Rôle physiopathologique du régulateur du cycle cellulaire E2F1 dans la différenciation des cellules ß pancréatiques et implications dans le diabète. Résumé Un dysfonctionnement des cellules bêta pancréatiques, associés à une diminution du nombre de cellules ß sont à l'origine de pathologies métaboliques comme le Diabète, maladie qui touche près de 300 millions de personnes. Des études récentes ont montré une capacité de ces cellules à se régénérer, suggérant des applications thérapeutiques importantes. Cependant, les facteurs impliqués dans les mécanismes de différenciation/régénération de ces cellules ß restent à l'heure actuelle peu connus. Par conséquent, une meilleure compréhension des facteurs et des mécanismes responsables du maintien du pool de cellules bêta ou au cours de la régénération est fondamental et pourrait conduire à de nouvelles thérapies pour le traitement de diabète chez l Homme. Nous avons démontré que certains régulateurs du cycle cellulaire, comme E2F1, CDK4 et prb, régulateurs clé de la progression dans le cycle cellulaire, sont impliqués dans la croissance post-natale pancréatique et la sécrétion d'insuline. Cependant, les mécanismes moléculaires liés à E2F1 dans le contrôle de la différenciation ou le destin cellulaire restent inconnus. Dans ce projet, nous allons identifier le rôle joué par E2F1 dans la différenciation des cellules bêta pancréatiques. Nos données préliminaires ont mis en évidence, en collaboration avec l'équipe du Pr Froguel, la présence d'une mutation dans un exon du gène E2F1 chez un patient diabètique et ayant un rôle dans les mécanismes de différenciation cellulaire (données obtenues au cours du Master 2 Recherche). Ce projet de thèse sera la continuité du projet de M2R et aura pour but d'évaluer d'un point de vue fonctionnel les conséquences de cette mutation, en utilisant des approches moléculaires et génétiques par l utilisation de modèles de souris et poissons zèbre génétiquement modifiés (KO conditionnels) ou exprimant la forme mutée («knock-in») de E2F1. Ces données permettront de mieux comprendre les mécanismes de dysfonctionnement de la cellule ß pancréatique et ouvriront de nouveaux axes thérapeutiques pour le traitement du diabète. Le sujet de recherche choisi et son contexte scientifique Notre laboratoire s'intéresse au lien qui existe entre les régulateurs du cycle cellulaire et le métabolisme du glucose et des lipides. Le cycle cellulaire est un processus très finement régulé qui emploie une machinerie protéique complexe (pour revue, Blais and Dynlacht, 2007). Ainsi, pour que les cellules entrent en phase S, les complexes cycline-cdk doivent phopsphoryler prb, entraînant une dissociation de prb et E2F1, permettant l activation des gènes cibles des E2Fs. Cependant, le rôle de la machinerie du cycle cellulaire dépasse largement ses fonctions liées à la prolifération cellulaire, et il semble de plus en plus évident que la cellule utilise cette machinerie non pas pour proliférer, mais pour se différencier ou fonctionner.
Le pancréas est un organe essentiel à la digestion et à l homéostasie du glucose. Un dysfonctionnement du pancréas résulte en de nombreuses pathologies comme le diabète. L unité fonctionnelle du pancréas endocrine est représentée par les îlots de Langerhans, disséminés dans le pancréas exocrine, et constituée de 4 types cellulaires, les cellules a, b, d et PP. Les cellules b productrices d insuline représentent la majorité de la population des cellules endocrines, et constituent le noyau de l îlot, alors que les cellules a, d et PP sécrètent le glucagon, la somatostatine et le polypeptide pancréatique, respectivement, et sont localisées à la périphérie de l îlot. Le diabète est l une des maladies les plus répandues à travers le monde (le diabète de type 2 atteint 6% de la population aux Etats-Unis, en Europe et dans les pays à culture occidentale), pouvant entraîner une cécité, des troubles rénaux et chez l adulte des amputations des membres inférieurs. C est également un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires et l angine de poitrine. Le diabète n est pas une maladie homogène. Il s agit en fait d un ensemble hétérogène de désordres métaboliques qui, néanmoins, ont comme caractéristique commune de permettre l installation d une hyperglycémie chronique. La cellule b et son produit de sécrétion, l insuline, joue un rôle central dans la physiopathologie des diabètes. Le diabète de type 1, ou insulinodépendant, résulte d un déficit primaire en insuline, dû à la destruction auto-immune des cellules ß. Au cours du diabète de type 2 (ou diabète non insulinodépendant), les muscles squelettiques, le foie et le tissu adipeux blanc sont devenus résistants à l action de l insuline. Par ailleurs, l adaptation compensatrice des cellules b visant à produire plus d insuline dans la circulation (l hyperinsulinime ayant pour fonction de compenser l insulinorésistance) n est plus suffisante