Partie I. Le manager et la qualité



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Partie I Le manager et la qualité

1 La prophétie autoréalisatrice : une démarche qualité devient ce que le management voit en elle 1.1 Les démarches qualité sont porteuses d ambivalence Les démarches qualité décrivent rarement les freins envisageables et les mauvaises façons de s y prendre Il existe une littérature abondante sur la qualité et ses méthodes. Pour quiconque a le désir de s informer et de se former à la qualité ou à un outil en particulier, c est chose facile. D ailleurs, les ouvrages et autres classeurs sur le sujet sont en général bien conçus et pédagogiques. Mais à y regarder de plus près, les critiques, aspects négatifs et risques liés à ce type de démarche ne sont quasiment jamais abordés.

Manager vraiment par la qualité Par exemple, on ne trouve jamais de cas d échecs détaillés et étudiés. À première vue, il n y aurait donc pas de freins véritables à la mise en œuvre de la qualité. Il suffirait de se former et se renseigner pour réussir sa démarche. À titre d illustration, la littérature et les fiches techniques sur les indicateurs qualité foisonnent et informent précisément sur les méthodes à utiliser pour concevoir, valider et faire vivre un indicateur. Mais, à entendre en provenance des entreprises les problèmes multiples que peut poser la mise en place de ce type d indicateurs (temps supplémentaires, nombre trop important d indicateurs semant la confusion ), on peut s étonner de ne pas voir ces problèmes évoqués dans les ouvrages sur le sujet. Les démarches qualité décrivent rarement les moyens de la réussite De la même manière, à lire les conseils donnés pour la mise en place de la qualité, on trouve soit des développements sur les qualités intrinsèques de l outil ou la méthode, soit des conseils très basiques et incantatoires tels que la nécessité d implication du personnel ou de l engagement de la direction. Les véritables moyens d une appropriation réussie auprès des personnes concernées sont rarement abordés. Par exemple, on pourra trouver force détails sur les méthodes de modélisation des processus, mais les conditions de la mise en œuvre réussie seront soit passées sous silence, comme si la modélisation aboutirait de fait à sa réussite, soit évoquées sur le mode de la nécessité impérative de constituer des groupes projet. 4 La démarche qualité conduirait forcément à la réussite : pensée unique ou réalité? Après avoir lu plusieurs ouvrages d auteurs différents, le lecteur pouvant en faire l expérience directe, se dégage le sentiment qu il suffit de mettre en œuvre la démarche décrite, d appliquer la méthode ou d utiliser l outil pour que «cela marche». Les constituants divers de la démarche qualité, quelle qu elle soit, seraient intrinsèquement porteurs de réussite. Certains auteurs vont même jusqu à expliciter cette pensée, en affirmant que le «management moderne ne peut se concevoir que par l approche processus» ou que «la qualité totale favorise la créativité de chacun dans l entreprise». Sur les moyens concrets d y arriver, l ouvrage renvoie à l impératif d application stricte de la méthode développée.

La prophétie autoréalisatrice La démarche qualité est forcément porteuse d ambivalence En réalité, la qualité, à l instar d autres types de démarches, apportera progrès ou problèmes, suivant la façon dont on l aborde et l utilise. Peut-être à cause de sa dénomination qui en ferait une sorte d impératif de bien faire, on lui fait porter des attentes et des espoirs qui sont quelquefois déçus. Après avoir mis tant de promesses dans une démarche qualité, certains en reviennent et faute d analyse lucide de ce qui s est passé, font un rejet global de la qualité. On peut voir de nouveaux venus dans le domaine de la qualité mettre des espérances démesurées et irréalistes dans cette démarche. Souvent, ceuxci s imaginent que la qualité va régler les problèmes d organisation, de relations internes, voire de marché, sans qu ils aient finalement beaucoup d efforts à produire. Bien sûr, les démarches sont porteuses de potentialités pour les entreprises (cf. partie II). Encore faut-il construire une démarche élaborée, progressive et en connaissance de cause 1.2 La qualité alourdirait les fonctionnements? Cela devient réalité L obligation de mettre en place des procédures Probablement à cause des contraintes imposées dans un passé récent par des grands donneurs d ordre à leurs sous-traitants, beaucoup d entreprises ont pris ces démarches comme des obligations impératives, sous peine de perdre leurs clients. De plus, beaucoup de ces entreprises fonctionnaient sur le mode oral, et si des procédures s avéraient nécessaires à un moment de la démarche, celle-ci ne se résumait pas pour autant à l écriture de procé dures. C est pourtant cela que nombre de managers ont retenu : la qualité, c est l écriture de procédures. Toutes les autres potentialités occultées Dans le cas de figure, les potentialités de la qualité liées à l opportunité d améliorer son organisation ou de mieux satisfaire le client sont reléguées au second rang. Toute la démarche est concentrée sur l écriture de procédures. 5

