Compte-rendu de la Soirée Libre Expression 1 ère partie Martine Lignières-Cassou Députée de la 1 ère circonscription des Pyrénées-Atlantiques Maire de Pau La réforme fiscale annoncée par le Gouvernement Pau 30 janvier 2014 En présence de Jacques le Cacheux, Directeur du Département des études de l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Paris, Directeur du Centre d'analyse et de traitement théorique des données économiques et Professeur à l Université de Pau et des Pays de l'adour. Introduction de Martine Lignières-Cassou Pour la première réunion publique thématique de l année, Martine Lignières-Cassou et Didier Larrieu ont porté leur choix sur un sujet d actualité qui nous concerne tous, la réforme de la fiscalité annoncée par le Premier Ministre en novembre dernier. Par son manque de lisibilité, l impôt est source de méfiance pour les contribuables français, car il donne le sentiment d être injuste. Le «ras-le-bol fiscal» s explique par le fait que les ménages souhaitent que les règles du paiement de l impôt ne changent pas d une année sur l autre et que celui-ci soit simplifié et lisible. La fiscalité des entreprises françaises doit être également moins complexe et moins variable afin d être plus compétitive par rapport à nos voisins européens. En annonçant l ouverture du chantier de la réforme fiscale, le Premier ministre a lancé l acte II du quinquennat. Quel niveau et quelles dépenses publiques voulons nous pour l'avenir ; comment mieux les financer en répartissant autrement l'effort contributif? La remise à plat annoncée par Jean-Marc Ayrault comporte trois aspects - La progressivité, pour que chacun contribue à hauteur de ses moyens. La situation actuelle, où les impôts directs pèsent surtout sur les ménages les plus fragiles et où les grandes entreprises réussissent à échapper à l impôt grâce à l optimisation fiscale, mérite d être corrigée. - La stabilité : alors que les Français ont consenti des efforts importants pour rétablir les finances publiques, la réforme de la fiscalité se fera à un taux de prélèvements constant. - La lisibilité : notre fiscalité doit être rendue plus simple. C est un enjeu de légitimité car chaque citoyen doit pouvoir comprendre comment son argent est utilisé. Cette réforme fiscale est cohérente avec le Pacte de Responsabilité, qui inclut la poursuite de l'allègement du coût du travail, déjà amorcé avec le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE). 1
L objectif fixé par le Président de la République, c'est d'ici 2017, la fin des cotisations familiales pour les entreprises et pour les travailleurs indépendants. Cela représente 30 milliards d'euros pour redonner de la marge aux entreprises. Il s agira également d améliorer la compétitivité de nos entreprises par rapport aux entreprises européennes. Le Premier ministre a installé, mercredi 29 janvier, les Assises de la fiscalité des entreprises. Le chantier de la remise à plat de la fiscalité démarre avec les entreprises, avant celui de la fiscalité des ménages (réunion du 31 janvier 2014). L'objectif est de tout faire pour que la fiscalité des entreprises favorise l'investissement et l'emploi. Quatre groupes de travail ont été constitués avec les représentants des entreprises, des salariés et avec les parlementaires de la majorité et de l'opposition. Ces groupes de travail vont faire des propositions concrètes concernant l'impôt sur les sociétés, les diverses taxes, et la simplification des rapports entre l'administration et les entreprises. Les premières mesures seront annoncées pour le budget 2015. Intervention de Jacques le Cacheux La réforme fiscale est un véritable serpent de mer depuis quelques décennies en France. Il n y a pas de définition claire des arbitrages, les modifications sont faites dans l urgence et sous la contrainte car l Etat a besoin d argent. Ces évaluations comptables donnent le sentiment d être incohérentes avec des effets négatifs desquels découlent le «ras-le-bol fiscal». Nous occultons l essentiel, ce qui nous conduit à des visions partielles des grands défis. Faut-il, pour rendre la fiscalité française plus juste, sacrifier l efficacité économique? Doit-on privilégier l augmentation des recettes fiscales au détriment de la croissance? Faut-il privilégier l emploi et la compétitivité aux dépens de la justice? Et doit-on remettre à plus tard les impératifs de soutenabilité environnementale pour privilégier la reprise à court terme? Les diagnostics sur les défauts de la