MEDICAMENTS ET PRATIQUES MEDICALES Problèmes actuels



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Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l Ordre des médecins du 30 juin 2000 Dr Daniel GRUNWALD Dr François-Xavier MERCAT MEDICAMENTS ET PRATIQUES MEDICALES Problèmes actuels Résumé Les relations entre médicaments et pratiques médicales sont de plus en plus complexes. Cela justifie une information actualisée des médecins prescripteurs associée aux prises de position ordinales concernant différentes évolutions récentes en matière de médicaments. Les cadres d utilisation des médicaments sont codifiés par des dispositions réglementaires. Les prescripteurs ont à tenir compte des modalités d utilisation nouvelles des produits pharmaceutiques mis à leur disposition. L importance de leur participation active aux procédures de suivi existantes (pharmacovigilance - pharmacodépendance) est à souligner. De même, il importe de distinguer dans les procédures mises en place, d une part celles encadrant les possibilités de prescription et d utilisation des médicaments, d autre part, les dispositions concernant les justifications et conditions de remboursement des produits prescrits. Les prescriptions de médicaments obéissent à l application du code de la santé publique et à des règles déontologiques. Une prescription Hors A.M.M. n est pas illégale mais doit pouvoir être très précisément justifiée. Les justifications des prescriptions évoluent parallèlement aux nouveaux paradigmes de la santé : médicaments, pour les soins, mais aussi de confort (?) de bien-être. Ces justifications de prescriptions sont à distinguer du récent concept de Service Médical Rendu, analysant l opportunité du remboursement des différentes classes thérapeutiques. Les rôles, complémentaires, des médecins prescripteurs et des pharmaciens dispensateurs, doivent être clairement affirmés. Dans ce cadre, le droit de substitution récemment instauré, ne devrait être qu une étape vers une transparence plus affirmée des procédures prenant en compte la dimension économique de la délivrance des médicaments, tout en respectant les charges et responsabilités incombant tant aux médecins, qu aux pharmaciens. La possibilité de prescription médicale sous forme de DCI pouvant permettre une délivrance générique par les pharmaciens serait dans ce sens opportune. Nous étudierons ensuite les règles de prise en charge des médicaments par l Assurance Maladie, sachant l influence sur la prescription du taux de remboursement, voire de son absence. La maîtrise médicalisée des dépenses a eu pour effet l intervention de plus en plus fréquente du contrôle médical, et ses conséquences en terme de déontologie et de responsabilité, méritent d être analysées. La prescription de médicaments est l une des applications les plus fréquentes de la réalisation d un acte médical par un médecin. Les relations entre médicaments et pratiques médicales se complexifient à tous les niveaux : - multiplication des produits et des présentations, avec des frontières de moins en moins nettes avec d autres produits ingérables, - diversité d indications et de justifications d utilisation, traduisant l évolution des finalités des prescriptions médicales allant de la prise en charge des maladies au maintien de la santé, - modifications récentes des modes de prescription et surtout de délivrance des médicaments prescrits, - remise en cause et diversification des remboursements par les caisses de sécurité sociale, de certains médicaments,

2 - développement progressif d un marché unique européen des produits pharmaceutiques. Cela justifie une réflexion sur ces nouveaux questionnements, centrée sur les prescriptions médicales de médicaments, les responsabilités assumées en cette matière par les praticiens prescripteurs, et également par l Etat, les organismes financeurs, les laboratoires pharmaceutiques, les pharmaciens d officine et les patients, dans certains cas. L objectif de ce rapport est ainsi : - de permettre une information actualisée des médecins-prescripteurs, - d orienter les prises de position que l Ordre aura à prendre concernant différentes évolutions récentes en matière de médicaments. Différents chapitres sont ainsi à aborder : - Le cadre d utilisation des médicaments, - Les prescriptions des médicaments, - De la prescription à la délivrance des médicaments, - Le remboursement des médicaments et la place des services médicaux, des organismes de protection sociale, LE CADRE D UTILISATION DES MEDICAMENTS De plus en plus complexes, de plus en plus évolutifs, les cadres fixés aux possibilités d utilisation des médicaments ont des conséquences également de plus en plus précises, et contraignantes, sur leurs prescriptions. Apparaît de ce fait une nécessité d information renforcée des médecins prescripteurs sur les dispositions réglementaires rappelées ci-dessous, d autant qu elles sous-tendent nombre d interrogations pratiques, actuellement soulignées. I. DEFINITION DU MEDICAMENT Est donnée par l article L.511 du code de la santé publique toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l égard des maladies humaines ainsi que tout produit pouvant être administré à l homme ou à l animal en vue d établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques. Cette définition s appuie sur deux critères présentés de manière autonome et alternative : Un critère de présentation et un critère de fonction. Ces éléments sont repris sur le plan européen par la Directive 65-65/CEE du 26 janvier 1965. Il faut souligner que la frontière entre médicaments reconnus et d autres produits, apparaît de plus en plus floue : non pas tant, dispositifs médicaux, qu obtention de mise sur le marché de produits consommables, notamment alimentaires, compléments nutritionnels qui ne sont pas considérés réglementairement comme des médicaments bien qu ils soient parfois présentés comme ayant des effets bénéfiques sur la santé (avec une diffusion commerciale ayant remplacé l ancienne herboristerie! ). II. POSSIBILITES D UTILISATION A. PHARMACOPEE : Un médicament ne peut être prescrit et délivré que s il est inscrit à la pharmacopée : recueil officiel des médicaments simples et composés comportant leur dénomination, leurs posologies maximales et usuelles.

