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Les agriculteurs métis L agriculture a toujours été une activité économique importante chez les Métis. Par exemple, les Métis de la région des Grands Lacs ont cultivé la terre autour des postes de commerce des fourrures dès le Régime français (1534-1763) au Canada. Même si l agriculture n avait pas la connotation romantique de la chasse aux bisons, elle faisait partie de l économie métisse traditionnelle, particulièrement dans les paroisses anglophones de la colonie de la rivière Rouge. La culture des céréales a été introduite auprès des Métis de la rivière Rouge par les missionnaires catholiques dans les années 1830 et peu de temps après par l église anglicane. Les missionnaires pensaient que c était impératif que les Métis deviennent sédentaires pour pouvoir recevoir une éducation et une religion formelles. Cette politique de la «bible et de la charrue» a aussi facilité leur assimilation dans la société euro canadienne. Les responsables de la Compagnie de la Baie d Hudson pensaient aussi que si les Métis étaient davantage attachés à une vie sédentaire d agriculteurs et s ils devenaient moins nomades, ils seraient plus utiles à la Compagnie comme ouvriers et employés et feraient probablement moins de commerce avec les Américains. Au début l agriculture des Métis dans la colonie de la rivière Rouge était basée sur la subsistance et elle fut affectée par de piètres conditions de croissance. Pendant les trois premiers quarts du dix-neuvième siècle, il n y eut pas de marché pour les céréales dans la région. Pendant les cinquante ans qui ont suivi 1820, il y a eu trente et une récoltes déficitaires dans la

colonie de la rivière Rouge, à cause des sécheresses, des inondations et des invasions de sauterelles. Les souches de blé comme Prairie du Chien, Marquis et Red Fife avec de longues périodes de maturation de 100, 115 et 125 jours respectivement étaient aussi cultivées. De nos jours, le blé Canada Spring Hard prend généralement 90 jours pour arriver à maturité. La croissance plus longue de ces premières souches de blé augmentait les risques de gel et de récolte déficitaire. Après 1860, les agriculteurs ont aussi commencé à faire la rotation des cultures, à épandre du fumier dans les champs et à expérimenter avec des engrais pour augmenter les récoltes. Toutes les céréales que les Métis faisaient pousser étaient consommées localement ou vendues à la Compagnie de la Baie d Hudson. Au début, les agriculteurs métis récoltaient les céréales en utilisant des outils manuels comme des faucilles et des faux à étriche. Ensuite les céréales étaient battues pour enlever les balles et les tiges avec des fléaux ou piétinées par le bétail. La mécanisation de ce processus s est fait vers la fin du dix-neuvième siècle. S il n y avait pas de moulin à grains dans les environs, la farine était produite avec des meules à mains appelées moulins à bras. Les premiers agriculteurs métis possédaient aussi du bétail. Le bœuf a été introduit dans la colonie de la rivière Rouge en 1822 et le mouton est arrivé en 1833. Les chevaux et les boeufs de trait étaient utilisés pour tirer les charrues et le matériel de récolte, mais au début les Métis les gardaient pour la chasse aux bisons et le transport. Une grande partie des races de bétail de la colonie n étaient toutefois pas adaptée au dur climat des Prairies.

Un manque d élevage approprié fit aussi en sorte que même les races supérieures ne se reproduisaient pas bien. Les jardins et la terre cultivée fournissaient aux familles des légumes frais comme des pommes de terre, des oignons, des carottes, du maïs, des citrouilles, des fines herbes et des navets. Les jardins agrémentaient le régime traditionnel de gibier et de poisson des Métis, et ils convenaient bien au cycle saisonnier car la plantation et la récolte n étaient pas en même temps que la chasse aux bisons. Les légume récoltés étaient entreposés dans des caves ou caveaux à racines pour approvisionner la famille pendant l hiver, ou bien on les faisait sécher et on les broyait en poudre ou en farine pour les soupes, les ragoûts, le bannock et le pain. Le maïs, par exemple, était séché au soleil jusqu à ce qu il soit dur, puis les grains étaient enlevés et mis dans des sacs jusqu à ce qu on les utilise. Bien sûr, beaucoup de produits étaient consommés frais. Les fines herbes étaient aussi cultivées dans les jardins et séchées dans les maisons, puis suspendues aux poutres, on s en servait ensuite pour donner du goût aux recettes. Beaucoup de gens ont beaucoup dépendu de leurs jardins pendant la crise de 1929 pour leur fournir de la nourriture qu ils ne pouvaient pas se permettre d acheter dans les magasins. Les Métisses cultivaient aussi des jardins pour approvisionner les postes de la Compagnie de la Baie d Hudson, qui dans plusieurs cas empêchaient les travailleurs du commerce des fourrures de mourir de faim. À Moose Factory, les femmes étaient responsables de planter et de récolter les pommes de terre, ce qui donna une production de 196 boisseaux en