fiscalité française font l objet d un relatif consensus : trop peu redistributive, pesant trop sur le travail et insuffisamment sur les ressources naturelles et les activités génératrices de dommages environnementaux. La révolution fiscale est généralement limitée au champ des prélèvements directs, non distributifs et on découvre les effets économiques après coup. Il faut une véritable réflexion en amont pour éviter les écueils caricaturaux. Dans tous les pays du monde, on peut constater la diversité des impôts et des instruments multiples. Le système fiscal français comporte une centaine d instruments de prélèvement, contre environ une cinquantaine en Allemagne et dans la plupart des autres pays européens. Parce que le niveau de socialisation de certaines dépenses y est élevé et que la protection sociale y est entendue, la France affiche des taux de prélèvements obligatoires élevés même s ils se stabilisent depuis une vingtaine d années. En revanche, les prélèvements sur le capital sont assez bas par rapport aux autres pays. La France se distingue en grevant plus lourdement qu ailleurs les revenus du travail et relativement moins la consommation et l énergie. 2
Les taxes concernant les droits d'accise (tabac, alcool) sont faibles voire en recul puisqu en dessous de l inflation. Il faut donc stimuler l emploi et la compétitivité. Depuis les réformes Schröder en 2004, l Allemagne maîtrise ses coûts salariaux tandis que les pays de l Europe du Sud les réduisent. La France est entre les deux. Donc, soit on baisse les salaires, soit on joue sur les cotisations sociales en sachant que la pression fiscale sur le travail via les cotisations patronales est forte Quelques pistes : Alourdir la fiscalité sur la consommation : la France l a réduit depuis 20 ans tandis que l Allemagne l augmente. Alourdir la fiscalité sur les énergies fossile? La France a réduit les taxes sur le gaz, l essence et le diesel tandis que le Danemark et l Allemagne les ont doublées. Cette tendance à la baisse depuis 15 ans en France, est en contradiction avec le discours sur l environnement et l écologie. Que faire? La CSG pèse lourdement sur les revenus des ménages modestes car elle ne tient pas compte de la situation familiale et du nombre d enfants qui composent le foyer, à la différence de l impôt sur le revenu ou des critères retenus pour bénéficier des allocations familiales. Parce que la redistributivité du système actuel de prélèvements directs sur les revenus des personnes apparaît insuffisante, notamment en haut et en bas de l échelle des revenus, pourquoi ne pas envisager, dans la réforme fiscale un reprofilage global de l ensemble des prélèvements directs Impôt sur le revenu des personnes, CSG, - des crédits d impôts - notamment les principales «niches fiscales», de la Prime pour l emploi (PPE) et des principales allocations sous conditions de ressources Revenu de solidarité active (RSA), Allocation de rentrée scolaire (ARS), Allocation logement, notamment. La TVA, quant à elle, est un impôt de rendement et de compétitivité. Pour financer une partie du crédit d impôt pour la compétitivité et l emploi (CICE), le gouvernement a décidé d augmenter la TVA. Ainsi, le 1er janvier, le taux général de la TVA est passé de 19,6% à 20%, le taux intermédiaire de 7% à 10%.. L allègement du coût du travail que permet le CICE, peut favoriser la baisse des prix des biens exportés et relever ceux des biens importés, cette hausse de la TVA doit permettre de rééquilibrer la balance commerciale. Mais la hausse du taux général de TVA est trop limitée par rapport au taux appliqué dans les autres pays de l Union européenne pour restaurer correctement la compétitivité. La fiscalité écologique est encore faible et mal conçue. Il faut inciter les entreprises à trouver des technologies riches en emplois et faibles en énergie. La fiscalité écologique en France est majoritairement axée sur la consommation de pétrole et dans une moindre mesure, sur les activités polluantes. La fiscalité écologique devrait permettre à la fois de baisser le coût du travail, donc d améliorer un des facteurs de compétitivité, et de favoriser les alternatives à la consommation d énergie importée, donc de réduire le déficit commercial. En 2012, la France a dépensé près de 70 milliards d euros pour acheter du gaz et du pétrole à l étranger. 3
