Phobie scolaire et troubles de l'anxiété en milieu scolaire



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Transcription:

Phobie scolaire et troubles de l'anxiété en milieu scolaire Donata Marra, Psychiatre, Hôpital Pitié Salpétrière, Paris, France Patricia Garel, md Pédosychiatre, Christian Legendre, Psycho-éducateur, Département de psychiatrie Hôpital Ste-Justine D'une simple sensation de malaise indéfinissable à une véritable peur panique, chacun de nous a déjà éprouvé une sensation d'angoisse, dans des situations de la vie quotidienne (entretien avec un supérieur hiérarchique, examens...) ou dans des situations d'exception où sa propre vie est en danger. Le milieu scolaire, lieu d'apprentissage tant sur le plan intellectuel que social, se révèle être un des lieux privilégiés d'expression de l'anxiété, qu'elle soit directement générée ou plus simplement révélée par les multiples facettes de la vie scolaire. Anxiété: avantages ou inconvénients? Tout enseignant reconnaît le potentiel mobilisateur sur la plupart des élèves de l'annonce d'un contrôle des connaissances. Mais tout enseignant connaît aussi le pouvoir déstabilisateur de cette annonce auprès de bons élèves qui perdent alors une grande partie de leurs moyens. La "peur" de l'examen et le travail accru qui en découle sont souvent en faveur du maintient des examens de fin d'année à la place ou en complément d'un contrôle continu des connaissances. Les élèves anxieux sont souvent de bons, voire de très bons élèves lorsqu'ils ont des capacités intellectuelles normales, à condition qu'ils ne soient pas envahis par cette anxiété. Passer la nuit entière à réviser avant un examen, voire s'absenter le jour de l'examen de peur d'échouer, et l'anxiété devient alors un véritable handicap qui peut parfois même aller jusqu'à s'organiser en une véritable phobie scolaire ou refus scolaire anxieux. L'école peut-elle engendrer la peur? La phobie scolaire ou refus scolaire anxieux, bien que peu fréquente, est l'une des plus spectaculaire(s) manifestation(s) d'anxiété dans laquelle l'école se trouve directement impliquée, ce qui toutefois, ne signifie pas qu'elle en soit directement responsable. Dans une société industrialisée, où la réussite scolaire est de plus en plus valorisée, le refus scolaire anxieux, qui ne pouvait naître qu'avec l'obligation de la scolarité, est un concept, qui depuis sa description, continue à soulever bien des questions. Dans la plupart des grands pays occidentaux, cette obligation remonte à la fin du XIXe siècle. L'école devient alors un lieu privilégié d'expression et d'observation de troubles psychopathologiques de l'enfant et de l'adolescent. Historiquement c'est en 1913 que Jung évoque pour la première fois une forme de "refus névrotique" d'aller à l'école. Par la suite, Broadwin (1932) isole une variante de l'école buisonnière, où l'enfant, par crainte de ce qui pourrait arriver à sa mère, se précipite chez lui

pour soulager son angoisse. La peur de l'école représente en fait pour cet auteur la peur de quitter la maison. En 1941, Johnson complète la première description de Broadwim et propose le terme de phobie scolaire qui différencie définitivement ces enfants, des "écoliers des buissons". Dès cette époque la phobie scolaire ne se définit pas comme une entité clinique précise, mais comme un symptôme ou un ensemble de symptômes regroupés en syndrome. En fait, il n'existe pas de définition consensuelle reconnue par tous mais les plus fréquemment citées sont celles de Ajuriaguerra et de Berg: Ajuriaguerra "Enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d'aller à l'école et résistent avec des réactions très vives de panique, quand on essaye de les y forcer". Définition de Berg (1969) très grande difficulté à être assidu à l'école sévère bouleversement affectif absence de troubles antisociaux parents au courant Phobie scolaire ou refus scolaire - quelle dénomination employer? A la fin des années 60, des auteurs ont commencé à utiliser l'expression de refus scolaire à la place de phobie. Certains continuent encore à l'heure actuelle à privilégier une distinction entre ces deux termes, distinction reprenant en partie au moins les différences cliniques liées à l'âge auquel se manifestent les troubles et sur lesquelles nous reviendrons: Lébovici: "La phobie scolaire constitue un symptôme névrotique et caractérise l'organisation d'une névrose invalidante de l'enfance. De ce fait elle est une forme très particulière de ce que l'on appelle refus scolaire". En fait, de nos jours le terme de phobie scolaire, faisant référence à l'origine à une définition psychanalytique, est fréquemment remplacé dans la littérature par la dénomination plus théorique et descriptive de refus scolaire anxieux, ou de refus scolaire. Description En fonction de l'âge, trois pics de fréquence ont été décrits (Hersov). De 5 à 7 ans, et à 11 ans, qui correspondent respectivement à l'entrée en premier et en second cycle scolaire et à une réactivation de l'angoisse de séparation vis à vis des figures parentales. Sur 100 adolescents de 11 à 15 ans présentant un refus scolaire anxieux, Berg retrouve dans un tiers des cas un début lors du passage en second cycle (Berg).

