NOTE SEPTEMBRE 2013 Projet de loi portant reconnaissance et développement de l économie sociale et solidaire Audition de l AdCF par M. Marc Daunis, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques du Sénat. Marc Daunis, rapporteur pour le Sénat du projet de loi relatif à l économie sociale et solidaire, a auditionné jeudi 5 septembre 2013 des représentants de l Association des Régions de France (ARF) et de l Assemblée des communautés de France (AdCF). Rédigée sous forme de réponses au questionnaire transmis par la commission des affaires économiques du Sénat, cette contribution écrite recueille les observations de Loïc Cauret, président de la commission Développement économique et emploi de l AdCF, président de Lamballe Communauté et de Jean-Marc Nicolle, membre du conseil d orientation de l AdCF, vice-président de la communauté d agglomération du Val de Bièvre. contraire contribuer pleinement à la création de richesses et d activités. COLLECTIVITES TERRITORIALES ET ESS 1. Quelle est votre vision générale de l économie sociale et solidaire et du rôle que doivent jouer les collectivités territoriales? Dans certains territoires, les principaux employeurs sont les acteurs du mouvement coopératif. Dans le cadre de ses propositions remises au Gouvernement en juillet 2012, l AdCF avait plaidé pour le développement de l économie sociale et solidaire dans les activités d utilité publique (environnement, cohésion sociale, gestion des mobilités ) et les secteurs émergents (EnR, rénovation thermique ). L AdCF avait également préconisé d encourager la création de sociétés coopératives d intérêt collectif (SCIC) dans des secteurs émergents (emplois verts, EnR, circuits courts ). L économie sociale et solidaire n est pas exclusivement une économie associative, c est aussi une économie partenariale : public-privé, les collectivités locales pouvant y être directement parties prenantes. Citons l exemple des secteurs de la gestion des déchets et de l énergie (le champ de l économie circulaire ayant été largement investi dans les acteurs de l ESS). Le développement de l économie sociale et solidaire dans les territoires demande de mettre en place des réseaux, du point de vue de la connaissance des acteurs et de celui du dialogue social à retrouver dans les territoires, car c est un élément de la gestion prévisionnelle de l emploi et des compétences dans nos territoires. Ces démarches impliquent nécessairement une professionnalisation des acteurs du développement économique territorial. Compétentes pour l appui au développement économique local, les intercommunalités gagnent à davantage travailler l actionnariat que d intervenir systématiquement sous forme de subventions. L AdCF est signataire de la charte d engagement du réseau des territoires pour l économie solidaire (RTES), charte signée par les principales associations de collectivités locales (AMF, AdCF, ADF, ARF, AMGVF) le 5 mars 2013 au Sénat en présence de Benoît Hamon, Ministre délégué à l Economie sociale et solidaire et à la consommation, et du sénateur Marc Daunis. L économie sociale et solidaire fait partie intégrante de l économie productive. Elle ne doit pas être le supplément d âme du développement économique ou n être cantonnée qu au secteur de l économie des services à la personne. Elle ne doit pas non plus être une alternative pour le «sauvetage» des économies locales mais doit au Assemblée des Communautés de France 1/1
Comment doit notamment s articuler l action des collectivités territoriales avec celle des chambres régionales de l ESS? Le projet de loi entend mieux structurer les instances qui, au niveau régional et national, concourent au dialogue et à la concertation avec les autorités publiques. Tel est le cas, en particulier au niveau régional où les grandes familles de l ESS se sont d ores et déjà auto-organisées pour coordonner leurs actions et leur présence dans les territoires en créant les chambres régionales de l Economie sociale et solidaire sous une forme de nature associative. Ces CRESS qui existent dans chaque région sont à l heure actuelle de niveau inégal et assurent, là aussi avec de fortes disparités, un certain nombre de fonctions au profit des acteurs de l ESS eux-mêmes, mais aussi en tant qu instances de représentation des différents acteurs de l ESS vis-à-vis des autorités publiques régionales. Si certains ont pu revendiquer que de par la loi, ces structures associatives légères soient érigées en chambres consulaires comparables à celles existant par ailleurs pour les entreprises classiques, le choix qui a été fait a été de ne pas aller dans cette voie. Cela aurait conduit à transformer les structures actuelles en établissements publics administratifs. Après expertise, cette formule n a pas été retenue car elle aurait été inutilement lourde, contraignante et coûteuse compte tenu des finalités recherchées. L AdCF estime que c est un choix de bon sens. L AdCF n entend pas prescrire une solution unique en matière d organisation des cadres de dialogue entre le monde économique et les collectivités locales, ayant constaté une grande diversité de pratiques selon les territoires : contractualisation avec les milieux consulaires, comités de bassins d emploi, clubs et réseaux informels d entreprises, etc. Les PTCE sont des démarches intéressantes pour nouer des partenariats concrets au delà de la seule représentation institutionnelle des acteurs (cf. question suivante). LES POLITIQUES TERRITORIALES 2. Article 5 : quelle est votre expérience des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et quelle est votre appréciation des modalités de leur inscription dans la loi? NB : Cécile Duflot, ministre du