Format de citation Droit, Emmanuel: Rezension über: Ulrich Herbert, Geschichte Deutschlands im 20. Jahrhundert, München: Verlag C.H.Beck, 2014, in: Francia-Recensio, 2015-1, 19./20. Jahrhundert - Histoire contemporaine, heruntergeladen über recensio.net First published: http://www.perspectivia.net/content/publikationen/francia... copyright Cet article peut être téléchargé et/ou imprimé à des fins privées. Toute autre reproduction ou représentation, intégrale ou substantielle de son contenu, doit faire l'objet d'une autorisation ( 44a-63a UrhG / German Copyright Act).
Francia Recensio 2015/1 19./20. Jahrhundert Histoire contemporaine Ulrich Herbert, Geschichte Deutschlands im 20. Jahrhundert, München (C. H. Beck) 2014, 1451 S. (Europäische Geschichte im 20. Jahrhundert), ISBN 978 3 406 66051 1, EUR 39,95. rezensiert von/compte rendu rédigé par Emmanuel Droit, Berlin En 1989, dans un essai incisif, l historien allemand Hagen Schulze se demandait s il existait une histoire allemande. Par cette interrogation sciemment provocatrice, il plaidait clairement pour une histoire post nationale, c est à dire européenne, attentive aux influences extérieures:»von Deutschland reden heißt, von Europa zu reden 1.«25 ans plus tard, Ulrich Herbert, l un des tous meilleurs spécialistes allemands du national socialisme dont les travaux sur les travailleurs étrangers sous le»troisieme Reich«et le juriste Werner Best ont indéniablement marqué la Zeitgeschichte allemande 2, publie une histoire monumentale de l Allemagne au XX e siècle dans une collection d histoire européenne d États nations au XX e siècle qu il dirige au sein de la maison d édition Beck. Sur le plan formel, cet ouvrage dépasse de très loin la longueur des autres volumes publiés 3, puisqu il comprend environ 1450 pages dont presque une centaine référençant les sources et la bibliographie mobilisées, le tout sans aucune carte, graphique ou illustration iconographique. De prime abord, on ne peut être qu impressionné par la capacité de cet historien à maîtriser une bibliographie qui par nature semble indomptable tellement le XX e siècle allemand a produit de monographies et de synthèses. De prime abord, la tentation est grande de comparer ce livre aux dernières grandes entreprises d écriture de l histoire nationale allemande, les deux plus marquantes ayant été les cinq volumes de l histoire sociale de l Allemagne de Hans Ulrich Wehler 4 (dont les deux derniers sont consacrés au XX e siècle) et les trois volumes du long chemin vers l Ouest de Heinrich August Winkler 5. En quoi l opus magnum d Ulrich Herbert est il différent? Quelle est la plus value de ce nouveau grand récit (Meistererzählung) de l Allemagne au XX e siècle? Comment réussit il à articuler dans un récit continuités et ruptures, influences de phénomènes globaux et particularismes nationaux ou régionaux, 1 Hagen Schulze, Gibt es überhaupt eine deutsche Geschichte?, Berlin 1989, p. 69. 2 Ulrich Herbert, Fremdarbeiter. Politik und Praxis des»ausländer Einsatzes«in der Kriegswirtschaft des Dritten Reiches, Berlin 1985; Id., Best. Biographische Studien über Radikalismus, Weltanschauung und Vernunft. 1903 1989, Bonn 1996. 3 Par exemple, l ouvrage écrit par Wlodzimierz Borodziej en comportait 489 pages et 9 cartes!: Wlodzimierz Borodziej, Geschichte Polens im 20. Jahrhundert, Munich 2010. 4 Hans Ulrich Wehler, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, vol. 4: Vom Beginn des Ersten Weltkriegs bis zur Gründung der beiden deutschen Staaten 1914 1949, Munich 2003; vol. 5: Bundesrepublik Deutschland und DDR 1949 1990, Munich 2008. 5 Heinrich August Winkler, Der lange Weg nach Westen, 2 vol., Munich 2000.
