Résistance à l insuline: Nouvelles perspectives*



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Transcription:

FORSCHUNG.CH Forum Med Suisse N o 18 2 mai 2001 475 Résistance à l insuline: Nouvelles perspectives* P. Vollenweider, U. Scherrer Service de Médecine Interne B, CHUV Lausanne Correspondance: Dr Peter Vollenweider Service de Médecine Interne B CHUV CH-1011 Lausanne peter.vollenweider@chuv. hospvd.ch * Ces projets sont soutenus par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNRS 32-54960.98, 32-54961.98 et 32.059017.99), la Fondation Placide Nicod et la Fondation Octav et Marcella Botnar. Introduction Le diabète de type 2, l obésité, le syndrome métabolique ou l hypertension artérielle sont caractérisés par une résistance à l insuline, c est-à-dire un défaut d action de l hormone dans ses tissus cibles. L incidence de ces maladies est en constante augmentation et avec les complications cardio-vasculaires qui leur sont associées, elles représentent un problème majeur de santé publique et une cause importante de mortalité. Par exemple, la prévalence du diabète de type 2 est estimée à environ 4% de la population dans les pays occidentaux, et elle est en constante augmentation. La résistance à l insuline, associée à un défaut de sécrétion pancréatique d insuline en réponse au glucose, joue un rôle important dans le développement de la maladie [1]. C est une anomalie précoce qui peut être déjà présente chez les enfants de parents diabétiques. Elle est un facteur prédictif de l apparition ultérieure de diabète. Les mécanismes de résistance à l insuline sont complexes, mais des données récentes ont permis de mieux comprendre le rôle important joué par des défauts de signalisation intracellulaire de l hormone. Avec l apparition sur le marché de nouveaux médicaments comme les thiazolidinediones qui agissent principalement sur la résistance à l insuline, ces connaissances sont devenues importantes pour le clinicien. Mais l insuline n agit pas uniquement sur le métabolisme glucidique. Elle a aussi des effets vasculaires qui sont médiés essentiellement par la libération de NO au niveau de l endothélium des vaisseaux. Les états de résistance à l insuline sont souvent associés à un défaut de libération de NO. Ce défaut pourrait être à la base de l incidence accrue de complications cardiovasculaires observés lors de résistance à l insuline. D autre part, le NO pourrait jouer directement un rôle dans la résistance métabolique à l insuline. Notre recherche vise à mieux comprendre certains mécanismes moléculaires de la résistance à l insuline chez l homme, ainsi que le rôle potentiel du NO dans la physiopathologie de la résistance à l insuline. Signalisation intracellulaire de l insuline et résistance à l insuline La présence d une résistance à l insuline dans le diabète de type 2 est connue depuis plus de 20 ans. Avec la technique du clamp euglycémique hyperinsulinémique on a pu montrer que, pour des insulinémies comparables, les patients diabétiques ont une consommation significativement diminuée de glucose. Le principal tissu responsable de cette résistance à l insuline est le muscle squelettique, car environ 80% du glucose perfusé lors d un clamp y est métabolisé. Au niveau cellulaire, l insuline stimule le transport de glucose en induisant la translocation de vésicules contenant un transporteur spécifique au glucose (GLUT4) d un pool intracytoplasmique vers la membrane cellulaire. L augmentation du nombre de transporteurs GLUT4 à la surface cellulaire va permettre l entrée du glucose dans la cellule en suivant son gradient de concentration. Récemment, on a pu mettre en évidence, par des biopsies musculaires au cours d un clamp, que les patients diabétiques ont significativement moins de translocation de GLUT4 vers la membrane plasmique comparé à des sujets contrôles, alors que le nombre total de transporteurs n est pas diminué [2]. Ces résultats ont été corroborés par des mesures de transport de glucose au niveau du muscle lors d un clamp en utilisant une technique de résonance magnétique nucléaire [3]. Ces données suggèrent que des défauts de la signalisation intracellulaire de l