Fiche Prévention - E2 F 01 13 Le maçon à son poste de travail Partie 5 : Stabilisation des murs maçonnés en phase de construction La réalisation de murs en maçonnerie est une opération courante sur les chantiers du bâtiment (maisons individuelles, logements collectifs, ouvrages fonctionnels, bâtiments industriels). Cependant, chaque année, on constate le renversement de murs récemment maçonnés, suite à la poussée exercée sur leur surface, notamment par l action du vent, de chocs, ou par l appui d équipements de travail en tête de voile ou par tout autre type d effort horizontal. Cette fiche prévention expose les principales règles à mettre en œuvre afin d assurer la stabilité des murs maçonnés en phase de construction. Action du vent sur un mur L action du vent sur un mur dépend de la configuration générale de ce dernier ; elle se traduit par des surpressions et des dépressions s exerçant sur chacune des surfaces du mur. La valeur de l action du vent correspond à la résultante de tous les effets ponctuels du vent lorsqu il rencontre le mur. Elle dépend de : la vitesse du vent ; la masse volumique de l air (qui varie selon la température) ; la surface du mur ; la forme et les proportions du mur (longueur et hauteur). La composante de l action du vent suivant la direction horizontale est appelée force de traînée (voir annexe 1, page 7). Illustration réalisée par Mustang Fig. 1 Pignon en cours de renversement Conditions de stabilité d un mur au vent En théorie, un mur est autostable sous l effet du vent si les effets de la force du vent sont inférieurs à la stabilité du mur (poids du mur) (voir annexe 2, page 7). Lorsque la force du vent est supérieure au poids du mur, il y a renversement (Fig. 1). Le renversement du mur s effectue toujours selon une ligne horizontale, à une altitude où le poids du mur ne suffit plus à s opposer aux efforts horizontaux exercés (vent, choc, appui ).
Hauteurs maximales des murs maçonnés En fonction de leur géométrie, et en tenant compte d une vitesse de vent de 85 km/h (23,61 m/s), des hauteurs maximales des murs maçonnés doivent être respectées afin de garantir leur stabilité. Hypothèses : q = 34,2 dan/m 2 ; direction du vent perpendiculaire au mur ; adhérence nulle du mortier ou de la colle (liant frais) ; absence de liaison par armatures avec le support d appui du mur ou de liaison avec un mur perpendiculaire. Géométrie du mur Matériaux Masses volumiques kg/m 3 Hauteurs limites pour e * = 20 cm ** = 1,75 (max.) Briques creuses 600 0,40 m 2 1 Sol Béton cellulaire 650 0,45 m Blocs béton creux 900 0,60 m Blocs béton pleins 1 800 1,20 m = 1,30 (min.) Briques creuses 600 0,54 m 10 Béton cellulaire 650 0,60 m 1 Blocs béton creux 900 0,80 m Blocs béton pleins 1 800 1,60 m Briques creuses 600 Renversement 8 2,00 Béton cellulaire 650 Renversement Blocs béton creux 900 Renversement Blocs béton pleins 1 800 Renversement * e : épaisseur de mur. ** : coefficient de traînée (voir définition en annexe 1, page 7). 2
Vitesses limites du vent En fonction des dimensions du mur à maçonner, des vitesses limites de vent sont à considérer afin de garantir la stabilité du mur dans les conditions les plus défavorables. Hypothèses : direction du vent perpendiculaire au mur ; adhérence nulle du mortier ou de la colle (liant frais) ; absence de liaison par armatures avec le support d appui du mur ou de liaison avec un mur perpendiculaire. Dimensions du mur en mètre Matériaux Masses volumiques kg/m 3 Vitesses limites en km/h pour e = 20 cm Briques creuses 600 34 5 Béton cellulaire 650 35 Sol Blocs béton creux 900 42 = 1,75 Blocs béton pleins 1 800 59 Briques creuses 600 40 25 Béton cellulaire 650 41 Blocs béton creux 900 48 = 1,30 Blocs béton pleins 1 800 69 10 Briques creuses 600 24 5 Sol Béton cellulaire 650 25 Blocs béton creux 900 30 = 1,75 Blocs béton pleins 1 800 42 Briques creuses 600 30 8 2,00 Béton cellulaire 650 31 Blocs béton creux 900 35 Blocs béton pleins 1 800 50 3
