Tribunal de première instance de Bruxelles - Jugement du 7 février 2007 - Rôle n 2005/6797/A -



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Transcription:

Tribunal de première instance de Bruxelles - Jugement du 7 février 2007 - Rôle n 2005/6797/A - Exercices d'imposition 1998 et 1999 Domicile fiscal exorbitant du droit commun et RDT Arrêt Avocats: Maître Emmanuel Orlando, loco Maître Roland Forestini - pour la requérante II. Faits significatifs et recevabilité de la demande 1.La demanderesse détenait 18 % des actions de la société de droit irlandais B IRELAND qui est une " International Financial Services Center " (IFSC) établie dans la zone franche des docks de Dublin. Cette société bénéficie d un régime fiscal exorbitant du droit commun, en ce que ses bénéfices sont soumis à un impôt dont le taux est de 10 %, alors que le taux ordinaire de l impôt sur les revenus des sociétés est de 38 % en Irlande. Pour l exercice d imposition 1999, la demanderesse a déclaré des dividendes d un montant de 38.000.000 anciens francs à titre de revenus définitivement taxés (RDT) (pièce I/32 du dossier administratif). Par un avis de rectification de la déclaration du 21 mars 2000, le fonctionnaire-taxateur a estimé que les dividendes provenant de la société irlandaise B IRELAND ne peuvent pas bénéficier du régime des RDT (pièce I/38 et suivantes du dossier administratif). La cotisation litigieuse a été établie sur cette base en ne tenant pas compte de la déduction à titre de RDT des dividendes perçus de la société irlandaise. La demanderesse a introduit une demande de dégrèvement d office contre cette cotisation le 11 décembre 2002 (pièces II/89 et suivants du dossier administratif), alors que l avertissement-extrait de rôle lui a été envoyé le 9 juin 2000).

La décision directoriale a déclaré cette demande irrecevable parce qu elle a été introduite en dehors du délai de réclamation prévu à l article 371 du CIR 1992 et qu elle ne répond pas aux conditions prévues à l article 376, 1er, CIR 1992 relatif au dégrèvement d office. La demanderesse fait valoir que la demande de dégrèvement d office de la cotisation litigieuse, en ce qui concerne le rejet de la déduction à titre de RDT des dividendes perçus de la société irlandaise, se fonde sur l existence d un double emploi, en ce que ces dividendes ont également été imposés dans le chef de la société irlandaise distributrice, ce que le défendeur admet. La demande de dégrèvement d office a été introduite dans le délai de trois ans prévu à l article 376, 1er, 1, du CIR 1992 et est dès lors recevable. En conséquence, la demande, introduite dans les formes et le délai prévus par la loi, sera déclarée recevable. III. Discussion La société de droit irlandais B IRELAND est une société de financement qui bénéficie dans le pays de son domicile fiscal, d un régime d imposition exorbitant du droit commun. Les dividendes distribués par cette société ne peuvent dès lors bénéficier du régime des RDT, conformément à l article 203, 1er, 2, du CIR 1992. Toutefois, d après l article 203, 2, alinéa 3, du CIR 1992, l exclusion précitée ne s applique pas aux dividendes recueillis en raison d une participation directe ou indirecte dans une société de financement résidente d un Etat membre de l Union européenne qui répond, pour l actionnaire à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, pour autant et dans la mesure où la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période, de la société de financement n excède pas 41,5 % des dettes pour l exercice d imposition 1999. Il n est pas contesté que la participation de la demanderesse dans la société irlandaise répond à des besoins légitimes de caractère économique ou financier.

