MARCHE PETROLIER : Un nouveau monde? La réunion de tous les dangers La réunion de l OPEP du 27 novembre dernier qui s est tenue à Vienne a été évènement majeur. Dans son communiqué final, l OPEP reconnait que les marchés pétroliers sont en surcapacité, avec notamment une croissance de l offre de la part des pays non-opep. Ainsi, sur les dix dernières années, 87% de la croissance de la production globale de pétrole a trouvé sa source aux Etats-Unis et au Canada. L OPEP a décidé de maintenir une production de 30 Mb/j, plafond fixé en décembre 2011. Selon Ali al-naimi, le ministre du pétrole saoudien, ce n est qu une question d offre et de demande. Aux prix de s équilibrer. C est ce qu ils ont fait : Nous avons assisté à une véritable liquidation, le baril de Brent perdant 8$ entre le 26/11 et la fin du mois. Au total, le baril a perdu 17.6% au mois de novembre. Cette liquidation est probablement excessive. Le niveau de surproduction actuel, de 0.5 à 1.5Mb/j, est à relativiser à une production mondiale de plus de 90.3Mb/j (niveau de production mondiale de brut en 2013, source AIE), ce qui ne représente que 1.6% seulement. Un hiver un peu plus froid qu anticipé, un problème technique sur un centre de production, ou une crise géopolitique peuvent contrebalancer ces précaires équilibres. De plus, un prix de baril à ces niveaux va favoriser la consommation. Même si la demande d énergie n est pas très élastique au prix, de nouveaux arbitrages peuvent se déployer à la faveur du pétrole, et contre les autres sources d énergies. Le royaume saoudien s est déclaré prêt à ajuster sa production sous conditions que d autres pays n appartenant pas à l OPEP, comme la Russie, le Venezuela, se soumettent aussi à des réductions de production. Par ailleurs, il souhaite un strict respect des quotas de la part des membres de l Organisation, comme des autres producteurs. N oublions pas que la priorité des Saoudiens est la valorisation de leur patrimoine à long terme : leurs réserves. Leurs seules préoccupations est de maintenir une part de marché et une place toujours majeure pour l or noir au sein du complexe énergétique mondial. Des aspects politiques sous-jacents Nous évoquions un scénario d association politique entre les Etats-Unis et les Saoudiens pour «mettre au pas» Russes, Iraniens et EI. Et déjà les premiers effets se font sentir, la Russie perd plus de 100 milliards $ par an avec la baisse de ses recettes pétrolières : ne
pousserait-on pas le peuple russe à se retourner contre son leader, lui qui promettait un pouvoir d achat en croissance pour sa population? Avec l ajustement budgétaire que la Russie va devoir opérer et le retour de l inflation avec la chute du rouble (-16% en novembre et -51% depuis fin juin 2014), le scénario semble bien compromis, et la récession guette le pays. Ces évènements profitent aux Américains, qui font ainsi pression sur la Russie dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Les négociations sur le nucléaire iranien n ayant pas abouti, là encore le moyen de pression de l Arabie Saoudite est tout désigné. Mais la résolution pourrait être une fois de plus politique : - La Russie, acculée par un risque de récession et donc d instabilité interne en plein hiver, pourrait revoir ses plans stratégiques envers l Ukraine et revenir à une politique extérieure beaucoup moins agressive. Elle s accorderait avec l OPEP pour réduire de concert leurs quotas de production de brut. - L Iran, dont le budget est largement entamé par la baisse de ses revenus pétroliers, pourrait revenir à la table de négociations sur le traité du nucléaire avec une vue plus conciliante. Les récents progrès sont prometteurs. - Les Américains sont ravis de cette situation, qui contraint nombre de ces pays belliqueux à courber l échine, et être moins agressifs sur la scène internationale. Leurs interventions militaires s en trouvent limitées et leurs dépenses budgétaires pour le poste «Interventions militaires externes» tout autant. Le nerf de la guerre : les données économiques Le consommateur américain est un des grands gagnants de la baisse du prix du gallon, qui injecte directement du pouvoir d achat dans la machine à consommer américaine. Selon le Wall Street Journal, pour un dollar de baisse du prix du gallon, c est près de 40 milliards de dollars qui sont injectés dans la consommation américaine (voir ci-dessous l évolution sur un an du prix du galon en $ sur un an).
