Villes et Pays d art et d histoire Lille. laissez-vous conter. Wazemmes... ...rue de la Justice et au-delà

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Villes et Pays d art et d histoire Lille laissez-vous conter Wazemmes......rue de la Justice et au-delà

Laissez-vous guider à Wazemmes, rue de la Justice et au-delà En partenariat avec la Politique de la Ville, les associations et les habitants de Wazemmes, le service Ville d art et d histoire propose de découvrir un secteur spécifique de ce quartier : la rue de la Justice et ses alentours. Ce territoire, peu connu du grand public, est riche d un patrimoine architectural et urbain incontournable pour la compréhension de l évolution historique du quartier et de la ville. Ce livret offre la possibilité de saisir les subtilités de son architecture : du logement ouvrier lié à l essor industriel de Wazemmes et de ses usines aux premières propositions d habitat social ; des maisons typiques de l agrandissement de la ville de Lille aux immeubles de rapport dévoilant les richesses stylistiques du début du XX e siècle. Les témoignages des habitants de Wazemmes, acteurs du quartier, illustrent de manière sensible cette découverte historique de leur environnement urbain. Aussi pour poursuivre l exploration de ce secteur, le livret propose un parcours qui aspire à une compréhension intuitive et directe des richesses patrimoniales de la rue de la Justice et ses rues voisines. Cette publication se présente comme une première phase de découverte. L objectif du projet est d élaborer une exploration approfondie de micro-secteurs du quartier et ambitionne de reconstituer à terme une mise en valeur riche et complète de l histoire architecturale, urbaine et humaine de Wazemmes. Plan cadastral parcellaire de Lille en 1829 Remerciements Le service Ville d art et d histoire de la ville de Lille remercie vivement les associations membres de la Commission Mémoire de Wazemmes, Cellofan, Générations et Cultures, Montévidéo, Le Club des Ambassadeurs de Wazemmes ainsi que les habitants du quartier pour leur précieuse collaboration et leurs témoignages.

... Le contexte historique et urbain... les courées Une commune Wazemmes se présente aujourd hui comme un quartier majeur de Lille de par son attractivité, son dynamisme et sa mixité. Son évolution historique et urbaine révèle une identité propre mais indéniablement liée au développement et à l enrichissement de la ville. Avant son rattachement à Lille en 1858, Wazemmes était une commune autonome d une superficie bien supérieure à celle que nous connaissons aujourd hui. Son territoire comprenait trois faubourgs : le faubourg Notre-Dame (actuel Faubourg de Béthune), le faubourg des Malades (actuel quartier de Moulins) et le faubourg de la Barre (actuel quartier Vauban). Son indépendance demeura longtemps dans le souvenir collectif et se ressent encore aujourd hui. Un quartier C est lors de l agrandissement de Lille, en 1858, que la commune de Wazemmes fut annexée à la ville au même titre que les communes d Esquermes et Moulins au sein des nouvelles fortifications. Le rattachement de Wazemmes à Lille a fortement accéléré le processus d industrialisation du quartier au cours du XIX e siècle. L apparition des usines sur l ensemble de son territoire impliqua inévitablement une augmentation de la densité de la population. Aussi l activité industrielle grandissante et la nécessité de loger au plus vite un grand nombre d ouvriers, eurent un impact indéniable sur l urbanisation du quartier. Les habitations côtoyaient les usines et se construisaient de manière rapide et anarchique, proposant aux ouvriers des logements insalubres et un cadre de vie précaire. Une rue La rue de la Justice a toujours représenté une voie importante à Wazemmes. Avant l urbanisation de ce territoire, la voie était dénommée chemin de l Evêque car l Evêque de Tournai devait l emprunter afin de rejoindre son domaine situé à Wazemmes. Sa dénomination actuelle, attribuée en 1864, résulte de la proximité d un gibet, situé près de la place des Quatre Chemins, actuelle place de la Solidarité, où étaient exécutés les condamnés bannis d une mort honorable sur le Grand Marché. Dès le XIX e siècle, à l image du quartier, l organisation de la rue de la Justice fut rapidement déterminée par l émergence d usines et de nombreux logements en courées. Plan de Lille agrandie en 1858, Emile Vandenbergh Pour résoudre le problème de la densité urbaine liée à l expansion