HISTOIRE DES SCIENCES, GUERRE ET DÉVELOPPEMENT 1 er cours Luc Mampaey PhD Maître de conférence à l'université libre de Bruxelles (ULB) Directeur du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) www.grip.org lmampaey@ulb.ac.be http://homepages.ulb.ac.be/~lmampaey/ Cours 1 / 1
Objectif général du cours Donner des clés d'analyse sur l évolution au cours de l histoire des rapports de la communauté scientifique au politique, à l économique et au militaire. Mettre en perspective des aspects essentiels des disciplines que vous étudiez. Envisagez la science dans le rôle qu elle joue dans nos sociétés. Comprendre pourquoi les sciences ont toujours été intrinsèquement liées aux affaires militaires Susciter une réflexion sur les relations qui ont existé / qui existent entre les conflits et le développement, le progrès scientifique, l accumulation de nouvelles connaissances et techniques. Le cours abordera la constitution des savoirs, leur contribution à l accroissement de l efficacité de la violence et des guerres, ainsi que la responsabilité et le devoir de discernement et de vigilance des scientifiques. Cours 1 / 2
Cours 1 et 2 Dépenses militaires, production et transferts d armements : quelques chiffres et ordres de grandeur Les sources (SIPRI, CRS, PNUD, ) Dépenses militaires mondiales et comparaisons Les principaux producteurs d armes Les principaux exportateurs et importateurs d armes Science et guerre de l Antiquité à la Seconde Guerre mondiale Démystification de l image d une science par définition pure, morale, désintéressée et abstraite des cadres sociaux et culturels des temps qu elle traverse. Mobilisation de l histoire afin de décrire l évolution du phénomène guerrier en tant que phénomène social évoluant en phase avec les autres activités sociales, dont les sciences. Approche institutionnaliste : compréhension de l interaction dynamique entre sciences et institutions. Cours 1 / 3
Cours 3 à 5 Émergence et enracinement du «système industriel-militaro-sécuritaire» Instrumentalisation radicale des sciences au service de la guerre Évolution de la production des connaissances scientifiques d un statut d activité culturelle à celui d activité techno-industrielle dédiée à un modèle politique et économique donné L exemple des Etats-Unis: en quoi est-il emblématique? Effets de ponction et d éviction de l activité militaire sur l innovation civile Rôle des institutions et de la finance dans le processus de promotion, d appropriation et de contrôle des innovations technologiques au bénéfice des intérêts établis. De l innovation de «défense» ou «militaire», au concept plus large de «sécurité»: quels enjeux contemporains? Cours 1 / 4
Cours 6 Perception contemporaine du processus d appropriation des sciences par le militaire Par l opinion publique Par les scientifiques Réflexion sur la responsabilité et le devoir de discernement, de vigilance et d alerte des scientifiques. Quelques mobilisations de scientifiques à connaître et à soutenir Cours 1 / 5
Quelques précisions préliminaires Sciences, Techniques, Techno-sciences, Etats, Armées Vision contemporaine selon laquelle la technique dépend de la science, selon laquelle la technique n est qu une science appliquée Apport de l histoire: le recours à la science n a pas toujours été nécessaire, ni même le recours conscient aux techniques La technique possède ses dynamiques et structures propres Le développement technique sophistiqué a longtemps été fondé sur un savoir-faire plutôt que sur un savoir, sur un art plutôt que sur une science : ceci est vrai jusqu à une période récente Refus des dilemmes manichéens, des jugements radicaux Pas de bonne et de mauvaise science, mais peut-être un bon ou un mauvais usage Importance des valeurs morales que l on entend défendre Cours 1 / 6
Se méfier d une vision téléologique du progrès, vers une finalité, dans le sens de l histoire Privilégier une approche prenant en compte la dimension dialectique et cumulative de la science Intérêt des institutionnalistes : adoptent une approche évolutionniste pour l étude des rapports sociaux; cette approche est historique et holistique, analyse des processus sociaux en perpétuelle évolution, étudie l interaction dynamique entre technologies et institutions. Nous reviendrons plus longuement sur la manière dont les économistes institutionnalistes abordent la question des connaissances technologiques selon un processus de causalité cumulative : L accumulation des connaissances technologiques est un facteur de transformation des structures économiques, sociales et culturelles des sociétés (les institutions), Mais le système institutionnel a aussi, à son tour, un impact sur le processus d accumulation des connaissances technologiques et la manière dont en sont répartis les produits, Lourdes conséquences de la militarisation des systèmes nationaux d innovation Cours 1 / 7
La «défense» et la «production d armement» : de quoi parlons-nous? Quelques chiffres pour mieux appréhender le poids économique et financier de la «défense» Connaître les principales sources, Et comprendre leurs méthodologies : Le SIPRI, Stockholm International Peace Research Institute Le CRS, Congressional Research Service «World Military Expenditures and Arms Transfers» (WMEAT, U.S. Department of State) Le PNUD, SAS, Defense News, Cours 1 / 8
Les dépenses militaires mondiales En milliards USD, aux prix et taux de change de 2011 Source : SIPRI/GRIP) 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1200 1100 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 rupture statistique UE 12 Reste du monde États-Unis Union européenne UE 15 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 UE 25 UE 27 UE 28 Cours 1 / 9
