Traitements anti-botrytis : impact des pratiques culturales et de la dose appliquée sur l efficacité de la protection Le coût élevé des produits anti-botrytis, les problèmes de résidus qu ils sont susceptibles de poser dans les vins et surtout leur réelle efficacité sur la protection de la récolte nous ont poussé à les étudier. Un réseau d essai constitué par les chambres d agriculture (24, 33, 47 et 64) et piloté par l IFV Bordeaux- Aquitaine s est ainsi constitué avec pour objectif de quantifier les dépôts de bouillie sur la zone fructifère dans différentes situations et évaluer pour chacune d elles l impact d une réduction de la dose homologuée sur l efficacité de la protection. fotolia IFV La production de raisins de qualité en quantité suffisante passe encore, à ce jour, par l utilisation de spécialités phytosanitaires qui ne sont neutres ni pour l utilisateur ni pour l environnement. L atteinte de l objectif de réduction de 50 % de ces intrants passe par une réduction de l ensemble des postes (herbicides, fongicides, insecticides ). Parmi ces spécialités phytosanitaires, certaines ont la particularité d être appliquées en jet dirigé uniquement sur la zone fructifère : les anti-botrytis et les insecticides destinés à lutter contre les tordeuses de la grappe. Selon la stratégie retenue, les anti-botrytis peuvent être appliqués à différents stades phénologiques (stades A, B, C ou D), la vigne étant alors plus ou moins développée. Pour autant, la dose d homologation est la même quel que soit le stade d application ou le type de vigne à traiter (distance inter-rang, effeuillage réalisé ou non ). 1
Dispositif expérimental : 1- Mesure du dépôt de bouillie sur les grappes : Après avoir mesuré le volume de bouillie appliqué par hectare, un colorant alimentaire est pulvérisé sur un rang de vigne préalablement équipé de fausses grappes en plastique. La quantification des dépôts de bouillie est réalisée au laboratoire grâce au dosage de ce colorant par spectrophotométrie. Les collecteurs (Cf. Photo 1) ont tous la même forme : de petites billes en plastique de surface connue. 80 fausses grappes sont ainsi positionnées sur les vraies grappes (méthode IFV basée sur la norme ISO de mesure au champ). Afin de pouvoir comparer tous les résultats entre eux, les valeurs sont exprimées en ng/dm² pour 1 g/ha. 2- Essais biologiques : La stratégie à un seul traitement positionné au stade B a été retenue pour l ensemble des essais. Le choix du produit était laissé au viticulteur à condition qu il convienne à ce stade d application. Six modalités ont été mises en place : 1- Témoin Non Traité (Non Effeuillé) 2- Témoin Non Traité (Effeuillé) 3- Dose réduite : 66% de la DH (Non Effeuillé) 4- Dose réduite : 66% de la DH (Effeuillé) 5- Dose homologuée = DH (Non Effeuillé) 6- Dose homologuée = DH (Effeuillé) Photo1. Grappes artificielles utilisées pour quantifier les dépôts de bouillie dans la zone fructifère Des notations sanitaires ont été réalisées les semaines précédant la récolte pour mesurer les niveaux d attaque du champignon sur chacune des modalités testées. Résultats : grappes ). Sur ce même jeu de données, si l on écarte 20% des valeurs extrêmes (10% des plus faibles et 10% des plus fortes), les variations vont de 185 à 485 ng/dm² pour 1g/ha. La moyenne et la médiane sont respectivement de 350 et 346 ng/ dm² pour 1g/ha. La réalisation d un effeuillage permet d augmenter significativement la quantité de bouillie déposée sur les grappes Figure 1. Box-plot représentant la répartition de la variable «quantité moyenne déposée» sur l ensemble du jeu de données (n=74) Une variabilité importante des dépôts de bouillie dans la zone fructifère Comme l indique la figure 1, la quantité moyenne de produit déposée sur les grappes (trois années confondues) varie de 100 à 650 ng/dm² selon les sites bien que la dose de colorant appliquée par hectare soit la même. Cette variabilité importante du dépôt moyen peut être expliquée par les différences existant entre les sites d essais (type de pulvérisateur, mode de conduite, expression végétative, entassement de Fig. 2 - Impact de l effeuillage sur la quantité moyenne de produit déposée sur les grappes La figure 2 illustre la variabilité des dépôts mesurée sur les essais où différents niveaux d effeuillage ont été réalisés (non réalisé - réalisé sur une face - réalisé sur les deux faces). En l absence d effeuillage, le dépôt moyen sur ces essais était de 293 ng/dm² pour 1g/ha. 2
