L ALCOOL SUR LE LIEU DU



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Transcription:

L ALCOOL SUR LE LIEU DU TRAVAIL Exposé tenu à l occasion du Forum de la Sécurité et de la Santé au Travail, Mardi 24 avril 2012 à LuxExpo Par Me. Pierrot SCHILTZ

INTRODUCTION De nos jours, l alcool est devenu une source de litige qui préoccupe de plus en plus nos tribunaux à tous les niveaux du droit : Sur le plan du droit civil et du droit des assurances, les litiges ayant pour objet la réparation de dommages matériels et corporels causés sous l influence d alcool vont en augmentant. Exemple : Accidents de la route, accidents causés à l occasion de fêtes ou manifestations. Au plan pénal, le tribunal correctionnel traite journalièrement une ribambelle d affaires dans lesquelles des infractions sont commises sous l influence de l alcool. Exemple : Retrait de permis de conduire lié à une conduite sous influence d alcool ; homicide ou coups et blessures commis à l occasion d un accident de la circulation ou d une rixe sous influence d alcool. Dans ce contexte et d après une publication du 11 août 2011 par Amande FRISING et Guillaume OSIER du STATEC, 24 % des accidents de la route ayant causé la mort ou des coups et blessures à une personne sont liés à l alcool alors qu une synthèse publiée par la compagnie d assurances AXA (Baromètre AXA Prévention au tiers) le 19 mars 2009, + de 50 % des accidents de la route seraient dus soit à un excès de vitesse soit à une consommation excessive d alcool. Le nombre de procès pénal lié à une conduite sous influence d alcool a d ailleurs été en augmentant depuis la réduction du taux d alcoolémie à 0,5/1000 depuis le 1 er octobre 2007. Au plan du droit du travail, les tribunaux du travail connaissent eux aussi d un nombre accru de litiges liés à des problèmes d alcool sur le lieu du travail. 2

En effet, dans le milieu professionnel, les pots célébrant une promotion, un départ, un anniversaire, la signature d un contrat ou encore les repas d affaires sont monnaie courante et favorisent, voire justifient l usage d alcool. Il n en demeure pas moins que cette consommation peut rapidement verser dans l abus et conduire à des répercussions graves sur le lieu du travail. D après une étude menée par Conseil National Luxembourgeois d Alcoologie 1 : - 25 % de tous les accidents de travail sont probablement dus à l alcool, - L alcool serait en cause dans chaque 6 ème cas de licenciement, - 8.000 à 10.000 personnes seraient dépendantes de l alcool au Luxembourg, - Les absences au travail seraient 4 fois plus fréquentes chez les alcooliques, - A peu près chaque 10 ème travailleur boirait quotidiennement de l alcool au travail. Si face à ce problème d alcool, le législateur a su réagir dans certains domaines, notamment dans le domaine de la sécurité routière par l abaissement du taux d alcoolémie d après une loi du 18 septembre 2007, ce même législateur peine cependant à réglementer le problème dans le domaine du droit du travail et délaisse à l initiative et à la créativité du chef d entreprise le soin de résoudre tous les conflits qu il peut avoir en matière d alcool avec ses travailleurs. 1 «Alcooletlieudetravail»Guidepourresponsabled entreprise,cadressupérieurs,gestionnairesde ressourceshumaines,membresdescomitésd entrepriseetdélégationsdupersonnel,éditéparleconseil NationalLuxembourgeoisd Alcoologieavecl aimableautorisationdel UniversitédeTrèvespubliésurlesite internetduministèredelasanté 3