3 La pharmacopée inclut les textes de la pharmacopée française et ceux de la pharmacopée européenne (article 511-3 du Code de la Santé Publique). L Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé est chargée de l édition de la pharmacopée française et de celle du formulaire national comportant les dispositions de la pharmacopée française et de la pharmacopée européenne, rendues obligatoires par arrêté ministériel (articles R.5003, R5006-1 du Code de la Santé Publique). B. AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHE : Toute spécialité pharmaceutique ou toute autre médicament fabriqué industriellement, ainsi que tout générateur ou précurseur, qui ne fait pas l objet d une A.M.M. délivrée par la Communauté Européenne, en application du règlement CEE n 2309/93 du 22 juillet 1993, doit faire l objet avant sa commercialisation ou sa distribution d une A.M.M. délivrée par l Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Cette autorisation peut être assortie de conditions particulières adéquates (article 601 du Code de la Santé Publique). L A.M.M. est délivrée en fonction des différents éléments d un dossier fourni par le demandeur, comportant entre autres, les indications thérapeutiques du produit considéré pour lequel une A.M.M. est sollicitée (et qui ne représente pas obligatoirement la totalité des indications envisageables du médicament concerné). L A.M.M. est délivrée pour cinq ans. Elle peut être refusée pour différents motifs, entre autres si l intérêt thérapeutique fait défaut ou est insuffisamment justifié par le demandeur (article R.5136 du code de la santé publique). Dans le cadre de l A.M.M., est prévu le classement du produit sous différentes rubriques : médicaments soumis à prescription du fait de son inscription sur une liste I ou II ; prescription spéciale des produits stupéfiants ; médicaments soumis à prescription restreinte, médicament délivrable sans prescription médicale. C. LES CAS PARTICULIERS : - Les A.T.U. (nominatives ou de groupe, souvent avant A.M.M.), permettent l utilisation à titre exceptionnel de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares, lorsqu il n en n existe pas de traitement approprié, les autorisations sont alors délivrées pour une durée limitée (en principe un an) dans les conditions prévues aux articles R.542-20 à 25 du code de la santé publique. - MEDICAMENTS EN RESERVE HOSPITALIERE. - MEDICAMENTS A PRESCRIPTION RESTREINTE : Leur A.M.M. s accompagne d une limitation de leur possibilité de prescription, réservée à certains médecins hospitaliers et à certains spécialistes. Ces dispositions sont justifiées, tant par les compétences particulières nécessaires au médecin prescripteur, que par un désir de sécurisation renforcé de leurs modalités d utilisation. - MEDICAMENTS ORPHELINS : Il s agit de produits d utilisation rare dont la fabrication ou la commercialisation ne peut être que déficitaire au plan économique, limitant d autant leur développement dans les conditions normales du marché pharmaceutique. Ces produits concernent essentiellement des maladies rares (taux de fréquence inférieur à cinq pour 10.000 personnes), surtout lorsqu il s agit d affections graves et/ou transmissibles, ou ne disposant pas d autres traitements satisfaisants, facteurs justifiant de favoriser les investissements nécessaires à leur traitement. Un règlement communautaire les concernant a été promulgué par le Parlement Européen, et s applique depuis Janvier 2000. Le texte élargit la définition des médicaments orphelins, concernant des maladies rares et graves, ou des maladies graves bénéficiant de médicaments peu utilisés, sans rentabilité commerciale, mais entraînant un réel bénéfice pour les patients. Un Comité des Médicaments Orphelins procède à leur reconnaissance, s accompagnant d avantages financiers pour leurs fabricants, et d un soutien aux recherches sur ces produits. Ces médicaments sont souvent mal connus des médecins. Un site Intranet (Orphnet) fournit actuellement des informations sur leur utilisation. - LES PRODUITS DERIVES DU SANG : Ils obéissent à des modalités d autorisation et d utilisation particulières.

4 - MEDICAMENTS D EXCEPTION : Cette catégorie concerne uniquement des conditions spéciales de remboursement de certains médicaments particulièrement coûteux et d indication précise (Art. L163-2 du Code de la Sécurité Sociale). III. LA VIE DU MEDICAMENT Différentes dispositions, souvent mal connues des médecins prescripteurs assurent un suivi des médicaments durant toute leur période d utilisation, et permettent de comprendre différentes interrogations actuelles touchant à leur prescription, à leur délivrance et à leur remboursement. A. COMMERCIALISATION : Après obtention d une A.M.M., différentes commissions dépendant de l Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé ont à intervenir, avant qu un médicament ne soit commercialisé, et également durant toute sa phase d utilisation : - Commission de la transparence : établit l appréciation du service médical rendu (ASMR, coté de 1 à 6). - Comité économique du médicament : fixe leurs conditionnements, prix, remboursements par les caisses de sécurité sociale, auxquels font suite l établissement des autorisations correspondantes par le Secrétariat d Etat à la Santé. - Commission de Contrôle de la Publicité et du bon usage du médicament. Ces dispositions concernent : - les médicaments ne pouvant être délivrés que sur prescription médicale (listes I et II, stupéfiants, prescriptions restreintes ). - Les produits médicamenteux délivrables sans ordonnance médicale, en vente libre dans les officines pharmaceutiques. B. PHARMACOVIGILANCE : Son objet et ses modalités sont prévus (articles R.5144-1 et suivants du Code de la Santé Publique) et concernent les effets indésirables, indésirables graves, indésirables inattendus, mésusage des médicaments (à l exclusion des usages abusifs). Le système de pharmacovigilance comporte au sein de l Agence Française de Sécurité Sanitaire de Pharmacovigilance, des centres régionaux. Il est également prévu la participation des entreprises biomédicales, des pharmacies d officines, ainsi que de l ensemble des membres de professions de santé. Parallèlement aux informations, recommandations, voire encadrement des prescriptions médicales de médicaments, des incitations fortes à une participation active des praticiens au signalement des effets indésirables de produits médicamenteux est l un des points important à développer en cette matière. Une meilleure communication entre les centres régionaux de pharmacovigilance et les médecins prescripteurs est à développer, notamment en promouvant de véritables réflexes systématiques de signalement des effets secondaires significatifs relevés dans l utilisation des produits prescrits. C. PHARMACODEPENDANCE : Il en est de même en ce qui concerne la prise en compte des phénomènes de pharmacodépendance, concernant en particulier les substances stupéfiantes et les psychotropes. Son évaluation est assurée au sein de l Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé par la Commission Nationale des Stupéfiants et Psychotropes, ainsi que les centres d évaluation et d information sur la pharmacodépendance, avec participation des entreprises et des professionnels de santé. L on insiste actuellement de plus en plus sur l importance de prise en compte des diminutions des capacités