A l'adolescence, et particulièrement à partir de 14 ans, tous les auteurs s'accordent à reconnaître la gravité de cette pathologie intriquée aux problématiques de cette étape du développement. A cet âge, le pronostic évolutif, la prise en charge ainsi que le diagnostic peuvent entraîner des difficultés importantes. La prévalence de ce trouble est difficile à évaluer avec exactitude. En effet, nombre de ces enfants ne nécessitent qu'une intervention modérée, ils seront vus en consultation par des médecins généralistes ou des pédiatres, et les formes dites mineures ne requièrent aucune autre intervention spécialisée (jusqu'à 4 cas sur 5). La prévalence estimée reste donc modeste mais non négligeable: 1% des enfants d'âge scolaire et environ 5% des consultations en milieu pédopsychiatrique. Ces enfants sont en général d'une intelligence normale, le sexe ratio est de un, avec toutefois à l'adolescence, une prédominance de garçons. Contrairement aux "écoliers des buissons", le niveau socio-économique familial ou la taille de la fratrie ne présente aucune particularité. Lorsqu'il s'agit d'un cas classique d'angoisse de séparation, l'enfant est souvent le dernier de la fratrie. La mère est souvent décrite comme hyper protectrice, avec elle-même des antécédents de non assiduité scolaire et une fréquence élevée de troubles anxio-dépressifs (en particulier d'agoraphobie). L'enfant étant alors utilisé par la mère comme une aide pour ses propres problématiques. Le père a quant à lui un rôle subalterne soit en raison de ses absences fréquentes, soit en raison de son rôle au sein d'une famille où il peut difficilement faire office de support identificatoire. Le mode d'installation de troubles est en grande partie fonction de l'âge. Pour le jeune enfant, le début est plutôt brutal et les manifestations somatiques fréquentes (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée,...). Parfois on assiste à l'aggravation d'une patholie organique préexistante (diabète, asthme,...). L'infirmerie scolaire devient un lieu de refuge pour l'enfant où les parents, et en particulier la mère, viennent le chercher rapidement. L'enfant est parfois "promené" de médecins en médecins, les parents étant persuadés qu'il est réellement malade et que la cause de cette maladie n'est pas encore trouvée. Chez l'adolescent, le début est plutôt progressif et insidieux. Celui-ci se retire progressivement des activités de groupe, il sort de moins en moins et sa dépendance envers ses parents augmente, parallèlement à un autoritarisme parfois une tyrannie, voire une violence grave. Un événement d'apparence insignifiante ou sans aucune mesure avec les conséquences entraînées (déménagement, changement d'instituteurs, décès d'une personne à laquelle l'enfant ne semblait pas particulièrement attaché,...), peut être retrouvé dans les jours ou les semaines précédentes. Cet événement n'est en fait qu'un facteur déclenchant précipitant les troubles et non la cause des troubles. Le tableau clinique, une fois installé, met en scène un enfant ou un adolescent qui tente de se rendre à l'école en vain, prépare son cartable la veille mais qui finalement ne parvient pas à sortir de la maison malgré les promesses faites la veille. Il peut présenter de véritables attaques de panique lorsqu'on veut l'obliger à y aller.