pour assurer la normoglycémie, ce qui se traduit par un épuisement fonctionnel des cellules b (Kahn et al., 2001). Le diabète de type 2 n est lui-même pas une maladie homogène, les diverses variantes de diabète de type 2 correspondant à un éventail de combinaisons, en proportion variables, des deux traits phénotypiques majeurs, l insulinorésistance et le déficit de production d insuline. Cependant, certaines de ces variantes, simple et monogéniques, touchent la capacité des cellules b de sécréter l insuline, ce sont les MODY (Maturity Onset Diabetes of the Young). Le maintien de l homéostasie métabolique est contrôlé entre autres mécanismes par une régulation transcriptionnelle impliquant des facteurs de transcription, des cofacteurs ainsi que la machinerie transcriptionnelle. L épigénétique, définie comme une modulation fine et non permanente de l expression de certains gènes par modification post-traductionnelle des histones (acétylation, methylation, ) ou le recrutement de facteurs de transcription en réponse à des signaux extracellulaires permettent aux cellules de s adapter à des conditions de changement métaboliques. Lors du développement de pathologies métaboliques comme le diabète ou l obésité, l expression de gènes clés dans le contrôle de l homéostasie du glucose et des lipides est altérée, menant à une réponse inadaptée de certains tissus métaboliques comme le foie, le muscle, le tissu adipeux ou les cellules béta pancréatiques. Les phénomènes épigénétiques d acetylation et de méthylation pourraient intervenir dans le développement des maladies métaboliques, et comprendre les mécanismes moléculaires impliqués pourrait permettre l identification de nouvelles cibles thérapeutiques pour le traitement du diabète et de l obésité. L état du sujet dans le laboratoire et l équipe d accueil Nous avons précédemment étudié le rôle de certains acteurs du cycle cellulaire et leur implication dans le contrôle du métabolisme. L un de ces acteurs, E2F1, a été montré comme régulant un ensemble de gènes impliqués dans le contrôle métabolique et la prolifération (Dimova and Dyson,
2005). Basé sur l hypothèse que les facteurs régulant la prolifération cellulaire pourraient jouer un rôle dans l adaptation métabolique, nous avons démontré en utilisant différents modèles de souris que : 1) la voie E2F1-CDK4-pRB est modulée par l insuline dans la cellule beta pancréatique et contrôle la sécrétion d insuline par régulation directe du gène Kir6.2 (Annicotte et al., 2009); 2) E2F1 est impliqué dans la résistance à l obésité induite par un régime riche en graisse et la résistance à l insuline ; 3) la voie E2F1-CDK4-pRb contrôle la biogenèse mitochondriale dans le muscle et le tissu adipeux brun par la régulation directe, au niveau de la chromatine, de nombreux gènes cibles comme PGC1a, TFAM, (Blanchet et al., 2011) ; 4) l invalidation génétique de E2F1 chez la souris conduisait à une amélioration des paramètres pathologiques chez des animaux atteints de myopathie de Duchenne (Blanchet et al., 2012). Ces données, originales par le fait qu elles mettent en évidence un nouveau rôle pour les acteurs du cycle cellulaire, ont principalement établi leur fonction dans la cellule saine non diabétique. Notre programme de recherche se focalise à présent sur l implication de ces facteurs dans le développement du diabète et de l obésité, qui, à l heure actuelle, demeure inconnu. Nous tentons actuellement de comprendre les mécanismes de différenciation des cellules progénitrices en cellules ß pancréatiques. Les mécanismes de développement pancréatique mettent en jeu des facteurs de transcription et des programmes transcriptionnels spécifiques permettant la formation des différents types cellulaires pancréatiques (Shih et al., 2013). Nous pensons que E2F1 pourrait contrôler la destinée des cellules ß en régulant l expression de certains de ces facteurs de transcription, notamment ARX (Collombat et al, 2009). En effet, des données préliminaires obtenues dans notre laboratoire semblent montrer que E2F1 contrôle l expression de ARX, et par ce mécanisme, pourrait conduire à la formation des cellules ß au cours du développement. Un autre axe de recherche complémentaire, développé en étroite collaboration avec l'équipe dirigée par le Pr P. Froguel, a pour objectif d étudier d un point de vue fonctionnel l implication de mutations humaines dans le développement du DT2 et de l obésité. Des études génétiques sont réalisées dans l unité UMR8199 pour identifier des mutations de nos gènes d intérêt dans des cohortes de patients atteints de DT2 ou de formes rares de diabète. Ces premières études ont permis d identifier une mutation dans le gène codant E2f1, et les premières études consistant à identifier les fonctions de cette mutation sont en cours par des études in vitro. De manière très intéressante, nous avons observé que cette mutation avait un effet positif sur la régulation de ARX, suggérant que, chez