I. Les textes légaux Il n existe aucun texte de loi spécifique traitant du problème d alcool sur le lieu du travail. Le cadre légal est ainsi constitué par une bouchée de textes éparpillée à travers différents textes ou lois, tels le Code du Travail, la loi du 2 août 2002 introduisant le permis à points, l article 154 du Code de la Sécurité Sociale ou encore l article 23.1.7. des Conditions pour les Assurances selon la loi sur le Contrat d Assurances du 1 er janvier 2011. A. Le Code du Travail Le Code du Travail, entré en vigueur depuis le 1 er septembre 2006, est muet autour du problème de l alcool et aucun de ses 944 articles n évoque le sujet. C est à partir des dispositions d ordre général en matière de sécurité et santé au travail contenues dans le Code du Travail que la jurisprudence a, au fil du temps, édicté les principes actuellement en vigueur autour de la consommation d alcool sur le lieu du travail. 1. L Alcool et la Sécurité D après l article L.312-1 du Code du Travail «l employeur est obligé d assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail». Pour faire face à cette obligation «l employeur prend les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, y compris les activités de prévention des risques professionnels, d information et de formation ainsi que la mise en place d une organisation et de moyens nécessaires» 2. Pour mettre en œuvre les mesures qui lui sont imposées, l employeur doit tout faire pour «1) éviter les risques 3) combattre les risques à la source 9) donner des instructions appropriées aux travailleurs» 3. 2 ArticleL.312 2(1)CdT 3 ArticleL.312 2(2)CdT 4

En cas de non-respect de ces dispositions, l employeur s expose à des peines d emprisonnement de 8 jours à 6 mois et à une amende de 251 à 25.000.- ou à une de ces peines seulement 4. Les obligations en matière de sécurité et santé au travail ne reposent cependant pas seulement sur l employeur alors qu «il incombe à chaque travailleur de prendre soin, selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail, conformément à sa formation et aux instructions de son employeur» 5. Il s ajoute à cela qu il incombe au travailleur de «signaler immédiatement à l employeur et / ou au travailleur désigné et délégué de la sécurité toute situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu elle présente un danger grave et immédiat pour la sécurité et la santé» 6. Ces dispositions tendent vers une responsabilité collective et du travailleur alcoolisé et de ses collègues de travail. Exemple : Il est ainsi concevable que des salariés qui n empêchent pas leurs collègues de travail, manifestement sous influence d alcool, d entamer leur travail en prenant place dans une grue ou pelle mécanique ou tout autre engin motorisé et s ils causent un accident par après, engage leurs propres responsabilités en n ayant pas dénoncé la situation au supérieur hiérarchique. Exemple : Une équipe d ouvriers décide d aller boire un verre dans un bistrot se trouvant sur le chemin de retour entre le chantier et l entreprise de l employeur. A la suite d une consommation excessive d alcool de toute l équipe, la responsabilité qui en découle n incombe pas exclusivement à l ouvrier qui va prendre le volant de la camionnette mais également à tous ses collègues de travail qui ne l en empêchent pas alors qu il s agira certainement d une situation dont ils ont un motif raisonnable de penser qu elle présente un danger grave et immédiat pour la sécurité et la santé tel que le prévoit l article L.313-1(2)4 du Code du Travail. Si l employeur est ainsi responsable de la santé et de la sécurité de ses travailleurs sur leur poste de travail, celui-ci devrait être en droit d interdire à ses travailleurs la consommation d alcool sur le lieu du travail ceci d autant plus que le guide «Alcool et Lieu de Travail» adopté par le Conseil National Luxembourgeois d Alcoologie constate que «de petites doses d alcool peuvent déjà considérablement influencer les facultés tant corporelles qu intellectuelles requises pour l exécution sans risque de travaux». Sous l étiquette de la sécurité et santé de ses salariés et de sa qualité de supérieur hiérarchique autorisé à donner des ordres à ses salariés quant à l exécution de leur travail, l employeur devrait pouvoir imposer une interdiction de consommer 4 ArticleL.314 4CdT 5 ArticleL.313 1(1)CdT 6 ArticleL.313 1(2)4.CdT 5