1830. La contribution des femmes à Fort Edmonton, en termes de jardinage et d approvisionnement en provisions et en services, a été si importante que le commandant, John Rowand, nota que sans le dur labeur des femmes la Compagnie n aurait pas été capable de continuer ses efforts. Dans la communauté de St. Albert, en Alberta, la récolte des champs et des jardins consistaient en 700 tonneaux de pommes de terre, 200 de choux, 11 de carottes, 11 d oignons, 150 sacs de blé et 30 sacs d orge. La Compagnie de la Baie d Hudson dépendait évidemment des aliments qu elle obtenait des agriculteurs et des fournisseurs près de ces postes. Ces aliments comprenaient de la viande, des produits laitiers, des légumes et du blé. Le blé était particulièrement important parce que la Compagnie devait fournir à ses hommes une quantité énorme de pain et de biscuits. On a estimé que le sixième régiment d infanterie en poste à Lower Fort Garry entre 1846 et 1848 consommait 68 kilos de pain par jour. Ce besoin constant de farine, évidemment, fournissait un marché pour le blé que faisait pousser les agriculteurs des environs. En dépit du matériel agricole primitif, sans marché d exportation externe, avec des conditions climatiques difficiles (les années 1880 furent une période de refroidissement géothermique) et la sensibilité des céréales et du grain européens, les premiers agriculteurs métis ont tenu bon. Toutefois, sans l assurance que l agriculture pouvait complètement remplacer la chasse aux bisons comme activité économique principale, peu d autres personnes en dehors des Métis anglais (Métis nés d un père anglais et protestant et d une mère amérindienne) allaient s y engager à plein temps.

L agriculture n a pas été prospère dans les Prairies canadiennes avant la construction de la ligne de chemin de fer du Canadien Pacifique Limitée dans les années 1880. Le chemin de fer a ouvert les marchés nationaux et internationaux aux céréales des Prairies. Vu le manque de fiabilité de l agriculture, la chasse aux bisons est restée le moyen de subsistance principal des Métis pendant la plus grande partie du dix-neuvième siècle parce qu elle donnait un meilleur rendement et davantage de nourriture. Le plus souvent les Métis incluaient l agriculture dans leur cycle saisonnier traditionnel. Cette stratégie de mélange de ressources permettait aux familles de tirer bénéfice de plusieurs activités économiques. Sans pousser les choses trop loin, la chasse aux bisons et l agriculture peuvent être considérées comme une métaphore du double héritage des Métis comme mélange de peuples autochtones et européens. Par exemple, quand ils chassaient les bisons les Métis pensaient qu ils étaient libres de pratiquer leur culture autochtone sans étrangers leur disant comment gérer leurs affaires. Les agriculteurs métis vivaient dans une société hiérarchique avec des classes différentes: les riches, les Canadiens français pauvres et les agriculteurs métis. L église avait aussi davantage de contrôle sur les paroissiens métis dans les colonies agricoles que dans les communautés plus nomades basées sur la chasse. Par conséquent et vu des modèles de colonies canadiennes françaises, de nombreux Métis dans ces régions ont été assimilés à la culture canadienne française ou ont gravité autour d elle. C était surtout vrai pour les communautés agricoles métisses à Winnipeg et autour de Winnipeg, au Manitoba. Les Métis nés de père anglais et protestant