5 d adaptation, notamment de vigilance, entraînés par différentes médications. Leurs incidences sur l aptitude à certains postes de travail sont bien connues ; leurs conséquences néfastes possibles sur la conduite automobile sont de plus en plus incriminés ; justifiant information renforcée, tant des médecins prescripteurs, que des patients. Cela d autant qu il n existe pratiquement pas de mesures de protection de Santé Publique en ce domaine. L un des aspects actuels de la pharmacodépendance, quasi structurelle, concerne ses relations avec les dépendances aux médicaments entretenues dans le cadre de la prise en charge des toxicomanes au travers des traitements de substitution. Leur poursuite ne peut être justifiée que par des preuves tangibles, authentifiées, d une diminution des risques par rapport à l usage non contrôlé de stupéfiants. Cela est maintenant démontré, en ce qui concerne notamment la prévention des affections virales transmissibles. D. RETRAIT DES MEDICAMENTS : Il peut intervenir en cas d arrêt de commercialisation, de non renouvellement d A.M.M. Une décision de retrait immédiat peut également être prononcée par l Institut de veille sanitaire, nécessitant alors information rapide, tant des médecins prescripteurs, que des pharmaciens dispensateurs, du produit interdit. E. NOUVELLES REEVALUATIONS DES MEDICAMENTS : Un récent décret (n 99-915 du 27 octobre 1999) a confié à la Commission de la Transparence de l A.F.S.S.P.S. la mission d apprécier le service médical rendu (S.M.R.) des différents produits médicamenteux, appréciés à partir de cinq critères (efficacité et effets indésirables ; place dans les stratégies thérapeutiques notamment au regard des autres thérapeutiques disponibles ; gravité de la pathologie en cause ; caractères préventif, curatif ou symptomatique des médicaments ; intérêt pour la santé publique). Quatre catégories de S.M.R. sont prévues (majeur ; modéré ; modeste ; insuffisant pour être pris en charge) étendus à la classe thérapeutique concernée. Ces nouvelles classifications ne concernent que les conditions de remboursement des médicaments et sont donc à distinguer des autres procédures existantes se rapportant aux possibilités et conditions de prescription et d utilisation des produits médicamenteux ; Il apparaît ainsi opportun de souligner : - L importance croissante d une information régulière des médecins prescripteurs sur les différentes modalités d utilisation des médicaments mis à leur disposition, et leur participation active aux procédures de contrôle existantes (pharmacovigilance, pharmacodépendance). Cette information et cette participation sont actuellement insuffisantes. - La distinction a établir dans les différentes procédures mises en place, entre les dispositifs encadrant les possibilités de prescription et d utilisation des médicaments d une part, et les dispositions fixant les justifications et conditions de remboursement des produits médicamenteux par les organismes de protection sociale d autre part. A partir de ces différentes considérations pourront être abordées les questions actuelles se rapportant, tant aux prescriptions médicamenteuses, qu à leur possible remboursement par la collectivité. PRESCRIPTIONS DES MEDICAMENTS Matérialisation d une décision médicale, la prescription d un médicament ne peut légalement être effectuée que par un Docteur en médecine en situation normale d exercice (notamment inscrit au Tableau de l Ordre). L efficacité accrue mais également les risques iatrogènes croissants des médicaments actuels, la multiplication sans précédent, tant des produits que des stratégies envisageables dans la prise en charge de nombreuses pathologies (imposant choix), les difficultés économiques de la santé, entraînent une remise en cause des prescriptions médicales, voire de véritables suspicions envers certaines d entre elles. Ces différents facteurs, ce climat symptomatique des difficultés nouvelles de l exercice médical, justifient approfondissement, et prise de position sur différents questionnements nouveaux touchant aux prescriptions.

6 Ce qui sera envisagé : - les aspects actuels des limites imposées aux prescriptions médicales à partir des données du chapitre précédent, - les justifications des prescriptions, - les différentes aides à la prescription dont disposent les praticiens. I. LES LIMITES DE PRESCRIPTION : A. DONNEES DEONTOLOGIQUES : Le Code de Déontologie fixe les bases tangibles des conditions qu ont à respecter les praticiens dans les prescriptions médicales qu ils effectuent : Article 8 Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. Article 34 Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s efforcer d en obtenir la bonne exécution. L article 39 précise que l on ne peut proposer comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé, avec interdiction de pratiques de charlatanisme, De même l article 40 interdit au médecin de faire courir au patient un risque injustifié. Dans les thérapeutiques qu il prescrit. L article 70 rappelle opportunément que le thérapeute ne peut formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances et les moyens dont il dispose. Ces différents articles représentent le fil conducteur dans l appréciation des questions d actualité touchant aux prescriptions médicales. B DONNEES DE SANTE PUBLIQUE : Elles découlent du premier chapitre de ce rapport. Il apparaît important de distinguer là deux ordres de faits : - Seuls les médicaments inscrits à la pharmacopée, et bénéficiant d une A.M.M. (ou A.T.U.) peuvent être prescrits par les médecins. La prescription d autres produits (même s ils sont utilisés dans des pays étrangers) ne peut être envisagée par un médecin exerçant sur le territoire français. Cette disposition rejoint l interdiction d utiliser des thérapeutiques insuffisamment éprouvées ; voire dangereuses, pouvant être objet de saisines juridictionnelles ordinales. - Les indications médicales des prescriptions : elles correspondent normalement aux indications incluses dans l A.M.M. du produit considéré, offrant une validation officielle du cadre d utilisation d un médicament dont le médecin reste par ailleurs toujours responsable de la prescription auprès de ses patients, tant dans son principe, que dans ses modalités. Sauf exception dûment justifiée, les posologies doivent en particulier respecter les limites fixées au Codex. Qu en est-il des prescriptions hors A.M.M.?

7 La réglementation concernant les A.M.M. intéresse uniquement les fabricants diffusant les produits autorisés. Les indications thérapeutiques mentionnées dans l'a.m.m. ne sont pas obligatoirement exhaustives des indications d'un produit La comparaison des A.M.M. de produits ayant les mêmes principes actifs ou de classe thérapeutique identique, montre d ailleurs qu il existe incontestablement des paradoxes réglementaires s expliquant par les conditions d obtention d une A.M.M.. Même si les cas en deviennent rares, il existe cependant également parfois de nouvelles indications thérapeutiques de produits, apparaissant à l usage, avant que ces nouveaux avantages reçoivent une A.M.M. appropriée. Une prescription hors A.M.M. n est donc pas illégale. Par contre, elle n est déontologiquement envisageable que dans la mesure où le prescripteur obéit à des critères conformes aux données actuelles scientifiquement établies (plus rarement en cours de validation) de la thérapeutique médicale. Une telle prescription engage en effet très nettement la responsabilité du médecin qui l assume donc possibilité reconnue mais qui, compte tenu de la dynamique actuelle en matière de thérapeutiques, correspond de plus en plus à des situations d exception, même si des cas particuliers existent toujours, notamment du fait de la coexistence d A.M.M. nationales et européennes. Ces données montrent bien l importance que représentent les justifications pouvant être apportées aux prescriptions médicales de la part des médecins. II. JUSTIFICATION DES PRESCRIPTIONS Les questions actuelles font référence à l essor grandissant des classes et des produits thérapeutiques régulièrement mis sur le marché. Plus encore, les incertitudes exprimées ne sont-elles pas le reflet des interrogations émergentes touchant au rôle dévolu au médecin dans nos sociétés, tant vis-à-vis des personnes les consultant, qu en référence aux préoccupations de la santé publique? A. FINALITES DES PRESCRIPTIONS : Elles sont normalement sous-tendues par l objectif de guérir et/ou de stabiliser, et/ou de soulager Mais la demande sociétale actuelle dépasse nettement ces finalités liées aux progrès thérapeutiques et à la vulgarisation des informations les concernant. La certitude médiatique en l efficacité de la médecine a entraîné une demande généralisée de prise en charge médicale de tout trouble péniblement ressenti, rapporté à tort ou à raison à la santé Dans les finalités des situations portées à la connaissance des médecins et de nombreuses prescriptions, tous les intermédiaires existent donc entre le traitement des pathologies, des symptômes, les thérapeutiques des troubles fonctionnels, somatiques, psychosomatiques, psychologiques, ressentis et les prescriptions répondant à un désir de maintien de la santé, voire d amélioration des performances physiologiques des individus. B. LES DIFFERENCES DE PRESCRIPTIONS EN MEDECINE DE SOINS : Un patient consulte un médecin en vue d une prise en charge médicale. Les prescriptions correspondent à différentes situations : - parfois, produits utilisés pour des examens à visée diagnostique, - le plus souvent, thérapeutique des affections pathologiques, soit mono, soit polypathologie, - Traitement de symptômes fonctionnels, sans atteinte somatique mise en évidence, nécessitant pour certains, surveillance évolutive, pour d autres, pronostic de totale bénignité ou le traitement utile ressort plus d un effet placebo que de l efficacité de ses composantes. L effet blouse blanche doit souvent être complété par un effet médicament ; il est souvent mal compris par un patient de ne pas recevoir d ordonnance pour des troubles peut-être bénins mais péniblement ressentis. - Les médicaments homéopathiques méritent mention particulière : produits ayant une A.M.M. simplifiée ; essentiellement justifiée par leur absence d effets secondaires, même si ces médicaments n ont aucune indication thérapeutique reconnue (bon nombre d entre eux sont cependant pris en charge par les caisses d assurance maladie). - L on a voulu isoler les prescriptions de médicaments dits de confort agissant sur des troubles fonctionnels

