Synthèse Forum-Prospective «Le patrimoine bâti au cœur du développement durable des territoires» RENNES, 1 er décembre 2005 Introduction : Dans le prolongement de son rapport «Pour une politique régionale du patrimoine bâti en Bretagne», le Conseil économique et social de la Région Bretagne a organisé un Forum- Prospective le 1 er décembre 2005 à la Chambre de Métiers et de l Artisanat d Ille-et-Vilaine à Rennes. Réunissant près de 200 participants, cette rencontre régionale, animée par M. Yves MORVAN, Président de la Section Prospective du CESR, a permis d approfondir la question des liens existants ou à créer entre les politiques publiques de sauvegarde et de valorisation du patrimoine bâti d une part, et le développement durable des territoires de la Bretagne, d autre part. Quatre temps forts ont ponctué le déroulement de ce forum. Dans un premier temps, M. Noël ROUDAUT, rapporteur du Conseil économique et social régional (CESR), a mis en perspective les grands axes et les principales préconisations contenus dans le rapport du CESR. Dans un second temps, Xavier GREFFE, Professeur d économie à l Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, a donné une conférence sur «Le patrimoine comme levier de développement local». Dans un troisième temps, lors d une première table ronde, six grands témoins ont pu exposer leurs expériences et réflexions sur la contribution du patrimoine bâti au développement durable des territoires. Enfin, le forum s est achevé par les interventions de Mme Marie-Pierre BOUCHAUDY, Directrice de la Direction de la Culture du Conseil régional de Bretagne, et de M. Jean-Yves LE CORRE, Directeur de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Bretagne, sur les rôles respectifs de la Région et de l Etat pour l avenir des politiques du patrimoine bâti en Bretagne. I- Intervention de M. Noël ROUDAUT, conseiller économique et social et rapporteur de l étude «Pour une politique régionale du patrimoine bâti en Bretagne» M. Noël ROUDAUT, rapporteur de l étude «Pour une politique régionale du patrimoine bâti en Bretagne», a présenté les principaux enseignements tirés du travail réalisé par le CESR. Ceux-ci ayant été présentés dans un précédent numéro de l Avis régional (n 40, juin 2005), nous invitons le lecteur à s y rapporter.
Rappel des principales préconisations du rapport du CESR de Bretagne «Pour une politique régionale du patrimoine bâti en Bretagne» 1. Connaître : 2. Coordonner : - Accélérer la réalisation des inventaires topographique et thématique du patrimoine bâti régional, en s appuyant notamment sur les 21 Pays ; - Développer les actions éducatives et culturelles de connaissance du patrimoine bâti ; - Recruter des animateurs du patrimoine dans les 21 Pays ; - Développer une veille régionale prospective sur l avenir des monuments ; - Faire de la Région Bretagne la collectivité stratège du patrimoine bâti d intérêt régional ; - Renforcer la contractualisation entre les acteurs (Etat, Région, Pays, Départements ) ; Base de réflexion pour une nouvelle organisation des acteurs du patrimoine bâti en Bretagne Région de projet Etat IRPA Collectivités Propriétaires privés Associations Départements Pays Fondations Conseil économique et social de Bretagne 2005 3. Protéger en valorisant : - Soutenir la création de ZPPAUP dans les 21 Pays de Bretagne ; - Encourager toutes les initiatives d accessibilité et de valorisation du patrimoine bâti ancien et contemporain sur les territoires ;
II- Conférence de Xavier GREFFE : «Le patrimoine comme levier de développement local» (synthèse CESR) La période actuelle est marquée par un regain d intérêt à l encontre du patrimoine et de ses diverses dimensions. De plus en plus considéré comme un levier de développement, il peut être appréhendé, d un point de vue économique, comme une véritable filière dont le nombre d emplois, directs et induits, souligne l importance en France : 43 000 emplois directs, 41 000 dans les travaux de conservation, 175 000 rattachés aux activités touristiques et 260 000 dans les activités non culturelles (données 2003). Comme l illustre la croissance de la fréquentation des monuments et musées depuis le milieu des années 1990, le patrimoine constitue un puissant facteur d attraction en termes touristiques. Malgré cette progression, la valorisation et l équilibre économiques des monuments demeurent fragiles, en particulier pour les propriétaires privés. Une meilleure valorisation économique doit notamment répondre à plusieurs conditions : la permanence de l activité, l intégration des territoires, la participation des populations locales, la synergie des activités culturelles... Enfin, il faut souligner que, du point de vue économique, le patrimoine constitue également un bon facteur de diffusion des produits culturels Le développement local ne pouvant être réduit au développement économique, Xavier Greffe souligne que le patrimoine contribue par ailleurs à la production d intégration sociale sur les territoires (intégration de population sédentaire, non sédentaire ou d origine étrangère). En effet, dans un quartier en difficulté, l intégration réussie dépend autant du fonctionnement du marché de l emploi que de la richesse des activités culturelles. Malgré ces atouts économiques et sociaux, la mise en valeur du patrimoine rencontre actuellement plusieurs