de l alcool sur le lieu de travail. Toute contravention à ses instructions pourra être considérée comme faute ou insubordination susceptible de conduire au licenciement suivant la gravité de la contravention ou suivant le caractère répétitif. Exemple : La jurisprudence paraît accepter ce principe en ayant décidé qu une «entreprise qui est tenue de déployer d importants moyens en vue d assurer la sécurité de ses salariés, ainsi que de ses installations, est en droit d exiger de ses travailleur qu ils se plient journalièrement aux consignes de sécurité» 7. 2. L alcool et la jurisprudence En dépit du fait que le législateur lui mettait peut de textes à sa disposition, la jurisprudence a toujours été consciente de l importance du sujet et a, au fil des décisions, posé ses propres principes en se basant sur les dispositions du Code du Travail réglementant le licenciement pour motif personnel, réel et sérieux respectivement pour faute commise par le salarié. Principe En principe, la jurisprudence ne paraît pas s opposer à une consommation d alcool sur le lieu du travail à condition que celui-ci constitue un fait isolé non autrement accompagné d éléments perturbateurs. Exemple : Il a ainsi été jugé que le fait de «reprocher au salarié d avoir consommé de l alcool dans l enceinte de l entreprise, à le supposer établi, n est pas de nature à rendre impossible toute relation d employeur à ouvrier pendant la période de préavis dès lors qu il s agit d un fait isolé et que l employeur n a invoqué aucune conséquence éventuelle de la consommation d alcool tels que l ébriété du salarié, son comportement perturbateur ou la mauvaise qualité du travail fourni» 8. Exemple : Dans le même sens, la Cour Supérieure de Justice a décidé qu une «consommation unique et isolée d une bouteille de bière sur une année de service ne saurait rendre immédiatement et définitivement impossible la continuation des relations contractuelles, surtout si comme dans le cas d espèce, la faute commise par le salarié n a entraîné aucun 7 TribunalduTravailLuxembourg25janvier1991,n 386/91STEFFEN/GOODYEARSA 8 TribunalduTravailLuxembourg,5décembre1991,rép.Fiscaln 3805/91 6

dommage pour l employeur, ses clients respectivement les autres salariés». licenciement a par la suite été déclaré d abusif 9. Le Exception Si par contre la consommation d alcool s accompagne de signes extérieurs tels que l ébriété, la récidive, le comportement perturbateur, la mauvaise qualité du travail fourni, les répercussions sur la marche de l établissement ou le préjudice commercial causé à l employeur, la consommation d alcool est acceptée comme cause de licenciement par la jurisprudence. Exemple : A ainsi été jugé par le Tribunal du Travail de Luxembourg par jugement du 24 février 2012 que «l état d ébriété répété constitue une faute grave lorsqu il entraîne des répercussions sur la marche de l établissement pouvant occasionner à l employeur un préjudice, par exemple commercial». L ébriété du salarié constitue encore une faute grave lorsqu elle s accompagne d un comportement perturbateur 10. Exemple : Ainsi a été confirmé par la Cour d Appel le licenciement avec effet immédiat d un salarié qui «s est présenté à son lieu de travail vers 9 heures, en chantant très fort, en titubant et en sentant l alcool qui n était pas en état de travailler entrecoupait tout le temps agressivement la conversation de deux collègues de travail, ce aux fins de leur parler de problèmes avec sa copine que le salarié a insulté des femmes qu un agent de sécurité a essayé de le calmer que le salarié s est ainsi présenté sur son lieu de travail sous une forte influence d alcool, ayant été agressif et dans un état tel qu aucun travail n a pu lui être confié que sur base de l ensemble des éléments de preuve du dossier, le salarié eut un comportement tel que le maintien des relations de travail était devenu impossible et que le licenciement était justifié» 11. Exemple : Fut également déclaré justifié le licenciement immédiat d une salariée qui, suite à une cure de désintoxication, s est encore présentée à plusieurs reprises sur son lieu de travail dans un état d ébriété avancé et s est comportée de manière bruyante et déplacée dans l entrée de l enceinte de la Cour de Justice des Communautés Européennes en se donnant en spectacle devant les fonctionnaires. La salariée imbibée d alcool a finalement du être conduite dans un 9 Cour Supérieure de Justice 17 novembre 2011, n 37282 du rôle 10 TribunalduTravailLuxembourg,24février2012,rép.Fiscaln 884/2012 11 CourSupérieuredeJustice,16janvier2003,n 25449durôlePROCARsàrl/CHAVEZDAROCHA 7