industrielle à Lille et particulièrement à Wazemmes, le logement en courées apparaît comme une solution, dans un premier temps, avantageuse. En effet, ce type d habitation présente une réelle nécessité. Les courées sont bâties à proximité des usines et pallient ainsi l absence de moyens de transport dans ce secteur et la longueur des journées de travail. Les propriétaires profitent de ce procédé en exploitant au maximum les parcelles situées à l arrière des maisons pour un moindre coût. La systématisation du logement des ouvriers dans les courées devient inévitable. Derrière les façades en front à rue, les courées sont bâties en cœur d îlot. Un passage, plus ou moins étroit, perce l îlot, permettant d atteindre une cour intérieure délimitée de part et d autre de petites maisons alignées. Elles sont composées de deux ou trois pièces : la cuisine et une ou deux chambres, réparties sur deux niveaux. La cour est généralement dotée d une pompe et de cabinets d aisance communs aux habitants de la courée. L évacuation des eaux usagées s effectue par une rigole qui traverse la courée jusqu à la rue. Exemples de percement de l îlot par les courées, rue de la Justice et rue des Postes. Les courées sont indissociables de l histoire sociale de Wazemmes au XIX e siècle par leurs caractéristiques urbaines et architecturales. Elles offrent à ce quartier une identité marquée, une manière de vivre et une convivialité incomparables. Cependant, dès leur création, le manque d espace, d hygiène et d aération impliquent rapidement une dégradation des conditions de vie de leurs habitants. Cette insalubrité dominante nécessitera le recours à d autres formes architecturales et urbaines pour loger les ouvriers, incitant les pouvoirs publics et les architectes à développer un véritable programme urbain et social. Vue sur une courée.

... La Cité Philanthropique... La Cité Philanthropique La cité Philanthropique, actuelle maison de retraite appelée «résidence des Beigneaux», occupe un îlot d un hectare, entouré par les rues de Wazemmes, des Meuniers, Gantois et Barthélémy Delespaul. Inscrit à l Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, cet ensemble bâti inédit à Lille a fait l objet d une première réhabilitation en 1970 et d une seconde qui a débuté en 2007. Nommée lors de sa création en 1861 «cité Napoléon», elle fut édifiée sous l impulsion étatique du Bureau de Bienfaisance de Lille, avec le soutien de Napoléon III, d après les plans de l architecte Emile Vandenbergh (1827-1909). L objectif de cette démarche était de loger les ouvriers dans des conditions décentes et pour un prix peu élevé. Environ mille habitants pouvaient vivre au sein de deuxcent-vingt-huit logements, accordés aux personnes inscrites au registre des indigents. Fer d ancrage mêlant la fleur de lys au N de Napoléon, Cité Philanthropique. L ensemble se compose de six pavillons s élevant sur trois niveaux dont le dernier est mansardé. Reliés à l origine par des coursives métalliques ouvertes aux deux premiers niveaux et surmontées d une verrière, les six bâtiments, considérables, développaient, par ces passages couverts, un parti architectural audacieux, soucieux d organiser les circulations internes de la cité. Ces ouvertures sont désormais fermées, faisant place à des logements. De grandes baies s ouvrent sur les côtés éclairant les escaliers qui desservent chaque extrémité des pavillons. Les façades sont construites en briques, à l époque apparentes, aujourd hui peintes. Chaque pavillon est rythmé par six travées auxquelles correspondent deux fenêtres jumelées séparées par une colonnette en fonte. Les fers d ancrage, de même matériau, sont stylisés en fleur de lys. Sur chacun des bâtiments, le N de Napoléon apparaîtra aussi aux plus curieux. De grandes baies latérales éclairent les escaliers qui desservent chaque extrémité des pavillons. Cité Philanthropique, gravure L organisation de la façade révèle l agencement intérieur qui vise à être le plus fonctionnel possible. L aménagement permet une répartition ingénieuse de l air et de la lumière dans des appartements constitués d une pièce et pourvus de sanitaires communs à chaque niveau. Un règlement intérieur était imposé aux locataires qui étaient par ailleurs soumis à une inspection mensuelle de propreté. Jean-Pierre Catrysse, a vécu de l âge de six ans jusqu à aujourd hui en face de la Cité Philanthropique. «Pendant la guerre, lorsqu il y avait des alertes à la bombe, la nuit, on