EVALUATION DU PROGRAMME: RENFORCEMENT ET CAPITALISATION DES DYNAMIQUES DE DEVELOPPEMENT LOCAL DU NORD-OUEST D HAITI RESUME DU RAPPORT D EVALUATION Erick BALTHAZAR/Pierre Michel JOASSAINT Mars 2013
1. Introduction Ce résumé a pour but de fournir une vue globale des principaux résultats obtenus de l évaluation du programme de Renforcement et Capitalisation des dynamiques de développement local du Nord-Ouest d Haïti local conduit par ID/ADEMA. Il s agit de présenter brièvement le programme ses composantes, ses objectifs, la zone d intervention pour mieux faire ressortir les conditions de mise en œuvre pour et apprécier les résultats obtenus. Le programme de développement local initié par ID et ADEMA s est mis en place progressivement en s appuyant sur des expériences faites antérieurement dans les communes de Bombardopolis et de Jean Rabel. Des actions s inscrivant dans la dynamique de renforcement des collectivités ont été engagées dès 2006 dans les communes de Bombardopolis et de Jean-Rabel dans le cadre du Programme d Appui au Développement Local (PADL) avec l appui d ADEMA. Durant les six années, ID et ADEMA ont pu étendre leur intervention dans 5 communes : 3 du Bas Nordouest et 2 communes du Haut Nord-Ouest. ID et ADEMA ont développé une approche communale consistant au rapprochement des acteurs locaux autour des objectifs communs de développement local. Des outils de planification stratégique ont été élaborés avec une implication des différentes catégories sociales de la population locale. Des projets porteurs issus des plans ont été exécutés dans les communes du Bas Nord-Ouest Cette mission d évaluation concerne le programme financé par l UE s étendant sur la période de janvier 2010 à mars 2013. Elle porte sur les actions entreprises spécifiquement pour renforcer les actions d ID et ADEMA dans la région. Elle doit apprécier les résultats obtenus et aider à définir des axes programmatiques pour des actions futures. L évaluation a pour but de : Formuler une appréciation un jugement d ensemble sur le programme dans l esprit de rendre compte des activités conduites et des résultats obtenus; Fournir des éclairages, des recommandations et les leçons à tirer; Alimenter la réflexion du pôle de développement local de ID et ADEMA; Contribuer à orienter la stratégie d ID et d ADEMA en matière de développement local 1
2. Méthodologie L analyse a été réalisée à partir d informations issues de la revue de la documentation disponible, des entretiens individuels ou en groupe et des visites de terrain dans l ensemble des communes participant au Programme. Environ une centaine de personnes ont été interviewées dans le cadre du processus d évaluation. Elles appartiennent à l administration centrale à Port-au-Prince ou aux services déconcentrés basés à Port-de-Paix, aux deux structures mettant en œuvre le Programme (ID et ADEMA), aux administrations des communes (élus et agents) et à la société civile locale. La méthodologie s est articulée autour de 4 étapes complémentaires proposées dans l offre technique par les consultants : - Une phase préparatoire consistant en deux rencontres de clarification à Paris et à Port-au-Prince avec ID pour bien cerner les attentes et valider les principaux axes d évaluation. Ces deux rencontres ont permis également de recueillir des informations supplémentaires pour préparer le plan de travail et renforcer la méthodologie. - Une phase de collecte d informations se traduisant par la revue des documents du programme, des Plans Communaux de Développement (PCD), de projets similaires menés dans d autres territoires et des rencontres avec des acteurs institutionnels notamment des bailleurs et des ministères concernés. - Une phase de terrain marquée par une rencontre préalable avec ID et ADEMA respectivement dans le Haut Nord-Ouest (HNO) et le Bas Nord-Ouest (BNO) suivie d entretiens, d échanges et de visites de terrain conformément à la proposition contenue dans l offre de service. Cette phase s est achevée par une restitution «à chaud» dans chacune des zones. Ces restitutions ont permis aux évaluateurs de prendre en compte les commentaires des acteurs pour affiner leur analyse. - Enfin une phase de synthèse et d élaboration au cours de laquelle, les consultants ont procédé au traitement des données recueillies pour élaborer le rapport d évaluation. Après la production du rapport provisoire, une restitution a été faite pour le commanditaire, les institutions étatiques comme l OMRH, MICT, MPCE, CIAT, FAES et certains bailleurs en vue de présenter les principales conclusions. 2