Il passe respectivement à 391 puis 431 ng/dm² lorsqu on effeuille une face puis les deux faces du rang, rendant ainsi les grappes plus faciles à atteindre. Outre l amélioration du microclimat des grappes, l effeuillage permet d augmenter considérablement la quantité de bouillie déposée sur les grappes. Résultats des essais biologiques Figure 3. Fréquence (gauche) et intensité (droite) d attaque du botrytis sur chaque modalité (avant récolte) et efficacité calculée par rapport au témoin non traité Le botrytis est un champignon qui se développe souvent à partir de foyers de manière hétérogène, ce qui engendre une variabilité importante difficilement contrôlable dans les dispositifs expérimentaux lorsque les attaques sont peu importantes. En cas de forte pression, le développement du champignon se généralise et l effet foyer devient faible comparé à l effet traitement et/ou effeuillage. Pour des niveaux d attaque faibles (fréquence < à 10 % ; intensité < 2 %), l effet du traitement est moins important que l effet hétérogénéité. Au-delà de ces seuils, l effet traitement devient prédominant et l immense majorité des modalités traitées présente des niveaux d attaque inférieurs à ceux observés sur le témoin non traité. Figure 4. Fréquence (gauche) et Intensité (droite) d attaque moyennes sur les différentes modalités en fonction de la pression parasitaire et efficacité calculée par rapport au TNT non effeuillé (les cellules grisées correspondent aux sites où la présence de botrytis était très faible à la récolte). Analyse statistique (test de Newman-Keuls au seuil de 5%) 3
D une manière générale, on s aperçoit sans surprise que les meilleures efficacités sont obtenues lorsqu on combine les deux pratiques : effeuillage et application de la pleine dose homologuée. Le niveau d efficacité augmente logiquement avec le niveau d infestation du botrytis dans le témoin non traite et non effeuillé. Après élimination des sites où le botrytis était absent, deux situations ont été étudiées: Première situation : Faible présence de botrytis sur le TNT non effeuillé au moment de la récolte (n=8 parcelles) Critère fréquence d attaque : lorsque la fréquence d attaque est faible dans le TNT non effeuillé, les niveaux d efficacité engendrés par les différentes modalités (effeuillage et traitement) sont très faibles et s échelonnement de 2 % à 21 % pour la modalité effeuillée et traitée à la pleine dose. Les pratiques (effeuillage et/ou traitement) ne permettent pas de diminuer de manière importante la fréquence de grappes touchées. Critère intensité d attaque : les différentes pratiques mises en œuvre présentent des efficacités variables mais leur intérêt vis-à-vis du botrytis est à relativiser compte tenu des faibles niveaux d attaque mesurés sur le témoin non traité. Deuxième situation : présence moyenne à très forte de botrytis sur le TNT non effeuillé au moment de la récolte (n=10 parcelles) Critère fréquence d attaque : les pratiques mises en œuvre ont permis de réduire la fréquence de grappes touchées de manière plus ou moins importante selon les modalités. Les efficacités s échelonnant de 10 (traitement à dose réduite) à 35 % (effeuillage + traitement à DH) selon les modalités. On peut retenir que : -le témoin non traité effeuillé présente un niveau d efficacité équivalent à la modalité traitée à 66 % de la dose homologuée. -la modalité effeuillée et traitée à dose réduite présente un niveau d efficacité équivalent à la modalité traitée à la pleine dose sans effeuillage Critère intensité d attaque : les pratiques mises en œuvre ont permis de réduire fortement l intensité d attaque des grappes par le botrytis. Les efficacités s échelonnant de 19 (traitement à 66% DH) à 63 % (effeuillage + traitement à DH). On peut retenir que : -un effeuillage seul présente un niveau d efficacité similaire à un traitement réalisé à la pleine dose sur une parcelle non effeuillée -la réalisation d un traitement à pleine dose associé à un effeuillage permet de doubler l efficacité par rapport à un effeuillage seul CONCLUSION Ces essais ont permis de quantifier la variabilité qu il peut y avoir en termes de dépôts de bouillie sur les grappes lorsqu on réalise un traitement dirigé. La quantité moyenne de produit déposée sur les grappes varie d un facteur 6 entre les extrêmes et d un facteur 1,6 lorsqu on élimine 50 % des valeurs (25% des valeurs les plus basses et 25% des valeurs les plus