local isolé par un gardien de sécurité et sa supérieure hiérarchique pour tenter de lui faire retrouver ses esprits 12. Exemple : Fut déclaré justifié le licenciement pour faute grave basé sur l état d ébriété du salarié accompagné d injures et de violences envers les clients d un camping nuisant ainsi sensiblement à l image de l entreprise de l employeur. Le salarié a ainsi dans un état d ébriété injurié le client dans les termes suivants : «Dir sid jo zwee Schwuler, groussen Dreck a Kroom». Lorsqu un autre client a conduit le salarié à son domicile, il l a attaqué dans la voiture en l attrapant à la gorge et l a injurié comme suit : «Du bass e Néischt, Du Dreck, du Houer, du Sau. Du gess dech nemmen mat Buttek a Kroom um Camping ôf». Le jour d après, le salarié s en est pris avec le même client et était sur le point de déclencher au camping une rixe après l avoir menacé comme suit : «Pass op du schwulen Dreck, wann ech wéinst denger Problemer hei op menger Aarbecht kréien an se wéinst denger verléieren, da wäert et dir awer nach schlecht ergoen» 13. Exception à l exception Si la jurisprudence admet ainsi le licenciement de salariés imbibés d alcool lorsque leur comportement s accompagne d un comportement perturbateur, entrave la bonne marche de l entreprise de l employeur et lui cause un préjudice, celle-ci fait néanmoins preuve d une appréciation plus tempérée en cas de fait isolé, de défaut d antécédents et d avertissements et d une ancienneté importante dans l entreprise. Exemple : La Cour a ainsi décidé «qu il est indiscutable que le comportement d un salarié en congé de maladie prolongé, même avec sortie autorisée, consistant dans le fait de consommer des boissons alcooliques en public dans un café à 7 heures du matin, constitue un motif légitime de licenciement, même avec effet immédiat, du fait que ce comportement déloyal à l égard de l employeur porte gravement atteinte à la bonne image de l entreprise et de ses salariés et un affront à l égard des collègues de travail valides et travailleurs. En l espèce particulière cependant, il y a lieu de prendre en compte que le salarié a une ancienneté de services de presque 18 ans, qu il n a pas fait l objet pendant toutes ces années d un ou plusieurs avertissements et que des comportements précédents analogues ne son pas établis, de sorte que le fait lui reproché peut être considéré comme constituant un fait unique. Ce fait unique ne justifie pas en l occurrence un licenciement avec effet immédiat» 14. Exemple : Dans le même sens, le Tribunal du Travail de Luxembourg a jugé le 24 février 2012 que «l état d ébriété répété constitue une faute grave, lorsqu il entraîne des répercussions sur la marche de l établissement, pouvant occasionner à l employeur un préjudice, par exemple commercial. L ébriété du salarié est encore une faute grave quand elle s accompagne d un comportement perturbateur. En l espèce, cependant l ébriété accidentelle telle que 12 TribunalduTravaildeLuxembourg,30mai2006,rép.Fiscaln 2426/06XY/ISSFACILITYSERVICESSA 13 Courd Appel6avril2000,n 23419et23457durôle 14 Courd Appel29octobre2009,n 34450durôle 8

décrite dans la lettre de licenciement, considérée seule, ne saurait justifier d un licenciement immédiat du salarié. En effet, il convient de prendre en compte que le salarié a une ancienneté de service de 18 ans, qu il n a pas fait l objet pendant toutes ces années d un avertissement et que des comportement analogues précédents ne sont pas établis» 15. C est le juge en vertu de son pouvoir souverain d appréciation qui décidera si la faute commise par le salarié sous influence d alcool justifie un licenciement ou non. Ainsi, une clause insérée dans le contrat de travail ou dans le règlement interne de l entreprise comme quoi la consommation d alcool est considérée comme une faute grave justifiant un renvoi avec effet immédiat est considérée comme nulle et non avenue alors qu il appartient au seul Tribunal du travail d apprécier la gravité d une faute justifiant une mesure de licenciement. Les Cours et les Tribunaux vont même jusqu à rejeter systématiquement les dispositions contenues dans différentes conventions collectives et qualifiant de fautes graves justifiant un licenciement avec effet immédiat la consommation d alcool sur le lieu du travail (exemples : articles 4.2.8 et 4.2.11 de la convention collective pour les transports professionnels de marchandises par route et article 5.3.h de la convention du 16 avril 2007 pour le métier de peintre) en précisant «qu il appartient aux tribunaux d apprécier la gravité de la faute commise et non à une convention collective du travail de qualifier d office un comportement déterminé d un salarié comme faute grave et qu il s agit là d une appréciation à faire dans le cadre de la détermination du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement» 16. Exclusion de toute exception Finalement la tolérance de la jurisprudence paraît s estomper définitivement lorsqu elle est amenée à juger des salariés ayant consommé de l alcool et qui soit occupent des postes à risques soit sont des chauffeurs professionnels. Exemple : A ainsi a été approuvé par la Cour Supérieure de Justice la résiliation d un contrat de travail d un délégué du personnel à la suite de sa mise à pied à raison de sa «présence en état d ébriété au lieu de travail où il était amené à manipuler des produits toxiques et 15 TribunalduTravail,24février2012,rép.Fiscaln 884/2012 16 CourSupérieuredeJustice,17février2011,n 35889durôle 9