Contreventement par la structure définitive du bâtiment De loin la plus fiable, cette solution consiste à ancrer les murs maçonnés à la structure de l ouvrage. Cela suppose que la structure de contreventement soit opérationnelle pour remplir ce rôle (structure métallique ou bois parfaitement réglée, scellée et contreventée, structure béton de résistance suffisante). Ossature métallique ou bois Le contreventement de la maçonnerie de façade est assuré par les portiques de la charpente (Fig. 2). Maçonnerie contreventée par poteau métallique Fig. 2 Élévation Le liaisonnement avec les poteaux est réalisé au fur et à mesure de l élévation, soit : par insertion de la maçonnerie dans la largeur des poteaux (Fig. 3 et 4) ; par ancrages métalliques fixés aux poteaux. Ces ancrages sont destinés à être scellés dans les joints des chaînages verticaux de la maçonnerie (Fig. 5). Ossature béton armé ou précontraint La structure porteuse de l ouvrage est assurée par les voiles et les poteaux en béton. La maçonnerie sert de remplissage en façade. Le liaisonnement avec les voiles et les poteaux est réalisé soit : par dépliage et scellement d armatures de liaison dans les joints des chaînages verticaux de la maçonnerie (Fig. 6) ; par insertion de pattes métalliques dans des rails incorporés aux voiles et aux poteaux. Fig. 5 Ancrage métallique sur poteau en bois Fig. 3 Coupe sur poteau et mur de même largeur Mustang Fig. 6 Liaisonnement par armatures Fig. 4 Coupe sur poteau et mur de largeur différente Cornières rapportées Aciers pris dans le chaînage vertical maçonné Béton Mustang 4
Liaisonnement maçonné sur poteau béton. Fig. 7 Harpage sur un mur d angle. Crochet de liaisonnement inséré dans rail métallique. Fig. 8 Harpage sur un mur de refend. Crochet de liaisonnement prêt à être déployé dans la maçonnerie. OPPBTP Ossature en maçonnerie Si l ouvrage est entièrement en maçonnerie, le contreventement des murs de façade et des murs de refend est réalisé par harpage traditionnel (Fig. 7 et Fig. 8). L efficacité de ce dispositif repose sur le fait que les angles entre les murs de façade et les murs de refend sont montés simultanément. Contreventement par des dispositifs provisoires Cette solution consiste à ancrer des éléments permettant d empêcher le basculement des murs maçonnés sous l effet du vent. Attention Les chaînages verticaux et horizontaux, dimensionnés pour la stabilité en phase définitive, ne sont pas forcément capables d assurer la stabilité des murs pour les phases provisoires, d autant plus qu ils sont en général réalisés après montage de la maçonnerie. Il est donc nécessaire d effectuer des calculs spécifiques par un bureau d études. Ces dispositifs provisoires comprennent : des raidisseurs verticaux disposés de chaque côté du mur (poutrelles bois, métalliques, bastaings) et reliés par une tige traversante, ce qui permet d assurer la répartition des efforts sur la hauteur ; des stabilisateurs (étais tirant-poussant) ou autre dispositif de maintien (Fig. 9). 5
L ancrage des stabilisateurs au niveau du sol peut être réalisé sur des lests, des planchers, des longrines ou des fondations possédant la masse et la résistance suffisantes. Un calcul est nécessaire pour déterminer la résistance de chacun des éléments faisant partie du dispositif de stabilisation. La fixation de l étai tirant-poussant au niveau du sol doit résister à l effort d arrachement et à l effort de cisaillement auxquels elle sera soumise (voir annexe 3, page 7). L effort d arrachement et l effort de cisaillement dans la fixation, déterminés par le calcul, permettent de définir les caractéristiques de la fixation à utiliser. Stabilisation d un pignon maçonné par deux étais tirantpoussant. Fig. 9 Stabilisation par raidisseur et étai tirant-poussant. Fixation au sol de l étai tirant-poussant par vis à béton. Vent V Mustang OPPBTP Définitions Maçonnerie. Ouvrage composé de pierres, blocs agglomérés de béton, briques, etc., unis par un liant (mortier, plâtre, ciment, colle, etc.). Contreventement. Système