logement et de l égalité des territoires, et Benoit Hamon, ministre délégué à l économie sociale et solidaire ont lancé le 15 juillet 2013 un appel à projet pour soutenir de nouvelles formes de coopération économique. Avec cet appel à projets, doté d une enveloppe de 3 millions d euros, l Etat reprend a son compte les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Ce concept avait été initié en 2011 par le Labo de l ESS, le réseau des collectivités Territoriales pour l Economie Solidaire (RTES), le Conseil National des Chambres Régionales de l Economie Sociale et Solidaire (CNCRES), COORACE et le Mouvement pour l Economie Solidaire MES. L objectif des PTCE est de favoriser la coopération entre des entreprises de l économie sociale et solidaire, des entreprises commerciales, des collectivités locales, des centres de recherche ou des organismes de formation, à travers la mutualisation de locaux, de services et de compétences. A ce jour, le Labo de l ESS reconnaît une vingtaine de PTCE. Les PTCE sont définis dans le projet de loi comme suit : «Les pôles territoriaux de coopération économique sont constitués par le regroupement sur un même territoire d'entreprises de l économie sociale et solidaire ( ), qui s associent à des entreprises, et le cas échéant à des collectivités locales, des centres de recherche et des organismes de formation pour mettre en œuvre une stratégie commune et continue de mutualisation au service de projets économiques innovants socialement et porteurs d'un développement local durable.» Certaines collectivités locales dont les intercommunalités sont directement impliquées dans ces démarches de PTCE : citons par exemple la communauté d agglomération du Pays de Romans avec le Pôle Sud Archer ou le PTCE Sud Aquitaine. On peut donc s interroger sur les raisons qui conduisent à minimiser le rôle des collectivités locales après l avant-projet de loi en Conseil d Etat par l ajout des mots «le cas échéant». L AdCF suggère une proposition d amendement en insérant au tout début de la définition des PTCE la mention «En lien avec les collectivités locales ( )». Pour l AdCF, il convient d aller au delà des simples démarches de labellisations en inscrivant pleinement ces initiatives dans les stratégies locales et régionales de développement économique (nouvelle génération de Schémas régionaux de développement économique et d innovation). L AdCF recommande à cet égard une forte complémentarité entre les politiques régionales de Clusters et les actions des intercommunalités (agglomérations en tête) en faveur de l appui des réseaux d entreprises. Les PTCE gagneraient ainsi à intégrer l écosystème des pôles de compétitivité et l ensemble des démarches de réseaux d entreprises («Clusters»). Si ces dynamiques coopératives peuvent être accompagnées dans un cadre régional, elles doivent nécessairement bénéficier d une animation économique et de services support à l échelle des bassins d emploi. Les premières expériences de PTCE démontrent que c est à cette échelle que les problématiques de gestion prévisionnelle et territorialisée de l emploi et des compétences sont abordées. Assemblée des Communautés de France 2/2
3. Avez-vous un retour de la part des collectivités d Île-de-France sur la possibilité, pour les contrats de développement territorial, de prendre en compte de l ESS comme l indique ces articles? La prise en compte de l ESS dans les documents de contractualisation Etat-Collectivités aurait du sens dans la mesure où les actions programmées permettent de décliner et de territorialiser les stratégies régionales de développement économique (SRDE). En Île-de-France, le cadre des CDT de la loi Grand Paris (article 6) renvoient à un cadre législatif spécifique (loi du Grand Paris de 2010). Ces CDT comportent un volet développement économique et permettent de fédérer les acteurs publics (intercommunalités en tête) autour de projets structurants. Cette contractualisation dynamique ne saurait se réduire à la seule région capitale. LA COMMANDE PUBLIQUE ET LES SUBVENTIONS 4. Quelle est votre expérience de l insertion de clauses sociales dans les marchés publics? Quel sera l apport du schéma de promotion des achats publics socialement responsables prévu par l article 9? NB : L article 9 prévoit qu au-delà d un montant annuel d achats fixé par décret, tout acheteur public, y compris les collectivités territoriales, devra mettre en place un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, permettant d encourager le recours aux clauses dites «sociales» permises par l article 14 du code des marchés publics. Ces schémas devront en effet déterminer des objectifs annuels à atteindre en matière de marchés intégrant ces clauses sociales, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi de ces objectifs. Ce schéma s inspire de la stratégie mise en œuvre pour le Gouvernement pour l ensemble des achats de l État. Souvent évoquée, la voie des clauses d insertion dans les marchés publics a pu être observée dans nombre de territoires désirant favoriser «l inclusion sociale». Jusqu ici, l objectif (et non l obligation) de consacrer 10% de la commande publique à l insertion est encore loin d être atteint. Selon les données de l'observatoire économique de l'achat public en 2010, les clauses sociales concernaient à peine 2,84% des marches publics passés par les collectivités locales, part qui reste malgré tout supérieure à celle observée dans les marches publics passé par les services de l Etat (1,29%). Certaines agglomérations (à l instar du Grand Lyon) se situent malgré tout au delà du seuil des 10%. Par ailleurs, ont été menées de nombreuses expérimentations sur des chantiers d insertion à