Droit de la famille 071204 2007 QCCS 2434 COUR SUPÉRIEURE SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L HONORABLE JOCELYN VERRIER, J.C.S. JUGEMENT PRÉCISÉ DU 23 MAI 2007



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Droit de la famille 071204 2007 QCCS 2434 COUR SUPÉRIEURE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE LONGUEUIL N : 505-04-015531-064 DATE : 5 JUIN 2007 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L HONORABLE JOCELYN VERRIER, J.C.S. A -et- B c. Demandeurs C Défenderesse JUGEMENT PRÉCISÉ DU 23 MAI 2007 [1] Les demandeurs sont les grands-parents maternels d'un enfant, X, âgée de sept ans. [2] Ils présentent une requête pour fixation de droits d'accès concernant l'enfant et demandent de pouvoir prendre l'enfant avec eux, une fin de semaine sur deux, du vendredi après l'école jusqu'au dimanche soir, ainsi que trois semaines consécutives durant la période estivale de même qu'un souper à l'occasion de la fin de semaine lors de laquelle ils n'exerceront pas de droits d'accès. JV 0441

505-04-015531-064 PAGE : 2 [3] Les faits qui sont à l'origine de la requête des grands-parents maternels pour droits d'accès peuvent se résumer comme suit. LES FAITS [4] Le [...] 1999, la défenderesse donne naissance à une fille, X. Elle demeure avec son enfant chez ses parents pendant une période d'environ quinze mois. [5] Au mois de février 2001, la défenderesse quitte la résidence de ses parents pour aller vivre dans un logement avec l'enfant. [6] Au mois de mai 2002, elle retourne vivre avec X chez ses parents où elle demeure pendant une période d'environ dix-huit mois. [7] Le [ ] 2003, la défenderesse donne naissance à un autre enfant, Y et au mois de décembre de la même année, elle déménage dans un logement sis à ville A avec les deux enfants. [8] Au mois de janvier 2005, la défenderesse retourne vivre chez ses parents où elle demeure jusqu'au mois d'octobre 2005. Elle déménage alors dans un nouvel appartement avec son conjoint actuel en compagnie des deux enfants. [9] Quelques semaines plus tard, l'enfant X retourne vivre chez ses grands-parents alors que la défenderesse continue à occuper le logement dans lequel elle a emménagé avec son nouveau conjoint et son deuxième enfant, Y. [10] Le 20 septembre 2006, la défenderesse reprend la garde de sa fille X. [11] Le 13 décembre 2006, les demandeurs lui font signifier la requête pour droits d'accès dont le Tribunal est saisi. [12] Au soutien de leur requête, les grands-parents maternels allèguent que l'enfant X est demeurée à plein temps avec eux, sauf deux courtes périodes, qu'ils ont toujours pris soin de l'enfant, et ce, depuis sa naissance, qu'ils partaient en camping avec l'enfant durant la période estivale, et ce, durant trois semaines consécutives, qu'ils ont toujours payé les frais scolaires et se sont présentés aux rencontres avec les professeurs, et qu'ils ont toujours traité l'enfant X comme s'ils en étaient les parents. [13] Les demandeurs ajoutent que depuis que la défenderesse a décidé de reprendre la garde de sa fille le 20 septembre 2006, ils ont de la difficulté à parler à l'enfant X et ne peuvent plus avoir de contacts avec elle. [14] De son côté, la défenderesse conteste la requête de ses parents aux motifs, notamment, que ces derniers se considèrent et se comportent comme s'ils étaient les parents de sa fille X, qu'ils prennent trop de place dans l'éducation de l'enfant et qu'elle désire pouvoir pleinement assumer son rôle de mère.

505-04-015531-064 PAGE : 3 [15] La défenderesse ajoute que l'enfant X est agressive envers elle lorsqu'elle revient de chez ses grands-parents et que, par ailleurs, l'exercice des droits d'accès exclusivement auprès de l'enfant X est néfaste pour l'enfant Y, maintenant âgé de 4 ans, car ce dernier se sent rejeté. [16] La défenderesse est cependant d'accord pour que ses parents aient des accès auprès de l'enfant X pourvu que lesdits droits d'accès soient limités à deux journées par mois à l'occasion de fins de semaine. ANALYSE [17] L'article 33 du Code civil du Québec énonce que les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits. [18] L'article 599 C.c.Q. prévoit que les père et mère ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation. [19] Par ailleurs, l'article 611 C.c.Q. énonce que les père et mère ne peuvent, sans motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grandsparents et qu'à défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal. [20] Comme le rappelle régulièrement la jurisprudence, le droit aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents ne peut être confondu avec des droits d'accès de parents séparés, exercés à la même fréquence et régularité 1. [21] Dans Droit de la famille - 2216 2, Monsieur le juge Jean-Pierre Senécal analyse comme suit la nature des droits conférés par l'article 611 C.c.Q.: «[ ] [15] L'article 611 reconnaît le droit de l'enfant et des grands-parents d'avoir des rapports personnels mutuels. C'est d'abord un droit de l'enfant (le Code parle des «relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents») mais c'est aussi un droit des grands-parents dans la mesure où les rapports ne peuvent qu'être mutuels. [16] Ce droit doit, comme c'est toujours le cas en pareille matière, s'inscrire dans le meilleur intérêt de l'enfant. Vu le libellé de l'article 611, il est cependant présumé que les relations enfant/grands-parents sont dans le meilleur intérêt de l'enfant. Le Code pose que le maintien des relations personnelles enfant/grandsparents est la règle. Il n'a pas à être prouvé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant qu'il en soit ainsi. Cela est présumé, bien qu'une preuve contraire soit possible. Mais ce n'est que pour des «motifs graves» que le principe peut être écarté. 1 2 F.(S.) c. M.(G.), REJB 2003-46920 (C.S.). Droit de la famille-2216, EYB 1995-72408 (C.S.).