Dans la journée il reste chez lui, s'isole de plus en plus et, en général, ne sort pas pendant les heures de cours. La plupart du temps, contrairement aux enfants faisant l'école buissonnière, il s'agit d'enfants ayant investi la scolarité, et dont les parents sont au courant des absences répétées, voire les excusent. Il est très important que ces élèves soient rapidement identifiés afin de mettre en place des modalités d'interventions qui permettront de diminuer les risques de chronicisation. Quels troubles psychologiques ou psychiatriques se cachent derrière une phobie scolaire? En général, "identifier" une phobie scolaire chez un élève est assez facile. Par contre, il est important pour les intervenants en santé mentale d'identifier le ou les trouble(s) psychiatrique(s) qui se manifeste(nt) par ce refus scolaire. Non pas pour "étiqueter" l'élève, mais pour mieux comprendre les mécanismes de ce refus scolaire, mieux en appréhender le pronostic et enfant bien sur, mieux définir la démarche à suivre. En fait, le refus scolaire n'apparaît pas en tant que diagnostic à part entière dans les différentes classifications diagnostiques psychiatriques, pertétuant ainsi l'idée d'un concept pouvant être rattaché à plusieurs types de problématiques. Autrement dit et c'est capital pour la suite de la démarche il n'est pas associé à un seul et même diagnostic. Toutefois, le plus souvent et tout spécialement chez le jeune enfant, le refus scolaire anxieux est l'un des symptômes contribuant au diagnostic d'anxiété de séparation* dans le DSM-IV (classification de troubles psychiatriques la plus souvent employée). L'anxiété de séparation* correspondant cliniquement à la description de la phobie scolaire chez le jeune enfant, alors que pour les plus âgés, il s'agit souvent d'agoraphobie* (peur des endroits clos,...). Les autres diagnostics auxquels répondent la plupart des enfants et des adolescents présentant un refus scolaire font partie des troubles anxieux: tous sont possibles avec une fréquence plus élevée pour l'ancien diagnostic de trouble de l'évitement*, de phobie sociale*, anxiété généralisée* et de trouble panique. Dans de très rares cas, mais qui à eux seuls justifient le recours à une évaluation psychiatrique lorsque les troubles surviennent chez un grand adolescent, se prolongent, ou sont atypiques avec des symptômes tels que des signes de discordance, de bizarrerie, etc. un refus scolaire peut alors être le mode de révélation, de maladies psychiatriques autres que des troubles anxieux, comme une schizophrénie,... Par ailleurs, un syndrome dépressif réactionnel peut être secondaire au refus scolaire anxieux, parfois il est chronologiquement antérieur à celui-ci. Dans tous les cas, la grande fréquence de la comorbidité entre troubles anxieux et dépression doit amener à un examen

attentif surtout chez un adolescent à la recherche d'une dépression nécessitant en soi une prise en charge spécifique surtout médicamenteuse. La recherche de plusieurs symptômes comme une tristesse, un retrait, une anxiété, un ralentissement, une dévalorisation, un désinvestissement des activités scolaires et extra-scolaires, une fatigue persistante et inexpliquée malgré une évaluation par un médecin, une rupture dans les résultats scolaires, des problèmes de concentration et de mémorisation,... doit être systématique. La chronologie d'apparition des symptômes sera l'un des éléments qui permettront de retrouver le trouble psychiatrique principal (dépression ou trouble anxieux). Comorbidité Lorsqu'un refus scolaire est l'une des manifestations d'un trouble anxieux, il faut tenir compte de la comorbidité existant entre troubles anxieux. En effet, les différents troubles anxieux sont rarement identifiés seuls et jusqu'à 36% des enfants ayant un trouble anxieux ont un second trouble anxieux. L'anxiété généralisée* par exemple serait très souvent associée chez le jeune enfant à une anxiété de séparation* mais aussi dans une moindre mesure à un trouble hyperactif*, alors que chez l'adolescent le trouble le plus souvent associé à l'anxiété généralisée est la phobie sociale*, mais aussi et nous l'avons déjà évoquée une dépression. Cette comorbidité entre troubles anxieux et dépressifs avec une similitude symptomatologique résulterait de facteurs de risques communs et/ou d'une même étiopathogénie. Autrement dit, il ne suffit pas d'avoir mis l'étiquette "refus scolaire" à l'adolescent, mais il faut aussi évaluer sur le plan psychologique ce qui se cache derrière ces symptômes et ne pas se contenter du premier diagnostic évoqué. Principes de traitement Tout d'abord avant de traiter il faut avoir identifié que les problèmes présentés par un élève entrent dans le cadre d'un refus scolaire. Cela peut être difficile à reconnaitre tout spécialement lorsqu'il s'agit d'enfants dont les manifestations somatiques sont au premier plan. Seule une évaluation médicale soigneuse pourra permettre d'éliminer une pathologie organique et de rassurer l'enfant, les parents et le milieu scolaire. Par ailleurs il est essentiel de comprendre que l'enfant ne mime pas ces symptômes, il souffre réellement et il s'agit souvent de manifestations physiques d'angoisse, qui disparaissent lorsque l'enfant n'est plus en présence de la source d'angoisse: l'école ou le fait d'aller à l'école. Enfin, l'évaluation médicale est essentielle car son rôle sera aussi de dépister des problèmes organique réels qui auront pu entraîner secondairement une phobie scolaire. Par exemple un enfant qui criant d'avoir une nouvelle crise d'épilepsie en classe, ou un élève diabétique qui craint d'avoir un nouveau malaise à l'école.

