DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 65/2012 LA DISPARITION PROGRAMMÉE DE LA CONVENTION FRANCO-SUISSE DU 31 DÉCEMBRE 1953 EN MATIÈRE D IMPÔTS SUR LES SUCCESSIONS ET SON REMPLACEMENT PAR Dès 2011, la France avait porté à la connaissance de la Suisse que la convention du 31 décembre 1953 ne correspondait plus aux critères admis par les règles françaises en matière de territorialité de l'impôt sur les successions. L'application de cette convention révélait des niches fiscales ne profitant qu'aux personnes fiscalement domiciliées en Suisse au jour de l'ouverture de leur succession. Ces niches fiscales ne profitaient finalement pas aux départements des finances des cantons de la résidence fiscale des défunts. Il suffisait d'apporter des biens immobiliers à une société française ou étrangère et que le défunt décède domicilié en Suisse pour que l'on évite le paiement des droits de mutation à titre gratuit à cause de mort alors que ces droits auraient été exigibles au profit du fisc français si le défunt avait conservé les biens immobiliers en nature dans son patrimoine. L'objet d'une convention fiscale n'est pas de procurer des avantages économiques, mais seulement d'éviter ou de limiter les effets des doubles impositions...comme l'indique leur intitulé. À la suite de fortes pressions remontant à trois années, la France a obtenu de la Suisse la conclusion d'un nouveau projet de convention tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les successions qui a été paraphé le 9 juillet 2012. Au lieu de présenter la nouvelle convention comme une rupture avec celle du 31 décembre 1953, les autorités helvétiques préfèrent mentionner qu'il s'agit d'une révision de la convention sur les successions. Un tollé émanant de juristes et de fiscalistes exerçant leurs activités en territoire helvétique doit être constaté après la révélation du contenu de la nouvelle convention arrêtée entre les autorités fiscales suisses et françaises. Une grande majorité d'entre eux manifeste bruyamment pour que les autorités helvétiques ne ratifient pas la nouvelle convention. Cette situation surprendrait dès lors que le conseil fédéral helvétique avait donné son feu vert au paraphe du projet de convention après que le comité de la Conférence des directeurs cantonaux des - 1 -
finances l'avait approuvé à l'unanimité et que l'assemblée plénière de ladite conférence en a été informée. Mais si les opposants parviennent à bloquer une ratification helvétique, leur succès sera dépourvu de réel impact. La France avait décidé de ne pas résilier la convention du 31 décembre 1953 dès lors qu'une nouvelle convention francosuisse dans la même matière entrerait en vigueur à compter du 1 er janvier 2014. En cas d'opposition de la Suisse, la France peut encore jusqu'au 30 juin 2013 effectuer cette dénonciation avec effet au 31 décembre 2013. Il est peu probable en tout état de cause que l'actuelle convention du 31 décembre 1953 survive après le 31 décembre 2013. En ce cas, l'application unilatérale du côté français des règles de droit commun renfermées dans l'article 750 ter du CGI aboutirait aux mêmes résultats que ceux obtenus par celle des dispositions des articles 5 à 12 de la proposition actuelle de convention. Les avantages alors perdus par la partie française se limiteraient à ce qu'elle ne puisse demander l'assistance administrative des autorités fiscales helvétiques pour l'obtention de renseignements utiles pour l'établissement de l'impôt successoral français, mais également pour obtenir le concours des autorités fiscales helvétiques pour le recouvrement en Suisse de l'impôt successoral français. Si ces mesures d'assistance administrative sont importantes selon le point de vue français, elles ne sont pas essentielles. Autrement dit, il apparaît que la France peut se passer de la nouvelle convention pour rattraper des montages permis par l'ancienne convention et qui aboutissaient à des évasions économiques. La nouvelle convention ne sera applicable qu'en matière de taxation des dévolutions successorales (art. 2). Elle ne pourra être appliquée à la taxation des donations entre vifs. L'impression sera que ceci n'opère pas de différence avec la situation antérieure. Mais comme les règles conventionnelles appelées à régir la taxation des dévolutions successorales s'avèrent identiques de celles purement territoriales françaises applicables aux donations entre vifs, il s'agit en pratique d'une évolution salutaire puisqu'il existera une convergence totale des règles de territorialité applicables aux deux types de mutations à titre gratuit. Comme par le passé, la nationalité du défunt ou des héritiers ne conditionnera pas l'application de la convention. Seul le domicile du défunt ou le lieu de résidence de l'héritier déterminera l'application de la convention (art. 1). S'agissant de la - 2 -
