CARACTERISTIQUES GEOTECHNIQUES DES SOLS DE SURFACE DE LA VILLE DE MARRAKECH GEOLOGICAL AND GEOTECHNICAL CHARACTERIZATION OF THE SOILS OF MARRAKECH CITY (MOROCCO). Houcine MANDOUR 1, Daniel LEVACHER 2, Mostafa AMRHAR 3, Edgard LAVILLE 2 1 Doctorant, M2C GRGC UMR-CNRS 6143, 24 rue des Tilleuls, 14000 Caen, France. 2 Professeur, M2C GRGC UMR-CNRS 6143, 24 rue des Tilleuls, 14000 Caen, France. 3 Professeur, UCAM Faculté des Sciences, Semlalia, BP 2390 Prince My Abdelah, 40000 Marrakech, Maroc. RÉSUMÉ L évaluation des caractéristiques mécaniques des sols de Marrakech est délicate en raison de l hétérogénéité des matériaux (taille, nature et origine). L étude menée consiste à étudier ces sols en laboratoire, pour les différencier selon leurs lithologies et caractéristiques physiques et pour déterminer l influence de celles-ci sur les paramètres mécaniques c et ϕ de ces sols. ABSTRACT The evaluation of the mechanical characteristics of the soils of Marrakech city is not easy because the degree of heterogeneity of materials is high. The undertaken study consists of a classification of the geotechnical data of these soils according to their lithologies and their physical characteristics. The values of the mechanical characteristics (c, ϕ) are depending on these parameters. 1. Introduction Les sols de la ville de Marrakech et de ses environs sont constitués de deux unités sédimentaires: - les unités détritiques : constituées de matériaux allochtones charriées à partir de la chaîne atlasique comprennent des conglomérats, des alluvions et des limons. - les unités carbonatées : comprennent des encroûtements calcaires, des nodules (3 cm de taille) et des amas friables (inférieur à 1 cm) ou calcrètes. Leur formation serait due au phénomène de pédogenèse. Ces sols présents à l affleurement dans la ville de Marrakech se répartissent d une façon anarchique et discontinue. Ils présentent une forte hétérogénéité (taille, nature et origine) ce qui rend difficile leurs caractérisations physique et mécanique. Les objectifs de cette étude sont d identifier les caractéristiques physiques de ces sols et d étudier l influence de ces paramètres (dimensions et formes des grains, nature lithologique et écrêtage des matériaux) sur les valeurs de l angle de frottement interne ϕ et la cohésion c de ces sols. L exécution des essais mécaniques a été réalisée à l aide de la boîte de cisaillement direct au sein de la faculté des sciences Semlalia à Marrakech. 563
2. Cadre géologique La ville de Marrakech (N008 10 et W31 15) se situe sur la bordure septentrionale de la plaine du Haouz développée au nord du piémont du Haut Atlas (figure 1). Cette plaine est alimentée par un réseau hydrique comportant l oued Tensift de direction E- W qui collecte les oueds subméridiens (Zat, Ourika, Issil, Rheraya et N Fis). Son altitude passe du sud vers le nord de 900 à 300 m. Cette plaine forme un bassin d avant pays d un segment de la chaîne haute atlasique : le Massif ancien (point culminant 4107m). Ce bassin est comblé par des dépôts détritiques d âge miocène et pléistocène alimentés par l érosion des reliefs amonts et transportés par les oueds subméridiens pour former de larges cônes alluviaux qui s étalent depuis le piémont jusqu à l oued Tensift. Ces cônes, qui furent successivement incisés et remaniés, sont constitués essentiellement de conglomérats de graviers et de limons (Pascon, 1983). Les calcrètes d origine pédogénique sont surtout développés dans la partie septentrionale de la plaine notamment à Marrakech. Figure 1. Carte de situation de la zone d étude (Mandour, 2008) 3. Identification des sols du site étudié Les sols présents à l affleurement dans la ville de Marrakech se répartissent d une façon discontinue. Une meilleure connaissance des caractéristiques physiques des sols et l interprétation de leurs courbes granulométriques permettent de mieux comprendre les conditions de la répartition des sols de la région, et leur évolution. La première étape concerne la réalisation de la carte d échantillonnage et des classes des sols. 3.1. Prélèvement et échantillonnage Des échantillons ont été prélevés dans plusieurs tranchées destinées aux réseaux d assainissement et à la réalisation de fondations à des profondeurs plus ou moins importantes (0 à 10 m). Ces dernières sont réalisées dans le périmètre urbain de la ville de Marrakech et de ces environs. 564
