La transition énergétique décentralisée en Allemagne: réflexions, questions, enseignements pour la France Cyril Roger-Lacan Juin 2013
Agenda I Les bases de la straégie locale de transition énergétigue II Optimisation énergétique locale et création de valeur: la méthode, les résultats III Pilotage locale et cohérence d ensemble: question ouvertes, éléments de débat Folie 2
I. Les bases de la stratégie locale de transition énergétique Un «capitalisme municipal» ancien et bien ancré, qui a bien résisté à la déréglementation énergétique Une «mobilisation citoyenne» qui prend notamment la forme concrète de projets coopératifs, articulés avec les projets municipaux Un soutien fédéral politique (Bund) et économique (KFW) homogène, orienté vers des objectifs de performance énergétique, respectant une forme de neutralité économique Folie 3
La gestion locale de l énergie repose sur un «capitalisme municipal» robuste et rénové (1/2) Les «Stadtwerke», remontent pour la plupart à la première moitié du XXème siècle. Ce sont des sociétés par actions, pas des régies. Leur périmètre de compétence est variable, mais elles gèrent généralement la distribution d électricité, de gaz, de chaleur et d eau potable, et des activités de production d énergie. Parfois les transports publics à travers une filiale. Elles ont conservé et parfois accru localement-leurs bases de clientèle locale dans le contexte de la déréglementation électrique et gazière (>90%) et ont appris à gérer leur approvisionnement dans un cadre concurrentiel de marché La tendance est à leur renforcement (Rekommunalisierung) et cette tendance se renforcera sans doute avec la remise en concurrence d ici 2016 de certaines concessions de distribution d électricité et de gaz. Folie 4
La gestion locale de l énergie repose sur un «capitalisme municipal» robuste et rénové (2/2) D autres utilités municipales importantes sont engagées dans les projets locaux et disposent de potentiels d optimisation énergétique importants: assainissement (généralement en régie Eigenbetrieb ou AÖR) déchets urbains (parfois en gestion déléguée, parfois en régie) logement social, transports publics(filiales des Stadtwerke, ou indépendants, selon les cas) La politique fédérale place cet échelon communal au cœur de la politique de transition énergétique. L investissement énergétique est présenté, perçu et soutenu autour d un concept ce«création de valeur communale»(kommunalewertschöpfung) Il est fréquemment structuré autour de la notion d «autonomie énergétique régionale/locale», au niveau des Länder, ou des «Landkreise»(circa 1Mhab) Folie 5
.Soutenu et relayé par des «initiatives citoyennes», notamment dans le financement de la production décentralisée d énergie Source: Infratest dimap, 24 janvier2012, 1000 personnes interrogées Folie 6
.Soutenu et relayé par des «initiatives citoyennes», notamment dans le financement de la production décentralisée d énergie Les coopérative s d énergie existent depuis 1900 mais leur nombre est passé de 70 en 2001 à plus de 550 en 2011. Folie 7
II. Optimisation énergétique locale et création de valeur: la méthode, les résultats Des projets à géométrie variable, une méthode d inspiration commune, intégrant progressivement les différents segments énergétiques à partir d une analyse de la demande Une triple optimisation: production/efficacité énergétique/réagencement des usages, dans un périmètre en extension Bénéfices collectifs et «création de valeur communale»: exemples et questions Folie 8
Des projets à géométrie variable, une méthode d inspiration commune Tous les projets ont pour base l ensemble des «fondamentaux» (géographiques, démographiques, économiques, sociologiques) d un territoire avant d embrasser les données énergétiques proprement dites La problématique énergétique elle-même prend pour base une réflexion approfondie sur des scénarios d évolution de la demande locale avant d en venir à la production d énergie Ces scénarios intègrent les documents de prospective régionale qui ressemblent aux SRCAE mais ont une orientation plus économique, et sont engénéralplus«scénarisés» Folie 9
La chaleur est au coeurde l optimisation énergétique locale Consommation d énergie finale en Allemagne par source et par emploi d après le VDEW (fédération des fournisseurs d énergie) en TWh L électricité ne couvre que 20% des usages d énergie en Allemagne Le plus gros besoin, avec plus de 60% de la consommation, correspondà la transformationde l énergieen chaleur. C estaussilàquerésidentles plus importants potentiels d efficacité énergétique. Folie 10
Une intégration progressive, dans une démarche locale, de l ensemble des composantes de la transition énergétique Folie 11