hautement inflammables suivie d une absence consécutive pendant 2 jours pour cause de maladie sans en avertir l employeur» 17. Exemple : A ainsi été jugé que «le fait par un chauffeur livreur d exécuter son travail qui consiste notamment dans la conduite d un véhicule alors qu il se trouve en état d ivresse, constitue une faute grave au sens de l article L.124-10 du Code du Travail» 18. Exemple : Fut approuvé par la Cour d Appel le licenciement avec effet immédiat le chauffeur d une entreprise qui s est vu retirer son permis de conduire pour avoir conduit en état d ivresse 19. La jurisprudence ne fait dans ce contexte pas de différence suivant que le retrait du permis de conduire s est fait pendant les heures de travail ou dans le cadre de la vie privée. Ceci est compréhensible dans la mesure où le permis de conduire constitue l outil principal d un chauffeur professionnel que l employeur a embauché pour conduire des véhicules / camionnettes / camions. La perte du permis de conduire entraînera que le chauffeur ne sera plus d aucune utilité pour l employeur qui plus est n est pas obligé de lui confier une autre fonction. Exemple : Fut également approuvé le licenciement d un chauffeur de camion ayant provoqué un accident de la circulation avec retrait de son permis de conduire suite à un contrôle alcoolémique avec résultat positif 20. Il importe finalement peu si l alcool est bu sur le lieu du travail ou en privé et que le chauffeur se présente imbibé sur son poste de travail. Exemple : Ainsi été jugé que «contrairement à l argumentation des juges de première instance, il est sans importance de savoir si le chauffeur a effectué son travail en état d ivresse ou si cet état l a empêché de l exécuter. A supposer les 2 cas établis, il revêt dans le chef d un chauffeur de camion le caractère d une faute grave rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, la consommation d alcool avant et pendant le travail étant expressément considéré comme tel par l article 4.2.8. de la convention collective de travail pour le transport professionnel de marchandises par route, déclaré d obligation 17 CourSupérieuredeJustice,6novembre2003,n 25629durôleCATALYSTRECOVERYEUROPESA/Henry SENDER 18 CourSupérieuredeJustice,18novembre1993,n 14008durôleNEUROCARRELAGES/ROBERT 19 CourSupérieuredeJustice,17février2011,n 35889durôle 20 TribunalduTravaild ESch/Alzette,26octobre2009,rép.Fiscaln 2166/09LIFTII/DRIESEN 10

générale par règlement grand-ducal du 1 er décembre 2006 portant déclaration d obligation générale la convention collective en question» 21 B. Loi du 2 août 2002 introduisant le permis à points Cette loi introduit au Grand-Duché un système de perte de points, puis de retrait administratif du permis de conduire en cas d infraction à certaines dispositions du code de la route. Si dans la majorité des cas c est le conducteur lui-même qui s expose ainsi à une perte de points ou à un retrait de son permis de conduire, certaines infractions visent également le propriétaire ou le détenteur d un véhicule de sorte qu un employeur risque de perdre des points en cas d infraction au Code de la Route commise par son travailleur pendant les heures de travail. Ainsi, l article 12 de la loi du 2 août 2002 prévoit que «tout propriétaire, détenteur ou gardien d un véhicule qui aura toléré qu une personne qui, même en l absence de signes manifestes d influence d alcool aura conduit un véhicule si elle a consommé des boissons alcooliques en quantité tel que le taux d alcool est d au moins de 0,5 gr/ litres de sang ou de 0,25mg d air expiré, sera punie». Si l employeur connaît ainsi l état d ivresse de son salarié mais tolère néanmoins que celui-ci conduise l un de ses véhicules, il s expose au risque d une perte de points. Exemple : En dépit du fait que son salarié est ivre, l employeur lui ordonne de faire une livraison chez un client. Est cependant exclue toute responsabilité de l employeur dans le cas où celui-ci ne connaissait pas l état d ivresse de son travailleur. Exemple : Sur son chemin de retour du chantier vers l atelier, le salarié s arrête à l insu de son employeur dans un café pour consommer des boissons alcoolisées provoquant un taux d alcoolémie prohibé. Sur le chemin du retour du café vers l atelier, il tombe dans un contrôle. 21 CourSupérieuredeJustice,16janvier1997,n 18763durôleTHILL&PARTNERSsàrl/ELZBERG 11