Le nombre important d échantillons prélevés, (130 prélèvements), a permis d effectuer un partage de la ville de Marrakech et de ses environs selon cinq zones. Le critère principal pris en compte lors de ce découpage est la nature lithologique macroscopique des sols abondants. Nous avons prélevé uniquement des sols remaniés (AFNOR, 2000). 3.2. Propriétés physiques Les sols prélevés ont fait l objet d une série d essais d identification. Elle s appuie sur : les courbes granulométriques et les paramètres permettant de décrire la granulométrie (AFNOR, 1996), les paramètres de plasticité des sols à l aide des limites d Atterberg (AFNOR, 1995) et le pourcentage en CaCO 3 pour les sols de nature calcaire (AFNOR, 1994). Ces différents essais ont permis d'étudier quantitativement les échantillons prélevés dans la zone urbaine de la ville de Marrakech et ses environs. On a ainsi comparé les sols du point de vue lithologie, classe granulaire et classification. Pour une compréhension facile de nos données et résultats, on a retenu la classification LCPC qui considère tous les paramètres des sols. Cette classification se base essentiellement sur les paramètres intrinsèques ou de nature (granularité et teneur en argile) et sur les paramètres d état (teneur en eau et consistance). Tout d abord, la granulométrie a permis de répartir les sols en 3 grandes classes géotechniques: sols fins, sables et graves. De même, il a été possible de préciser le pourcentage de la matrice et des inclusions de chaque échantillon étudié. Les sols classés en graves prédominent dans la ville de Marrakech et ses environs. Sur une population de 62 échantillons analysés, la distribution des classes s établit selon la figure 2. Figure 2. Classes géotechniques des sols étudiés Les graves sont caractérisées par une teneur en eau naturelle de valeur moyenne (w i ) égale à 4,5 %. L indice de plasticité I P atteint au plus 40 %, et dans certains cas il n a pas pu être déterminé. Les profondeurs vont de 0,8 m à 5,2 m. Quant aux sables, ils présentent une teneur en eau naturelle du même ordre que les graves, la valeur moyenne (w i ) est d environ 5 %. La valeur moyenne de I P est égale à 11 I P %. Les sols fins sont localisés en surface et à faible profondeur. Leur teneur en eau naturelle atteint 5 %. L indice de plasticité I P varie de 8 à 15 %. Du point de vue lithologique, nous avons rencontré deux grandes classes lithologiques, (Mandour et al., 2006), (figure 3) : - des formations calcaires : composées d agglomérats carbonatés, de concrétions, d encroûtement et de limons calcaires. 565
- des conglomérats à matrice : la matrice dans ces formations conglomératiques est limoneuse à limono-sableuse. 3.3 Constat Les résultats de l identification des sols, montrent que les courbes granulométriques sont en général très étalées et non uniformes. Les fractions fines des sols de Marrakech sont peu plastiques et ne présentent pas des caractéristiques propres aux argiles. Les sols sont des matériaux essentiellement alluvionnaires au sud et à l est de la ville de Marrakech et de nature calcaire au centre et au nord de la ville (figure 3). Figure 3. Répartition des sols étudiés à Marrakech et des iso valeurs de I P (14-30) 4. Résistance au cisaillement des sols écrêtés du site 4.1. Introduction 4.1.1 Rôle des éléments fins dans les matériaux Les matériaux grossiers et graveleux utilisés dans la construction et dans l entretien des routes doivent avoir un minimum de résistance aux contraintes tangentielles (Belmaaris, 2004). Les matériaux doivent avoir suffisamment de cohésion pour assurer la liaison des grains en saison sèche afin de diminuer la formation d une surface d aspect «tôle ondulée» et éviter la ségrégation pendant l usage de la 566