Manager vraiment par la qualité On peut même voir des entreprises ayant beaucoup écrit et ne mettant en place des indicateurs ou des actions d amélioration que de façon superficielle et parce que l auditeur le demande. Dans la réalité, la démarche n est pas managée. Seules les procédures sont mises à jour régulièrement, par obligation. Dans ce cas de figure, il est même rare de trouver une réflexion sur l optimisation des procédures. On vit en général avec des procédures difficiles à gérer. La lourdeur des procédures confirme les hypothèses Que se passe-t-il lorsque l on dresse le bilan de ce type de démarche qualité? La lourdeur des procédures comporte beaucoup d inconvénients pour les fonctionnements de l entreprise. On évoque souvent l écart entre ce qui est écrit et les nécessités d adaptation permanente des pratiques. Les procédures ainsi conçues limiteraient l autonomie, la réactivité et, in fine, la productivité. Tout ceci confirme le manager dans la vision de départ qu il avait de la qualité. Il est probablement passé à côté de quelque chose. 6 1.3 La qualité serait facteur de progrès? On finit par y arriver Quand on valorise les mécanismes de l amélioration Pour certains managers, la qualité est forcément synonyme d amélioration. Cette vision de départ conduit à identifier tout ce qui dans les démarches peut contribuer à l amélioration. Ainsi, l écriture d une procédure ne sera envisagée que si elle améliore des pratiques. La mise en place d un indicateur permettra de suivre la progression d un produit, une réunion qualité sera utile pour renforcer les coopérations et la dynamique d amélioration. Le regard sur la démarche qualité se fait quête de sens pour l entreprise et ses clients. On se pose à chaque occasion les questions «à quoi cela va nous servir? Qu est-ce que cela va apporter?». Il est probable que cette attitude provient d un manager ou d un groupe ayant fait l expérience des potentialités de la qualité. En tout état de cause, la démarche qualité est vue comme facteur de progrès et devient facteur de progrès.

La prophétie autoréalisatrice Dans ce cas de figure, toutes les contributions à l amélioration sont mises en exergue, reconnues, valorisées. Chaque fois qu un acteur de l entreprise suggère une amélioration et que celle-ci est suivie de succès, la contribution est reconnue. Les risques de la vision unique «facteur de progrès» Bien entendu, voir la démarche qualité comme un facteur de progrès est a priori mieux que de la réduire à la contrainte de l écriture de procédure. Mais cette vision peut comporter des inconvénients, comme de ne pas voir les limites de ce type de vision. Dans ce cas, les problèmes majeurs sont occultés, puisque la qualité ne peut être que facteur de progrès. 1.4 La qualité n est pas porteuse «en soi» de stratégies de management La mise en place de procédures peut s opérer au travers de stratégies très diverses L erreur de perspective est dans les attentes que l on met dans un outil comme des procédures ou dans des méthodes diverses, comme si ceuxci pouvaient réfléchir, décider et choisir à la place du manager. Ainsi, il y a autant de façon de mettre en place des procédures que de stratégies de management. Des procédures peuvent être au centre d une construction collective de pratiques, ou bien permettre une intégration dans un contexte de rotation forte de personnels. Autrement dit, avant de penser à écrire des procédures, la définition de sa stratégie de management est nécessaire. Peut-être même que cette stratégie ne débouchera pas sur un besoin d écriture de procédures. À l occasion de la mise en œuvre d une démarche qualité au sein d une équipe de conseils juridiques, il est ressorti le besoin de construire une démarche de management des compétences internes pointue, alors qu il était inutile et impossible de décrire les pratiques de conseils. Par ailleurs les textes légaux étaient suffisamment détaillés pour ne pas nécessiter d écriture supplémentaire. 7