Notons cependant qu en cas de poursuites de l employeur, la charge de la preuve que l employeur connaissait l état d ivresse de son salarié appartient au Procureur d Etat. C. Les prescriptions des organismes sociaux L article 154 du Code de la Sécurité Sociale dispose que les personnes assurées et leurs employeurs sont obligés de prendre des mesures nécessaires pour éviter les accidents et les maladies professionnels. Par ailleurs, les Conditions pour les Assurances selon la loi sur le Contrat d Assurances du 1 er janvier 2011 telle que appliquée par l Association d Assurances contre les Accidents, prévoit en leur article 23 sur les exclusions des prestations «qui n existe pas de couverture d assurance pour «1.7. Les maladies et accidents résultant de la consommation abusive d alcool, de médicaments, de drogues et de substances chimiques, si les assurés les consomment intentionnellement et qui, de ce fait, ont provoqué l origine essentielle de la maladie ou de l accident»». D après l article L.010-1 du titre préliminaire du Code du Travail, les prescriptions de l article 154 du Code de la Sécurité Sociale ainsi que les Conditions pour les Assurances selon la loi sur le Contrat d Assurance sont d ordre public et ni l employeur ni le travailleur ne sauraient y déroger. En cas de non-respect de ces dispositions, l Association d Assurances contre les Accidents pourra refuser toute prise en charge des conséquences pécuniaires qui peuvent résulter d un accident du travail survenu par le fait du travail ou à l occasion de son travail 22. Ce refus de prise en charge se retournera dès lors contre l employeur qui responsable des activités de son entreprise en vertu de l article 1384 alinéa 3 du Code civil et de l article L.121-9 du Code du Travail sera amené à prendre en charge les éventuels dommages causés par ses salariés alcoolisés. Ce n est que dans les seuls cas d une faute grave ou lourde, équipollente au dol que l employeur pourra se retourner contre son travailleur afin de récupérer les dépenses exposées ce qui ne l épargnera 22 Article92duCodedelaSécuritéSociale. 12

cependant pas du fait que c est lui qui devra en premier lieu indemniser les éventuelles victimes. II. Quels sont les moyens à disposition de l employeur pour faire face aux problèmes d alcool dans son entreprise? Compte-tenu de la quasi inexistence de textes légaux réglementant la consommation d alcool sur le lieu de travail, il est bien conseillé de tenter de cerner lui-même le problème en édictant des règles strictes à observer au sein de son entreprise soit dans le cadre du contrat de travail soit par voie de règlement d ordre interne. A. Le contrat de travail Il constitue la base des relations de travail entre l employeur et le salarié. Les relations de travail existant entre l employeur et le salarié se caractérisent par la subordination sous laquelle le salarié effectue son travail. Ce lien de subordination permet à l employeur de donner à ses travailleurs des ordres quant à la manière de laquelle ceux-ci exécutent leur travail, de contrôler ce travail ainsi que de sanctionner un travail mal fait. Ce pouvoir de donner des ordres à ses salariés devrait pouvoir englober la faculté pour l employeur d interdire à ses travailleurs de consommer de l alcool pendant les heures de travail respectivement de se présenter sur leur poste de travail dans un état d ébriété. Une clause afférente dans le contrat de travail n est dès lors certainement pas interdite et est de nature à attirer l attention du salarié sur l importance que l employeur attribue à ce sujet. Toutefois il n est pas permis à l employeur de préciser dans le contrat de travail que l interdiction de consommer de l alcool pendant les heures de travail est considéré 13