A ce stade, s'il s'agit d'un cas classique d'anxiété de séparation à l'entrée au secondaire, une attitude ferme et de réassurance des parents, du médecin et du milieu scolaire suffit bien souvent à rétablir la situation. Toutefois, si les difficultés persistent, avec une fréquentation assidue de l'infirmerie, des absences régulières et tout spécialement chez un adolescent, une évaluation psychiatrique de l'élève et du milieu familial s'avère nécessaire. Il faut absolument éviter une chronicisation des troubles. Aussi, il est primordial pour le milieu scolaire de comprendre que les difficultés psychologiques de l'élève ne pourront pas être traitées, bien au contraire par des cours par correspondance. Ces derniers ne font que renforcer ces difficultés et des changements d'école répétés ne font que déplacer sur une autre école les problèmes après parfois une amélioration passagère. Nous avons déjà évoqué les multiples problématiques psychiatriques qui peuvent se manifester par un refus scolaire (troubles anxieux, dépression,...), ainsi qu'au niveau familial, où l'enfant peut être renforcé dans ses difficultés en étant utilisé par exemple comme compagnon d'un parent qui ne peut sortir seul (agoraphobie),... ce qui nécessitera une prise en charge en soi par un autre thérapeute. Une fois l'évaluation terminée, le but à atteindre est non seulement le retour à l'école mais aussi la reprise d'une bonne insertion sociale. Le traitement associera la plupart du temps une psychothérapie individuelle pour l'enfant, parfois une psychothérapie familiale et une médication, rarement une hospitalisation. Les troubles anxieux et à ce titre, les troubles anxieux se manifestant par un refus scolaire sont une indication privilégiée des psychothérapies comportementalo-cognitivistes. La place de la médication dans les refus scolaire est limitée mais dans certains cas irréfutable comme par exemple dans le cas d'une dépression associée chez un adolescent. Les troubles anxieux graves peuvent aussi nécessité ponctuellement une médication. Les traitements utilisés sont classiques, principalement imipraminiques pour la dépression, benzodiazépines pour les troubles anxieux. Lorsqu'il n'y a pas de diagnostic effectué, quelques études avec un certain nombre de faiblesses méthodologiques ont comparées ces deux types de traitements sans réel consensus quant aux conclusions. Enfin dans les possibilités d'interventions, il ne faut pas négliger le rôle de la législation. L'obligation de la scolarité est un puissant atout pour imposer un retour à l'école à des parents récalcitrants, voire une évaluation psychiatrique. En cas de situation en menace de chronicisation ou lorsque par exemple il existe un climat de violence familiale, une hospitalisation peut être proposée. Elle permettra de compléter l'évaluation et de tenter un retour un retour à l'école avec un accompagnement spécialisé (infirmière, psychologue, éducateurs,...) sans intervention des parents, les soignants répondant en outre en première ligne aux appels de l'école si nécessaire. Enfin, les études qui se sont intéressées au devenir de ces élèves ne sont pas si optimistes. En effet, il semblerait que seul un tiers des élèves retrouvent une scolarité satisfaisante, une