insuline menant à la translocation du GLUT4 jouent un rôle important dans la physiopathologie de la résistance à l insuline. L insuline agit en se liant à son récepteur au niveau de la membrane cellulaire. Le récepteur à l insuline est un hétérotétramère composé de deux sous-unités et de deux sous-unités ayant une fonction tyrosine kinase. Après liaison de l hormone, le récepteur est autophosphorylé, ce qui induit l activité tyrosine kinase de la sous-unité entraînant la phosphorylation de résidus tyrosine sur des protéines intracellulaires dont les principales sont les Insulin Receptor Substrates (ou IRS) et Shc. On connaît actuellement quatre membres de la famille des IRS, dont IRS-1 et IRS-2, qui semblent jouer le rôle le plus important pour la signalisation métabolique de l hormone. Les résidus phosphotyrosine vont permettre l intéraction/ activation de protéines requises pour la propagation du signal. L activation par l insuline de l enzyme PI3 kinase est reconnue actuellement comme étant essentielle pour la réponse métabolique de l hormone. En effet, in vitro, l inhibition de la PI3 kinase bloque complètement l entrée de glucose dans la cellule en réponse à

FORSCHUNG.CH Forum Med Suisse N o 18 2 mai 2001 476 l insuline. La PI3 kinase, par phosphorylation de phosphoinositides, stimule plusieurs protéines intracellulaires dont la sérine/thréonine kinase Akt ou PKB [4, 5] ainsi que certains membres des protéines kinase C atypiques (PKC et ) [6, 7] qui sont impliquées dans la voie de signalisation métabolique de l hormone. Les étapes de signalisation ultérieures menant à la translocation du GLUT4 sont encore largement inconnues (fig. 1). Plusieurs étapes de la signalisation intracellulaire de l insuline peuvent être atteintes dans le muscle squelettique lors de diabète de type 2. Sur des biopsies musculaires au cours d un clamp euglycémique hyperinsulinémique, un défaut d autophosphorylation du récepteur de l insuline [8], ainsi qu un défaut d activation de PI3 kinase associée à IRS-1 ont été mis en évidence [9]. D autre part il a été montré que les acides gras libres, qui sont souvent élevés chez le patient diabétique et qui induisent une résistance à l insuline, agissent essentiellement en diminuant la tyrosine phosphorylation de IRS- 1 et l activation ultérieure de PI3 kinase en réponse à l insuline [10]. Finalement, on sait aussi que des cytokines telles le TNF, qui potentiellement joue un rôle dans la résistance à l insuline liée à l obésité, agissent en altérant la signalisation intracellulaire de l insuline. Néanmoins, ces études sont rendues difficiles par le fait qu elles impliquent des biopsies musculaires répétées chez le même patient et que la quantité de matériel ainsi obtenue est faible. Finalement, il faut signaler que les patients étudiés ont souvent une hyperglycémie marquée, ce qui induit en soi une résistance à l insuline (glucotoxicité) et représente par conséquent un facteur confondant. Résistance à l insuline et culture de cellules musculaires humaines Nous avons voulu étudier la signalisation intracellulaire de l insuline lors de situations de résistance à l insuline chez l homme dans un tissu important, le muscle squelettique. Pour bénéficier d une quantité suffisante de cellules, nous utilisons un modèle de culture de cellules musculaires squelettiques humaines obtenues à partir de biopsies (en général le vaste latéral). Ce modèle a été mis au point par Robert Henry et collaborateurs à l Université de Californie San Diego [11, 12]. Il profite de la présence dans les biopsies de muscle, de cellules satellites précurseurs qui peuvent se diviser et que l on peut différentier in vitro en myotubes multinucléés présentant des caractéristiques de cellules musculaires squelettiques (fig. 2). Ces myotubes expriment des marqueurs spécifiques du muscle squelettique ainsi que les protéines requises à l action métabolique de l insuline. Ces cellules conservent in vitro, après plusieurs semaines de culture, les caractéristiques métaboliques des patients chez lesquelles elles ont été prélevées [12]. En particulier, les myotubes de patients diabétiques présentent une résistance à l insuline