Samedi 22 novembre 2014 : 9h00-12h30 Rencontre Commission SROS et Démographie médicale de l URPS Médecins Libéraux PACA et Présidents de CME des établissements d hospitalisation privée PACA Intervention de Jean-Louis MAURIZI, président de la FHP sud-est, sur : PLFSS 2015 et projet de loi de santé : Quelles conséquences pour les établissements et les praticiens libéraux? I. Sur le projet de loi de santé Il est rare qu une réforme fasse l unanimité, le projet de loi de santé présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014 parait faire partie de ces exceptions mais on peut déplorer que ce soit une unanimité contre elle! Ce projet cristallise en effet des inquiétudes et des critiques de la majorité des professionnels de la santé visés, et tout particulièrement des établissements de santé privés et des médecins libéraux. Ce texte de réforme «santé»est présenté par le ministère (dossier de presse ici) comme une réforme visant à lutter contre les inégalités de santé et affirmant la place déterminante de la prévention et de l éducation en santé. Il vise enfin le parcours de soins axé sur une prise en charge dans la proximité. Trois axes d intervention prioritaires ont notamment été retenus : Axe 1 - Prévenir avant d avoir à guérir Axe 2 - Faciliter la santé au quotidien Axe 3 - Innover pour consolider l excellence de notre système de santé (c est ce 3 ème axe qui impacte surtout les établissements de santé) 1. Contours de notre mobilisation «solidaire» (1) Il s agit d une mobilisation commune hospitalisation privée (HP) /médecins libéraux (ML) unique et d une très grande ampleur. La FHP et une grande partie des syndicats représentatifs des médecins libéraux ont décidé de s associer dans une campagne de mobilisation commune afin de faire front contre ce projet de réforme. 1
Les points stratégiques de ce mouvement sont : o o Présenter un front uni HP/ML les modalités d une conférence de presse commune sont à l étude Lancement d une campagne de communication basée sur le concept «Demain tous privés de santé». Cette campagne nationale devrait être relayée via la presse nationale mais aussi régionale. o Plusieurs mouvements de mobilisation sont ensuite programmés : Appels de différents syndicats de ML à une fermeture des cabinets fin décembre et début janvier. Le 5 janvier appel de la FHP à une fermeture des établissements. L enjeu est de contester en masse ce projet, de mettre une pression forte sur les pouvoirs publics, de montrer la cohérence de la mobilisation, de communiquer sur le fait que ces mesures radicales sont justifiées par des circonstances intolérables. 2. Focus sur les griefs de l hospitalisation privée à l encontre de ce projet De façon globale la FHP, comme les syndicats de ML dénoncent un texte «hospitalocentré» et renouant avec les techniques de planification administrative qui met ou mettra à terme en danger des principes fondamentaux comme le libre choix du patient ou le principe d égalité de traitement (médecine à 2 vitesses). - Le principal sujet de colère des établissements de santé privés concerne la remise en cause de leur participation aux missions de service public. «L'hôpital public doit revenir au cœur du dispositif de santé» est un credo récurrent de Marisol Touraine et son projet supprime une disposition phare de la loi HPST de 2009, qui avait fait plus de place aux cliniques privées en leur permettant d'exercer des «missions de service public» (à titre d ex. : La permanence des soins, l'aide médicale urgente, la prise en charge des soins palliatifs, l accueil des internes, les hospitalisations sous contrainte en psychiatrie cf. pour la liste complète l article L6112-1 du Code de la santé publique). Ces missions disparaissent et sont remplacées par un «service public hospitalier» (SPH) certes ouvert aux établissements à but lucratif qui pourront s attacher à démontrer qu ils répondent aux critères, mais avec des conditions si restrictives (notamment aucun dépassement d'honoraires n'y est autorisé pour l'ensemble du personnel) que cela constitue en réalité une remise en cause massive de cette participation qui était pourtant devenue commune dans nos structures La rupture d égalité avec les autres acteurs est patente puisque les hôpitaux et ESPIC sont sensés par principe répondre à ces critères. Alors que, comme le souligne L. GHARBI, Président de la FHP, «La loi n'étant pas à un paradoxe près, l'hôpital public pourra, lui, continuer à pratiquer une activité libérale avec des compléments d'honoraires, et faire partie du service public». Mais surtout et très concrètement, cela entraînera des conséquences négatives en termes d'autorisations d'activité de soins et d'équipements lourds. Par exemple, les cliniques pourront se voir contraintes de fermer des services d'urgences ou n'auront plus accès à des 2
équipements matériels lourds, du type scanner, IRM, la préférence étant donnée aux hôpitaux publics. Ce même point inquiète évidement les libéraux principaux acteurs de terrain de ce dispositif au sein de nos structures. Le Dr Jean Luc BARON, Président de la CNPCMEHP, affirme ainsi : «C est la mort du secteur II, et l ignorance la plus totale pour les contrats d accès aux soins pourtant défendu à l époque par notre Ministre de tutelle, mais qui semble l avoir soudainement oublié» - L introduction du service territorial de santé Concernant le parcours de soins, ce texte promeut en effet l introduction du «service territorial de santé au public» (STS), tourné résolument vers une articulation hôpital public médecine de 1er recours avec le renforcement des centres de santé, et une articulation autour des regroupements hospitaliers de territoire. Il a pour origine le rapport Devictor d'avril 2014. Les ARS vont d'abord établir un diagnostic en passant au crible les pathologies les plus répandues et le profil du personnel médical dans la zone. Puis elles mettront en place une organisation territoriale pour coordonner les soins. La FHP dénonce : «L'étatisation sans précédent du système sanitaire français» non seulement en termes de gouvernance mais aussi d'offre de soins. - L oubli de l efficience La FHP regrette que l efficience