statique destiné à assurer la stabilité globale d un ouvrage vis-à-vis des effets horizontaux issus des actions sur celui-ci (vent, choc, poussées diverses). Chaînage. Ouvrage en béton armé incorporé à la maçonnerie et servant à rigidifier horizontalement ou verticalement le mur afin d éviter qu il ne s écarte sous l effet des contraintes auxquelles il est soumis (poids des planchers, de la toiture ). Harpage. Façon de faire se recouvrir les blocs de maçonnerie dans les angles d une construction. Traînée. Force qu exerce un fluide sur un objet lorsque le fluide ou l objet sont en mouvement l un par rapport à l autre. La traînée est parallèle à la trajectoire du fluide. Elle est dirigée dans le sens du fluide et elle s oppose à l avancement de l objet si celui-ci est en mouvement dans un fluide. >>> 6
>>> Pour en savoir plus Règles Neige et Vent NV 65, édition avril 2000. Modificatif n 4 (DTU P 06-002) de février 2009. Action du vent. Fiche prévention I9 F 02 11. Édition OPPBTP. Les étais tirant-poussant pour les ouvrages en béton armé. Fiche prévention E3 F10 12. Édition OPPBTP. Consultation des centres de Météo-France pour les prévisions de vent : www.meteofrance.fr. Annexe 1 Force de traînée La force de traînée T en dan est donnée par la relation : T = Ct S q est le coefficient aérodynamique de la surface, ou coefficient de traînée. Il est déterminé expérimentalement en soufflerie. Il est fourni par les règles NV 65 (Neige et Vent) et dépend de la forme et des proportions du mur (voir Fig. 1). Il n a pas d unité. S est la surface nette du mur en mètres carrés, déduction faite de la surface des ouvertures. q est la pression dynamique du vent en dan/m 2. Elle est donnée par la formule : q = ½ ρ V 2 où ρ est la masse volumique de l air en kg/m 3 et V la vitesse du vent en m/s. La masse volumique de l air dépend de trois facteurs : sa température, son taux d humidité et sa pression atmosphérique. Pour de l air sec à 15 C sous une pression de 1 013 hectopascals, ρ = 1,225 kg/m 3, soit : q = V 2 /16,3 Pour de plus amples renseignements sur les effets du vent sur une paroi, se reporter à la fiche prévention OPPBTP I9 F 02 11 : «Action du vent». Annexe 2 Stabilité au vent d un mur Un mur est autostable sous l effet du vent si le moment de stabilité engendré par son poids est supérieur au moment de renversement engendré par le vent. Hypothèses mur sans ouvertures, indéformable, reposant sur le sol de manière uniformément répartie et non liaisonné mécaniquement à une structure de contreventement ; action du vent uniformément répartie sur la surface du mur ; adhérence du mortier ou de la colle non prise en compte. P = poids du mur h = hauteur du mur en m l = longueur du mur en m e = épaisseur du mur en m ω = masse volumique du mur en kg/m 3 Soit : P = h l e ω Moment de stabilité engendré par le poids du mur : Mstab = P e/2 Mstab = h l e 2 /2 ω Moment de renversement engendré par l action du vent : Mrenv = T h/2 Condition de stabilité du mur : Mstab > Mrenv, soit : e 2 ω > h q Lorsque cette inégalité n est pas respectée, il y a renversement du mur. h e l P T Annexe 3 Efforts exercés sur la fixation d un étai tirant-poussant Exemple : mur de 3 mètres de hauteur et de 6 mètres de long, vitesse du vent de 85 km/h q = V 2 /16,3 q = 34,2 dan/m 2 T = S q T = 1,75 3 6 34,2 T = 1077 dan Supposons deux étais tirant-poussant inclinés à 45, l effort de traction ou de compression dans chaque étai sera de : F = 1077 1,414/2 = 761 dan En cas de traction dans l étai tirant-poussant et de fixation au sol par cheville et/ou vis, l effort d arrachement F v et l effort de cisaillement F h dans la fixation seront tous deux égaux à : F v = F h = 761/1,414 = 538 dan Vent V F v T : effort du vent sur le mur F v : effort d arrachement au niveau de la fixation de l étai F h : effort de cisaillement au niveau de la fixation de l étai F T F h 45 OPPBTP 25, avenue du Général Leclerc - 92660 Boulogne-Billancourt Cedex - 01 46 09 27 00 - www.preventionbtp.fr 7