8 et non justifiés par un authentique état pathologique ; distinction difficile d autant qu un même produit peut avoir des indications directement liées à d authentiques pathologies ou être justifiées par des troubles fonctionnels sans gravité. (exemple des thérapeutiques gastroentérologiques ). - Les mêmes difficultés se rencontrent pour certains médicaments qualifiés de bien-être (cf. infra) pouvant être indiqués par ailleurs pour des troubles fonctionnels liés à d authentiques pathologies, dont la prise en charge est parfaitement licite C. LES PRESCRIPTIONS MEDICAMENTEUSES EN DEHORS DE LA MEDECINE DE SOINS : Contradiction traduisant le paradoxe de certaines situations d exercice médical : - Entre dans ce cadre la prescription de médicaments dits de bien-être établie en dehors de tout état pathologique : Viagra, Xénical, Propécia, Rolenza. Bien que non justifiés par un état pathologique, ces médicaments pouvant avoir des contre-indications médicales, entrent donc dans le champ de prescriptions médicales, secondaires à une demande émanant du public. Le rôle du médecin est alors de s assurer de l absence de contre-indication médicale à leur emploi et d autoriser l utilisation d un médicament motivé par un désir de Bien-être psychique et social du demandeur. - Autre exemple : Les thérapeutiques dites d accompagnement des sportifs les aidant dans leur entraînement ; ces circonstances sont à distinguer des prescriptions représentant un risque potentiel vis-à-vis de la santé du sportif, recherchant uniquement amélioration des performances, caractérisant des actes de dopage. Ces derniers sont interdits(*) au médecin, alors que les premiers sont envisageables sous réserve d une juste appréciation de leur justification réelle, et plus encore de leur dangerosité potentielle, fixant les limites de partage entre le compréhensible et l illicite. (*) Listes officielles des produits interdits, régulièrement mises à jour. D. LE SERVICE MEDICAL RENDU : Toute prescription établie par un médecin doit viser à apporter un bénéfice médical à la personne à qui elle s'adresse. L objectif peut viser une pathologie (sous les angles préventifs et/ou curatifs), l amélioration des troubles exprimés par le patient. Le choix thérapeutique est fonction de la gravité de la pathologie ou des symptômes, des différentes possibilités des traitements envisageables, de la comparaison entre efficacité recherchée et effets indésirables possibles du produit, outre, dans certains cas, des objectifs associés de santé publique. Ces différentes justifications demandées au médecin découlent directement des impératifs énoncés dans le code de déontologie et des consensus thérapeutiques scientifiques, régulièrement mis à jour. Ces considérations déontologiques et scientifiques apparaissent très générales, compte tenu de la diversité des situations entraînant des prescriptions médicales. L on doit en distinguer le concept plus limité de service médical rendu, tel qu il est inclus dans un décret prévoyant son appréciation par la Commission de Transparence, pour l ensemble des produits et classes thérapeutiques pris en charge par les organismes de protection sociale : l analyse demandée n a en effet comme finalité que de classer les produits vis-à-vis de l opportunité de leur remboursement et de son taux. Il semblera de ce fait important que soit bien précisé, tant vis-à-vis des médecins que des patients, les différences existant entre justification de prescription de médicaments et justification de leur remboursement par les organismes de protection sociale. III. AIDES A LA PRESCRIPTION La multiplication des classes thérapeutiques, les difficultés souvent croissantes de leur maniement, leur risque iatrogène pouvant contrebalancer leur efficacité croissante, posent le problème de la compétence des médecins dans les prescriptions qu ils établissent et dans leur surveillance, après information et consentement éclairé des patients.

9 A. LES MOYENS HABITUELS SONT REPRESENTES PAR : - La formation initiale des étudiants en médecine, et chacun s accorde à penser que la formation en thérapeutique médicale mériterait d être plus approfondie. - L information des médecins praticiens : bien souvent limitée à l action des visiteurs médicaux ; elle aurait à être complétée par des informations régulières, validées, émanant des organismes scientifiques responsables, et des instances ministérielles. Dans les limites qui lui sont imposées, l Ordre des médecins pourrait s investir plus significativement dans cette information, en particulier dans les cas d information urgente ou de dispositions d une particulière importance. - La Formation Médicale Continue : elle représente le moyen de choix d une réelle formation continue thérapeutique. Elle est de plus, favorisée par la participation financière de l industrie biomédicale à la F.M.C.. Une coordination et des orientations préférentielles en fonction des besoins, sont à privilégier par les médecins organisateurs des actions de F.M.C.. - Les différentes publications des Sociétés Savantes, certaines revues thérapeutiques, sont par ailleurs indispensables et forment un corpus d informations, généralement suffisant pour tout médecin ayant le désir de s informer sur les innovations thérapeutiques. Les différentes publications font par ailleurs généralement état des résultats des conférences de consensus, régulièrement organisées en matière de prise en charge et de thérapeutique des différentes pathologies. B. LES REFERENCES MEDICALES : Même si elles se cantonnent souvent à ce qui n est pas souhaitable, elles constituent un bon miroir des consensus thérapeutiques existants dont la valeur sera fonction de la qualité des mises à jour qui en seront effectuées. Leur tendance normative, leur opposabilité, même statistique, vis-à-vis des prescriptions des médecins, ont quelque peu terni leur image. Cela montre l intérêt de bien préciser et, lorsqu il le faut, de bien distinguer les notions de prescriptions médicales opportunes, les justifications de prise en charge de frais des prescriptions par la collectivité, permettant de tracer les limites de responsabilité entre les médecins, les organismes de protection sociale, et les patients. C. LA PRATIQUE QUOTIDIENNE DES MEDECINS : - Le dictionnaire VIDAL ou ses différents supports est et demeure incontournable dans l aide à la décision thérapeutique des médecins. - l émergence de logiciels d aide à la prescription représente un apport utile, dans la mesure où ces nouveaux produits sont dûment labellisés, et que leur présentation n est pas modifiée par des considérations purement commerciales tenant à leur promoteur ou à leur financeur. Au total, les questions liées à la justification des prescriptions médicales de médicaments dominent les discussions actuelles entourant l utilisation des produits pharmaceutiques. Afin de dissiper un certain nombre de malentendus, il apparaît important : - de savoir distinguer dans chaque cas les finalités exactes des prescriptions effectuées, - de bien séparer : justification de prescription et justification de remboursement des produits prescrits. Ainsi pourra être défini, en toute transparence, le niveau de responsabilités : - des prescripteurs : médecins assurant pleinement la responsabilité de leurs actes comportant une information appropriée des patients, - des organismes payeurs assumant le principe et le niveau de remboursement ou de non remboursement des produits prescrits, - des destinataires des prescriptions, patients ou personnes, acceptant les traitements proposés et leurs contraintes, pouvant dans certains cas être confrontés à la motivation de leur demande de prise en charge médicale, notamment lorsque celle-ci ne correspond pas directement à un authentique état pathologique.

