jours 35 30 25 20 15 10 5 0 A B C D E Stades de Balthazar
Comparaison des groupes «TDM précoce» et «TDM tardif» (données générales et TDM) Age (ans) Durée d'hospitalisation (jours) CRP (mg/l) Age (ans) Durée d'hospitalisation ( jours) CRP (mg/l) Moyenne 58,2 25,3 195,8 52,8 13,1 101,9 Médiane 58 14 183 53 7 56,5 Ecart-type 15,7 47,8 127,1 12,9 22,2 112,3 Minimum 27 2 5 25 0 5 Maximum 91 421 520 85 125 349 Groupe "TDM précoce" n=99 Groupe "TDM tardif" n=32 Score TDM Score de Balthazar Score de Balthazar Degré de nécrose A B C D E A B C D E 0 19 9 24 17 5 17 3 4 3 3 <30% 0 0 3 7 9 0 0 1 0 1 30-50% 0 0 0 1 4 0 0 0 0 0 >50% 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 Groupe "TDM précoce" n=99 Groupe "TDM tardif" n=32
Comparaison des groupes «TDM précoce» et «TDM tardif» (données étiologiques) Etiologies des pancréatites aiguës du groupe "TDM précoce" 3% 9% 6% 21% 28% alcool lithiase métabolique 0 obstruction mixte 3% 30% iatrogène 25% Etiologies des pancréatites aiguës du groupe "TDM tardif" 22% 3% 13% 37% alcool lithiase métabolique 0 obstruction
Comparaison des groupes «TDM précoce» et «TDM tardif» (données étiologiques) Ainsi les patients ayant eu un TDM tardif avaient des PA moins sévères que ceux ayant été explorés précocement (p < 0.001) : Durée d hospitalisation moins longue (13 / 25 jours) CRP moins élevée (101 /196 mg/l) Score de Balthazar moins élevé et degré de nécrose plus faible Avaient des étiologies obstructives non lithiasiques tumorales plus nombreuses (p < 0.007) Ratios normalisés par étiologie des pourcentages dans les groupes "TDM précoce" et "TDM tardif" 400% 350% 300% 250% 200% 150% 100% TDM précoce TDM tardif 50% 0% alcool lithiase obstruction mixte 0 iatrogène métabolique
Comparaison des sous-groupes ajustés sur la valeur de CRP (données TDM) Stades de Balthazar en fonction de la CRP dans les groupes "TDM précoce" et "TDM tardif" Pourcentage d'effectifs 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% A B C D E Stades de Balthazar G1 CRP<150 G1 CRP>150 G2 CRP<150 G2 CRP>150
Comparaison des sous-groupes ajustés sur la valeur de CRP (données étiologiques) Etiologies selon la CRP dans les groupes "TDM précoce" et "TDM tardif" Pourcentage effectifs 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% obstruction lithiase alcool métabolique mixte iatrogène 0 Etiologies G1 CRP<150 G1 CRP>150 G2 CRP<150 G2 CRP>150
Comparaison des sous-groupes ajustés sur la valeur de CRP Pas de différence de gravité entre les sous-groupes En revanche, différences d étiologies (p< 0.05): Plus d obstructions dans les groupes «TDM tardif» quelle que soit la CRP, par rapport aux groupes «TDM précoce» PA alcooliques prédominant dans le groupe «TDM tardif, CRP > 150» PA lithiasiques prédominant dans le groupe «TDM précoce, CRP > 150»
DISCUSSION
Notre étude a permis une évaluation des pratiques professionnelles quotidiennes ( 24,4 % de scanners décalés) Elle a mis en évidence qu un TDM décalé : Objectivait des causes tumorales plus fréquentes Mais aussi était rarement réalisé en cas de PA lithiasique et Évaluait des PA moins graves.
Nous avons rencontré des difficultés de recueil des informations médicales des patients: Seulement 131 sur 258 patients initialement sélectionnés par le simple codage informatique correspondaient à des diagnostics positifs de PA avec réalisation de TDM injecté et stade de gravité exploitable Les comptes-rendus de scanner n étant pas toujours explicites (scores TDM) Notre cohorte était représentative de ce qui a été antérieurement décrit dans la littérature (âge, mortalité, nécrose, durée d hospitalisation et CRP corrélées à la gravité)
Le fait que plus d étiologies tumorales étaient retrouvées dans le groupe «TDM tardif» par rapport au groupe «TDM précoce» peut faire discuter les éléments suivants: Les PA tumorales sont peut-être moins graves, plus insidieuses La détersion des zones nécrotiques, la régression des zones inflammatoires peuvent permettre une meilleure visualisation d éventuelles petites lésions Les TDM tardifs sont souvent programmés (interprétation séniorisée) contrairement aux TDM précoces souvent réalisés en urgence
CONCLUSION
Un scanner unique décalé paraît avoir un meilleur rendement diagnostique à la recherche d une tumeur chez les patients présentant une pancréatite aiguë peu grave. De plus, cette pratique permet de limiter l irradiation en ne réalisant qu un seul examen TDM au moment le plus informatif.
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