contradictions et ambivalences des acteurs de cette histoire? Au final, l'intérêt de produire un compte rendu sur un tel ouvrage réside dans le fait, non pas de souligner l intensité inégale de précision factuelle, inévitable dans ce genre d entreprise, mais bien de dévoiler et d interroger la manière dont l auteur essaie de mettre tous ces événements politiques, sociaux, culturels, économiques en musique et en les intégrant dans un schéma explicatif global. Pour se distinguer de ces prédécesseurs et produire une histoire originale, Herbert propose au lecteur, sans revendiquer clairement une quelconque filiation intellectuelle avec Hagen Schulze, une histoire nationale européenne dans le sens où ce récit entend intégrer d un point de vue méthodologique les évolutions les plus récentes de l historiographie, à savoir une histoire attentive aux transferts, aux interdépendances et aux phénomènes transnationaux. Dès l introduction, Herbert pose des garde fous censés protéger son livre contre le danger du récit téléologique en rappelant la nécessité d écrire une histoire ouverte du passé. Pour résumer, il a cherché à écrire une histoire européenne de l Allemagne tout en soulignant dès l introduction que cette histoire est forcément différente des autres pays. D une certaine manière, même si l idée de»sonderweg«n est pas explicitement mentionnée et mobilisée, il a conçu son récit comme une sorte de réflexion autour de la voie particulière prise par l Allemagne. Dès les premières lignes de son livre, il souligne le défi de pouvoir articuler dans une logique explicative un premier et un second vingtième siècle. Comment penser ensemble ces deux périodes de l Allemagne, l une conduisant dans un premier temps à la catastrophe du national socialisme, l autre à la naissance et au succès d une démocratie libérale et sociale stable et riche autour de la césure de 1945? En fin de compte, comment expliquer la lente transformation de l Allemagne en une société occidentale moderne? Pour essayer d articuler au mieux ce Janus historique, Herbert tourne clairement le dos à la fois au modèle décrit par Eric Hobsbawm du»court vingtième siècle«(1914 1991) 6 et à celui de la»zeitgeschichte«allemande traditionnelle définie par Hans Rothfels autour de la césure de 1917 7. Il propose à la place une histoire d un»long vingtième siècle«dont les origines remontent au dernier tiers du XIX e siècle et aux bouleversements induits tant par la seconde révolution industrielle que par l émergence des États nations, et qui ouvre une ère historique que Herbert qualifie de»hochmoderne«(p. 19). En fin de compte, il pense que l émergence à partir des années 1870 du modèle de la société industrielle en Allemagne et les bouleversements socio économiques et culturels inhérents ont conduit le pays dans un premier temps à une double catastrophe les deux guerres mondiales avant de devenir une des clés du succès de la RFA après 1945. Son récit s achève avec le passage au XXI e siècle sans qu une borne finale soit clairement définie. En énonçant dans un dernier chapitres toute une série de possibles termini post quem de l arrivée au 6 Eric Hobsbawm, L âge des extrêmes. Histoire du court XX e siècle, Bruxelles 1994. 7 Hans Rothfels, Zeitgeschichte als Aufgabe, in: Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 1 (1953), p. 1 8.
pouvoir de la coalition rouge verte en 1998 à l introduction des réformes Hartz IV en 2003 ou à la crise bancaire de 2007 2008 Herbert reconnaît indirectement que l historien du temps présent n a pas encore réussi à définir une césure interprétative consensuelle qui fasse sens et qui permet de distinguer clairement un avant et un après. Traitant finalement de la période s étendant des années 1890 aux début des années 2000, il a structuré son livre en quatre grandes parties autour de césures (géo )politiques»canoniques«(1918/19, 1933, 1945) et économiques (1973). Malheureusement, en adoptant un récit binaire antagoniste, Herbert est prisonnier d une logique interprétative que nous qualifions d»ouest allemande«et qui nous pose problème. En effet, si on considère que la première moitié du XX e siècle allemand fut marquée par les guerres et les catastrophes, et que la seconde se caractérise, au contraire, par la stabilité politique, la liberté et la prospérité, comment fait on dès lors pour intégrer réellement sur un plan d égalité l histoire de la RDA? Pour réussir à rester fidèle à son modèle binaire jusqu au bout, Herbert trouve une solution en affirmant que les Allemands de l Est auront dû attendre quarante années de plus que les Allemands de l Ouest avant de pouvoir goûter à la dolce vita de la»république heureuse«8. Même si la RDA est loin d être réduite à une note de bas de page dans cette histoire, Herbert ne lui accorde qu une place secondaire (deux chapitres sur huit dans les 3 e et 4 e parties). Or, une histoire allemande du second XX e siècle doit être une histoire à parts égales, attentive aux parallélismes, antagonismes et aux influences réciproques même si au fond les rapports entre les deux Allemagnes après 1945 ont été fondamentalement asymétriques. Cette faiblesse conceptuelle du livre s explique par les champs de compétences de l auteur. Herbert est un excellent historien du national socialisme et de la République fédérale mais ses compétences sur la RDA sont finalement assez limitées. À la lecture de l ouvrage, on sent l auteur évidemment très à l aise pour raconter la période 1933 1945 et la manière dont la question de la dynamique de la violence radicale est extrêmement liée aux problèmes de la Volksgemeinschaft nazie. Les parties antérieures et postérieures au»troisième Reich«reflètent le souci de l auteur de ne pas limiter le récit à une histoire politique mais de prendre en compte dans la mesure du possible les dimensions économiques et socio culturelles qui sous tendent la catastrophe allemande. Le lecteur sera également sensible au souci récurrent de Herbert d introduire la grande histoire par la petite en mobilisant des témoignages d acteurs de l époque à l instar de celui d un économiste contemporain du règne de Guillaume II ou de l artiste Hélène Holzmann qui connut la barbarie nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Au final, l histoire de l Allemagne au XX e siècle d Ulrich Herbert constitue une somme de connaissance dense, précise et très bien maîtrisée. Reste qu au delà du respect qu impose ce type d ouvrage, il pose à nos yeux un double problème: le premier, de nature méthodologique, relève de l écriture de la 8 Edgar Wolfrum, Die geglückte Demokratie. Geschichte der Bundesrepublik von ihren Anfängen bis zur Gegenwart, Stuttgart 2007.
période postérieure à 1945 par un historien socialisé sous l ancienne république de Bonn; le second, de nature philosophique, renvoie à la possibilité même de faire rentrer un siècle d histoire allemande dans un schéma explicatif unique.