in vitro, et, d autre part, il existe une Figure 1. Schéma de signalisation intracellulaire de l insuline menant à la translocation de GLUT4. Après liaison à son récepteur l hormone va stimuler l activité tyrosine kinase de la sousunité b qui va phosphoryler des résidus tyrosine sur des protéines intracellulaires en particulier les Insulin Receptor Substrates (IRS). Ceci va induire la stimulation de l enzyme PI3 kinase et la formation de phosphoinositides (PIP2 et PIP3) comme messagers secondaires. L activation de Akt/PKB et des protéines kinase C atypiques (PKC et ) va finalement mener à la translocation de vésicules contenant le transporteur GLUT4 d un pool intracytoplasmique vers la membrane plasmique. L effet final sera une entrée de glucose dans la cellule. En cas de diabète de type 2, des défauts d autophosphorylation du récepteur de l insuline, de tyrosine phosphorylation de IRS-1 ainsi que de l activation de PI3 kinase liée à IRS-1 ont été retrouvés. Signalisation intracellulaire de l insuline

FORSCHUNG.CH Forum Med Suisse N o 18 2 mai 2001 477 bonne corrélation entre l uptake de glucose in vitro et in vivo (lors de clamp euglycémique hypersinulinémique). Le défaut d action de l insuline est donc conservé in vitro, alors que ces cellules sont cultivées dans un milieu euglycémique et contrôlé pour l insulinémie. Un des avantages de cette technique est d une part la possibilité d obtenir de grandes quantités de cellules et d autre part de pouvoir stimuler ces cellules avec des doses croissantes d insuline pendant des durées variables, permettant ainsi de réaliser des études complètes de signalisation intracellulaire. Dans notre première étude nous nous sommes intéressés aux mécanismes de résistance à l insuline chez des patients présentant une intolérance au glucose. Cette dernière est caractérisée par une réponse anormale lors d une hyperglycémie orale provoquée (OGTT) et l absence d hyperglycémie à jeun. Ce sont des patients qui présentent un haut risque de développer ultérieurement un diabète de type 2. Les contrôles étaient normotolérants au glucose et d âge comparable. Les myotubes de ces patients ont été cultivés in vitro et leur sensibilité à l insuline ainsi que la signalisation intracellulaire étudiées. Nous avons dans un premier temps pu montrer que les myotubes de patients avec une intolérance au glucose ont un uptake du glucose significativement diminué par rapport aux myotubes de patients contrôles. Ils présentent donc une résistance à l insuline in vitro, et nous nous sommes demandé si il y avait aussi des défauts de la signalisation intracellulaire de l insuline. Nous avons analysé par Western Blots l expression des différentes protéines importantes dans la signalisation de l insuline et n avons pas vu de différences entre les cellules de patients avec intolérance au glucose et patients contrôles. Ensuite, nous avons étudié l activation de différentes voies de signalisation (autophosphorylation du récepteur à l insuline, tyrosine phosphorylation de IRS-1 et IRS-2 ainsi que l activation en réponse à l insuline de PI3 kinase associée à IRS-1 ou IRS-2). Nous avons pu mettre en évidence un défaut de l activation de PI3 kinase associée à IRS-2 en réponse à l insuline dans les myotubes de patients intolérants au glucose. Il peut s agir par conséquent d un défaut précoce de la signalisation de l insuline en cas de résistance à l insuline. Dans le futur, il sera bien évidemment intéressant de voir si on peut abolir cette résistance à Figure 2. Photographies de myoblastes isolés à partir d une biopsie musculaire humaine. A et B montrent des myoblastes en prolifération in vitro. Après différentiation, les cellules fusionnent en myotubes qui sont multinucléés C et D ont des caractéristiques de cellules musculaires squelettiques. D: Agrandissement montrant un groupe de noyaux dans un myotube (flèche). Human skeletal muscle cells Myoblasts Myotubes 4 days after differentiation