3. Présentation de la zone d intervention : où s est passé l action? Le département du Nord-Ouest est l un des plus enclavés des dix (10) départements de la République d Haïti. Très exposé aux catastrophes naturelles notamment la sécheresse, les inondations, il est en proie à une insécurité alimentaire chronique. L accès aux services sociaux de base est très faible. Il a une superficie de 2176 kilomètres carrés et une population autour de 66 277 habitants. Les services déconcentrés de l Etat sont quasi inexistants notamment dans les communes de I Ile de la Tortue et de Jean Rabel. Les infrastructures routières sont en mauvais état et la traversée des rivières est très dangereuse en saison pluvieuse. Néanmoins, le département dispose d une tranche d histoire très riche et de sites touristiques qui méritent d être valorisés. 4. Présentation ID/ADEMA : Qui a conduit l intervention? Initiative Développement (ID) est une association française régie par la loi de 1901. Fondée en 1994, elle a pour objet d aider dans les pays en voie de développement des hommes et des femmes particulièrement défavorisés à identifier et prendre en charge des actions adaptées à la satisfaction de tous les besoins essentiels, notamment en santé, éducation, agriculture, eau et assainissement, énergies renouvelables et développement local. L'une de ses priorités majeures est de favoriser l'émergence, la structuration et le renforcement des acteurs locaux (associations locales, services déconcentrés, collectivités territoriales). ID est présente en Haïti depuis sa création (1994). Elle intervient dans le département du Nord- Ouest dans différents secteurs, afin de répondre aux besoins fondamentaux des populations les plus vulnérables du territoire. Asanm Asanm pou yon Demen Miyo an Ayiti (ADEMA) est une association locale à but non lucratif créée en Haïti le 9 juillet 2005. ADEMA travaille afin de contribuer au développement du bas Nord-Ouest d Haïti en y accompagnant les collectivités territoriales, les services déconcentrés de l État et les Organisations de la Société Civile. En vue d améliorer l accès des populations aux services de base, ADEMA intervient essentiellement dans les domaines de l éducation, du développement local, de l eau et de l'assainissement. 3
Dès 2006, ID puis ADEMA, son partenaire local, sont intervenus dans le domaine du développement local par l'intermédiaire d'un appui aux collectivités territoriales pour l'élaboration et la mise en œuvre de plans communaux de développement (PCD) suivant les prescrits de la constitution de 1987 et les décrets de 2006 sur la commune. 5. Le Programme : objectif et résultats attendus Le programme se compose de deux volets : un volet renforcement des dynamiques de développement local et un volet de capitalisation des processus et résultats obtenus. Objectifs globaux : Renforcer la société civile en Haïti pour une société plus équitable, plus ouverte et plus démocratique. Objectif spécifique : La dynamique de développement local impulsée par les acteurs locaux étatiques et de la société civile contribue à l'amélioration des conditions de vie des populations du Nord-Ouest. 6. Déroulement du programme Une approche communale a été retenue pour l intervention. Elle est basée sur le rapprochement des acteurs locaux vers des objectifs communs de développement local. Les principaux acteurs ciblés par le programme sont les collectivités territoriales et les structures organisées de la société civile. 6.1. Activités réalisées Conformément aux objectifs du programme et aux résultats attendus, les activités suivantes ont été réalisées avec la participation des communautés. ID et ADEMA ont conduit les actions en appui aux collectivités pour l atteinte des résultats. Ces activités réalisées de concert avec les collectivités constituent un exercice d apprentissage vers la bonne gouvernance. Le programme a permis d élaborer les outils de planification (PCD) et schéma d aménagement pour trois (3) communes du Bas Nord-Ouest : Jean Rabel, Bombardopolis, Mole Saint Nicolas et deux (2) communes du: Haut Nord Ouest : Saint Louis du Nord et Ile de la Tortue. Il a permis aussi d exécuter deux; 4
projets intéressants issus des Plans communaux de développement dans le Bas Nord-Ouest tant au niveau de l approche que de l impact de ces projets pour les populations locales. Il s agit du projet de relocalisation d une cinquantaine de familles vulnérables dans la zone prévue pour l extension de la ville à Jean Rabel et un projet de développement touristique au Mole Saint Nicolas. La dynamisation de l économie locale constitue une préoccupation permanente dans le cadre de ses projets. 6.2. Les résultats obtenus Résultat 1 : Des collectivités territoriales se dotent d outils de planification stratégiques élaborées de façon participative Les collectivités territoriales sont dotées d'outils de planification élaborés dans un cadre participatif. La démarche suivie s appuie sur la procédure d élaboration des PCD conçue par le MPCE (version provisoire disponible à l époque) et sur les décrets de 2006 sur la commune et sur le cadre général de la décentralisation. L ensemble des communes disposent aujourd hui d un PCD et les communes de Jean Rabel et de Môle Saint Nicolas ont chacune un Schéma d Aménagement Territorial. Cette étape importante franchie dans la planification territoriale ouvre la voie à la structuration des actions au niveau du territoire. Toutefois un appui de l Etat central à travers ses structures déconcentrées est indispensable dans la mise en œuvre des plans notamment dans la maitrise d ouvrage Résultat 2 : La mise en œuvre de projets issus des PCD relevant de leurs compétences permet le renforcement du processus de