Estimer la création de valeur communale de façon complète: un exemple (Querfurt, 15.000 hab) Doublement et modernisation de la production locale et extension du réseau de chaleur, intégration à la nouvelle centrale d une composante biomasse/biogaz Analyse complète du potentiel local d utilisation de la chaleur - identification de nouveaux clients (industriels, hôpital ) et modélisation de la demande énergétique locale à moyen terme Analyse du potentiel de production d énergie à partir des déchets agricoles locaux (résidus céréaliers, effluents d élevage ) Construction du modèle économique et tarifaire correspondant Conception et dimensionnement à partir de ces éléments de la future centrale de cogénération (mix des intrants agricoles notamment) et de l extension du réseau de chaleur Etablissement des contrats avec les agriculteurs (intrants) et les nouveaux usagers de la chaleur (grands clients) Soutien de l entreprise publique locale dans la conduite de l appel d offres, le suivi de la construction, la mise en route et le démarrage de l exploitation Chiffres clés - Investissement total : 3,25 M - Capital : 365 k - TRI avant impors: > 10% - ROE: > 20% - Baisse coût de la chaleur de 30% - Création de 2 à 3 emplois - Baisse des emissions de CO2 de 3 300 t/a Folie 12
Estimer la «création de valeur communale» de façon complète: un exemple Commune, utilité communale, habitants Industries et services associés (fournisseurs) Externalités Folie 13
Estimer la «création de valeur communale» de façon complète: un exemple Date Prix moyendu marché Coût de l approvisionnement sur le marché Rémunération au feed-in tariff Difference 01/01/2009 80 /MWh 310,40 871,9 561,30 01/01/2010 66 /MWh 256,08 871,9 615,62 01/01/2011 58 /MWh 225,04 871,9 646,66 01/01/2012 58 /MWh 225,04 871,9 646,66 Externalités Création indirecte de valeur 397 k / an Externalités positives Création de valeur d environ 250 k /an Créationde valeur locale lors de la construction Créationdirectede valeur 466 k / an Coûtmoyenpour la collectivité nationale 600 k / an +Valeurdu projet Folie 14
Des optimisations partielles peuvent engendrer des économies d énergie très significatives. L exemple de Lübeck (210 000hab) optimisation centre de tri des déchets /station d épuration N Mesuresd optimisation Contribution au résultat en k Invest. en k Reduction deco2en t/a Effet themique en MWh/a Effet électr.en MWh/a 3 Installation échangeur thermique sur la BHKW de la STMB 22,3-280 4.092 1.447 0 5 Construction d un accumulateur thermiquesur la STMB pour le chauffage des substrats 132,1-89 990 350 0 7 Alimentation continue de la cuve de fermentation 10,1-119 566 200 0 8 Réduction du RTO et construction d un biofiltre 153,3-476 325 115 0 9 Isolation du toit de la cuve de fermentation 306,9-83 2.106 745 0 13 16 Optimisationdu périmetre d équilibre / instalation d une interconnectiion entre la Rigastrasse et la STMB Optimisation de la charge par ajout d intrants (Déchets ménagers, organiques, coferments, ) 697,4 0 9.642 0 1.219 709,8-714 15.031 2.000 1.185 17 Extraction de la chaleur Wärmeauskopplung de la ZKW 266,3-1.154 11.849 4.190 0 6 Réhabilitation de la BHKW de la Rigastraße* 100,3-714** 0 0 0 Améliorationdu résultatsuiteà la miseen oeuvredes mesures 2,4 Mio. Investissement nécessaire pour la mise en oeuvre des mesures 3,63 Mio. Folie 15
III. Pilotage local et cohérence d ensemble: quelques questions et enseignements pour les choix français
«MerkelsBlackout»? (Der Spiegel) La critique de «l impasse»de la transition énergétique est centrée sur un point focal: le dérapage de la charge mutualisée résultant de la compensation de l écart entre les tarifs de la production d électricité d origine renouvelables et des prix d équilibre du marché, et dans une moindre mesure des exemptions accordées aux gros consommateurs industriels Les effets vertueux du processus sont, quant à eux, répartis sur des processus d optimisation locale dont le spectre est beaucoup plus large et dont la production d électricité n est pas, et de loin, la composante essentielle. Ils intègrent production, usages et efficacité. Ces optimisations principales concernent surtout la chaleur, au moins dans un premier temps (ressources locales diversifiées; usages domestiques et industriels) =>ilestessentield êtreauclairsurcettedistinctionpourpréciserdequoi l on parle, car le débat sur les mérites/problèmes respectifs des systèmes allemands et français oppose souvent des arguments portant sur des questions différentes Folie 17
Prix de marché et EEG Umlage Folie 18
Evolution des composantes de la EEG Umlage Folie 19
Répartition de la EEG Umlagepar énergies renouvelables Folie 20
Le soutien allemand aux énergies renouvelables a peu pris en compte leur efficacité relative: il en résulte une situation contrastée Coût moyen complet des énergies renouvelables par MWhproduit Folie 21
Les tarifs d acheminement (réseaux de transport et distribution) sont sensiblement plus élevés en Allemagne qu en France Folie 22
Questions ouvertes en Allemagne Le système d incitations financières et la tarification des renouvelables envoie-t-elle les bons signaux aux acteurs décentralisés? Comment l effet pervers du mécanisme de la «EEG Umlage» (charge mutualisée de la production renouvelable) sur le marché de l électricité peut-il être atténué? Comment les interdépendances de système sont-elles prises en compte à l échelon local? A quel degré d équilibre/autonomie ces systèmes locaux doivent-ils tendre? Comment combiner l initiative décentralisée et la cohérence du pilotage de la transition? Folie 23