types de problèmes : diversité des modes de gestion, entreprises de restauration en difficulté, fragilité économique des gestionnaires privés, enjeux liés à la pérennité des financements Ces problèmes sont particulièrement prégnants dans un pays comme la France qui, depuis la Révolution, privilégie une approche du patrimoine fondée sur sa valeur d existence plutôt que sur sa valeur d usage. Cette particularité nationale se traduisant par une préférence pour la gestion publique et centralisée des grands monuments par exemple, source de «désenchantement» pour de nombreuses collectivités locales. Au vu des difficultés financières récurrentes de l Etat français, la France pourrait, pour mieux sauvegarder et valoriser son patrimoine, s inspirer de nouvelles modalités de financement pratiquées à l étranger : mécénat d entreprises, contribution des associations, prélèvement public sur les recettes des loteries nationales (Italie, Royaume-Uni)
III- Première table ronde : «Sauvegarder et valoriser le patrimoine bâti : une contribution au développement durable des territoires?» Comment le patrimoine bâti contribue t-il aux trois dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable en Bretagne? C est à partir de ce questionnement que six grands témoins ont accepté d intervenir lors de cette première table ronde. Dans un premier temps, l intervention de M. Denis-Marie LAHELLEC de la DRAC Bretagne, a permis de mieux comprendre en quoi la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) constitue, par son approche transversale, territoriale et participative du patrimoine local, un outil qui peut être mis au service d une gouvernance élargie du patrimoine. La Bretagne compte 48 ZPPAUP, nombre auquel il faut ajouter les 20 ZPPAUP en cours de création. Alors que le territoire d application privilégié de la ZPPAUP reste la commune, est-il possible d imaginer un développement de politiques du patrimoine au niveau des Pays? Pour M. Christophe BIDAUD, Directeur du Groupement d Intérêt Public du Pays de Redon, l expérience du Pôle d économie du patrimoine du Pays de Redon illustre les effets structurants d une politique territoriale du patrimoine animée et dynamisée par les Pays. Claude DUVAL, Maire de Mellé et Président du Pays de Fougères (35), confirme les effets vertueux d une politique locale volontariste, multifonctionnelle et participative du patrimoine sur le développement économique et social des territoires, en particulier dans les zones rurales fragilisées. Les effets multiplicateurs des politiques patrimoniales sont également recherchés en milieu urbain. Ainsi, selon son Directeur général, M. Jacques GRESIL, c est parce qu elle a considéré que la sauvegarde et la valor isation du patrimoine bâti contribue au développement économique local que la Chambre de Commerce et d Industrie de Morlaix s est investie dans l opération de portage du projet de réhabilitation et de réaffectation de la Manufacture des Tabacs de Morlaix. Qu en est-il du patrimoine maritime militaire en Bretagne? M. Hervé BEDRI, Attaché d administration et Secrétaire de la Commission locale du patrimoine de la marine nationale à la Préfecture maritime de l Atlantique, souligne la grande richesse historiq ue et culturelle constituée par ce patrimoine militaire dont la sauvegarde, la valorisation ou la cession font l objet d une grande attention de la part des responsables de la Marine nationale. Enfin, M Philippe MEYER, Président de l Institut Régional du Patrimoine (IRPa), met en évidence l importance de l éducation et de la formation au patrimoine pour sa préservation et sa valorisation.
IV- Deuxième table ronde : «Quel avenir pour une politique régionale du patrimoine bâti en Bretagne?» Comment assurer un avenir au patrimoine? Quels peuvent être les rôles respectifs de la Région Bretagne et de l Etat en région? Après avoir excusé l absence de Mme Georgette BREARD, Vice-présidente du Conseil régional en charge du tourisme et du patrimoine, Mme Marie-Pierre BOUCHAUDY, Directrice de la Culture au Conseil régional de Bretagne, expose le travail de fonds engagé par la collectivité régionale pour redéfinir sa politique du patrimoine dans un contexte de fortes mutations institutionnelles. M. Jean-Yves LE CORRE, Directeur de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, fait également le constat de mutations profondes concernant les rôles respectifs de l Etat et des collectivités locales dans les politiques patrimoniales. Il rappelle par exemple les difficultés techniques et réglementaires actuellement soulevées par le transfert des services de l Inventaire de l Etat à la Région. Face à ces nouveaux transferts de compétence, les politiques publiques de l Etat évoluent mais il serait erroné de conclure qu il se désengage de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine en région. Après avoir remercié tous les intervenants, M. Yves MORVAN, Président de la Section Prospective du CESR de Bretagne, conclut que le patrimoine bâti, parce qu il contribue au développement et à la cohésion économique, sociale et culturelle des territoires, est bien placé au cœur des préoccupations du développement durable de la Bretagne. Face aux défis lancés par l entrée dans une «économie cognitive», en matière de patrimoine comme ailleurs, «si l on veut que tout dure, il faut que tout change».