développement local Deux projets phares issus des plans communaux de développement ont été exécutés dans les communes de Jean Rabel et de Môle saint Nicolas : le projet de relocalisation d une cinquantaine de familles vulnérables dans un nouveau village construit spécifiquement pour les accueillir et le programme de promotion du tourisme au Môle Saint Nicolas. Ces deux projets représentent deux grandes actions structurantes dans le processus de développement local. Cependant la capacité des collectivités territoriales à mobiliser des ressources locales est fondamentale pour assurer la durabilité des projets. Des efforts importants devront être consentis dans ce domaine. Le niveau d autonomie financière des collectivités territoriales du projet reste assez faible. Elles n ont pas 5
encore réussi à améliorer le niveau de recouvrement des impôts et taxes. De plus, elles dépendent presqu entièrement de l Etat pour le financement de leur budget. Résultat 3 : des groupes cibles de la population du Nord-Ouest notamment parmi la jeunesse vivent l exercice démocratique Dans le cadre du Programme, trois types d activité ont été développés dans le Bas Nord-Ouest: des actions de vulgarisation régulière autour du rôle des acteurs dans le développement local, l encadrement des jeunes dans l organisation d activités culturelles sujettes à la réflexion citoyenne et l accompagnement des associations dans leur positionnement sur la scène sociopolitique. Les bénéficiaires, jeunes, responsables associatifs et animateurs de radio, ont exprimés leur satisfaction et leur intérêt pour ces activités et estiment avoir tirés des connaissances de ces exercices. Résultat 4 : Les expériences et méthodologies de gestion de projets de développement local sont capitalisées et diffusées Des actions ont été engagées dans le cadre du processus de capitalisation. Le site internet d ADEMA est en ligne ; les PCD du Bas Nord-Ouest, des guides des bulletins d information, des fiches de projet et une fiche de capitalisation du projet d adressage de Bombardopolis y sont diffusés. Par ailleurs, un film intitulé «onè respè, paroles du Bas Nord-Ouest» décrivant l approche et les activités d ADEMA a été réalisé et diffusé sur internet. Des leçons ont été tirées des expériences d élaboration des PCD dans le BNO pour réaliser ceux du HNO. Cela s est traduit par une meilleure formation des acteurs, un travail plus poussé avec les CASECs. Une mobilisation plus conséquente des acteurs a découlé aussi de l expérience acquise dans le Bas-Nord- Ouest. Le besoin d interaction et de développement de synergie dans les logiques économiques, agroécologiques, d aménagement territorial a permis de mettre en question l approche communale au profit d une approche d intervention basée sur l arrondissement. Cette approche sera priorisée dans le cadre d un nouveau programme. 6
Les actions réalisées dans le domaine de la capitalisation méritent d être systématisées et documentées davantage pour permettre une meilleure appropriation à long terme par les collectivités et mieux développer le modèle d intervention sur les autres communes. Constats : La crise politique a fragilisé les efforts de renforcement des collectivités territoriales. Le non renouvellement à temps des conseils municipaux et les changements politiques intervenus ont fragilisé le processus mis en place par ID et ADEMA pour appuyer les collectivités vers la prise en charge de la municipalité. L instabilité du personnel de l administration communale constitue une contrainte majeure au renforcement des services municipaux et hypothèque les chances d une amélioration durable de l autonomie des collectivités locales à long terme. Le changement des maires élus par des Agents Exécutifs Intérimaires ralentit la dynamique enclenchée par le programme. La démarche de renforcement des capacités locales suppose une intervention concertée et cohérente entre l Etat et les organisations intervenant dans le secteur pour lancer un renforcement concomitant des collectivités locales et des structures organisées de la société civile. 6.3. Partenariat ID, ADEMA et CT L analyse de la situation actuelle des municipalités montre qu elles n ont pas encore les capacités nécessaires et l organisation suffisante pour initier et animer un processus de développement local d une part et pour enclencher un processus de planification participative. Dans ces conditions l impulsion apportée par ID, ADEMA a été indispensable. Maintenant il est important d encourager les municipalités à prendre le leadership de la mise en œuvre des PCD pour qu ID et ADEMA puissent se positionner dans un rôle d appui à maîtrise d ouvrage. L expérience de Bombardopolis montre qu un tel objectif est tout à fait atteignable. 6.4. Relations avec les autres acteurs Dans l ensemble des communes du Programme, ID, ADEMA et les collectivités territoriales ont fait la démarche d impliquer les autres acteurs de développement dans le processus d élaboration des PCD. La relation varie en fonction des territoires. Il conviendra maintenant d entretenir et de développer ces relations durant la mise en œuvre des plans. Cependant la qualité et l efficacité de ces relations 7