FORSCHUNG.CH Forum Med Suisse N o 18 2 mai 2001 478 Figure 3. Schéma représentant, comment un défaut de synthèse de NO pourrait être à l origine de nombreuses altérations métaboliques et cardiovasculaires observées dans les états de résistance à l insuline. l insuline, par exemple en surexprimant IRS-2 dans ces myotubes. Résistance à l insuline et NO L insuline, en plus de son action sur le métabolisme glucidique, a aussi des effets vasculaires qui sont essentiellement médiés par la libération de NO au niveau de l endothélium vasculaire [13]. De plus, des états de résistance à l insuline comme l obésité, l hypertension ou le diabète de type 2 sont associés à des défauts de vasodilatation endothélium dépendante induite par l insuline [14, 15] ainsi qu à une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires [16]. Nous nous sommes donc demandés si, d une part le NO pouvait représenter un lien potentiel entre une résistance à l insuline et des défauts cardio-vasculaires et, d autre part si un défaut de libération de NO pouvait jouer un rôle dans la résistance métabolique à l insuline (Fig. 3). Pour ce faire, nous avons utilisé un modèle de souris knock-out pour la NO synthase endothéliale (enos-/-). Dans un premier temps, nous avons étudié la sensibilité à l insuline de ces souris lors d un clamp euglycémique hyperinsulinémique. La constatation principale a été que les souris enos-/- présentent une résistance marquée à l insuline, car lors de steady state, la vitesse de perfusion de glucose était environ 40 50% inférieure aux souris contrôles. Cette résistance à l insuline n est pas liée à l hypertension en elle-même, car des souris rendues hypertendues dans un modèle de 1 kidney/1 clip ne présentaient pas de résistance à l insuline, malgré des valeurs de pression artérielle comparables aux souris enos-/-. De plus, les souris enos-/- ont une hyperinsulinémie à jeun avec des glycémies comparables aux souris contrôles, ce qui suggère fortement la présence d une résistance à l insuline. Ces souris présentent en outre une dyslipidémie avec hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie et augmentation des acides gras libres. La présence simultanée d une hypertension artérielle, d une résistance à l insuline ainsi que qu une dyslipidémie font de ces souris un modèle intéressant pour étudier le syndrome métabolique. D un point de vue physiopathologique, la résistance à l insuline pourrait être liée à un défaut de vasodilatation artérielle musculaire en réponse à l hormone, avec comme conséquence une diminution d apport de substrat (insuline et glucose) aux tissus cibles. Dans l idée de cette hypothèse, nous avons d ailleurs pu mettre en évidence une stimulation atténuée du flux vasculaire musculaire lors du clamp euglycémique hyperinsulinémqiue chez les souris enos-/-. De plus, d un point de vue statistique, il existait une bonne corrélation entre le degré de vasodilatation artérielle musculaire et l uptake du glucose lors de clamp. En dehors de ce défaut vasculaire, il existe des évidences que le NO pourrait jouer un rôle direct dans la sensibilité musculaire à l insuline. En effet dans des modèles in vitro, il a été démontré que des donneurs de NO pouvaient induire une translocation de GLUT4 et ainsi augmenter l uptake de glucose [17, 18]. D autre part, on sait que les cellules musculaires squelettiques expriment la enos [19] et on pourrait s imaginer que le NO libéré par la cellule musculaire joue un rôle dans l uptake de glucose. Pour tester l hypothèse que le NO peut moduler la signalisation de l insuline et, par conséquent, éventuellement jouer un rôle direct dans la pathogenèse de la résistance à l insuline, nous étudions les signaux intracellulaires de l insuline dans des muscles de souris enos-/- et contrôles. Pour l instant nous n avons pas mis en évidence de différence entre les deux groupes dans l activation de la signalisation intracellulaire en réponse à l insuline. Nous explorons actuellement la possibilité que la enos puissent être activée par l insuline, mais qu elle se trouve en aval de la PI3 kinase. Les perspectives de ces études sont de mieux comprendre le rôle du NO, d une part dans la pathogenèse de la résistance à l insuline et, d autre part comme modèle unificateur pour comprendre l étroite relation existant entre résistance à l insuline et maladies cardio-vasculaires.