505-04-015531-064 PAGE : 4 [17] Le droit reconnu par l'article 611 s'exprime souvent sous forme de visites ou de sorties. Il est toutefois distinct des droits d'accès comme entre parents et enfant. C'est un droit autonome, un droit propre qui existe par lui-même et qui a ses particularités. Il est d'ailleurs remarquable de constater que le Code, à l'article 611, parle de «relations personnelles» dont les modalités doivent, à l'occasion, être réglées par le tribunal, non de droits d'accès, de droits de sortie ou de droits de visite. Les relations personnelles peuvent certes avoir cette forme. Mais elles peuvent aussi s'exprimer différemment: contacts téléphoniques, lettres, rencontres familiales, etc. [18] Les droits d'accès qui impliquent les parents constituent une forme d'exercice de l'autorité parentale. Ce n'est pas le cas de ceux qui sont exercés en application de l'article 611. L'autorité parentale n'appartient qu'aux parents et aux personnes désignées par la loi dans certaines situations exceptionnelles. Elle ne peut être exercée que par les parents ou les personnes désignées par les parents (suite à une délégation de leur autorité), par la loi ou par le tribunal dans certaines situations. [19] C'est un attribut de l'autorité parentale que de pouvoir faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents pour un motif grave. A l'inverse, les relations enfant/grands-parents ne constituent pas pour ces derniers l'exercice de l'un des attributs de l'autorité parentale ni un démembrement de l'autorité parentale, bien que l'interdiction faite aux parents de les empêcher sans motifs graves constitue une limite imposée à l'exercice de leur autorité. [20] C'est dire que les droits d'accès accordés à un parent non-gardien et les modalités de contacts ou de «relations» entre enfant et grands-parents ne peuvent être confondus. Et qu'il faut se méfier des expressions qui sont utilisées dans diverses situations mais qui recouvrent des réalités différentes, comme c'est ici le cas lorsque l'on utilise les mots «accès», «sorties» ou «visites». [21] Outre que la réalité juridique qui sous-tend ces termes soit différente selon qu'ils s'appliquent aux parents ou aux grands-parents, la réalité quotidienne ou «terre à terre» n'est pas non plus la même dans l'un et l'autre cas. [ ] [23] C'est que le rôle des parents et grands-parents n'est pas le même face aux enfants. Les parents doivent élever leurs enfants. Ils ont à leur égard des devoirs de garde, de surveillance et d'éducation qui nécessitent une présence quotidienne, un suivi, une implication constante. Ce rôle n'est pas celui des grands-parents. Le leur est simplement d'aimer leurs petits-enfants et de leur apporter la richesse de leur personnalité, de leur expérience, de leur affection. Ainsi que le souligne Dominique Goubau, «ils peuvent développer avec leur petit-enfant des contacts d'affection sans avoir le souci de l'éducation ou du contrôle de l'éducation».