fortes). Pris dans leur globalité, les paramètres agronomiques mesurés au (hauteur/ largeur de zone fructifère, largeur interrang, nombre de grappes/cep ) expliquent seulement une partie de la variabilité de ce dépôt. Pris individuellement, aucune corrélation présentant un R² satisfaisant n a été trouvée et ce sont seulement des tendances qui se dégagent. L objectif de prédire la quantité de produit déposée à partir d un jeu d indicateurs simples mesurés au semble difficilement atteignable. Le réseau d essais biologiques mis en place a permis de constituer une base de données intéressante mais limitée compte tenu de la très faible pression que nous avons connue en 2012. Le nombre d essais valides est faible, ce qui limite l interprétation que nous pouvons faire des résultats. L objectif initial d établir une relation entre la quantité moyenne de produit déposée sur la zone fructifère et l efficacité de la 4
protection n a pas été atteint. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l absence de corrélation au niveau du réseau : manque de données avec des sites présentant de forts taux d attaque de botrytis, données issues d essais hétéroclites (dispositif expérimental identique mais mise en œuvre différente : cépages différents, produits utilisés différents, pulvérisateurs différents, pression parasitaire différente), indicateur retenu (dépôt moyen dans la zone des grappes) non pertinent, présence de résistance sur certains sites Sur les essais du réseau où le botrytis était présent, on peut retenir qu un effeuillage seul présente une efficacité équivalente à un traitement réalisé à la pleine dose sur une parcelle non effeuillée. Les traitements réalisés à dose réduite (66% de la dose homologuée) apportent une efficacité certaine par rapport au témoin non traité mais celle-ci est inférieure à celle apportée par la pleine dose homologuée. Cela est probablement dû au fait que même lorsqu on se place dans les meilleures conditions (effeuillage et application de la pleine dose homologuée), l efficacité obtenue n est que partielle (respectivement 35% et 63% sur les critères fréquence et intensité d attaque). En l absence de marge de sécurité, toute dégradation de la protection (baisse de la dose et/ou absence d effeuillage) se traduit (en moyenne) par une diminution sensible de l efficacité lorsque les conditions sont favorables au développement du champignon. L efficacité obtenue est plus importante sur le paramètre «intensité d attaque» que sur la «fréquence d attaque». On peut supposer que les pratiques mises en œuvre (effeuillage et/ ou traitement) peinent à limiter le nombre de foyers de botrytis mais sont plus efficientes pour limiter l expansion de ces foyers. En présence d efficacités partielles, les différentes pratiques (effeuillage, traitement à dose réduite, traitement à pleine dose) ont un effet cumulatif sur l efficacité de la protection, chacune d elles apportant un gain d efficacité supplémentaire. La figure 5 hiérarchise les différentes stratégies en fonction de leur niveau d efficacité. Figure 5. Intensité de destruction du botrytis avant récolte sur les différentes modalités (seuls les sites où l intensité sur le témoin non traité et non effeuillé était supérieure à 2% ont été retenus) La prise en compte du contexte propre à chaque exploitation (sensibilité parcellaire, type de produit recherché, pratiques culturales ), du coût de chaque stratégie et des indicateurs de développement du botrytis (PRB notamment) disponibles au moment du choix de l intervention, permettra de choisir la stratégie la plus adaptée à chaque parcelle ou îlot de parcelles. 5
Remerciements : Nous remercions les financeurs (Région Aquitaine - France Agrimer) et les viticulteurs chez qui les essais ont été réalisés (EPLEFPA Bordeaux-Blanquefort, Château Clarke, Château Queyssard, Lycée de La Brie, Cave des vignerons de Thézac-Perricard, Domaine Sergent, Château de Diusse) Auteur : Alexandre Davy Institut Français de la Vigne et du Vin Essais réalisés avec la participation de : Stéphanie CESTARET, Marc VERGNES (Institut Français de la Vigne et du vin) François Ballouhey, Laurent Colombier (Chambre d agriculture de la Dordogne) Ludivine Davidou, Audrey Bourlon, Loïc Ducourtioux (Chambre d agriculture de la Gironde) Anne-Laure Fuscien, Christine Rives (Chambre d agriculture du Lot et Garonne) Daniel Vergnes, Jean-Jacques Carrère (Chambre d agriculture des Pyrénées atlantiques) 6