par lui comme une faute grave justifiant le licenciement en dépit même du fait que le salarié accepterait pareille disposition par la signature du contrat. La validité d une telle qualification en faute grave du fait de boire de l alcool pendant les heures de travail est mise en cause face à l article L.121-3 du Code du Travail prévoyant que «les parties au contrat de travail sont autorisées à déroger aux dispositions du présent titre dans un sens plus favorable au salarié». Toujours d après l article L.121-3 alinéa 2 du Code du Travail «est de nul effet toute clause contraire aux dispositions du présent titre pour autant qu elle vise à restreindre les droits du salariés ou à aggraver ses obligations». La jurisprudence a, dans ce contexte et à différentes reprises, eu l occasion de se prononcer sur les clauses interdisant la consommation d alcool et qualifiant une telle consommation de faute grave justifiant un renvoi avec effet immédiat dans différentes conventions collectives 23 et où il y a été jugé que «l appréciation de la gravité de la faute commise par le salarié relève du seul pouvoir discrétionnaire des juges même si une convention collective considère la consommation d alcool comme constituant une faute grave» 24. Il coule de source que face à une clause interdisant la consommation d alcool contenue dans une convention collective, les juges s attribueraient le même pouvoir souverain d appréciation quant à la légalité de cette qualification en faute grave justifiant le renvoi contenue dans un contrat de travail. B. Le règlement interne Il constitue un complément par rapport au contrat de travail et exprime le pouvoir normatif de l employeur découlant de la maîtrise de ce dernier de l organisation et de la réorganisation de son entreprise. 23 Conventioncollectivedetravailpourlemétierdepeintredu16avril2002(article5.3.h)etconvention collectivepourlestransportsprofessionnelsdemarchandisesparroutedéclaréed obligationgénéralepar règlementgrand ducaldu1 er décembre2006(article4.2.8et4.2.11.) 24 CourSupérieuredeJustice17novembre2011,n 37282durôleetCourSupérieuredeJustice,17février 2011,n 35889durôle 14

L employeur est en droit de formuler les mêmes ordres ou consignes de fonctionnement de son entreprise à travers le règlement interne qu à travers le contrat de travail. Exemple : Il a ainsi été jugé qu «on ne saurait refuser à un employeur le droit d interdire, pour des impératifs de sécurité incontestables à son personnel de consommer des boissons alcoolisées pendant les heures de travail et la pause de midi. C est ce qu a fait l employeur dans un règlement interne édicté pour les salariés de l entreprise et d ailleurs porté à la connaissance du salarié ainsi que l atteste sa signature y apposée au moment de son engagement. En se tenant aux termes du règlement interne, il s avère qu il y a lieu de considérer comme faute grave autorisant le licenciement immédiat, la consommation d alcool pendant le travail à condition de constituer un cas de récidive. La Cour peut s y rallier dans la mesure où les prescriptions du règlement interne sont connues au salarié et / ou par un premier avertissement, ce dernier est rendu de manière suffisante attentif à la gravité de son acte» 25. Exemple : A encore été jugé que «les faits établis à charge de GOEURY (boire une cannette de bière durant son temps de travail) constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement étant donné que l employeur est en droit de s attendre à ce que son salarié suive scrupuleusement les consignes de sécurité sur les chantiers (contenues dans un règlement interne) et fasse preuve d un comportement à tout le moins correct à l égard de ses clients, toute attitude contraire ne pouvant que nuire à l image de la société» 26 C. L employeur face au salarié alcoolisé Confronté à un travailleur alcoolisé, l employeur devra tout d abord gérer la situation du moment pour ensuite prendre une décision des suites à réserver à l incident au niveau du contrat de travail. 1. Comment gérer la situation du moment? Compte-tenu du fait que l article L.312-1 du Code du Travail dispose que «l employeur est obligé d assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail», l employeur n a guère d autre choix, sous peine d engager sa propre responsabilité, d écarter du travail le salarié alcoolisé pour 25 CourSupérieuredeJustice,14mai1998,n 19946durôle,GuyROLLINGER/TAPK 26 CourSupérieuredeJustice,13juillet2006,n 30820durôle,GOEURY/MINYBIVER 15

