Les hypoglycémies du diabétique. Pr Régis Coutant, Angers



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Transcription:

Les hypoglycémies du diabétique Pr Régis Coutant, Angers

Définitions (1) Glycémie inférieure à une valeur entraînant : une réponse détectable des hormones contre régulatrices (#70 mg/dl chez le sujet normal)(épinéphrine, glucagon, GH) les symptômes classiques (adrénergiques) associés à cette réponse (#60 mg/dl chez le sujet normal) un défaut cliniquement significatif des fonctions cognitives (#50 mg/dl chez le sujet normal) En pratique : valeur en dessous de laquelle on demande au patient de se resucrer : 60 à 70 mg/dl Les hypoglycémies sont pratiquement inévitables dans le TT Profil d insulinémie non physiologique Variabilité de résorption de l insuline SC # 50% Variabilité de l absorption intestinale des glucides

Hypoglycémies mineures Définitions (2) hypoglycémies symptomatiques que le patient perçoit et resucre luimême en général, pas d atteinte des fonctions cognitives, donc la gène occasionnée est «tolérable» Hypoglycémies sévères hypoglycémies entraînant une atteinte des fonctions cognitives : le patient ne peut se resucrer seul Intervention d un tiers pour aider à resucrer Resucrage per os ou glucagon, ou G IV coma, convulsions

Manifestations cliniques Symptômes liés à la réaction neurogène Σ tremblements nervosité, anxiété palpitations, pâleur Symptômes de neuroglycopénie faiblesse, fatigue PΣ faim sueurs, paresthésies confusion, difficulté de concentration, difficulté à parler incoordination, vertiges, troubles de l'accommodation, diplopie modifications du comportement, colères, cauchemars céphalée, hémiplégie, cécité corticale convulsions, coma

Particularités des jeunes enfants En cas d hypoglycémie pas de verbalisation des perceptions resucrage non autonome : l entourage intervient signes : pâleur, faiblesse, chute, colère Facteurs favorisants résorption de l insuline plus aléatoire (SC, IM) «bataille à l injection» appétit variable Culpabilité parentale responsables de la maladie et du traitement HbA1c meilleure dans ce groupe d âge 7.9% dans l enquête française

Fréquence des hypoglycémies Hypoglycémies sévères DCCT : patients motivés Exclusion : hypo sévères récurrentes, sujets non compliants adolescents 13-17 ans (195 ado suivis #7.4 ans) groupe Intensif groupe Conventionnel >3 inj/j ou pompe, objectifs gl étroits, tel 1-2 inj/j, pas d objectifs gl HbA1c 8.1% 9.8% hypo sévère 1/14 mois 1 /4 ans coma, convulsions 1/4 ans 1 / 11 ans adultes (#1400 patients) HbA1c 7.1% 9.8% hypo sévère 1/21 mois 1 /6 ans coma, convulsions 1/7 ans 1 / 20 ans 55% des épisodes durant le sommeil

Fréquence des hypoglycémies Hypoglycémies sévères (Rosilio M et al, Diab Care 1998) Enquête transversale multicentrique française, 2579 patients (1-20 ans) non sélectionnés DID depuis > 1 an HbA1c 8.97% 0,23 hypoglycémie sévère/patient en 6 mois Hypoglycémies mineures : inévitables Hypoglycémies asymptomatiques surtout nocturnes (Gale, Lancet 1979) : 1-3 fois/semaine > 60% des sujets DID ont des hypo nocturnes (Gl<36 mg/dl) asymptomatiques pour la moitié d entre elles durée > 3 heures pour 77% des sujets corrélées à la glycémie du coucher (Pramming S, Br Med J 1985) si gl au coucher <110 mg/dl risque d hypo nocturne 80%

Hypoglycémies asymptomatiques Défaut de la contre régulation altération de la réponse glucagon à l hypoglycémie absence de réponse après quelques années de DID altération de la réponse épinéphrine à l hypoglycémie constante après quelques années de DID marquée la nuit : seuil glycémique inférieur (Jones TW, N Engl J 1998) accrue par les hypoglycémies extraction du glucose par les cellules du SNC performante chez les sujets dont l HbA1c est la plus basse donc pas d activation centrale des systèmes Σ et PΣ réversible par l évitement scrupuleux des hypoglycémies pendant au moins 15 jours (Cranston I, lancet 1994)(Ovalle F, diabetes 1998)