505-04-015531-064 PAGE : 5 [24] Les droits conférés par l'article 611 C.c.Q. ne sont donc pas comparables aux droits de sortie et de visite que des parents peuvent réclamer dans le cadre d'une séparation ou d'un divorce et les contacts petits-enfants/grands-parents ne peuvent être «mesurés» à l'aune des contacts enfants/parents séparés. [25] Sauf situation exceptionnelle, comme par exemple le cas où un grand-parent a de fait exercé pendant un long laps de temps la garde et même l'autorité parentale à l'égard d'un enfant, les tribunaux n'accordent donc pas les mêmes temps de contacts en nombre et en durée à un grand-parent qu'à un parent non-gardien. Dominique Goubau s'exprime comme suit sur la question: Si le droit de séjour est la règle pour le parent non-gardien, ne devrait-il pas être l'exception lorsqu'il s'agit des grands-parents ( )? ( ) Les droits de séjour, véritables limites à l'autorité parentale, ne devraient être accordés qu'avec mesure et seulement dans les cas où la preuve révèle l'existence de liens antérieurs importants entre les grands-parents et l'enfant. [26] Il faut donc conclure que si les relations personnelles enfant/grandsparents constituent une grande richesse et ne peuvent sans motifs graves être empêchées, elles ne doivent pas non plus être confondues avec les droits d'accès que l'on retrouve chez les parents séparés ni, d'une façon générale, en avoir la même fréquence et la même étendue. [ ]» [22] Dans un arrêt prononcé le 12 décembre 2005 3, la Cour d'appel du Québec a décidé que les grands-parents ne peuvent exiger des droits d'accès au même titre qu'un parent non-gardien et prétendre avoir droit au maintien d'un système qui a prévalu à une époque antérieure, alors que les enfants étaient d'âge tendre. [23] La Cour d'appel mentionne que le rôle des grands-parents, bien qu'important, demeure toutefois, règle générale, secondaire à celui des parents à qui le légistrateur a confié en tout premier lieu le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation des enfants (article 599 C.c.Q.) et qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifie qu'on fasse exception à cette règle. [24] En l'espèce, la preuve démontre que les grands-parents maternels se sont occupés de leur petite fille X dès sa naissance et que cette dernière passait presque toutes les fins de semaine chez eux lorsque sa mère résidait ailleurs. [25] D'ailleurs, lors de son témoignage, la défenderesse a reconnu que ses parents étaient toujours là lorsqu'elle avait besoin d'eux et qu'ils l'ont beaucoup aidée. Dans ce 3 L.(M.) et J.(D.) c. H.(M.-J.), EYB 2005-98715 (C.A.)

505-04-015531-064 PAGE : 6 contexte, on ne peut reprocher aux grands-parents maternels l'attachement qu'ils ont pour leur petite fille et leur désir d'avoir le plus de contacts possible avec elle. [26] Les demandeurs ont vécu un profond déchirement lorsque la défenderesse a décidé de reprendre la garde de l'enfant au mois de septembre 2006. [27] Par ailleurs, la grand-mère maternelle a témoigné à l'effet qu'elle n'a pas voulu s'attacher à l'enfant Y de crainte de vivre un autre déchirement. [28] Après l'analyse de l'ensemble de la preuve, le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu de faire droit à la requête des demandeurs en tenant compte cependant que l'enfant X est d'âge scolaire et que les grands-parents, même s'ils ont fait preuve de beaucoup de dévouement envers leur fille et leur petite-fille au cours des dernières années, ne peuvent prétendre avoir des droits d'accès au même titre qu'un parent non-gardien comme nous l'enseigne la Cour d'appel. [29] Le Tribunal accordera donc aux demandeurs des droits d'accès toutes les deux fins de semaine à leur petite-fille X, comme l'a d'ailleurs suggéré le procureur à l'enfant lors de l'audition, soit une fin de semaine sur deux, le samedi ou le dimanche, de 9 h à 19 h, de même qu'une fin de semaine sur deux, du samedi 9 h au dimanche 19 h, ainsi qu'une semaine complète durant la période des vacances estivales pour permettre à l'enfant d'aller en camping avec ses grands-parents. [30] En ce qui concerne l'enfant Y, le Tribunal ne peut intervenir, car cet enfant ne fait pas l'objet de la requête pour droits d'accès. Le Tribunal ajoute cependant qu'il serait souhaitable que les grands-parents établissent des contacts avec cet enfant, et ce, à court terme, afin que ce dernier ne se sente pas délaissé. [31] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: [32] ACCUEILLE en partie la requête des demandeurs; [33] ACCORDE aux demandeurs des droits d'accès à leur petite-fille X deux fins de semaine par mois, selon les modalités suivantes: - Une fin de semaine sur deux, le samedi ou le dimanche, de 9 h à 19 h; - une fin de semaine sur deux, du samedi 9 h au dimanche 19 h; - une semaine complète durant la période des vacances estivales moyennant un préavis de deux semaines. [34] ORDONNE aux parties de ne plus communiquer entre elles par l'intermédiaire de l'enfant X; [35] LE TOUT, sans frais.

505-04-015531-064 PAGE : 7 Me Stéphanie Yanakis Procureure de la DEMANDERESSE Me Serge Aubé Me Alexandre Limoges Aubé, Limoges Procureurs de la DÉFENDERESSE Me Sylvain Pratte Procureur à l'enfant JOCELYN VERRIER, J.C.S. Dates d audience : 7 mars 2007 et 14 mai 2007

505-04-015531-064 PAGE : 8 LISTE DES AUTORITÉS SOUMISES PAR LES PARTIES I. LA JURISPRUDENCE L.(M.) et J.(D.) c. H.(M.-J.), EYB 2005-98715 (C.A.) Droit de la famille - 2216, EYB 1995-72408 (C.S.). L.(C.) et B.(A.) c. S.(J.), REJB 1997-01600 (C.S.) S.(Z.) c. Lefebvre, Farley, Lamoureux & Associés & al, REJB 2001-28133 (C.S.) F.(S.) c. M.(G.), REJB 2003-46920 (C.S.). II. LA DOCTRINE Suzanne GUILLET, Les droits de l'enfant à l'occasion d'un litige familial, Volume 3, Collection de droit 2006-2007, École du Barreau du Québec, EYB2006CDD47.