destination des jeunes, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des Programmes Locaux de l Habitat (partenariats communautés d agglomération/structures IAE, bailleurs sociaux). Avec le projet de loi Hamon, on peut espérer une sensibilisation accrue des pouvoirs adjudicateurs et une progression significative des achats publics responsables. En revanche, comme le RTES le souligne dans sa position sur le projet de loi, la restriction aux «éléments à caractère social visant à concourir à l intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés et défavorisés» est peu cohérente, notamment avec l agrément d entreprises d utilité sociale. Ne peut-on plutôt faire référence en terme d objectifs à cette utilité sociale, ou au mieux-disant social et environnemental? (en précisant éventuellement dans le cadre du respect de la règlementation européenne), comme le suggère le RTES. Assemblée des Communautés de France 3/3
5. La définition de la subvention (article 10) pourrat-elle amener les collectivités à recourir aux subventions dans une meilleure sécurité juridique? A l instar du RTES, on peut estimer que l existence d une définition légale de la subvention, apportée à l article 10 du projet de loi, devrait permettre de sécuriser les services juridiques des collectivités locales, et donc de freiner le recours aux appels d offres. Si l AdCF défend la pluralité des modes d intervention des collectivités locales en matière de développement économique, elle reste néanmoins vigilente sur les risques de gestion de fait quand des projets subventionnés sont également impulsés par les collectivités locales. Certains secteurs d activités, particulièrement investis par l intercommunalité en milieu rural, comme le portage de repas à domicile. Ces services d utilité sociale s adressent davantage à des habitants qu à des «clients». On peut s intérroger sur la pertinence d un recours systématique à une procédure d appel d offres pour assurer ce type de service. NB : Le RTES a souhaité attirer l attention de l AdCF sur un des éléments de cette définition qui peut susciter une réserve : «Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires». Cette mention laisse en effet peu de place aux démarches de coconstruction entre acteurs et collectivités. Le RTES suggère à ce titre d inscrire la notion «d appel à initiatives». Cet appel à initiatives semble une piste intéressante pour donner un cadre aux pratiques dans les territoires associant collectivités et acteurs de l ESS afin d identifier ensemble des besoins mal satisfaits. Ces pratiques existent, dans des démarches de réelle co-construction, la référence à un appel à initiatives, basé sur l élaboration d un diagnostic partagé et la détermination d éléments génériques d évaluation des projets présentés, est un élément important pour sécuriser ces démarches et peut éviter un recours systématique aux marchés publics. Cette notion devra néanmoins faire l objet d une analyse par les services de l Etat (DGCL) afin de déterminer sa validité juridique. COOPERATIVES ET COLLECTIVITES TERRITORIALES 6. Quel est l impact, pour les collectivités que vous représentez, des dispositions qui accroissent la possibilité pour les collectivités de travailler avec les coopératives (en particulier l augmentation à 50 % de la part de capital d une SCIC que peuvent détenir les collectivités et leurs groupements)? L AdCF est très prudente sur ce point. Si certaines activités comme les énergies renouvelables (parcs éoliens coopératifs comme en Allemagne) gagnent à bénéficier d un impulsion forte des collectivités, du moins au démarrage, celles-ci n ont pas vocation à être actionnaires majoritaires au sein des SCIC. Par rapport aux règles de fonctionnement des sociétés d économies mixte locales, on rappellera que les collectivités territoriales doivent détenir au moins 50 % et au plus 80 % du capital et corrélativement contrôler ces sociétés. Les SCIC apparaissent comme des entités intervenant dans un champ d intérêt général, avec le cas échéant des participations publiques significatives, sans aller jusqu au contrôle. De ce point de vue, une forme de complémentarité d instruments est ainsi ouverte aux collectivités territoriales. D autres secteurs d activités du champ des déchets comme la ressourcerie sont aujourd hui fortement accompagnés par les collectivités locales (parfois même en régie). Pourtant, on constate encore très peu d expériences de SCIC dans le secteur de la ressourcerie, 94% des structures étant des associations (principalement en raison du nombre important d emplois aidés parmi les salariés), selon les données de 2012 du réseau des ressourceries (plus de 80% d entre-elles développent des relations contractualisées avec les collectivités locales). La seule expérience recensée à ce jour par le RTES de SCIC dans ce domaine est celle SCIC C3R (Collecte, Réemploi et Recyclage en Roannais) portée par l agglomération du Roannais. La ressourcerie constitue pourtant un secteur porteur où l actionnariat des collectivités locales dans le cadre de SCIC aurait du sens. NB : En 2012, on a recensé en France entre 250 et 300 SCIC. Au cours de la période 2008-2012, 37 % des créations de Scic sont issues de transformations d associations ou de coopératives. Et, depuis la création des SCIC jusqu en 2011, le nombre de créations s est élevé en moyenne à près de 29 SCIC nouvelles par an. 40 % des 300 SCIC existantes ont une ou plusieurs collectivités locales à leur capital. Une majorité de collectivités locales sembleraient donc encore «frileuses» pour monter au capital des SCIC. Assemblée des Communautés de France 4/4
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