et de mère amérindienne étaient plus enclins à devenir agriculteurs que les métis canadiens français. La plupart des fermes restèrent pourtant petites. Le manque de matériel agricole en métal pour labourer et travailler la terre faisait en sorte qu ils ne plantaient que quelques acres pendant une saison. Même au fil des années, la plupart des agriculteurs métis n ont pas pu se permettre d acheter du matériel plus efficace, comme des tracteurs, et la quantité de terre qu ils pouvaient cultiver est restée petite. Par exemple, les Métis le long de la rivière Saskatchewan en 1884 cultivaient en moyenne 10 acres (1,23 hectares) par parcelle de 160 (19,7 hectares) à 195 acres (24 hectares). Les prix de leurs céréales étaient si bas et imprévisibles que ce n était pas faisable de labourer davantage de terre. Le blé valait 1,75 $ le boisseau, l orge 1,25 $ le boisseau et les pommes de terre 1,92 $ le boisseau. Les marchés pour les produits agricoles restaient assez limités, rapportant peu pour les céréales récoltées. La plupart des céréales de la région de Batoche à la fin du dix-neuvième siècle étaient en fait envoyées dans le nord pour être échangées contre des fourrures! Les fermes traditionnelles des Métis dans les Prairies se situaient le long de la rivière sur de longues parcelles appelées «rangs». Les fermes des Métis sur des lots riverains étaient des adaptations du peuplement de côtes canadien français qui prédomine encore au Québec. Comme les lots riverains et les cours étaient étroits, les familles métisses pouvaient maintenir un bon système de soutien social. Les déplacements entre familles étaient réduits car il y avait des sentiers bien établis entre les lots riverains des Métis. La

vallée de la rivière fournissait aussi du bois pour le chauffage et du matériel de construction pour les maisons, les clôtures et les charrettes de la rivière Rouge. Les lots de ferme étaient placés près des rivières pour que les familles métisses aient accès au transport, à la pêche et à l eau pour l usage domestique. Les lots étaient dispersés sur les berges des rivières sur plusieurs kilomètres et ils étaient divisés en sections: une partie des terres étaient cultivée et une autre en jachère, une partie était pour les jardins, les prairies de fauche et les terres à bois. L agriculture des lots riverains convenait particulièrement bien aux communautés de la rivière Rouge et de la rivière Saskatchewan Sud, qui avait une faible densité de population. Après la Résistance en 1869-1870, le peuplement des côtes commença à être remplacé par le système d arpentage en cantons de l Ontario. En fait, une des causes initiales de la Résistance de la rivière Rouge a été la tentative du gouvernement fédéral d arpenter les terres métisses sans consulter les Métis. Les Métis se rendirent compte que le nouveau système d arpentage basé sur 36 parcelles carrées par sections de 640 acres (79 hectares) chacune, n était pas compatible avec leur style d agriculture. Contrairement au peuplement des côtes métis, une section de terre pouvait être à des kilomètres d une source d eau et être sans aucun arbre ou prairie, ce qui était des considérations importantes pour les Métis pour la sélection des terres. De plus, pour qu une personne reçoive un titre de propriété par l intermédiaire de la Loi des terres fédérales, elle devait cultiver cette terre et améliorer sa ferme pendant plusieurs années successives avant de recevoir le titre de propriété de son terrain. Beaucoup de Métis ne se