venait se cacher avec les voisins, les commerçants, les locataires dans les caves de la Cité Philanthropique qui étaient voûtées ( ) On se retrouvait à cinquante, soixante personnes et on se sentait en sécurité car, ici, les bombes ne pouvaient pas nous atteindre.» «La cité était entourée d une grille qui était toujours ouverte, les gens entraient, sortaient comme ils voulaient ( ) Enfants on jouait dans les jardins, on courait dans les couloirs, sur les ponts, on embêtait les personnes âgées...on avait qu ici pour jouer avec le peu d espaces verts qu il y avait dans le quartier. Liliane Callar, a vécu de 1932 à 1945 rue de Wazemmes. Ses parents étaient épiciers en face de la cité Philanthropique. «A l entrée, rue de Wazemmes, il y avait deux bâtiments : celui de droite abritait les instruments de jardinage, dans celui de gauche il y avait le cordonnier ( ) Ma grand-mère devait traverser le couloir pour aller chercher de l eau et vider le seau sur le pont, comme ils l appelaient à l époque, puisqu ils n avaient pas de toilettes dans les chambres.» Cité Philanthropique, fin du XIX e siècle Cité Philanthropique, rénovations de 2007-2008 Située au coeur de Wazemmes en pleine expansion industrielle, la cité oppose à la densité urbaine des courées de nouvelles propositions architecturales censées remédier aux problèmes endémiques du logement ouvrier. A l échelle du quartier, elle se place dans la filiation urbaine de la cité Napoléon construite à Paris en 1853 et du Familistère de Guise édifié par Godin en 1860. Les objectifs sociaux et les innovations architecturales qu elle offre aux habitants répondent aux idéaux de ces nouveaux groupes d habitations communautaires, fruits des utopies progressistes et hygiénistes développées au cours du XIXe siècle.

... La Cité des Jardins... La Cité des Jardins Une cité une volonté A l aube du XX e siècle, la qualité du cadre de vie des ouvriers à Lille, et notamment à Wazemmes, ne s est pas améliorée. Malgré les tentatives de la municipalité et des organismes de charité et de bienfaisance pour y remédier, l insalubrité urbaine est toujours omniprésente. Aussi, en marge des structures en place, l abbé Lestienne, intimement philanthrope, est sensibilisé à la misère ouvrière. Il s intéresse vivement aux réflexions menées en Europe et aux expériences concrétisées afin de renouveler les propositions urbaines pour le développement d un habitat social, tels le Familistère de Godin à Guise (1860) ou la cité-jardin de Howard à Letchworth, près de Londres (1905). Il quitte le professorat et se consacre à la création de la Société Anonyme des Cités-Jardins en 1911 et imagine, sur les pourtours de la ville qui doit perdre ses remparts, une grande cité-jardin. Son projet se manifestera sous deux formes architecturales élevées au sein de deux territoires lillois différents : la maison individuelle à la cité des Fleurs dans le quartier de Lille-Sud en 1913 et le logement collectif à la cité des Jardins à Wazemmes dès 1912. La chapelle, cité des Jardins Une cité un programme architectural La cité des Jardins se situe au coeur de Wazemmes, rue de la Justice. Elle se présente comme un groupement d immeubles disposés autour d une cour centrale. Lors de sa création, la cité était composée de deux bâtiments en front à rue séparés par l entrée principale, l arrière des façades donnant sur une cour intérieure. Le coeur d îlot est délimité par un bâtiment en L sur la droite. A gauche, le «Château» abritait l appartement de l abbé Lestienne, ses bureaux et la chapelle de la cité. Au fond, une serre, à laquelle les habitants étaient attachés, était entretenue par des jardiniers-fleuristes qui logeaient au sein de la cité. Le «Château», la chapelle et la serre n existent plus aujourd hui. Un nouveau bâtiment a été construit dans les années 1980 à l emplacement des locaux de l abbé. L ensemble est construit en brique polychrome qui offre une richesse esthétique aux façades grâce à l alternance des couleurs. Les bâtiments comptent quarante-six appartements composés de quatre ou cinq pièces : une cuisine, un salon, une ou deux chambres et une salle de bain. L hygiène tient une place de premier ordre dans le projet de l abbé : les pièces sont hautes, aérées, illuminées par de larges baies qui laissent pénétrer facilement la lumière. Au fond la serre, cité des Jardins. et social L objectif de l abbé Lestienne pour cette cité ne se limitait pas à une amélioration de l habitat. La cité