assurer et sa sécurité et celle de ses collègues de travail respectivement clients ou autres tiers. A l époque l article 36 des Prescriptions Générales pour la Prévention des Accidents du Travail qui ne sont actuellement plus applicables prescrivaient également que «2. Les assurés qui, sous l effet de l alcool ou d autres produits euphorisant, ne sont manifestement plus capables d effectuer un travail en sécurité, sont à écarter du travail». Rappelons finalement que d après l article L.313-1 (1) du Code du Travail «il incombe à chaque travailleur de prendre soin, selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou omissions au travail». Rappelons que cette disposition met également à charge des collègues de travail d intervenir face à un salarié alcoolisé et à le dénoncer auprès des supérieurs hiérarchiques respectivement l empêcher de prendre un risque ou de s exposer ou d exposer des tiers à un danger. En aucun cas, l employeur ne devra permettre à son salarié de rentrer chez lui par ses propres moyens en utilisant par exemple une voiture. 2. Les conséquences de l état alcoolisé du salarié sur son contrat de travail Le fait par un salarié de se trouver sous influence d alcool sur son poste de travail pouvant constituer une faute, l employeur est en droit de procéder à son licenciement, soit avec préavis, soit avec effet immédiat pour faute grave, suivant la gravité des faits. Tel que décrit supra I.A., le juge du travail en vertu de son pouvoir souverain d appréciation jugera de la gravité de la faute commise en tenant notamment compte de la répétition de l état d ébriété, de l ancienneté du salarié au sein de l entreprise, des éléments perturbateurs ayant accompagné l état d ébriété du salarié, du préjudice créé à l entreprise de l employeur, de l impression / répercussion laissée sur les clients etc. 16

Pour autant que le salarié venait à contester son état d ébriété, la preuve de la consommation d alcool incombe à l employeur. Cette preuve pourra se faire par tous les moyens de preuve admis, soit par l aveu du salarié, le témoignage ou le test d alcoolémie. Le test d alcoolémie consistera soit en un examen respiratoire, une prise d urine ou une prise de sang. Notons cependant que pour effectuer un tel test d alcoolémie, le consentement du salarié est indispensable alors qu un tel test est une ingérence à l intimité de la vie privée ainsi qu il peut constituer une atteinte à l intégrité physique. Néanmoins le refus du salarié de se soumettre à un test de dépistage qui aurait pour mérite de révéler la vérité, risquera de lui être préjudiciable : Il ne saurait reprocher à son employeur auquel il ne permet pas de clarifier la situation, de prendre des mesures de sécurité voire des sanctions contre lui, Son refus injustifié en cas de litige, risquera d être interprété par le juge comme présomption de vraisemblance de l état alcoolisé du salarié, à l image d interprétation semblable que les tribunaux du travail font en cas de refus d un salarié de se présenter auprès d un médecin de contrôle désigné par son employeur aux fins de vérifier la réalité de la maladie invoquée. CONCLUSION La situation actuelle du problème de l alcool sur le lieu du travail peut dès lors se résumer en 5 points : 1) La consommation d alcool est certainement perçue comme une faute commise par le salarié à l occasion de son travail. 2) Cette faute justifie une sanction qui peut aller jusqu au licenciement suivant sa gravité. 17

3) La gravité de cette faute est appréciée par le Juge d après son pouvoir souverain d appréciation qui a tendance à tolérer une consommation d alcool si celle-ci constitue un fait isolé, admettre la consommation d alcool en faute grave si celle-ci s accompagne d un état d ébriété d un comportement perturbateur d un préjudice pour l employeur d une incapacité de travailler ou d un travail mal effectué d un effet répétitif 4) Le juge sera néanmoins amené à tempérer la gravité de la faute et à refuser un licenciement si en dépit des éléments ayant accompagné la consommation d alcool tel que décrit supra 3), cette consommation est restée un fait isolé, le salarié accuse une ancienneté importante au sein de l entreprise, le salarié n a jamais eu d antécédents ni reçu d avertissement pour des faits semblables. 5) La consommation d alcool sera toujours considérée comme faute grave si l alcool a été consommé par un salarié occupant un poste à risque ou qui a été embauché à titre de chauffeur professionnel. 18