Dépenses militaires mondiales, par régions, 2005-2014 En milliards de dollars, aux prix et taux de change de 2011 Source : SIPRI/GRIP Cours 1 / 10
Dépenses militaires mondiales, par régions, 2005-2014 En milliards de dollars, aux prix et taux de change de 2011 Source : SIPRI/GRIP Cours 1 / 11
Les dépenses militaires des 15 pays les plus dépensiers en 2014 En milliards USD, aux prix courants de 2014 Source: Dépenses militaires : SIPRI ; Population : UNFPA, Eurostat et Banque mondiale ; PIB : FMI, Eurostat et Banque mondiale. Cours 1 / 12
Population, PIB et dépenses militaires des pays membres et candidats de l'union européenne, et des États-Unis, en 2014 Sources : Dépenses militaires : SIPRI ; Population : Eurostat (sauf États-Unis : US Census) ; PIB : Eurostat (sauf Montenegro et Turquie : Banque mondiale) ; Taux de change : Eurostat. Souligné = chiffre provisoire ou estimé Cours 1 / 13
TOP 10 - World's leading armament companies in 2014 Source : Defense News Cours 1 / 14
TOP 100 - World's leading armament companies 1998-2014 Source : Defense News Cours 1 / 15
Transferts internationaux d'armements conventionnels TIV 1950-2014 Source : SIPRI/GRIP Cours 1 / 16
Transferts internationaux d'armements conventionnels, Union européenne, États-Unis et Russie, en % du total mondial, 2005-2014 Source : SIPRI/GRIP Cours 1 / 17
Les 10 plus grands exportateurs et importateurs d'armements conventionnels, totaux de la décennie 2005-2014, TIV Source : SIPRI/GRIP Cours 1 / 18
Les exportations d'armements conventionnels de l UE, 2011-2013 Source : COARM/GRIP Cours 1 / 19
Et quelques comparaisons Les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) (adoptés lors du Sommet du Millénaire, du 6 au 8 septembre 2000, au Siège des Nations Unies à New York) Objectif 1 Réduire l extrême pauvreté et la faim (Réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et qui souffre de la faim) Coût : $39 - $54 milliards = 2,2% - 3,1% des dépenses militaires mondiales Objectif 2 et 3 : Assurer l éducation primaire pour tous et promouvoir l égalité des sexes et l autonomisation des femmes (donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d achever un cycle complet d études primaires) Coût : $10 - $30 milliards = 0,6% - 1,7% des dépenses militaires mondiales Cours 1 / 20
Objectif 4, 5 et 6 : Réduire la mortalité infantile et post-infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/sida (Réduire de 3/4 le taux de mortalité maternelle, réduire de 2/3 le taux de mortalité infantile des enfants de moins de 5 ans) Coût : $20 - $25 milliards = 1,2% - 1,4% des dépenses militaires mondiales Objectif 7 : Préserver l environnement (Réduire de moitié, d ici à 2015, le pourcentage de la population qui n a pas accès à un approvisionnement en eau potable, améliorer sensiblement, d ici à 2020, les conditions de vie de 100 millions d habitants des taudis) Coût : $5 - $21 milliards = 0,3% - 1,2% des dépenses militaires mondiales Conclusion : moins de 10% des dépenses militaires mondiales d une seule année permettraient d atteindre la quasi totalité des objectifs que la communauté internationale s était engagée à atteindre d ici à 2015. Cours 1 / 21
Un dernier chiffre Les 1 762 milliards de dollars dépensés en 1 an à des fins militaires permettraient de financer le budget annuel ordinaire des Nations unies pendant plus de 600 ans Budget ordinaire des Nations unies (hors fonds et programmes tels que PNUD, HCR, UNICEF, ) : Exercice biennal 2012-2013 : 5,15 milliards USD Arriérés de contributions : 867 millions USD (au 5/10/2011) Opérations de maintien de la paix Crédits ouverts du 1 er juillet 2011 au 30 juin 2012 : plus de 7 milliards USD Arriérés de contributions : 3,3 milliards USD (au 5/10/2011) Source : http://www.un.org/french/aboutun/budget/ Cours 1 / 22
Sciences, techniques et guerres : une très longue histoire commune Les miroirs ardents d Archimède, siège de Syracuse (212 BC) Contesté par Descartes (1596-1650), confirmé par le M.I.T. en 2005 Cours 1 / 23
Prochain cours Sciences, techniques et guerres : une très longue histoire commune Les ingénieurs de la Renaissance, l art de la guerre et les mathématiciens Charnière 17è-18è siècles : Institutionnalisation des rapports entre la science et les scientifiques, et l Etat. Transformation des «régimes de production des savoirs» : du début du 19è siècle à la Première guerre mondiale. Aux Etats-Unis: une trajectoire différente, mais une institutionnalisation et un rôle de l Etat non moins affirmés. Cours 1 / 24
Références: Patrice Bret, L'État, l'armée, la science. L'invention de la recherche publique en France (1763-1830), Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2002, 406 p. Amy Dahan et Dominique Pestre (sous la dir. de), Les sciences pour la guerre (1940-1960), Editions de l Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Paris, 2004, 402 p. Dominique Pestre, À contre-science Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, éditions du Seuil, Paris, 2013. Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, La Découverte, collection «Repères», Paris, 2006, 122 pages. Daniel Iagolnitzer et al. (sous la dir. de), La science et la guerre. La responsabilité des scientifiques, L Harmattan, Paris, 2006, 268 p. Jean-Jacques Salomon, Les Scientifiques - entre pouvoir et savoir, Albin Michel, Paris, 2006. Jean-Jacques Salomon, Le scientifique et le guerrier, Débats Belin, Paris, 2001. La science et la guerre. 400 ans d histoire partagée, La Recherche, hors-série, n 7, avril 2002. Cours 1 / 25