des Jardins faisait l objet d un véritable programme social destiné à une amélioration de l habitat ouvrier. Elle se devait d apporter aux familles un environnement sain et chrétien, d instruire les enfants et d aider socialement et économiquement les familles par un faisceau d institutions qui lui était propre. Ainsi des cercles d études et des cours professionnels étaient donnés, faisant de la cité un centre permanent d éducation populaire. Une caisse mutualiste des retraites et une caisse de crédit se trouvaient à la disposition des habitants. Ce programme leur offrait l opportunité de gérer leur argent et pour certains même d accéder à la propriété. Aussi, une épicerie, une cordonnerie ainsi qu une coopérative faisaient partie des services auxquels pouvaient accéder les habitants. Pour loger dans la cité, la priorité était accordée aux familles nombreuses. L ordre et la propreté étaient de rigueur sous l oeil averti de l abbé Lestienne. Cinquante ans après la construction de la cité Philanthropique en 1861, la cité des Jardins se présente comme une seconde tentative de remède à l insalubrité urbaine à Wazemmes, sur un territoire très restreint. Alors que la tradition tendait à la construction de logements individuels en front de rue ou en cœur d îlot, cet exemple d habitat collectif concentré autour d une cour intérieure répond aux propositions novatrices conçues au début du XIX e siècle par des initiatives encore privées et isolées. Ces deux bâtiments illustrent les utopies sociales développées par des écrivains, des penseurs, des architectes, des industriels au cours du XIX e siècle pour s éloigner des courées, modèles d urbanisation insalubre et anarchique. Par ailleurs ils préfigurent les logements sociaux édifiés, dans le cadre de la création de l Office d Habitations à Bon Marché en 1924, par la municipalité lilloise. Cour intérieure de la cité des Jardins. Mme Carpels habite la cité des Jardins depuis soixante ans. Sa famille a grandi dans la cité, son père y est arrivé lorsqu il avait sept ans. «Du temps de mes parents, il y avait un fleuriste qui avait sa serre. Il y avait une chapelle aussi et là où on allait payer le loyer c était un bureau qu on appelait «le Château». Où se situe l association aujourd hui, c était une cordonnerie. L épicerie, qui donne dans la rue, est toujours là.» «C était bien. C était comme un petit village, on avait pas besoin de sortir de notre coin. Le plus loin qu on allait, c était place des Quatre Chemins. Tout le monde se connaissait, tout le monde allait à la même école. On descendait tous pour aller dehors, les grands-mères surveillaient. Il y avait des fêtes, des mariages, des communions.» «On habitait des appartements modernes à l époque, mieux que les autres cours. On avait des toilettes à l intérieur, un robinet avec de l eau courante, c était moderne!»

La rue de la Justice et au-delà... La rue de la Justice et au-delà... Cette découverte proposée autour de la rue de la Justice permet de mettre en lumière l évolution de l habitat sur ce secteur. Après avoir abordé des bâtiments majeurs du logement ouvrier, le parcours élargit cette exploration à l évolution de la maison de ville lilloise, de l essor industriel au XIX e siècle au début du XX e siècle, dans le quartier de Wazemmes. La ville industrielle du XIX e siècle est une ville continue, définie par un tracé uniforme de trame régulière. Les maisons sont alignées, mitoyennes, dessinant un parcellaire en lanière. Elles sont généralement prolongées par un jardin privatif. Cette organisation spatiale révèle un tissu urbain homogène et cohérent. Jusqu à la moitié du XIX e siècle, les façades ne cherchent pas à se distinguer et s exposent en front à rue de manière similaire. Cependant, au fur et à mesure, l impérieux besoin d individualiser sa demeure émerge et trouve dans un premier temps par le décor le moyen d y parvenir. L originalité dans la composition même des façades se développera par la suite, dynamisant le rythme des rues. 1. La Cité Philanthropique Façade rue de Wazemmes 2. Rang de maisons, 89 rue de Wazemmes Ce rang de trois maisons est représentatif des constructions de l époque contemporaine à l agrandissement de la ville de Lille en 1858, il perdure la tradition lilloise de l alignement des façades le long de la rue sans distinction ni de composition ni d ornementation. Ces maisons sont constituées de trois travées égales sans contraste manifeste. De lourds bandeaux horizontaux soulignant les corniches et l alignement des fenêtres organisent les façades. Elles sont allégées par des filets verticaux de moulurations composées de motifs floraux. La construction en brique est parée d un revêtement en ciment sur lequel est plaqué un décor en stuc de référence classique : figures féminines entourées de rinceaux végétaux ornant les lintaux des ouvertures. 