Manager vraiment par la qualité La stratégie du management imprime forcément sa coloration à la démarche Si le manager se dégage des démarches qualité uniformes et réduites à la stricte écriture de procédures, il n y a pas deux démarches qui se ressemblent. Dans telle démarche, on verra l accent mis sur le mode projet, dans telle autre, le tableau de bord des indicateurs qualité jouera un rôle majeur. Certains managers retiennent l importance des réunions qualité et du mode factuel selon lequel on y aborde les problèmes. En fait, une partie plus ou moins étendue des potentialités diverses et nombreuses d une démarche qualité sera mise en valeur par le manager suivant sa stratégie, son style, ses inclinations naturelles. La qualité reste un «outil» au service du management Bien sûr, une démarche qualité est sous-tendue par des valeurs (cf. partie IV) et une certaine vision de l entreprise. Mais, elle ne peut être porteuse en soi de stratégies de management. Le management ne peut faire l économie de la réflexion sur le sens qu il compte donner à cette démarche. Sous peine d être déçu, de décevoir son personnel, et surtout de passer à côté des bons côtés qu aurait pu apporter cette démarche à son entreprise. La qualité, même la plus «totale» ou «globale», reste un outil au service du management. Un outil parce que ne portant aucun sens en soi sur le contexte de telle ou telle entreprise 8

2 Une vue partielle ou faussée peut «plomber» une démarche qualité 2.1 Si qualité signifie «travail bien fait», pourquoi tant d outils et de méthodes? Pour chacun, la qualité c est d abord le travail bien fait À l occasion de démarrage de démarches qualité, il est de mise de demander à chacun des acteurs sa propre définition de la qualité. La réponse la plus courante est «le travail bien fait». C est cela, certes, mais cette définition est réductrice et pose la question des raisons de mettre en place des méthodes et outils, si chacun s applique à bien travailler. Faute de répondre précisément à ces interrogations, peut naître au sein de l entreprise une forme de défiance à l égard de ce type de démarche. Que veut-on faire avec cette démarche? Nous apprendre à mieux travailler? Formaliser notre savoir-faire pour nous rendre facilement remplaçable?

Manager vraiment par la qualité Des outils et méthodes pour une performance collective Chacun peut être un excellent professionnel dans son domaine et à titre individuel, cela ne donnera pas forcément de bons résultats dans les réalisations collectives. On n insiste pas souvent sur l utilité «collective» des démarches qualité. À la base, une démarche qualité va permettre à un collectif de mieux partager la vision des attentes de ses clients, de se doter de critères communs de qualité et de pratiques d organisation communes Cette dimension collective vient en complément des compétences individuelles. Si une démarche qualité ne servait qu à décrire ce que chacun sait déjà faire en bon professionnel, on passerait à côté de ce qui fait sa véritable valeur. 2.2 «Écrire ce que l on fait, faire ce que l on a écrit et le prouver», est-ce là toute la démarche qualité? 10 Quand l impératif généralisé d écrire ce que l on fait freine l entreprise Pris au pied de la lettre, cet impératif d écrire ce que l on fait revient à coucher sur papier toutes ses pratiques, pour chaque tâche réalisée, un mode opératoire, pour chaque action, une procédure. Chaque fois que l on écrit dans le détail des pratiques professionnelles, on s expose au risque de n écrire qu une des options de pratique pour mener à bien ces tâches. De plus, dès que l évolution du contexte impose des évolutions, ces écrits deviennent rapidement obsolètes. Lorsque c est écrit, il existe une propension naturelle de chacun à tâcher de suivre les consignes ainsi détaillées. Ceux qui ne les respecteront pas se sentiront hors-jeu. Insensiblement, les acteurs essaient de suivre les procédures, même s ils constatent qu elles s éloignent de la réalité. On pourra même s abriter derrière la procédure pour n appliquer que ce qui est écrit. Ainsi, une inertie naît de ces procédures qui décrivent ce que l on fait.