ce patient, la mutation pourrait entraîner une augmentation de la masse de cellules α au détriment des cellules ß et pourrait entrainer le développement d un diabète lié à une diminution de la masse de cellules ß. Afin de comprendre les mécanismes moléculaires mis en jeu, nous allons générer des modèles in vitro mais également animaux (souris E2F1 KO conditionnel dans la cellule ß, sur-exprimant E2F1 dans la cellule ß, croisées avec des souris Tomato-Cre pour le traçage des lignées cellulaires ; zebrafish KO et KI en utilisant la technologie TALEN en collaboration avec le Dr Pierre-Olivier Angrand, Lille 1). Le programme et l échéancier de travail Programme de recherche : Les 2 objectifs de ce projet de thèse sont : - étudier le rôle de E2F1 dans la différenciation des cellules ß pancréatiques
- comprendre la fonction de la mutation E2F1 découverte chez un patient diabétique. Nous essayons de comprendre au niveau moléculaire comment certains facteurs de transcription et leurs cofacteurs modulent dans la cellule beta pancréatique saine la sécrétion d insuline, mais également leur différenciation et leur prolifération, pour ensuite étudier leur implication dans un contexte physiopathologique comme le diabète ou l obésité. Par le développement de nouveaux modèles animaux, nos études auront pour but d identifier, dans différents organes ayant une fonction métabolique, le rôle joué par ces facteurs dans le maintien de l homéostasie métabolique. L identification de modulateurs pharmacologiques ou de mutations génétiques nous permettra dans des modèles pré-cliniques de diabète et d obésité d évaluer l effet thérapeutique de l activation ou l inhibition de nos cibles sur le développement du diabète et de l obésité. Enfin, nous attacherons une attention particulière au rôle joué par les acteurs du cycle cellulaire dans le développement des cellules beta pancréatiques. Pour atteindre nos objectifs, une stratégie intégrée combinant biologie moléculaire (génomique, protéomique, modèles cellulaires), modélisation et métabolomique de type biologie des systèmes, sera développée afin d étudier nos modèles animaux et d identifier à l échelle de l organisme les mécanismes en cause. Ces approches complexes, complémentaires de celles menées chez l'homme par Philippe Froguel, seront rendues possible par l'expertise acquise par chacun des membres de notre équipe mais également grâce à l environnement proposé par l UMR8199 et EGID. De nombreux modèles murins sont actuellement disponibles au sein de notre animalerie et permettront d atteindre les objectifs fixés à court et moyen terme. Les méthodes développées dans notre laboratoire sont basées sur des expériences de biologie moléculaire, le développement de modèles animaux et des stratégies d expérimentation à haut débit (Chip-seq, RNA-seq développés dans notre unité). Nous développons des souris génétiquement modifiées pour les gènes E2F1 en utilisant le système «Cre/LoxP». Cette méthodologie permet une inactivation de manière spatiale et temporelle bien définie, ce qui jusqu à présent nous faisait défaut. Ces souris sont actuellement disponibles dans l animalerie High- Technology de l IMPRT et n attendent plus que l étudiant en thèse pour être étudiées. Le projet de thèse sera spécifiquement dédié à l étude de la différenciation/prolifération de la cellule beta pancréatique via e2f1. En effet, une des approches actuelles concernant le traitement du diabète consisterait à augmenter la prolifération des cellules béta pancréatiques afin de contrebalancer la diminution de la masse de cellules beta observée au cours du développement du diabète. Compte tenu du rôle joué par ces acteurs dans le cycle cellulaire, nous essayons de comprendre les mécanismes de différenciation/régénération/prolifération des cellules beta via l utilisation de ces modèles de souris modifiées génétiquement de manière conditionnelle (E2F1 floxées et ROSA-lox-stop-lox-E2F1). Ces souris seront croisées avec une souris transgénique exprimant un «traceur» (tomato) sous contrôle de l expression de la Cre recombinase (obtenu par collaboration avec le Dr Paolo Giacobini, INSERM U837, Lille). Une fois le gène invalidé ou surexprimé par l utilisation de souris exprimant la Cre recombinase spécifiquement dans la cellule beta, une analyse de la différenciation cellulaire sera opérée par différentes méthodes (phénotypage métabolique, immunohistologie, analyse morphométrique, mesure de la prolifération et de l apoptose ). La contribution de E2F1 dans le destin cellulaire des cellules ß pancréatiques pourra être ainsi définie, d autant plus facilement que les cellules spécifiquement invalidées ou surexprimant E2F1 co-exprimeront le gène Tomato, permettant un lignage cellulaire précis. Un autre aspect important du projet de thèse consistera à développer le modèle animal Zebrafish afin d inactiver E2F1 chez ce poisson et d étudier le développement du pancréas dans ce contexte.