3. Maison, 154 bvd Victor Hugo L édification de cette maison semibourgeoise est probablement liée à une activité industrielle comme en témoignent les deux ouvertures encadrant, au rez-de-chaussée, une ouverture centrale beaucoup plus large adaptée au passage de véhicules de marchandises. Par ailleurs, le plan parcellaire révèle l existence d une vaste cour intérieure. L appareillage en brique polychrome offre une ornementation sobre essentiellement concentrée autour des portes et des fenêtres. Ces baies sont de taille assez restreinte par rapport à la largeur de la façade. Les arcs de décharge surmontant l entrée se retrouvent sur d autres édifices de ce type à Lille. La maison peut être datée de l extrême fin du XIX e siècle. Portes d entrée, boulevard Victor Hugo 4. Cité des Quatre Chemins, rue de la Justice 5. Cité des Jardins, rue de la Justice Fenêtres jumelées, rue du Dr Yersin 6. Rue du Docteur Yersin L organisation stricte de la rue du Docteur Yersin, issue d un découpage parcellaire en lanière offre un bel alignement de maisons. Celles-ci décrivent, en règle générale, un agencement de trois travées égales. Une recherche d individualisation apparaît sensiblement dans le choix de la couleur des briques et des jeux d appareillage riches et variés. Les linteaux des ouvertures, particulièrement soignés, apportent aux façades une dynamique formelle et stylistique renouvelée. 7. Maison, 19 rue Kulhmann L organisation de cette façade diffère de celle des habitations de la rue et présente un intérêt tout particulier. Les trois travées égales disparaissent pour un déploiement plus large d une travée principale. Cette travée majeure est soulignée par un soubassement en bossage qui simule une base de pilastre et est coiffée d un pignon chantourné qui contribue à souligner son importance. La construction, probablement en brique, est recouverte d un ciment dont le dessin imite un appareillage en pierre. Exceptionnel dans le quartier, le décor de cette maison est teinté d Art Déco comme le signale le médaillon visible au-dessus de l entrée, orné de fruits mêlés de feuillages, sur lequel est indiqué la date de construction de la maison, 1925. Pignon chantourné, rue Kulhmann 8. Maison, 191 rue des Postes Ce bâtiment observe un déploiement parcellaire des plus étonnants : il se situe en biais par rapport à la voie. Ses choix architecturaux sont loin d être modestes : il se démarque par son échelle, sa composition et sa situation. Cette maison de maître présente une façade originale de trois travées inégales. A droite, la travée majeure s impose par sa largeur, l ampleur de l ouverture du rez-de-chaussée, ses baies jumelées et son pignon à redents. La travée centrale, beaucoup plus petite, correspond à l entrée de la maison. Elle se distingue par son balconnet et un gâble qui surmonte une baie en plein cintre. La travée de gauche s apparente quant à elle à une tourelle. Chaque travée a son propre mode de couvrement qui ajoute à la complexité de l organisation de la façade. La façade est constituée essentiellement de briques. Des chaînages de pierre encadrent les ouvertures et prêtent un caractère austère à l ensemble de l élévation. Cette architecture pittoresque par le jeu des volumes qui la constituent fait référence aux villas de style balnéaire, très rares à Wazemmes, et qui se sont plutôt développées à la fin du XIX e siècle à Lambersart ou le long du Grand Boulevard. Cette maison est en confrontation directe, sur un même îlot, avec la cité des Postes, une des courées les plus imposantes du secteur, située juste à l arrière. La curiosité amène à s interroger sur le lien qui pourrait être établi entre ces deux formes d habitations extrêmement opposées. Maison de maître, rue des Postes 9. Cité des Postes Comme il est précisé précédemment, la cité des Postes est une des courées les plus importantes de Wazemmes, principalement par sa longueur. Elle traverse l îlot pour rejoindre la cité des Quatre Chemins, de l autre côté, rue de la Justice. Plan parcellaire: La maison de maître à proximité de la cité des Postes, rue des Postes.