Du côté des entreprises, les estimations porteraient sur près de 30 milliards de dollars d économies réalisées, avec notamment une baisse des coûts du transport et de production. Toutefois, si les niveaux du baril restaient durablement à 70$ ou moins, certains pans de l industrie américaine pourraient voir s éroder une partie de leurs avantages compétitifs. La part énergie dans le prix du produit fini devenant moins discriminante, tous les compétiteurs ayant des prix d approvisionnement équivalents. Quelle suite? La prochaine réunion de l OPEP n est pas programmée avant le mois de juin 2015, sauf évènement exceptionnel. La pression sur les producteurs de brut risque de se faire sentir. Cette baisse remet en cause beaucoup des investissements programmés de longue date sur de nombreux projets à travers le monde, aidés par un prix du baril évoluant autour de 100$. Ce marché, très sujet à des cycles marqués et décalés, est par «essence» en déséquilibre quasi-permanent. Les phases d investissements engendrent des années de surproduction, qui font baisser les prix à terme. Cette baisse amène à un état d offre trop faible, car les investissements ralentissent. Mais, la demande repart à nouveau, du fait des prix faibles Nous pourrions entrer dans une phase où avec la baisse des prix, les investissements diminuant, la production ne pourrait pas faire face à une demande en constante augmentation. L Agence Internationale de l Energie ne s y est pas trompée. Dès le début du mois de novembre, et anticipant peut être la décision de l OPEP du 27 novembre dernier, l AIE écrivait dans son opus annuel sur les perspectives énergétiques mondiales («World Energy Outlook 2014») de ne pas se fier aux apparences d une production abondante. Selon ses prévisions, la consommation de pétrole va continuer à augmenter, passant de 90 Mb/j en 2013 à 104 Mb/j en 2040. Et ce, même si le rythme de croissance va ralentir progressivement, y compris en Chine. En 2040, l AIE prévoit que les usages du pétrole seront concentrés à 75 % dans deux secteurs où il reste difficilement substituable : le transport et la pétrochimie. Soulignant que les gisements actuels sont appelés à voir leur production décliner de 58 % d ici à 2040, l AIE estime à 22.500 milliards de dollars les investissements nécessaires dans l exploration-production, soit 900 milliards par an pour satisfaire la demande. L AIE rappelle que les énergies fossiles sont lourdement subventionnées (550 milliards de dollars en 2013, plus de quatre fois les aides aux renouvelables dont plus de la moitié pour le pétrole). «Les pays du Moyen-Orient ont besoin de réformer leur secteur énergétique», note monsieur Fatih Birol, l économiste en chef de l AIE. «Utiliser le pétrole pour produire de l électricité, c est un peu comme utiliser du parfum Chanel comme carburant pour sa voiture».
Nos perspectives La difficulté de l exercice réside dans l évaluation de la durabilité du régime de prix. Si le prix du baril reste durablement sur des niveaux compris entre 55 et 65$, beaucoup de petits et moyens acteurs vont rencontrer des difficultés. En revanche, si ce mouvement n est que transitoire, alors de réelles opportunités vont se présenter pour le secteur. En effet, les niveaux de valorisation intègrent des prix de l énergie bas, dans un contexte global de croissance. Beaucoup d acteurs vont analyser le marché à la recherche de concurrents attractifs, qui pourraient renforcer leur positionnement. L exemple du deal d Halliburton sur Baker Hugues est intéressant. Le numéro deux mondial des services pétroliers, avec son acquisition de Baker Hughes (le numéro trois payé 34.6 Mds$), renforce son positionnement derrière Schlumberger. D autres deals pourraient voir le jour, et le secteur pourrait se restructurer beaucoup plus vite que prévu. La tentative de prise de contrôle de CGG par Technip est bien dans cette optique. Autre point important, certaines sociétés pourraient souffrir plus que d autres de ce réajustement du prix du baril. Les majors pétrolières qui ont lancé d importants investissements dans des projets longs et très coûteux, offshore profond comme Libra au Brésil ou Egina au Nigeria (image ci-contre source Total) ou encore des investissements en Arctique (Yamal), vont rapidement devoir ajuster leurs comptes face à une rentabilité incertaine. Face à ces lourdes contraintes, les coûts de production des hydrocarbures de schiste s établiraient autour d un point mort évalué par de nombreux analystes à 60$. Au niveau de prix actuel du baril, en moyenne le secteur reste globalement bénéficiaire. L exemple du marché du gaz américain en 2009 est riche d enseignements : à 2.5$, les experts annonçaient que le prix de marché du BTU (British Thermal Unit, référence du gaz américain) allait entrainer la faillite de nombreux intervenants. Or, le constat est que la production s est poursuivie sans fléchir, qu aucune faillite n a été relevée et que les experts ont dû reprendre leurs calculs de point mort Un an plus tard, le BTU valait 4$. Ne serions-nous pas à la veille d une importante restructuration du secteur de l énergie aux Etats-Unis?
A l endroit de nos porteurs, l exposition prudente du fonds (75% et liquidités investies en US Dollar) en amont des évènements de la fin novembre, a permis de ne pas subir un trop fort impact sur le portefeuille. Entre le 23 juin dernier ou le Brent valait 114$ et le 28 novembre (70$), le baril a baissé de 38% en $ et de 33% en. Durant cette période, FCM New Deal a baissé de 2.45% (voir graphe ci-dessus, sources C&M Finances-Reuters). Sur la période considérée, la corrélation entre le marché de l énergie et le fonds s établit à 30% seulement. Eu égard à nos anticipations, mais loin de toutes certitudes, nous allons poursuivre les arbitrages au sein du portefeuille pour adopter une position au plus proche de la réalité des secteurs que nous suivons. En fonction de l actualité, notre gestion réactive se repositionnera et l exposition du fonds sera augmentée sur les valeurs les plus prometteuses. Franck Missera Rédigé le 5 décembre 2014