10 Une clarification de ces différentes données, tant vis-à-vis des médecins que vis-à-vis des patients (pour ne pas dire consommateurs de médecine), apparaît à favoriser, ne serait-ce que pour ne pas altérer par de fausses interprétations le lien de confiance indispensable entre le médecin prescripteur et la personne qui reçoit ses prescriptions. DE LA PRESCRIPTION A LA DELIVRANCE DES MEDICAMENTS Durant cette phase d obtention par le patient des médicaments prescrits, interviennent conjointement et successivement, le médecin et le pharmacien. Un certain nombre de questions nouvelles sont actuellement posées à ce sujet. I. SECURITE MATERIELLE DES PRESCRIPTIONS - La prescription des stupéfiants a été modifiée du fait du remplacement des classiques carnets de toxiques par les ordonnances sécurisées. Théoriquement, ce type d ordonnances devrait devenir obligatoire pour les prescriptions de médicaments inscrits sur les listes I et II, à partir du 1 er octobre 2000. L instauration des ordonnances sécurisées pour prescription de stupéfiants à entraîné un certain nombre de problèmes (obtention, sécurisation, difficulté de contrôle). Il importe actuellement de suivre l utilisation pratique de ces nouvelles dispositions avant de pouvoir retenir une position raisonnée vis-à-vis de la généralisation envisagée de ce type d ordonnances, comme cela était initialement prévu. - Certaines circonstances de prescription soulèvent des questions particulières : préparations magistrales, et prescriptions de produits à usage pédiatrique notamment. Il est en effet interdit au pharmacien de déconditionner des spécialités pharmaceutiques. Des dispositions réglementaires sont en préparation pour les préparations pédiatriques. II. DISPENSATION DES MEDICAMENTS Elle fait partie du monopole de la profession de pharmacien d officine, justifiée par leur formation et les contrôles dont font l objet leurs activités. Elle correspond d une part à la délivrance des produits, d autre part à l information que doit apporter parallèlement le pharmacien. A. LE RÔLE DE CONTRÔLE DES PHARMACIENS : Le pharmacien a la responsabilité du contrôle des posologies prescrites, des possibles contre-indications, notamment liées à l âge, des difficultés pouvant être opposées par certaines interactions médicamenteuses, voire incompatibilité d association de produits. Ce rôle de contrôle ne concerne pas la justification d une prescription médicale. B. LE CONSEIL PHARMACEUTIQUE : Il inclut les conseils donnés aux patients sur l utilisation des produits prescrits, des précautions à prendre, les alertant sur d éventuelles associations avec une éventuelle automédication, les premiers symptômes d une possible intolérance Contrôle et Conseil entrent actuellement dans le concept d Analyse pharmaceutique précédant la dispensation des médicaments. Cela entraîne les pharmaciens à établir de véritables dossiers pharmaceutiques des patients. Il apparaît important de veiller à ce que de telles procédures, souhaitables, n altèrent pas, aux yeux des patients, les rôles et responsabilités respectives, tant du médecin que du pharmacien.

11 C. LE DROIT DE SUBSTITUTION - De quoi d agit-il? Le décret n 99-486 paru au Journal Officiel du 12 juin 1999 relatif aux spécialités génériques et au droit de substitution du pharmacien, introduit des dispositions très innovantes : Identification des spécialités génériques sous forme d un répertoire présentant ces produits et leurs spécialités de référence par groupes génériques ; ce répertoire est établi par l Agence de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Ce répertoire prend en compte les principes actifs désignés par leur D.C.I. et voie d administration et également les excipients à effet notoire des spécialités qui en contiennent. Autorisation donnée au pharmacien de dispensation d un produit générique en remplacement d une spécialité prescrite par le médecin, en référence au répertoire des génériques, sans modification des posologies prescrites et du nombre de prises journalières. Possibilité donnée au médecin prescripteur d exclure la possibilité de cette substitution par la mention manuscrite sur son ordonnance du terme non substituable. L article R.315-1 du Code de Sécurité Sociale prévoit que le service du contrôle médical des caisses peut se faire communiquer par le médecin prescripteur les éléments ayant justifié cette exclusion de substitution dans le respect des règles de la déontologie médicale. - Les génériques concernés : Sous ce terme sont désignés les spécialités essentiellement similaires, tant dans leur composition que dans leur forme pharmaceutique et, le cas échéant, leur bioéquivalence aux spécialités de référence. Cette similitude concerne également les indications retenues par l A.M.M. des produits. Elle doit également prendre en compte les effets possibles des excipients contenus dans le produit concerné. Les garanties de sécurité et d efficacité doivent être identiques à celles de la spécialité de référence. Rappelons que les médicaments génériques bénéficient d une A.M.M. obtenue selon une procédure allégée par rapport à la spécialité de référence. Cette définition de produit essentiellement similaire élimine le concept d équivalent thérapeutique pour désigner les génériques. Appellations : deux modes de dénominations caractérisent les génériques, ce qui n en favorise pas l utilisation : d une part, un nom de fantaisie ou de marque, comme pour toute spécialité pharmaceutique ; d autre part, leur D.C.I. suivi du nom de l industriel ayant obtenu l A.M.M.. Il est incontestable que la généralisation et le caractère unique de cette deuxième dénomination éviterait des ambiguï tés d interprétation entre génériques et spécialités de référence. La prescription des génériques reste peu développée en France, par rapport à d autres pays européens Ce qui du fait des incidences économiques avancées représente la justification du droit de substitution accordé au pharmacien. De plus, l utilisation des Génériques est encouragée au plan européen, dans le cadre du Marché Unique des produits pharmaceutiques. - Justification du droit de substitution : Cette justification est donc purement économique. Selon ses modalités actuelles, elle a pu être interprétée comme une intrusion du rôle du pharmacien dispensateur par rapport au médecin prescripteur ; en particulier vis-à-vis de la compréhension que peuvent en avoir les patients concernés. L on peut estimer que si l on donnait au médecin la possibilité d établir leurs prescriptions en D.C.I., la dispensation par le pharmacien des produits concernés représenterait alors une délivrance générique beaucoup plus transparente vis-à-vis des patients. - Le problème des responsabilités : Il est loin d être résolu. Le pharmacien est bien entendu responsable de la dispensation des médicaments, et de l application qu il aura faite à chaque cas, du droit de substitution qui lui a été donné par la loi. Le médecin : il peut s opposer à l exercice du droit de substitution par mention manuscrite sur son ordonnance, sous réserve, le cas échéant, d apporter toute justification au contrôle médical des caisses d assurance maladie. En ne portant pas cette mention d interdiction de substitution, il en accepte l idée et il pourrait donc