La rue de la Justice et au-delà... La rue de la Justice et au-delà... 10. Immeubles de rapport, 7, 9, 11, rue Faure 11. 45 rue Faure Hormis les immeubles de type haussmanniens de la rue Faidherbe (1870) l immeuble de rapport est très peu présent à Lille. Le remarquable groupe d immeubles animant la rue Faure est d autant plus étonnant que ce type d habitation reste très restreint dans les quartiers populaires tels que Wazemmes. Les bâtiments de la rue Faure privilégient quatre à cinq niveaux d élévation. La circulation de l air et de la lumière dans les appartements est favorisée par de larges baies. Au n 9 sur toute la hauteur de la façade, une ouverture, pavée de verre, illumine généreusement d une lumière naturelle l ensemble de la cage d escalier. Aux n 7, 9 et 11, les immeubles, bien que totalement différents, résultent de la mouvance Art Déco par le jeu et la polychromie des briques vernissées, les ferrures et céramiques à motifs géométriques et végétaux. Le n 45 présente, par le dessin de son appareillage de briques beiges et ocres, une filiation certaine avec la cité des Jardins. Immeuble de rapport, rue Faure. Filiation avec la cité des Jardins. Détail d un immeuble de rapport, rue Faure Maison Six, rue Chevreul Baie teintée Art Nouveau, rue Chevreul 12. Maison Six, rue Chevreul Le bâtiment, daté de 1902, a été édifié par l architecte Six, comme l indique l inscription visible sur la façade. Cette maison imposante par son échelle offre une façade des plus originales. Elle présente une alternance des pleins et des vides tout à fait intrigante. Les ouvertures de tailles variées et la répartition des percements révèlent ainsi l organisation interne de la maison. La pièce principale est éclairée grâce à son large bow-window, de même l escalier s ouvre sur une large baie très stylisée. De petites fenêtres, disséminées sur toute la façade, contrastent par leur petite taille et leur dessin avec ces deux ouvertures majeures. La façade repose sur un soubassement de ciment prolongé aux niveaux supérieurs par de la brique rouge. Des linteaux en brique vernissée bleue soulignent les fenêtres ornées de boiseries et de vitraux aux volutes florales empreintes d Art Nouveau. Cette maison apparaît comme unique dans le secteur. Son caractère singulier semble résulter d une commande d un riche propriétaire. 1 Bâtiments remarquables à découvrir 8 9 7 11 10 6 4 12 5 3 1 2

La Cité des Jardins

Laissez-vous conter Lille, Ville d art et d histoire en compagnie d un guide-conférencier agréé par le ministère de la culture. Le guide vous accueille. Il connaît toutes les facettes de Lille et vous donne des clefs de lecture pour comprendre l échelle d une place, le développement de la ville au fil de ses quartiers. Le guide est à votre écoute. N hésitez pas à lui poser vos questions. Le service Ville d art et d histoire Il coordonne et met en œuvre les initiatives de «Lille Ville d art et d histoire». Il propose toute l année des animations pour les lillois, les visiteurs et les scolaires, et se tient à votre disposition pour tout projet. Lille appartient au réseau national des Villes et Pays d art et d histoire Le ministère de la culture, direction de l architecture et du patrimoine, attribue l appellation Villes et Pays d art et d histoire aux collectivités locales qui animent leur patrimoine. Il garantit la compétence des guides-conférenciers et des animateurs de l architecture et du patrimoine, ainsi que la qualité de leurs actions. Des vestiges antiques à l architecture du XX e siècle, les Villes et Pays d art et d histoire mettent en scène le patrimoine dans sa diversité. Aujourd hui, un réseau de 131 villes et pays vous offre son savoir-faire sur toute la France. A proximité, Boulogne-sur-Mer, Cambrai, Lens/Liévin, Roubaix et Saint-Omer bénéficient de l appellation Ville et Pays d art et d histoire. L Office du Tourisme de Lille Association sans but lucratif, l Office de Tourisme est l outil privilégié de la politique de développement du tourisme de la ville de Lille. Il est chargé par celle-ci de l accueil, de l information des visiteurs et de la promotion de la ville. Par ailleurs, partenaire structurant de la politique municipale de valorisation du patrimoine, il commercialise les visites, menées par les guides-conférenciers qu il encadre, en lien étroit avec la Ville. Si vous êtes en groupe Lille vous propose des visites toute l année sur réservation. Renseignements à l Office du Tourisme. Renseignements Service Ville d art et d histoire Hôtel de ville B.P. 667 59033 Lille cedex 03 28 55 30 13 mail : vah@mairie-lille.fr www.mairie-lille.fr Renseignements Réservations Office de Tourisme Palais Rihour Place Rihour 59002 Lille cedex 0891 56 2004 (0,225 TTC / mn) www.lilletourism.com Conception : LM Communiquer - Réalisation : E. Lefebvre / SCIM Ville de Lille - Crédits photos : Collections privées / Ville d art et d histoire / Archives Départementales du Nord / Bibliothèque Municipale / D. Rapaich - Impression La Monsoise - Septembre 2008 - Imprimé sur papier recyclé