conformèrent pas à ces règles parce qu ils continuaient à suivre leur cycle saisonnier traditionnel. Par conséquent, alors que plusieurs Métis firent des demandes de titres de concession pour les terrains qu ils occupaient, ils ne réussirent pas toujours à les obtenir. De ce fait, plusieurs Métis furent évincés de leurs terres à cause de la stricte adhésion à la politique de concession agricole (et du racisme). Après la Première Guerre Mondiale, les agriculteurs métis eurent plus de facilité à commercialiser leurs céréales et leur farine. Le mouvement du syndicat du blé dans les Prairies (dans les années 1920) et le développement de la Commission canadienne du blé comme monopole commercial permanent au cours de la Crise de 1929 et la Deuxième Guerre mondiale ont facilité la tâche des agriculteurs pour la commercialisation des céréales. Cependant, quand ces développements se produisirent, la plupart des producteurs de céréales métis, comme les petits agriculteurs de subsistance partout en Amérique du Nord, furent forcés d arrêter d exploiter leurs fermes face aux exploitations plus grandes et plus efficaces. Les restrictions supplémentaires placées sur le style de vie basé sur la subsistance comme les restrictions de chasse et de pêche, ont empiré la situation de pauvreté, forçant davantage de Métis à accepter du travail agricole saisonnier. Ces Métis qui avaient perdu leurs concessions de terrains, devinrent de simples ouvriers agricoles. Des familles entières de Métis ramassaient des pierres dans les champs, déblayaient les troncs d arbres et les buissons dans les champs et effectuaient d autres tâches agricoles. Le travail agricole saisonnier devint un mode de vie pour de

nombreux Métis. Ces gens qui vivotaient en faisant des travaux agricoles saisonniers se déplaçaient souvent à pied avec leurs possessions entassées dans des charrettes délabrées et vivaient dans des petites tentes chauffées avec des poêles en fer. Certaines femmes métisses célibataires travaillaient comme domestiques et gagnaient, à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle, 4 à 10 $ par mois. Les employés de ferme d élevage métis étaient embauchés pour travailler avec les bœufs et les chevaux. Au fur et à mesure que la mécanisation augmentait dans les fermes et que le matériel agricole devenait moins cher, les agriculteurs et les grands éleveurs devinrent moins aptes à embaucher les ouvriers métis si leurs familles pouvaient faire le travail. Et aussi, comme beaucoup de Métis manquaient des qualifications particulières requises, ils ne pouvaient pas obtenir d emplois pour utiliser ce matériel mécanisé. Toutefois, certains groupes de batteurs et de faucheurs métis travaillaient loin aux États-Unis et arrivaient progressivement au Canada quand les récoltes étaient prêtes pour la moisson. Seuls quelques exploitations agricoles commerciales métisses prospères ont survécu. Certaines appartenaient à des groupes qui les géraient comme la ferme métisse à Lebret, en Saskatchewan et d autres étaient gérées par des particuliers comme les nombreuses fermes métisses qui sont éparpillées dans le paysage manitobain rural, dans le nord de la Saskatchewan et dans le comté de la rivière La Paix en Alberta, et en Colombie-Britannique. La tendance actuelle en agriculture métisse est d avoir des fermes constituées en société. Par exemple, les colonies

métisses en Alberta se sont lancées dans diverses exploitations agricoles: la culture des céréales, l élevage de wapitis et de bisons. D autres agriculteurs métis cultivent de l orge, de l avoine, du Canola, des lentilles, des graines de moutarde, du maïs, du lin, et des cultures maraîchères et de fourragères. En 1986, une société de développement a été créée à Lebret, en Saskatchewan. Elle exploite un élevage de bovins en liberté et produit des récoltes de céréales sur 3 000 acres (370 hectares). En 1986, Statistique Canada a signalé que 755 agriculteurs dans l ouest canadien s étaient identifiés comme Métis. Avec la crise agricole des vingt dernières années, ce chiffre a probablement baissé. Toutefois, de nombreux agriculteurs métis ont persisté à vivre de la terre. Comme Angus Spence, le premier président de l Association des agriculteurs métis du Manitoba l a déclaré, «C est étonnant que les agriculteurs métis aient réussi à survivre dans un milieu économique et social hostile, avec le minimum de matériel agricole et sans avoir jamais eu accès à des capitaux pour prospérer.» Quelques faits rapides: Norbert Welsh, à l âge de huit ans, est allé travailler chez un voisin pour aider à réduire le fardeau économique de ses parents. Il travaillait pour sa pension, plus un cent par jour en 1853 à faire du jardinage et des tâches agricoles. Les ouvriers allaient de ferme en ferme pendant les récoltes pour aider avec le moissonnage et la récolte des céréales, comme membres des groupes de battage. Norbert Welsh payait 75 l acre en 1871 pour couper et lier sa récolte de blé de 60 acres (7,4 hectares).