dépendront de la capacité des municipalités à développer leur leadership pour réunir les acteurs de développement intervenant dans leur territoire dans un cadre de concertation. 6.5. Un mécanisme de participation prometteur Les Conseils de Développement Communal mis en place dans chaque commune pour assurer le pilotage du processus et le suivi de la mise en œuvre des PCD est un formidable outil de participation. Cependant ces structures sont encore fragiles et nécessiteront pendant un certain temps un appui financier et technique pour assurer leur fonctionnement régulier. 7. Impacts du programme Le programme s est déroulé dans ce que nous pouvons qualifier comme un environnement hostile. Les acteurs principaux en l occurrence les conseils municipaux ont été remplacés au cours du processus et le cadre légal pour guider les actions est très confus. Toutefois des acquis importants sont à signaler : - La population est informée et formée sur le processus d élaboration des outils de planification et de leur importance pour la commune. - Un débat est ouvert sur l importance de la mobilisation des ressources locales pour contribuer au développement - Une meilleure compréhension de la nécessité de reddition de compte est acquise par les Mairies - Il est admis le principe de la participation de la société civile à travers du CDC dans le suivi de la mise en œuvre du plan. 8. Les axes d intervention proposées Compte tenu des contraintes et des avancées du programme, nous proposons d articuler les interventions autour de quatre (4) axes d interventions prioritaires dans le cadre du montage d un programme d appui au développement local: - Améliorer la gouvernance et développer la participation citoyenne 8
- Développer les capacités de mobilisation des ressources propres et mettre en place une approche de gestion transparente des ressources - Renforcer la capacité de planification et de maîtrise d ouvrage des collectivités locales - Soutenir le développement des initiatives économiques par le biais des partenariats publics-privés au niveau local. 9. Recommandations Les constats tirés de l évaluation montrent que le programme a prévu et mis en œuvre des actions pertinentes pour améliorer la gouvernance et le développement local. Cependant les contraintes identifiées comme la faiblesse des collectivités locales, la faiblesse ou l absence de services de l Etat dans les territoires, le processus hésitant de décentralisation et l instabilité politique ont énormément pesé sur le déroulement du programme. Les recommandations formulées invitent essentiellement à l amélioration ou au renforcement de certains axes d interventions pour mieux assurer la durabilité des résultats. R.1 Améliorer la gouvernance et développer la participation citoyenne Poursuivre l appui au dispositif de participation et encourager la participation citoyenne Améliorer la participation des femmes et des couches marginalisées et encourager les débats sur le thème «genre et développement» Assurer une diffusion large des PCD Poursuivre l appui aux CT en mettant davantage l accent sur la réorganisation et le renforcement des services municipaux Mettre l accent sur les services de proximité pour rechercher la confiance et la participation de la population R.2 Développer les capacités de mobilisation des ressources propres et mettre en place une approche de gestion transparente des ressources Redoubler d efforts sur le renforcement des capacités des mairies à mobiliser les ressources endogènes 9
Renforcer les compétences des élus et des agents fiscaux de la mairie et de l ALI dans le domaine fiscal ; Mettre l accent sur la CFPB qui rapporte le plus en procédant à l enrôlement des maisons et à une révision du mode de calcul basé sur la valeur locative déclarée par le propriétaire. Le nouveau mode de calcul pourrait être basé sur un certain nombre de facteurs combinés comme : le quartier, le nombre d étages, le type de sol, le type de toit etc. S assurer systématiquement que les firmes et entreprises qui exécute des travaux pour la mairie s acquittent de leurs obligations fiscales et demander à ses partenaires de procéder à ces contrôles également ; Mettre en place une action spécifique pour permettre aux collectivités locales d élargir l assiette fiscale et augmenter le taux de recouvrement des impôts; Aider à créer d autres recettes en prenant le soin de le faire dans le cadre d un dialogue avec les secteurs touchés au niveau local. Une taxe de séjour pourrait être instaurée dans les communes touristiques comme le Môle Saint Nicolas, une taxe sur les taxis pourrait aussi être envisagée particulièrement sur les moto-taxis. R.3 Développer davantage le réseau de bonnes pratiques entre les communes du programme R.4 Poursuivre le développement des coopérations entre les communes au niveau de l arrondissement R.5 Accompagner les élus locaux et les organisations de La Tortue dans une démarche au niveau national pour mettre fin à l enclavement de l île R.6 S appuyer sur les expériences du BNO et du HNO pour mener un plaidoyer en faveur de la relance du processus de décentralisation 10