FORSCHUNG.CH Forum Med Suisse N o 18 2 mai 2001 479 Références 1 DeFronzo RA. Lilly lecture 1987. The triumvirate: beta-cell, muscle, liver. A collusion responsible for NIDDM. Diabetes 1988;37(6):667-87. 2 Garvey WT, Maianu L, Zhu JH, Brechtel-Hook G, Wallace P, Baron AD. Evidence for defects in the trafficking and translocation of GLUT4 glucose transporters in skeletal muscle as a cause of human insulin resistance. J Clin Invest 1998; 101(11):2377-86. 3 Cline GW, Petersen KF, Krssak M, Shen J, Hundal RS, Trajanoski Z et al. Impaired glucose transport as a cause of decreased insulin-stimulated muscle glycogen synthesis in type 2 diabetes [see comments]. N Engl J Med 1999;341(4):240-6. 4 Wang Q, Somwar R, Bilan PJ, Liu Z, Jin J, Woodgett JR, Klip A. Protein kinase B/Akt participates in GLUT4 translocation by insulin in L6 myoblasts. Mol Cell Biol 1999; 19(6):4008-18. 5 Tanti JF, Grillo S, Gremeaux T, Coffer PJ, Van Obberghen E, Marchand-Brustel Y. Potential role of protein kinase B in glucose transporter 4 translocation in adipocytes. Endocrinology 1997; 138(5): 2005-10. 6 Kotani K, Ogawa W, Matsumoto M, Kitamura T, Sakaue H, Hino Y et al. Requirement of atypical protein kinase clambda for insulin stimulation of glucose uptake but not for Akt activation in 3T3-L1 adipocytes. Mol Cell Biol 1998; 18(12):6971-82. 7 Standaert ML, Galloway L, Karnam P, Bandyopadhyay G, Moscat J, Farese RV. Protein kinase C-zeta as a downstream effector of phosphatidylinositol 3-kinase during insulin stimulation in rat adipocytes. Potential role in glucose transport. J Biol Chem 1997;272(48):30075-82. 8 Maegawa H, Shigeta Y, Egawa K, Kobayashi M. Impaired autophosphorylation of insulin receptors from abdominal skeletal muscles in nonobese subjects with NIDDM. Diabetes 1991;40(7):815-19. 9 Bjornholm M, Kawano Y, Lehtihet M, Zierath JR. Insulin receptor substrate-1 phosphorylation and phosphatidylinositol 3-kinase activity in skeletal muscle from NIDDM subjects after in vivo insulin stimulation. Diabetes 1997;46(3):524-7. 10 Shulman GI. Cellular mechanisms of insulin resistance. J Clin Invest 2000;106(2):171-6. 11 Henry RR, Abrams L, Nikoulina S, Ciaraldi TP. Insulin action and glucose metabolism in nondiabetic control and NIDDM subjects. Comparison using human skeletal muscle cell cultures. Diabetes 1995; 44(8):936-46. 12 Henry RR, Ciaraldi TP, Abrams- Carter L, Mudaliar S, Park KS, Nikoulina SE. Glycogen synthase activity is reduced in cultured skeletal muscle cells of non-insulin-dependent diabetes mellitus subjects. Biochemical and molecular mechanisms. J Clin Invest 1996;98(5): 1231-6. 13 Scherrer U, Randin D, Vollenweider P, Vollenweider L, Nicod P. Nitric oxide release accounts for insulin s vascular effects in humans. J Clin Invest 1994;94(6):2511-5. 14 Vollenweider P, Randin D, Tappy L, Jequier E, Nicod P, Scherrer U. Impaired insulin-induced sympathetic neural activation and vasodilation in skeletal muscle in obese humans. J Clin Invest 1994;93(6):2365-71. 15 Scherrer U, Sartori C. Defective nitric oxide synthesis: a link between metabolic insulin resistance, sympathetic overactivity and cardiovascular morbidity. Eur J Endocrinol 2000;142(4):315-23. 16 Despres JP, Lamarche B, Mauriege P, Cantin B, Dagenais GR, Moorjani S, Lupien PJ. Hyperinsulinemia as an independent risk factor for ischemic heart disease [see comments]. N Engl J Med 1996; 334(15):952-7. 17 Balon TW, Nadler JL. Evidence that nitric oxide increases glucose transport in skeletal muscle. J Appl Physiol 1997;82(1):359-63. 18 Young ME, Leighton B. Evidence for altered sensitivity of the nitric oxide/cgmp signalling cascade in insulin-resistant skeletal muscle. Biochem J 1998;329(Pt 1):73-9. 19 Kapur S, Bedard S, Marcotte B, Cote CH, Marette A. Expression of nitric oxide synthase in skeletal muscle: a novel role for nitric oxide as a modulator of insulin action. Diabetes 1997;46(11):1691-700.