12 être partiellement tenu pour responsable en cas de mise en cause par un patient, de l utilisation du droit de substitution exercé par un pharmacien. Cette interprétation pourrait donc conduire à une responsabilité partagée, en cas de mise en cause par le patient de la délivrance d un produit substitué. Il semble difficile au médecin d échapper à cette responsabilisation partielle, notamment en apposant sur ses ordonnances une phrase précisant qu il rejette toute responsabilité en cas de changement de sa prescription, puisque cette possibilité de changement est prévue par un texte légal. L on peut également poser l éventuelle question de la responsabilité du médecin-conseil qui n aurait pas accepté une exclusion de possibilité de substitution portée de façon manuscrite par un médecin sur son ordonnance. Il est vraisemblable que seule la jurisprudence tranchera de telles questions. Le patient : il peut bien entendu refuser l exercice par le pharmacien de son droit de substitution ce qui l exposerait à un non remboursement des produits prescrits?. - Au total, tel qu il a été édicté, ce droit de substitution a une finalité strictement économique, cherchant à augmenter le pourcentage de délivrance de produits génériques. Ces dispositions, dans une certaine mesure, tendraient à opposer la liberté de prescription du médecin et les impératifs parfaitement justifiés de l économie de santé. Différentes clarifications apparaissent ainsi souhaitables : Envisager la possibilité d une prescription sous forme de D.C.I., Favoriser ainsi une délivrance générique par les pharmaciens, Permettant ainsi d inclure l utilisation de produits génériques dans les pratiques de soins. Le droit de substitution édicté par le décret de Juin 1999 ne devrait être qu une étape vers des procédures prenant en compte la dimension économique de délivrance des médicaments, tout en respectant les charges et responsabilités incombant au médecin prescripteur et au pharmacien dispensateur. D. LES AUTRES MOYENS D OBTENTION DES MEDICAMENTS : 1 Les médicaments en vente libre : Il s agit de médicaments bénéficiant d une A.M.M., mais sans nécessité d une prescription médicale. Ils représentent la base des produits concernés par l automédication, par ailleurs étudiée. L obtention par les personnes de tels médicaments peut se faire, soit par l intermédiaire d un pharmacien, soit par achat direct sans conseil pharmaceutique. Ces situations sont à prendre en compte, car n excluent pas un risque possible de iatrogénèse, non pas tend dûe au produit considéré, qu à la fragilité, voire les intolérances, que peuvent présenter les personnes les consommant. De telles situations sont donc à prendre en compte par les médecins, comme cela sera développé dans une étude ultérieure sur l automédication. 2 Commerce électronique des médicaments : Il est en plein développement. Il peut concerner des médicaments en vente libre (O.T.C.) susceptibles d être achetés sur internet ; les produits considérés pouvant être des médicaments en vente libre autorisés en France mais pouvant être également des produits non autorisés sur le territoire français, ou le seul barrage en est alors représenté par l activité des services des douanes : problème préoccupant pour lesquels des dispositions juridiques seront indispensables, vis-à-vis de la sécurisation de telles pratiques. Il est également possible d obtenir en ligne des médicaments prescrits par un médecin circuit parallèle aux pharmacies d officine, ayant l inconvénient d annuler la deuxième sécurité offerte par la dispensation des produits prescrits par un pharmacien. Il est incontestable que de telles possibilités d obtention de médicaments, sans contrôle, ouvrant de nouvelles possibilités au consommateur, présentent des risques qu il conviendra de prévenir par une éducation sanitaire des populations sachant que chaque médecin a également le devoir d attirer l attention de ses patients sur les inconvénients liés à de telles possibilités. Au total, l on ne peut donc que souligner la complémentarité des rôles des médecins et des pharmaciens dans la délivrance de produits médicamenteux aux patients : rôle complémentaire assurant une double sécurité pour les patients, selon des modalités conservant à chacun l originalité de son rôle, notamment vis-à-vis de la compréhension qu en ont les patients, et l exercice de leurs responsabilités professionnelles. Là comme ailleurs, les mesures d ordre économique, par ailleurs souhaitables, ne doivent pas entraver les relations de confiance établies par les patients, tant envers leur médecin, qu envers leur pharmacien.

13 REMBOURSEMENT DES MEDICAMENTS ET PLACE DES SERVICES MEDICAUX DES ORGANISMES DE SECURITÉ SOCIALE Dans ce chapitre sont étudiés les conditions de prise en charge des médicaments par l assurance maladie ainsi que le rôle des services de contrôle médical et ses conséquences en terme de responsabilité. I - PRISE EN CHARGE DES MEDICAMENTS L assurance maladie comporte la couverture des frais pharmaceutiques sous réserve que les produits aient fait l objet d une prescription par un médecin, un chirurgien dentiste ou une sage-femme dans la limite de leur droit de prescription respectif (art. L 321-1 du code de la Sécurité Sociale et art. 17 de l Arrêté du 19.06.47). La posologie, la durée du traitement ou le nombre d unités de conditionnement doivent être précisés. (art. R.5148 Bis du Code de la Santé Publique). 1 - Conditions de prise en charge 1.1 - Règles générales Les spécialités pharmaceutiques Pour être remboursables les spécialités pharmaceutiques doivent figurer sur une liste fixée par arrêté ministériel précisant les seules indications thérapeutiques ouvrant droit au remboursement. Les indications qui sont celles retenues par la Commission de la Transparence sont le plus souvent celles de l AMM. Dans certains cas les indications sont limitées et figurent sur une liste (art. L 162-17 et R 163-2 du Code de la SS). Les spécialités génériques Pour être inscrites sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux, les spécialités génériques doivent avoir un nom commercial constitué par : - soit la dénomination commune assortie d une marque ou du nom du fabricant - soit d une dénomination de fantaisie suivie du suffixe Gé identifiant la nature générique du produit. 1.2 - Médicaments d exception L inscription sur la liste peut être assortie pour certains médicaments particulièrement coûteux et d indications précises appelés médicaments d exception d une clause prévoyant l avis préalable du contrôle médical (art. R 163-2 du Code de la SS). Les médicaments d exception ne sont pris en charge que s ils sont prescrits dans le respect des indications thérapeutiques retenues lors de leur inscription sur la liste des spécialités remboursables. Ces indications ainsi que la posologie et la durée du traitement sont consignées dans la Fiche d Information Thérapeutique éditée par l Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé. Annexée à l arrêté d inscription, cette liste est diffusée aux médecins par les caisses de sécurité sociale. La prescription de ces médicaments doit suivre une modalité particulière : Utilisation d un imprimé spécifique appelé ordonnance de médicaments d exception. Remplie par le prescripteur, cette ordonnance atteste de la conformité de la prescription aux indications thérapeutiques retenues par la fiche d information thérapeutique. Seules les indications thérapeutiques constituent un référentiel opposable. Les autres caractéristiques décrites dans la fiche (posologie, durée du traitement) servent à apprécier la justification médicale de la thérapeutique. Pour les indications non prévues par la fiche, la prescription est non remboursable. Effectuée sur une ordonnance habituelle, le praticien doit en outre informer le malade des conséquences vis à vis de l assurance maladie. 1.3 - Médicaments officinaux et préparations magistrales Un décret en Conseil d Etat détermine les règles de prise en charge de ces médicaments (art. L 162-17 du Code de la SS). Annulé pour vice de forme, ce décret n a toujours pas été remplacé. 1.4 - Règles particulières Vaccins : Une liste figurant à l arrêté du 7 octobre 1998 détermine les affections dont la vaccination est prise en charge.