L utilisation de la technologie TALEN permettra d obtenir facilement et rapidement des embryons dont le gène E2F1 est inactivé. Les études fonctionnelles seront réalisées principalement par immunohistochimie. En parallèle, la technologie TALEN sera également utilisée pour exprimer la mutation identifiée sur le gène E2F1 dans le Zebrafish, et des études fonctionnelles seront également réalisées. Les études moléculaires permettant d identifier les voies de signalisation contrôlées par E2F1 au cours de la différenciation des cellules ß pancréatiques seront réalisées par des techniques classiques de biologie moléculaire (ChIP-seq, RNA-seq, analyses des interacteurs de E2F1 par protéomique MALDI-Tof-Tof). Echéancier : Année 1 Mois 0-6 Mois 6-12 - développement des modèles murins d inactivation/sur-expression ß spécifique - Construction des TALENs pour inactivation/ki chez le zebrafish - Caractérisation histologique du pancréas des souris E2F1ß-/- par immunofluorescence. - Validation génétique des Zebrafish E2F1-/- (transmission germinale) Année 2 Mois 0-6 Mois 6-12 - Etude des mécanismes moléculaires et des voies de signalisation contrôlées par E2F1 dans la cellule ß de souris - Création des zebrafish homozygote E2F1-/- - Présentation des résultats dans un congrès national - Expérimentation haut-débit (ChIP-seq, RNA-seq) - Caractérisation phénotypique des zebrafish E2F1-/- Année 3 Mois 0-6 Mois 6-12 - Analyse bioinformatique des résultats haut-débit générés. - Présentation des résultats dans un congrès international - Rédaction du manuscrit pour publication et soumission - Révision du manuscrit pour publication - Rédaction et soutenance de la thèse Les retombées scientifiques et économiques attendues Ce projet de thèse amènera de nombreuses réponses à des questions scientifiques fondamentales dans le domaine du développement pancréatique et du diabète. En effet, nos données semblent impliquer E2F1 dans la formation des cellules ß pancréatiques, et suggèrent un rôle important au cours du développement pancréatique. A terme, nous espérons ouvrir de nouvelles voies
pharmacologiques pour le traitement du diabète. Dans cette optique, nous essayons d associer à chaque étude basée sur l invalidation génique des expérimentations pharmacologiques permettant de moduler l activité de nos protéines d intérêt, ainsi que des études génétiques permettant l identification de mutants de nos gènes d intérêt dans certaines formes de diabète. Les collaborations prévues et une liste de 10 publications maximum portant directement sur le sujet Collaborateurs : Pr Philippe Froguel, UMR8199 Dr Pierre-Olivier Angrand, Lille 1 Dr Anne-Sophie Vercoutter, Lille 1 Dr Paolo Giacobini, INSERM U837, Lille Dr Patrick Collombat, INSERM AVENIR, Nice Pr Pedro Herrera, Geneva Dr Ulrike Ziebold, Berlin Bibliographie : - Annicotte, J.S., Blanchet, E., Chavey, C., Iankova, I., Costes, S., Assou, S., Teyssier, J., Dalle, S., Sardet, C., and Fajas, L. (2009). The CDK4-pRB-E2F1 pathway controls insulin secretion. Nat Cell Biol 11, 1017-1023. - Blais, A., and Dynlacht, B. D. (2007). Curr Opin Cell Biol, 19, 658-662 - Blanchet, E., Annicotte, J.-S., Lagarrigue, S., Aguilar, V., Clapé, C., Chavey, C., Fritz, V., Casas, F., Apparailly, F., Auwerx, J., et al. (2011). E2F transcription factor-1 regulates oxidative metabolism. Nature cell biology 13, 1146-1152. - Blanchet, E., Annicotte, J.S., Pradelli, L.A., Hugon, G., Matecki, S., Mornet, D., Rivier, F., and Fajas, L. (2012). E2F transcription factor-1 deficiency reduces pathophysiology in the mouse model of Duchenne muscular dystrophy through increased muscle oxidative metabolism. Hum Mol Genet 21, 3910-3917. - Collombat P, Xu X, Ravassard P, Sosa-Pineda B, Dussaud S, Billestrup N, Madsen OD, Serup P, Heimberg H, Mansouri A. Cell. 2009 Aug 7;138(3):449-62. - Dimova, D.K., and Dyson, N.J. (2005). The E2F transcriptional network: old acquaintances with new faces. Oncogene 24, 2810-2826. - Kahn, S.E., et al. (2001). J Clin Endocrinol Metab, Dec;86(12):5824-9 - Shih HP, Wang A, Sander M. Annu Rev Cell Dev Biol. 2013;29:81-105