soit l oubliée de ce dispositif. L. GHARBI souligne que, piloté par les Agences régionales de santé (ARS), le futur service territorial de santé au public prévu par la loi sera centré sur l'hôpital public, c'est-à-dire sur l'acteur le moins efficient du système actuel, qui concentre à lui seul 44% des dépenses de l'assurance maladie et qui est en déficit chronique (plus de 3,5 milliards d'euros cumulés depuis 2007 pour 31 milliards d'euros de dette). En démantelant la convention médicale nationale et collective, le texte promet de mettre la médecine libérale sous la coupe réglée des ARS, en encadrant les médecins libéraux dans un système rigide où ils ne pourront plus disposer de leur liberté d'installation et d'exercice. Ce dispositif d inspiration «dirigiste» qui heurtera certainement le principe du libre choix, froisse ainsi autant les établissements privés que les libéraux! - D autres dispositions irritent plus particulièrement les médecins libéraux Pour citer les principaux points d achoppement : Les syndicats de médecins sont tout d'abord vent debout contre la généralisation du tiers payant (en lien avec le PLFSS 2015). Autre sujet qui fâche pour les médecins : le transfert de tâches médicales à d autres professionnels de santé que les médecins. La création d'un médecin traitant pour les enfants divise enfin généralistes et pédiatres. 3
II. Sur le PLFSS pour 2015 Le PLFSS a été validé en 1ère lecture à l Assemblée Nationale, il est maintenant examiné au Sénat, pour un dernier retour vers les députés d ici à 15 jours. Le vote définitif devrait avoir lieu le 1 er décembre 2014. En 2015, avant économies, les dépenses dans le champ de l objectif national de dépenses d assurance maladie progresseraient de 3,9%. Pour atteindre un taux de progression des dépenses de 2,1% à champ constant, un montant global d économies de 3,2 Md est attendu en 2015. Cet effort est réparti entre l ensemble des secteurs : tous les sous-objectifs de l ONDAM voient leur taux d évolution diminuer par rapport à 2014. Le choix du virage ambulatoire et du renforcement des soins primaires de premier recours se traduit dans un taux de progression de l ONDAM soins de ville (2.2%) supérieur à celui des établissements de santé (2.0%). Pour ce qui concerne les libéraux, la généralisation au 1er juillet 2015 du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l aide à la complémentaire santé (ACS), est la mesure emblématique du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui a suscité les vives réactions des représentants de la profession soulignant à la fois les contraintes administratives et la déresponsabilisation. S agissant des établissements privés, en synthèse, le PLFSS 2015 prévoit les mesures suivantes qui cristallisent le mécontentement: ü la création de nouveaux financements - le financement des hôpitaux de proximité Il s agit d instaurer un financement mixte (tarification à l activité + dotation forfaitaire) pour les hôpitaux de proximité. Si la FHP considère légitime que des établissements isolés rendant un service avéré en termes de maillage du territoire et de support à l offre de santé ambulatoire bénéficient de conditions adaptées, elle demande toutefois qu un indicateur d efficience soit imposé pour bénéficier d un tel financement spécifique. - et le financement à la qualité (IFAQ) Création d un financement spécifique dont l objectif est d inciter à l amélioration de la qualité et de la sécurité des soins pour les établissements de santé financés à l activité. Ce nouveau contrat est accompagné d un mécanisme de sanction dédié : en cas de manquement ou de refus d adhérer à ce contrat l ARS peut enjoindre à l établissement de verser à l assurance maladie jusqu à 1% des produits reçus des régimes obligatoires d assurance maladie. Contrat qui sera annexé au CPOM. La FHP est favorable à une mesure renforçant la pertinence des soins mais regrette que le ministère de la Santé s engage dans une logique de sanctions La FHP demande par ailleurs à ce que les médecins soient inclus dans la démarche car leur action impacte la performance des établissements. 4
ü L instauration de nouvelles contractualisations pour les établissements avec des sanctions à la clef Clairement inscrit dans une politique de réduction des dépenses, le PLFSS 2015 prévoit ainsi des sanctions financières nouvelles qui viendront compléter l'arsenal à disposition des ARS pour réguler les dépenses de soins. La mesure donne aux Agences régionales de santé une palette d instruments pour cibler les établissements les plus concernés par la non pertinence (contractualisation d objectifs, MSAP, pénalités financières ). ü La prescription des médicaments en sus pourra ouvrir à des minorations de tarifs. Minoration d un montant forfaitaire du tarif national applicable aux produits particulièrement onéreux à partir d un seuil de fréquence de prescription au moins égale à 25 % et qui représente au moins 15% des dépenses totales afférentes aux spécialités inscrites sur la liste. Les médecins et établissements de santé, et tout particulièrement ceux qui font beaucoup de cancérologie, sont mobilisés contre cette disposition qu ils considèrent dangereuse qui risque de mettre un frein notable à l innovation en cancérologie en diminuant le recours à de nouvelles molécules. Si elle est adoptée cela sera dramatique en pédiatrie où un grand nombre de prescriptions se font hors AMM. C est un sujet commun pour les médecins et établissements privés comme publics. A été néanmoins repris par le Sénat, puis l Assemblée, un amendement de modification afin d expérimenter sur deux ans cette mesure de minoration (statu quo pour deux ans au moins). ü La réforme du FIR et son ouverture au secteur médico-social. Le PLFSS prévoit un élargissement du périmètre du FIR visant à rendre éligible les structures du secteur médico-social ü La mise en place d un mécanisme de réserve prudentielle» pour les établissements psychiatriques et SSR ex OQN A été déposé et repris par le Sénat un amendement de modification en vue de distinguer l effet champ de l évolution tendancielle. Malheureusement il n a pas été suivi par l assemblée Nationale. 5