14 Allergènes spécifiques : Les allergènes préparés pour un seul individu sont remboursables sous réserve de respecter le prix fixé par le ministère de l économie et des finances. Traitements substitutifs des pharmacodépendances : Deux médicaments sont inscrits sur la liste des spécialités remboursables dans cette indication, qui peuvent être prescrits par tout médecin sous réserve de suivre les recommandations formulées par circulaire ministérielle (Arrêté du 20/09/1999) prévoyant l examen préalable, le suivi du malade, la limite de prescription et le choix du pharmacien. Enfin au plan départemental un Comité de Suivi et au plan national une Commission Consultative s assurent des conditions de ces prescriptions. 2 - Taux de remboursement (art. R 322-1 du Code de la Sécurité Sociale) 100% médicaments reconnus irremplaçables et particulièrement coûteux. 35 % médicaments principalement destinés aux traitements des troubles ou affections sans caractère habituel de gravité. 65% les autres médicaments Rappelons ici que les malades bénéficiant de l exonération du ticket modérateur au titre de l article L.322-3 du Code de la Sécurité Sociale, voient les médicaments concernant l affection exonérante, et eux seuls, remboursés à 100 %. II - ROLE ET RESPONSABILITE DU CONTROLE MEDICAL Depuis les ordonnances d avril 1996 et chaque année avec la parution de la loi de finance de la sécurité sociale le rôle des services médicaux dans le suivi et le contrôle des prescriptions pharmaceutiques, entre autres, a été singulièrement renforcé. Ce constat oblige à s interroger sur les conséquences en terme de responsabilité qu impliquent ces missions. 1 - Missions et situations Dès l origine de la sécurité sociale, les services de contrôle médical ont eu pour mission de donner des avis d ordre médical sur des moyens thérapeutiques.mis en œuvre (art. R 315-1 code de la Sécurité Sociale). En 1980 un décret établissait que ces avis, lorsqu'ils ont un caractère médical et portent sur des cas individuels s imposent aux organismes d assurance maladie (art. L 315-1 code de la Sécurité Sociale). Dans cette optique un certain nombre de traitements sont soumis à la procédure de l entente préalable. D autre part, les malades atteints d une affection de longue durée (art. L 324-1) doivent faire l objet d un examen spécial et conjoint entre le médecin-conseil et le médecin traitant fixant le projet thérapeutique. Si, en outre, ils sont atteints d une affection inscrite sur la liste établie par décret, ou si cette affection comporte un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse (art. L 322-3), ils peuvent bénéficier de l exonération du ticket modérateur après accord du contrôle médical au vu d un dossier médical établi par le médecin traitant comportant outre le diagnostic précis et confirmé par les examens nécessaires, un programme thérapeutique adapté et conforme aux données acquises de la science (art. 71-4 du règlement intérieur de la Sécurité Sociale conforme à l arrêté du 7/09/1988). Ainsi libellé, cet arrêté exonère théoriquement le médecin-conseil du risque de valider un traitement non conforme aux données actuelles de la science. L expérience prouve que les choses sont moins simples en pratique. Depuis les années 80, la politique de maîtrise médicalisée des dépenses a été à l origine de nombreuses initiatives de la part du législateur, en particulier les Références Médicales Opposables (RMO). Avec les ordonnances d avril 1996, le contrôle médical a été investi de missions multiples pour lesquelles il peut se trouver dans l obligation d intervenir dans les choix thérapeutiques des médecins traitants. Ces principes étant repris dans les conventions médicales et dans les textes accompagnant les lois de financement de la Sécurité Sociale. A cet égard, les problèmes liés au remboursement des médicaments en référence à l AMM sont très significatifs. En effet, lorsqu un médecin prescrit un médicament hors AMM, il doit signaler son non remboursement (art. L 162-4 code de la Sécurité Sociale). Au delà de cette absence de prise en charge par l assurance maladie, quelle devra être la position du médecin-conseil découvrant à l occasion d un contrôle cette prescription non conforme à l AMM mais justifiable ou contre-indiquée en raison de l état du malade? Sachant d autre part que l AMM suit et ne précède jamais une nouvelle indication découverte par la recherche. Qu en sera-t-il de la responsabilité du médecin-conseil qui aura accepté d appuyer la prescription pour en obtenir la prise en charge en extra-légal? Enfin l article L.315-2-1 récemment modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour l année 2000 prévoit en cas de traitement particulièrement important la mise en place d un protocole de soins négocié avec le