route. Cependant ils ne doivent ni contenir trop de fines, ni être trop plastiques pour éviter les dégradations de la route en saison pluvieuse, (DRCR LPEE, 2002). Plusieurs paramètres (origine géologique des grains, écrêtage, forme et agencement) conditionnent le comportement mécanique des sols fins, cette évidence est souvent perdue de vue. 4.1.2 Effet d écrêtage La méthode d'écrêtage consiste à enlever une partie des inclusions présentes dans le sol. L opération d'écrêtage conduit à une diminution de la proportion des inclusions, mais également à une augmentation relative de la teneur en fines. Il est donc important de comprendre l'effet de la proportion des inclusions sur le comportement de ces sols. L écrêtage des matériaux conduit à l anéantissement de la structure initiale du sol et la destruction des liaisons entre les éléments. L angle de frottement augmente avec la granulométrie. Il est plus faible pour des échantillons écrêtés (Donaghe et Torrey 1979, in Pedro, 2004) Les résultats obtenus sur la fraction 0/25 mm d'un sol grossier alluvionnaire, (Vallé, 2001) confirment que ce sol écrêté a un angle de frottement plus faible et une cohésion plus élevée par rapport au sol naturel. Aussi plus la fraction volumique des inclusions (macro-éléments) augmente, moins le sol est dilatant, (Seif El Dine, 2007). 4.2. Étude de l influence de la nature des grains Nous avons déterminé les paramètres mécaniques des sols (écrêtés) rencontrés dans la ville de Marrakech et de ses environs. Nous avons étudié l effet de la présence des concrétions calcaires sur les valeurs de l angle de frottement interne ϕ et de la cohésion c du sol. Ces essais mécaniques ont été réalisés à l aide de la boîte de cisaillement direct classique. Pour chaque classe géotechnique obtenue, trois essais ont été entrepris pour trois valeurs de la contrainte normale (50, 100 et 200 kpa), soit 9 éprouvettes pour chaque échantillon. 4.2.1 Description des échantillons écrêtés et cisaillés Pour étudier l influence de la présence des concrétions calcaires sur les résultats des essais de cisaillement, nous avons choisi la classe Grave limoneuse avec limon peu plastique notée GL-Lp selon la classification LCPC. On s intéresse à deux types de grave selon qu il s agisse de sols de nature alluvionnaire ou de nature calcaire encroûté (figure 4). 6 cm 10 cm sol alluvionnaire détritique sol de nature calcaire Figure 4. Classes de sol prédominantes retenues pour l essai de cisaillement 567
Les caractéristiques physiques des deux échantillons sélectionnés pour effectuer des essais de résistance au cisaillement après écrêtage, sont présentées dans le tableau I: Tableau I: Caractéristiques principales des sols testés Référence de l essai Profondeur (m) A-GL-Lp1 1,5 D-GL-Lp1 2 Nature lithologique Limon à concrétions Alluvions sableuses d max (mm) w L (%) I P (%) W i (%) ρ d (t/m 3 ) CaCO3 (%) 40 42 12 0,8 2,0 45 40 36 13 1,5 1,8 5 L échantillon de sol référencé D-GL-Lp1 est une alluvion sableuse d origine détritique dont les grains sont formés de quartz filonien du socle et du grès du Trias. Des éléments sableux sub-arrondis à arrondis sont présents, (figure 5a). L échantillon référencé A-GL-Lp1 est un sol limoneux à concrétions calcaires. Ces concrétions sont de taille variable et de forme anguleuse, (figure 5b). a - D-GL-Lp1 b - A-GL-Lp1 Figure 5 : Fraction et forme des échantillons testés 4.2.2. Observations et analyses des essais L échantillon calcaire A-GL-Lp1 présente un caractère dilatant pour les 3 contraintes appliquées à partir d un déplacement de 0,5 mm. Pour un déplacement inférieur à 0,5 mm le caractère contractant est marqué, (figure 6a). L échantillon alluvionnaire D-GL-Lp1 présente un caractère contractant au début de l essai puis à partir de 2 mm de déplacement le caractère dilatant est bien marqué, (figure 6b). Les courbes effort-déplacement des deux échantillons D-GL-Lp1 et A-GL-Lp1 présentent un pic puis tendent à diminuer. Cette allure s apparente à celle d un sable. Les résultats obtenus relatifs aux échantillons A-GL-Lp1 se caractérisent par des valeurs de l effort tangentiel T plus au moins identiques à D-GL-Lp 1. En examinant les courbes intrinsèques pour les échantillons D-GL-Lp1 et A-GL- Lp1, de la figure 7, on constate que, pour les contraintes normales 50 kpa, 100 kpa et 200 kpa, les valeurs de la résistance au cisaillement τ correspondantes aux essais de la classe D-GL-Lp1 sont plus élevés que celles de la classe A-GL-Lp1. Quand la contrainte normale augmente, la différence entre les valeurs des deux sols tend à s accentuer. 568