détermination du terme «France», il désignera exclusivement les départements européens et d'outre-mer de la république française. La convention ne s'appliquera pas si le défunt ou l'héritier est domicilié dans une collectivité d'outre-mer. Les règles de territorialité prévues dans la convention sont apparemment classiques. Les biens immobiliers seront imposables dans l'état du lieu de leur situation (art. 5). Ceci englobera également les parts de sociétés étrangères propriétaires de biens immobiliers situés dans l'un des états contractants dès lors qu'elles sont considérées comme étant à prépondérance immobilière. La convention renferme une présomption de faire partie d'une succession en présence d'un immeuble appartenant à une société, une fiducie ou tout autre institution ou entité dont le défunt détenait plus de la moitié des actions, parts ou autres droits avec des proches (conjoint, ascendants ou descendants ou des frères et sœurs). Les biens mobiliers appartenant à un établissement stable ou à une base fixe seront taxables au lieu de leur situation (art. 6). Les navires, les aéronefs et les bateaux exploités par une entreprise dont le siège de direction effective est situé dans un État contractant seront imposables dans ce dernier (art. 7). Tous les autres biens faisant partie de la succession d'une personne domiciliée dans un État contractant ne seront imposables que dans cet État (art. 8). L'article 9 de la nouvelle convention renferme des règles très détaillées en ce qui concerne la déduction des dettes. Mais l'intérêt de la nouvelle convention ne se trouve pas dans ces règles classiques dont l'application pratique risque de s'avérer résiduelle. Il convient d'insister sur les nouveaux mécanismes qui seront applicables dans les relations franco- suisses. 1 Si le défunt au moment du décès était domicilié en France, le fisc français imposera l'ensemble des biens dépendant de la succession, y compris les biens qui seront imposables en Suisse conformément aux dispositions de la Convention, mais il devra imputer, sur cet impôt, un montant égal à l'impôt payé en Suisse sur les biens qui, à raison du décès et conformément aux dispositions de la Convention, seront également imposables en Suisse. L'application de ces dispositions nouvelles ne créera aucune surprise pour les notaires français puisqu'elle aboutira aux mêmes résultats que ceux obtenus en droit commun en vertu du 1 de l'article 750 ter du CGI. 2 Lorsque les ou certains des héritiers d'une personne décédée domiciliée en - 3 -
Suisse possèderont leur résidence en France au moment du décès, ces héritiers seront imposés par l'administration fiscale française, à condition d'avoir résidé en France au moins six ans au cours des dix ans précédant l'année au cours de laquelle ils reçoivront les biens par voie successorale. Le fait que la totalité des biens ainsi recueillis se trouve en territoire helvétique n'y changera rien. Le fisc français devra toutefois déduire les droits que les héritiers auront dûment acquittés aux départements cantonaux des finances en Suisse. La règle prévue à l'article 11-1 c du projet de convention reproduit quasiment la même règle que celle figurant au 3 de l'article 750 ter du CGI. 3 Si une personne physique quelle que soit sa nationalité décèdera possédant sa résidence fiscale en Suisse, la taxation de la dévolution successorale des parts ou actions d'une société française ou étrangère (notamment suisse) détentrice de biens ou droits immobiliers en territoire français et qui serait considérée, en fonction de ses seuls actifs français, comme étant à prépondérance immobilière profitera à l'administration fiscale française. Il s'agit d'une règle nouvelle modifiant radicalement la solution antérieure qui résultait de l'application des articles 2 et 3 de la convention du 31 décembre 1953. 4 Il est curieux de constater que la taxation de la dévolution des biens mobiliers corporels (c'est-à-dire y compris les meubles meublants) fait l'objet d'une règle particulière. Au lieu d'être incluses dans les dispositions classiques des articles 5 à 8, elle prévoit le droit de l'administration fiscale française d'imposer l'ensemble des biens mobiliers corporels situés en France lorsque le défunt au moment du décès était domicilié en Suisse (art. 11-1 b). Le droit du fisc français de taxer la dévolution des biens mobiliers corporels se trouvant en territoire suisse existera dès lors que le défunt était fiscalement domicilié en France en raison la généralité des dispositions de l'article 11-1 c ou lorsque l'héritier ou le légataire est domicilié en France depuis plus de six ans au cours des dix années précédant le décès d'une personne décédée fiscalement domiciliée en territoire helvétique. 5 L'aspect le plus notable en fin de compte de la nouvelle convention est d'abord renfermé dans l'article 14 organisant d'abord une assistance administrative à l'échange de renseignements entre les administrations - 4 -
fiscales helvétiques et françaises conçu de façon très générale soit pour appliquer les dispositions de la présente convention... ou pour administrer ou appliquer la législation interne relative aux impôts sur les successions. En second lieu, l'article 15 prévoit l'assistance administrative entre les administrations fiscales suisses et françaises pour le recouvrement des impôts sur les successions. Guy DURANTON - 5 -