15 médecin traitant. En cas de carence ou d absence d accord il appartient au médecin-conseil et à lui seul d établir les recommandations sur les soins et les traitements appropriés. Dans cette situation sa responsabilité n est pas conjointe mais unique. D autre part, la procédure l oblige à en informer directement le malade ce qui peut poser des problèmes déontologiques. En effet, quelles que soient ou que puissent être les procédures, le médecin-conseil a l'obligation, et la revendique, de respecter le code de déontologie. C est pour ces motifs que la rédaction du décret d application de l article L.315-2-1 est aussi délicate, et que l Ordre a demandé que soit respectée en ce cas la relation entre Médecin traitant et Patient. 2 - Respect du code de déontologie Dans le code de déontologie un article concerne la prescription médicale, l article 8 et un autre, son contrôle, l article 103. 2.1 - Prescription médicale L article 8 est ainsi libellé : Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. On voit donc que le code de déontologie prend en compte les limites de. prescription et les conséquences des examens complémentaires. Il prend en compte aussi les règles inscrites dans le code de la sécurité sociale art. L.162-4 ainsi libellé : les médecins sont tenus, dans toutes leurs prescriptions, d observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec l efficacité du traitement. Tout est dit dans cet article 8 et si le médecin traitant a limité sa prescription à ce qui est nécessaire, à la qualité, à la sécurité et à l efficacité des soins, le médecin-conseil ne pourra que valider cette prescription. Enfin, faut-il le rappeler, en ce qui concerne cette prescription le code de déontologie en son article 39 interdit les traitements illusoires et charlatanesques et en son article 40 les examens et thérapeutiques comportant un risque injustifié. 2.2 - Contrôle de la prescription C est l article 103 du code de déontologie qui fixe des conditions et limites de l action du médecin-conseil. Cet article est ainsi libellé : Sauf dispositions contraires prévues par la loi, le médecin chargé du contrôle ne doit pas s immiscer dans le traitement ni le modifier. Si à l occasion d un examen, il se trouve en désaccord avec le médecin traitant sur le diagnostic, le pronostic ou s il lui apparaît qu un élément important et utile à la conduite du traitement semble avoir échappé à son confrère, il doit le lui signaler personnellement. En cas de difficultés à ce sujet, il peut en faire part au conseil départemental de l Ordre. Devant l évolution de la législation de l assurance maladie la compréhension de cet article devrait être approfondie. Comme nous venons de le voir, avec la politique de maîtrise médicalisée des dépenses, le législateur a confié au contrôle médical l obligation éventuelle d intervenir dans le traitement proposé. Le médecin-conseil est donc bien obligé alors de s immiscer dans le traitement, par contre la déontologie lui fait obligation de ne pas s immiscer dans la relation médecin-malade et en particulier par ses propos ou ses attitudes de porter atteinte à la nécessaire confiance que le malade doit conserver pour son médecin. Rappelons aussi que l article 56 du code de déontologie sur les rapports de bonne confraternité s applique aussi aux relations entre le médecin-conseil et le médecin traitant. Toute la difficulté de sa mission est là. Il se trouve en effet, dans un véritable rôle de consultant obligé, non choisi par le médecin traitant ou le malade. Cette mission doit faire l objet d une véritable reconnaissance par la profession en commençant lors des études médicales, en particulier par les stages du 3 e cycle auprès des services médicaux des organismes d assurance maladie qui devraient être développés. 3 - Engagement de la responsabilité Bien connue, la responsabilité du médecin prescripteur est entière qu elle soit pénale, civile ou disciplinaire. Celle du médecin-conseil est, elle aussi, envisageable. 3.1 - Responsabilité pénale Au plan pénal, il pourrait s agir de la mise en œuvre de l article 223-6 paragraphe 1 du Code Pénal sur la non assistance à personne en péril ainsi libellé : Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour des tiers, soit un crime soit un délit contre l intégrité corporelle de la personne s abstiendra de le faire est puni

16 Mais ce pourrait être aussi une coresponsabilité avec le prescripteur à la suite d une faute caractérisée et un lien de causalité établi entre cette faute et le préjudice. 3.2 - Responsabilité civile Au plan civil, si la responsabilité du médecin traitant est de nature contractuelle, celle du médecin conseil s il est reconnu coresponsable sera de nature extra-contractuelle. Dans les deux cas c est l assurance du médecin traitant et pour le médecin conseil celle de son employeur qui interviendra, sachant que les juridictions compétentes seront soit de l ordre judiciaire, soit de l ordre administratif suivant son statut et en fonction de jurisprudences parfois contradictoires. 3.3 - Responsabilité disciplinaire Sans préjuger, ni être lié par les décisions administratives ou judiciaires, les responsabilités aussi bien du médecin traitant que du médecin-conseil (suivant des modalités respectant l'article L 418 du code de la Santé) pourront être engagées devant les instances disciplinaires de l'ordre des médecins. Les décisions s'appuieront sur les différents manquements au code de déontologie de la part de chacun des deux médecins. On peut remarquer qu actuellement, il y a peu de procédures liées à ce type de fautes, vis-à-vis des médecins traitants et à notre connaissance, aucune vis-à-vis des médecins-conseils. 4 - Fautes sanctionnables Prenons l'exemple de l'exonération du ticket modérateur et de l'accord intervenu entre le médecin traitant et le médecin conseil sur un programme thérapeutique. S'il apparaît que le traitement envisagé n'est pas conforme aux données acquises de la science médicale et que cette méconnaissance tant de la part du médecin traitant que du médecin conseil est à l'origine de graves dommages, subis par l'assuré, celui-ci ou ses ayant droits s'il n'est plus de ce monde sont justifiés à en demander réparation en poursuivant aussi bien le médecin traitant que le médecin conseil. Pour le médecin-conseil, la faute pourrait être constituée par la perte de chance qu'a entraîné la validation du traitement incriminé, et même, nous l avons vu, relever de la non-assistance à personne en péril. Il devra donc refuser le traitement en ouvrant alors les voies du contentieux, et surtout, alerter le médecin traitant pour lui faire part de ses réticences vis-à-vis du traitement proposé et, en cas de difficulté, de faire appel au Conseil Départemental dans le cadre d une procédure de conciliation. (art. 56 du Code de Déontologie). Cette démarche nécessite en effet que soit créée une véritable transparence des responsabilités, apportant la preuve que le médecin-conseil a fait tout ce qu il pouvait pour éviter cette prescription. Sachant que, s il le juge nécessaire, il doit faire appel à un avis spécialisé. De telles éventualités illustrent la possibilité, pour les médecins-conseils, d avoir à intervenir en faveur de la qualité des soins. Beaucoup de médecins prescripteurs vivent encore le contrôle médical comme n'étant investi que d'une mission d'économie du coût des soins. Ils doivent comprendre que cette procédure est également dans leur intérêt et qu elle n entre pas dans le processus d évaluation qui devra suivre des modalités différentes. Ici, seul l intérêt du malade guide le médecin-conseil. Quelle doit être également l'attitude du médecin-conseil vis-à-vis d'une prescription hors AMM même si celle-ci est qualifiée de non remboursable (NR) mais qu'elle s'avère être totalement contradictoire avec les données acquises de la science médicale? Quelle sera aussi sa responsabilité si, à la demande du médecin traitant, il est amené à appuyer un dossier de prise en charge en prestations complémentaires? Enfin, que doit-il faire lorsque de façon fortuite à l'occasion d'un contrôle d'une autre prestation, il découvre une thérapeutique contre-indiquée ou dangereuse? Peut-il rester muet? ou ne doit-il pas, comme lui fait obligation le code de déontologie, tout faire pour que cette thérapeutique ne soit pas mise en œuvre ou poursuivie? Telles sont les questions que pose l'analyse de la responsabilité essentiellement pénale dans ces cas là du médecin-conseil. Il y a dans cette démarche trois mots clefs : compétence, confraternité, confiance. Le médecin-conseil doit en effet être compétent, ou tout au moins s appuyer sur un avis d expert non contestable. Il doit agir en toute confraternité afin de ne pas altérer la nécessaire confiance que le malade doit porter à son médecin. A travers une telle approche de la responsabilité du médecin-conseil vis-à-vis des prescriptions du médecin traitant, il s'agit, n'en doutons pas, d'une évolution très importante de ses missions, de son action et de leurs conséquences.