Déplacement vertical δv (mm) 0,2 0,1 0,0-0,1-0,2-0,3-0,4-0,5 D-GL-Lp1 dv50 δv50 dv100 δv100 dv200 δv200 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Déplacement horizontal δl (mm) a - D-GL-Lp1 (a) Déplacement vertical δv (mm) 0,2 0,1 0,0-0,1-0,2-0,3-0,4-0,5 A-GL-Lp1 δv50 dv50 δv100 dv100 δv200 dv200 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Déplacement horizontal δl (mm) b - A-GL-Lp1 (a) Figure 6. Courbes déplacement δ v déplacement δ l des échantillons testés Résistance au cisaillement τ (kpa) 250 200 150 100 A-GL-Lp1 50 D-GL-Lp1 0 0 50 100 150 200 250 Contrainte normale σ (kpa) c (kpa) ϕ ( ) A-GL-Lp1(a) 60 36 A-GL-Lp1(b) 73 33 A-GL-Lp1(c) 72 31 D-GL-Lp1(a) 46 41 D-GL-Lp1(b) 46 37 D-GL-Lp1(c) 32 46 Figure 7. Courbes intrinsèques des échantillons testés et valeurs de c et ϕ On note que les valeurs de la cohésion sont plus élevées pour l échantillon de sol de nature calcaire à grains anguleux, elles atteignent 73 kpa. Les valeurs de la cohésion de l échantillon de nature alluvionnaire ne dépassent pas 46 kpa. Pour les angles de frottement, les valeurs prennent respectivement la valeur moyenne de 41 pour le sol D-GL-Lp1, et de 33 pour l échantillon A-GL-Lp1, (figure7). Cette différence peut être attribuée au pourcentage de calcaire plus élevé dans l échantillon A-GL-Lp1. 5. Conclusions La répartition hétérogène de ces matériaux montre que les périodes de dépôt sont variées dans le temps et dans l espace, tout comme les changements des conditions de dépôts étaient fréquents (déviation des cours d eau, périodes de crues, variations climatiques). Ceci a donné des zones d épandage où un granoclassement horizontal s est établi. Du sud vers le nord de la plaine, la quantité des fines augmente et celle des gros éléments diminue. En fonction de la profondeur, nous avons constaté la dominance des sols grossiers de 1 m à 3 m de profondeur, les sols fins sont plus abondants entre la surface et 1 m de profondeur. Trois grandes classes géotechniques ont pu être ainsi mises en avant : sols fins (19%), sables (15%) et graves (66%) La valeur de l angle de frottement de l échantillon de sol d origine alluvionnaire à grains gréseux est plus élevée par rapport aux valeurs de l échantillon du sol 569
d origine calcaire. Le pourcentage plus élevé de calcaire dans les sols pédogénétiques influence probablement les valeurs des résistances au cisaillement de ces derniers. Cependant les résultats de ces sols écrêtés à 5 mm peuvent être nuancés car l origine de la cohésion et donc sa valeur dépend certainement de la teneur en fines, qui a été artificiellement augmentée par l écrêtage effectué. 6. Remerciements Ce travail a été effectué dans le cadre du programme thématique d'appui à la recherche scientifique (PROTARS III D15/24), financé par le centre national de la recherche scientifique et technique (CNRST) du Maroc, que nous remercions vivement. Nos remerciements vont aussi au Laboratoire d Expertises, d Etudes et d Essais (L3E) où a été réalisée une partie des essais. 7. Références bibliographiques AFNOR, (1994) NF P 94-048. Sols : reconnaissance et essais - Détermination de la teneur en carbonate - Méthode du calcimètre, 11 p. AFNOR, (1995) NF P 94-052-1. Détermination des limites d Atterberg. Partie I : Limite de liquidité méthode du cône de pénétration, 10 p. AFNOR, (1996) NF P 94-056. Sols : Reconnaissance et essais Analyse. Méthode par tamisage à sec après lavage, 15 p. AFNOR, (2000) NF P94-202. «Sols : Reconnaissance et essais - Prélèvement des sols et des roches - Méthodologie et procédures, 42 p. Belmaaris, A. (2004). Contrôle et qualité des travaux routiers. Recueil des spécifications pour les matériaux routiers, Laboratoire d Expertises, d Etudes et d Essais L3E. Marrakech, Maroc, 86 p. DRCR LPEE, (2002). Guide Marocain pour les Terrassements Routiers GMTR. Rapport interne. Laboratoire Public d Essais et d Etudes, 78 p. Mandour H., (2008). Etude des sols de la ville de Marrakech. Approches géologique et géotechnique. Thèse de doctorat, Université de Caen Basse-Normandie, 240 p. Mandour H., Levacher D., Amrhar M., Laville E., R kha K., Sekkat Z. (2006) Etude des sols urbains de Marrakech. Proposition d une méthodologie. LPEE, Maroc, 115, 21-32 Pascon P., (1983) Le Haouz de Marrakech. Tome 1, CNRS, Paris, 150 pages Pedro L., (2004). De l'étude du comportement mécanique des sols hétérogènes modèles à son application aux sols naturels. Thèse de doctorat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 294 p. Seif El Dine B., (2007). Etude du comportement mécanique de sols grossiers à matrice. Thèse de doctorat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Paris, 197p. Vallé N., (2001). Propriétés mécaniques d'un sol grossier d'une terrasse alluvionnaire de la Seine. Thèse de doctorat, Université de Caen Basse Normandie, 304 p. 570