Contre régulation SUJET NORMAL SUJET DIABETIQUE Glucose Insuline (#80mg/dl) Glucose Insuline injectée Glucose Glucagon (#70mg/dl) Glucagon Epinéphrine (#70mg/dl) GH (#65mg/dl) Cortisol (60 mg/dl) Autorégulation (50 mg/dl) Epinéphrine GH Cortisol Autorégulation

Hypoglycémies asymptomatiques Diminution du seuil glycémique de contre régulation DID avec hypo récurrentes ou récentes < DID sans hypo récurrente< Nl >>>Diminution de la perception des hypoglycémies Seuil glycémique de contre régulation trop proche du seuil de neuroglycopénie Seuil glycémique de dysfonction cognitive? plus bas si DID avec hypo récentes (Fanelli CG, Diabetes 1998) protection cérébrale relative

Hypoglycémies : enquête étiologique Recherche de facteurs de risque «conventionnels» expliquent une minorité de cas Analyse statistique des hypo sévères du DCCT Hypo sévère antérieure RR 2.5 expliquent Durée du DID > 9 ans RR 1.7 8% de la variance du Baisse de l HbA1c de 1% RR 1.4 nombre d hypo Analyse des hypo sévères de l enquête française âge (négatif), durée du DID (positif), âge de la mère (positif), nombre de glycémies/j (positif), HbA1c (négatif) expliquent 11% de la variance du nombre d hypo

Séquelles des hypoglycémies Fonction cognitive Altération transitoire de la mémoire immédiate à la suite d une hypo sévère nocturne (Fanelli CG, Diabetes 1998) Pas d altération cognitive démontrée à long terme (Kramer L, Diabetes 1998) 5-6 heures d hypo < 20 mg/dl séquelles neurologiques Responsabilité dans des accidents? DCCT : 11 décès/1441 patients suivi moyen 6.5 ans 2 probablement imputables à une hypo (AVP) (population motivée sélectionnée, problèmes psy exclus) Morbidité psychosociale crainte de l hypoglycémie : obstacle à la compliance

Traitement des hypoglycémies Resucrage per os ingestion d un sucre rapide (jus de fruit, sucre...) 0,3g/kg glycémie d #60mg/dl (réponse en 15 min - fin en 2 h) ingestion d un sucre lent (repas, collation 20-30 g sucre lent) Impossibilité de resucrer per os glucagon IM ou SC : 15 µg/kg (délai d action 15 min) 1/2 ampoule avant 7-8 ans 1 ampoule ensuite puis ingestion d un sucre lent Glucose IV : 0.3 g/kg puis ingestion d un sucre lent

Prévention des hypoglycémies sévères Dédramatiser la situation récidivantes Repérer les «erreurs» (doses, régime (compliance), efforts) Diminuer la dose d insuline de la période d hypo de 30% transitoirement ou répercuter la baisse ailleurs Limiter les objectifs glycémiques nocturnes en cas d hypo sévère récidivante (Gl du coucher > 130 mg/dl) Déplacer l insuline semi lente au coucher (de préférence à avant le dîner) évite l excès d insuline pour contrôler Gl du matin (difficile chez enfant) Utiliser une insuline lente (avantage non démontré) Proposer une collation au coucher (difficile chez l enfant) Proposer la pompe à insuline sous cutanée chez les jeunes enfants régularise la résorption SC d insuline

Prévention des hypoglycémies sévères récidivantes Utilisation de l analogue de l insuline Lys-Pro action immédiate - pic 1 à 2 heures - fin : 4 heures réduit la gl post prandiale - augmente la gl préprandiale réduit le risque d hypoglycémies sévères HbA1c : non modifiée ( sauf à la pompe - 0.5%) Possibilité d injecter après le repas chez les jeunes enfants à l appétit capricieux Les séances d éducation limitent elles les hypos sévères?