Echanges avec la salle Mesures de lutte contre l'optimisation fiscale retoquées par le Conseil Constitutionnel : En novembre 2013, les députés avaient amendé le projet de loi de finances 2014 pour durcir le recours à l'optimisation fiscale des grandes entreprises. Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions. Jacques le Cacheux : Ce qui est reproché aux grandes entreprises et multinationales, c'est de pratiquer de façon outrancière l'optimisation fiscale à travers des montages qui permettent de transformer des bénéfices imposables en charges de gestion non imposées. Il s agit de mondialiser son chiffre d'affaires pour échapper à l'impôt en France. On sait que ces groupes paient 8% d impôts contre 33% en moyenne pour les petites entreprises françaises. De même, jusqu à il y a 2 ans, les intérêts d emprunt étaient déductibles du bénéfice imposable, au bénéfice des entreprises étrangères qui ouvraient des filiales en France et empruntaient en France. Le Conseil Constitutionnel a retoqué un projet mal ficelé juridiquement et sans doute y a-t-il eu du lobbying. L impôt confiscatoire : Dans ses décisions 2012 sur le projet de loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a censuré la tranche dite à 75 % au motif qu'elle reposait sur une contribution individuelle alors que l'impôt sur le revenu doit porter sur le foyer fiscal. A partir de quel niveau un impôt devient-il confiscatoire? En théorie, c est lorsque le taux est à 100%! Aujourd hui, il est de 45% en moyenne pour l impôt sur le revenu, contre 66% au Danemark, (90% au Royaume Uni sous M. Thatcher, 85% aux Etats-Unis sous F.Roosvelt) Est-ce le rôle du Conseil constitutionnel que de juger une tranche à 75% en interprétant un article reposant sur une conception datée de la fiscalité, en se réfèrerant à un caractère confiscatoire? L adhésion au Pacte Républicain suppose que chacun paie des impôts Jacques le Cacheux : Tout le monde paie des impôts, via la CSG ou la TVA, c est la première tranche pour chacun de nous. Trop de dispositions, trop de critères amènent à des incohérences de traitement. Le Pacte Républicain, c est l égalité de traitement devant l impôt, en tenant compte notamment du poids des enfants. On doit traiter de manière équitable, les foyers fiscaux selon qu ils ont ou non des enfants, à tous les niveaux de revenus, pour être juste. La TVA dans l Union Européenne : La TVA présente l avantage d être un instrument de prélèvement simple et à rendement élevé, assis sur une base peu ou pas délocalisable. La TVA se distingue en ce qu elle favorise la compétitivité des producteurs nationaux, en frappant les importations et en exonérant les exportations. 4
Il faut savoir que la TVA rapporte à l Etat deux fois et demi plus que l impôt sur le revenu. Mais c est une part des recettes publiques bien moindre (environ 25 %) que celle observée dans la plupart des autres pays européens (environ 34 % pour l Union Européenne) Au Danemark, le taux de TVA est de 25% et pourtant, on constate moins d inégalités. En France, si on augmentait encore le taux de TVA pour le passer à 25%, il faudrait augmenter d autant les minima sociaux. Cette compensation aurait l avantage d être plus ciblée, moins couteuse et donc plus efficace. L augmentation du SMIC : Alors qu en Allemagne, on assiste à une déflation salariale, la France augmente les minima sociaux et les salaires (1,5 à 2%/an). Lorsqu on a un problème de compétitivité, comment alléger le coût du travail? En Allemagne, le salaire minimum a été fixé à 8,50 euros/heure. Leur salaire va ainsi croître de 31% et les Etats-Unis ouvrent également une réflexion sur les bas salaires, c est bien, même si le FMI ou l OCDE sont hostiles au salaire minimum, on assiste à des changements et à la mise en place d outils contre le creusement des inégalités. On pourrait également envisager une augmentation de la prime pour l emploi pour les personnes qui travaillent, ce dispositif est actuellement trop mal ciblé, même s il bénéficie à 8 millions de personnes. Le Premier Ministre a également annoncé la possible fusion entre le RSA activité et la PPE dans le cadre de la future réforme fiscale. En France, 2/3 des dépenses publiques sont destinées aux dépenses sociales. Notre protection sociale est la plus développée et notre système de retraite le plus généreux du monde. Ce sont des choix et donc, nos cotisations retraite sont élevées. Les aides au logement : 50 milliards sont dépensés pour cette allocation. On sait qu elle est inefficace car elle fait monter les prix des loyers ce qui est bien loin de l objectif qui est d aider les plus modestes. 5