En 1878, Norbert Welsh, cet agriculteur métis, vendait ses produits et ses récoltes à un avant-poste de la police à cheval du Nord-Ouest à raison de: 2,50 $ le boisseau pour 100 boisseaux de pommes de terre, 2 $ le boisseau pour 150 boisseaux d avoine, 2,50 $ le boisseau pour 120 boisseaux de blé. George William Sanderson, un Métis anglais du sud du Manitoba, se rappelait qu il mangeait un plat fait à partir de blé, qui s appelait blé «kas-pisakun» ou bustin. Le blé était passé à la poêle puis moulu. La farine était alors cuite dans de l eau chaude ou du lait, et on y ajoutait de la crème et du sucre. Cela donnait une sorte de gruau qui avait bon goût et qui était très nourrissant. L orge était préparée en le plaçant dans un trou d un pied de profondeur (30 cm) et de huit pouces de large (21 cm) creusé dans un bloc de bois et on enlevait la balle en le tapant avec une tige en bois. L orge était alors utilisé pour faire de la soupe. Faucher le blé était un autre emploi agricole saisonnier. Il fallait du foin pour nourrir le bétail, surtout l hiver, et de nombreux Métis étaient embauchés pour couper le foin et le mettre en bottes. Cela se faisait à l automne, entre septembre et octobre. Il fallait couper le foin, le râteler, le transporter et l empiler pour que l agriculteur ou le grand éleveur puisse facilement l apporter à ses animaux. Si les gens vendaient du foin comme emploi saisonnier, ils pouvaient recevoir 5 $ la charge en 1890 en Saskatchewan. Les familles qui élevaient du bétail vendaient leurs produits et les animaux à des fins commerciales. Les Métis de la Saskatchewan Métis étaient

davantage des éleveurs de bétail que des agriculteurs dans l ensemble. Dans la région de Cochin, en Saskatchewan, c était le cas et de nombreux colons métis au départ avaient un assez grand nombre de têtes de bétail. Le lait et les œufs étaient pour la consommation personnelle et la vente aussi. Les familles qui exploitaient des fermes le long de la rivière Saskatchewan Sud gardaient aussi du bétail. Une grande portion de leurs petits peuplements de côtes servait de pâturage aux chevaux, bœufs, vaches laitières, cochons et moutons. Les familles gardaient des troupeaux de vingt à trente têtes de bétail, tandis que certains grands éleveurs travailleurs gardaient chacun plus de cinquante têtes de bétail. Les chevaux de race valaient 250 $ pièce dans les années 1880. Quelquefois, les missions embauchaient des gens pour aider à planter leurs jardins et pour s en occuper, ainsi que de leur bétail et de leurs récoltes. Quand le moment était venu de planter du blé dans les fermes autour de Fort Garry, les ouvriers puisaient de l eau dans la rivière Rouge et l apportaient à la ferme. Ils mettaient un morceau de chaux dans un tonneau rempli d eau et de blé et le laissait tremper toute une nuit. Le lendemain matin ils égouttaient le blé, le laisser sécher un peu, puis l ensemençait. Cela le faisait germer plus rapidement. Les employés de fermes d élevage étaient embauchés pour aider aux diverses tâches pour s occuper du bétail et des chevaux. Hillyard Mitchell, qui était un grand éleveur et qui avait des magasins dans le district de Batoche embauchait des garçons et des hommes métis comme Dodet Parenteau pour apprivoiser les chevaux au taux de 3 $ par cheval ou Patrice

Fayant pour couper le foin et l empiler au taux d 1,25 $ par jour dans les années 1890. Les Métis qui travaillaient avec leur propre attelage de chevaux recevaient 2,50 $ par jour pour leur travail, tandis qu un ouvrier à forfait était logé et payé en nature. L ouvrier recevait un sac de farine, deux livres de thé et trente livres de bacon par mois pour ses repas. Adapté de: Paquin, Todd, Young, Patrick et Préfontaine, Darren R. «Métis Farmers». http://www.metismuseum.ca/media/document.php/00718.pdf