Les pistes de «rééquilibrage» de la trajectoire allemande Investissements dans le réseau de transport: 20 Mrds euros prévus 2012-2022 (source min envt Fédéral). Rythme actuel: 400 M/an Développement du stockage(cycle court: batteries; cycle + long: hydraulique, power to gas) les modèles se rentabilisent progressivement (barrages) du fait des écarts de prix observés sur le marché et du progrès technique quid ttfsi le marché local se rééquilibre => rééquilibrage des sous-systèmes locaux Financement spécifique de la capacité/disponibilité des énergies stables renouvelables (biomasse, biogaz, hydraulique) et/ou à haut rendement énergétique (cogénération-gaz, -biogaz) et intégration du coût de l instabilité par les énergies «intermittentes» (coût «net» après effet positif de la mutualisation) dans la tarification Régulation tarifaire tenant compte de l évolution rapide du coût relatif de certaines énergies Dissociation éventuelle du financement de la charge «historique» une fois redéfinis les principes d équilibre Folie 24
Quelques enseignements et questions pour la transition en France (1/3) Les factures énergétiques par habitant des deux pays sont identiques (4,8% hors transports, 8,4% transports compris), malgré des prix en moyenne plus élevés en Allemagne. Comme nous venons de le voir, les difficultés allemandes sont aujourd hui créées par un investissement trop rapide et trop peu sélectif dans certaines énergies renouvelables soutenues par des tarifs de rachat dont la priorité déséquilibre les marchés de l électricité, et dont l intermittence est insuffisamment prise en compte au niveau des réseaux de transport. Mais les progrès réalisés en Allemagne dans l utilisation de l énergie(efficacité, sobriété) sont plus grands, portés par une dynamique locale d optimisation dans tous les secteurs (résidentiel, industrie, tertiaire, transports) et relayée par une vraie politique industrielle. Cette dynamique va se poursuivre. La situation de départ française permet d envisager des trajectoires moins coûteuses, tirant parti des atouts spécifiques du système français, et évitant certaines erreurs de pilotage, par un phasage différent des composantes de la transition. Mais il s agit d un avantage de coût historique qui ira en s amoindrissant si le relais n est pas pris par une politique d efficacité énergétique ambitieuse. Simultanément, plusieurs défis se présentent pour créer au niveau régional et local, en France, les conditions d une optimisation efficace, intégrant la production, l efficacité et le réagencement des usages, l évolution corrélative des réseaux, puis les transports et la mobilité. Folie 25
Quelques enseignements et questions pour la transition en France (2/2): des surcoûts évitables Mieux phaserle développement de l efficacité énergétique, celui de la production d origine renouvelable à mesure que les coûts relatifs évolueront, la réduction de la part du nucléaire dans le «mix» électrique et la modernisation des réseaux (transport / distribution) Maintenir une sélectivité fondée sur les rendements énergétique/ économique des projets(appels d offre de la CRE) tout en intégrant progressivement à cette évaluation les effets économiques indirects des projets et leurs externalités, positives ou négatives Intégrer en amont le coût de l intermittence et la valeur de la disponibilité/stabilité à la tarification des différentes énergies renouvelables (externalités sur distribution l équilibre systémique)? => La France peut ainsi valoriser à la fois son potentiel unique dans l ensemble des énergies renouvelables et le coût marginal très bas de l électricité produite par le parc nucléaire existant, et les atouts technico-économiques de son système de transport/distribution sans déséquilibrer, économiquement, son modèle Folie 26
Quelques enseignements pour la transition en France(3/3): créer les conditions d une optimisation énergétique locale Il existe une unanimité de diagnostic et d indicateurs objectifs (coût et délais des projets) sur la difficulté de construire des projets «englobants» d optimisation énergétique territoriale dans le cadre actuel à partir d initiatives locales Comment combiner la prédominance d acteurs nationaux intégrés verticalement avec une optimisation énergétique progressive au niveau local, pilotées par les collectivités? En l absence d entreprises publiques locales fortes susceptibles de fédérer spontanément ces démarches (à l exception de certaines ELD), comment renforcer les compétences opérationnelles des collectivités? Dans plusieurs domaines, la réglementation française allonge les délais et renchérit le coût des projets (méthanisation-biogaz, éolien terrestre, projets coopératifs locaux ). Un travail de simplification systématique (identification«bottom up») d entraves rencontrées par les acteurs locaux pourrait intégrer des comparaisons avec l Allemagne. Folie 27