proportion identique parvient à reprendre sa scolarité mais avec des difficultés psychologiques qui persistent, pour le tiers restant il n'y a pas de retour réel avec des troubles graves de la personnalité ou des maladies psychiatriques. Conclusion L'anxiété peut être un formidable moteur dans la réussite scolaire des enfants et des adolescents mais aussi un trouble psychologique dont il est nécessaire d'apprendre à en reconnaître le caractère pathologique. L'un des exemples en est le refus scolaire qui le plus souvent est un trouble anxieux mais qui ne sera reconnu et soigné comme tel qu'à la suite d'une fine évaluation en raison de la comorbidité avec d'autres troubles psychiatriques et de sa gravité potentielle. Le rôle des intervenants scolaires y est capital tant au niveau de l'identification d'un tel trouble que dans sa prise en charge et dans les relations avec les parents, partenaires incontournables. Le devenir de ces enfants est une préoccupation majeure mais actuellement peu connu avec des études de suivi de cohortes trop peu nombreuses et trop courtes: que se passe-t-il à l'entrée au Cégep? à l'université? et enfin en milieu professionnel? Beaucoup reste à définir et à comprendre dans le refus scolaire. Si l'on veut prendre pour exemple ce même type de problème dans un milieu culturel différent des notre (français et québécois) comme le Japon, la pression sociale et d'un système scolaire particulièrement compétitif génèrent un tel stress que les refus scolaires peuvent être d'une violence majeure avec auto et hétéro agressions. La personnalité de l'enfant, les réactions de sa famille, celles du milieu scolaire et la société dans laquelle il vit seront donc autant d'éléments qui interviendront dans l'installation et l'évolution d'un refus scolaire. On retiendra parmi les divers troubles anxieux: ANXIÉTÉ DE SÉPARATION Jeune adolescent(e), qui a des difficultés à se séparer de ses parents ou des personnes qu'il (elle) connaît, ce qui entraîne une anxiété très importante. Lors de l'arrivée en première année du secondaire, il peut y avoir une grande réticence, voire un refus total de se rendre à l'école; parfois cette peur de quitter la maison et ses parents, est masquée par de nombreuses plaintes somatiques. À l'école, l'élève est souvent envahissant et "colle" à l'enseignant qui est surinvesti. Les plaintes somatiques peuvent l'amener à passer beaucoup de temps au service de santé (infirmerie). Les parents acceptent parfois trop facilement les absences répétées, et/ou sont inquiets face à un adolescent qu'ils considèrent comme physiquement fragile. ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE Adolescent(e) perpétuellement inquiet, exprimant de nombreux soucis, excessifs pour des problèmes parfois minimes, avec le besoin d'une réassurance constante. Il peut se

plaindre souvent de malaises somatiques multiples, ex.: douleurs abdominales... qui sont des manifestations de cette anxiété mais nécessitent une consultation médicale afin de le confirmer. ANXIÉTÉ DE PERFORMANCE Adolescent(e) très appliqué, ayant le souci de la perfection dans son travail scolaire, très attentif en cours, très exigeant envers lui-même, souvent insatisfait de lui et très sensible au jugement des enseignants, avec un besoin de réassurance constante et excessive. Il se sent souvent en compétition, et l'effort fourni est démesuré par rapport à l'effort demandé (passer la nuit éveillé pour préparer un examen sans importance). Il peut avoir une réaction excessive à la moindre remarque d'un enseignant et face à un échec même minime: pleurs, retrait, isolement... Si l'anxiété est très importante, il peut éviter d'être confronté à une épreuve scolaire en s'absentant le jour des examens, parfois en raison de problèmes somatiques. LA PHOBIE SOCIALE Les difficultés rencontrées par ces adolescent(e)s le sont principalement dans leurs relations avec les autres: prendre la parole devant plusieurs personnes, travailler sous le regard des autres... relève pour eux d'un véritable exploit. Ils privilégient les activités en solitaire ou avec un nombre restreint d'amis, ne participent pas aux activités de groupe, leurs résultats scolaires peuvent être très bons à l'écrit, mais ils sont en général mauvais à l'oral. Les investissements extra-scolaires sont limités ou confinés à la maison (lecture, etc.). AGORAPHOBIE AVEC OU SANS ATTAQUE DE PANIQUE Adolescent qui craint de se retrouver dans un endroit clos ou dont il est difficile de s'échapper, par exemple: la foule, le train, le bus, un pont, une voiture...; ce qui peut être à l'origine de difficultés lorsque l'adolescent doit sortir de chez lui (ou nécessite un accompagnement) et explique donc des absences scolaires. Parfois, ces situations déclenchent des attaques de panique; brutalement, il y a une anxiété massive ou un malaise très important, qui peut s'accompagner de tremblements, sueurs, palpitations ou sensation d'étouffement. L'angoisse peut être si importante que l'adolescent a alors la sensation de devenir fou. TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS Adolescent(e) excessivement soigneux et méticuleux, ayant parfois des rituels, c'est à dire des comportements qu'il se sent obligé de répéter plusieurs fois, même s'il se rend compte que cela est inutile voire sans aucun sens: adolescent qui se lave les mains sans cesse, qui vérifie plusieurs fois qu'il a tracé une ligne bien droite sous une phrase, etc. Ces rituels peuvent entraver un bon fonctionnement scolaire, l'adolescent étant trop envahi par ceux-ci, ou par des pensées obsessionnelles (peur d'être contaminé par des microbes, peur de faire ce qui est interdit). Ces pensées s'imposent à lui contre sa volonté.