D après le bilan de la société irlandaise B IRELAND relatif à l exercice d imposition 1999, la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période, correspond à 0,87 % des dettes. Les dividendes recueillis par la demanderesse de la société irlandaise sont donc proportionnellement déductibles à titre de RDT, sur base de l article 203, 2, alinéa 3, du CIR 1992. Après avoir déterminé la quotité non déductible du dividende sur base de la fraction prévue par la circulaire du 4 septembre 2001, le montant total des dividendes qui peuvent être déduits à titre de RDT dans le chef de la demanderesse, s élève à 876.563,48 euros pour l exercice d imposition 1999, d après le calcul figurant dans les conclusions d accord des parties. Rien ne s oppose en l espèce, à ce qu il soit fait droit à l accord des parties concernant le montant des dividendes déductibles à titre de RDT, celui-ci étant conforme à la loi. 2.Après avoir recalculé la cotisation litigieuse en tenant compte du montant de dividendes déductible à titre de RDT et après avoir dégrevé ce qui a été enrôlé en excédent, il y aura lieu d ordonner le remboursement à la demanderesse de toutes sommes perçues qui excèdent cette cotisation telle qu elle subsiste après le dégrèvement. Ce remboursement doit être augmenté des intérêts moratoires calculés conformément à l article 418 du CIR 1992, ce qu admet le défendeur. La demanderesse soutient que les intérêts échus au moment du dépôt de ses conclusions de sommation le 2 septembre 2005, doivent être capitalisés et produisent à leur tour des intérêts à partir de cette date, sur base de l article 1154 du Code civil. D après cette dernière disposition, " les intérêts échus de capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une sommation judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la sommation soit dans la convention, il s agisse d intérêts dus au moins pour une année entière ". Les conclusions déposées au greffe peuvent valoir comme acte équivalent à la sommation judiciaire requise par cette disposition, si ces conclusions avisent le débiteur de la capitalisation des intérêts, ce qui est le cas en l espèce (Cass., 17 janvier 1992, Pas., I, p. 421).

La demanderesse fait valoir à juste titre qu en l absence de dérogation dans la loi fiscale, les règles du Code civil sont applicables en matière fiscale. Elle soutient que les articles 418 et 419 du CIR 1992 constituent des dispositions spécifiques en matière d intérêts moratoires qui dérogent uniquement à l article 1153 du Code civil. En l absence de dérogation spécifique de la loi fiscale, l article 1154 du Code civil s appliquerait en matière d impôts sur les revenus. Contrairement à d autres codes fiscaux, le Code des impôts sur les revenus 1992 ne renvoie pas aux règles applicables en matière civile pour déterminer les intérêts moratoires qui sont dus en cas de remboursement d impôts. Le chapitre VIII du CIR 1992, relatif au recouvrement de l impôt, comporte une section 5 relative aux intérêts, qui elle-même est subdivisée en deux sous-sections concernant d une part, les intérêts de retard dus à défaut de payement de l impôt dans le délai imparti, et d autre part, les intérêts moratoires dus en cas de remboursement d impôts. Cette section 5 déroge aux dispositions du Code civil relatives aux dommages et intérêts et détermine les règles applicables aux intérêts en ce qui concerne les impôts sur les revenus. Pour les impôts sur les revenus, seuls les intérêts déterminés conformément à la section 5 précitée du CIR 1992 sont dus. Il n y a dès lors pas lieu d appliquer en l espèce, l article 1154 du Code civil pour capitaliser les intérêts échus à la date du dépôt des conclusions de sommation. En conséquence, la demande sera déclarée partiellement fondée. ** ** ** PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, siégeant en premier ressort, Statuant contradictoirement,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire; Déclare la demande recevable et partiellement fondée; Donne acte à la demanderesse de ce qu elle renonce à sa demande en ce qu elle concerne le supplément de cotisation litigieux établi dans son chef pour l exercice d imposition 1998 ; Ordonne de recalculer la cotisation à l impôt des sociétés de l exercice d imposition 1999, établie dans le chef de la demanderesse sous l article 802017198 en tenant compte de dividendes déductibles à titre de RDT d un montant de 876.563,48 euros, conformément aux conclusions d accord déposées par les parties ; Ordonne le dégrèvement de ce qui a été enrôlé en excédent ; Condamne le défendeur à restituer, avec les intérêts moratoires calculés conformément à l article 418 du CIR 1992, toutes sommes indûment payées du chef de la cotisation ainsi dégrevée; Déboute la demanderesse du surplus de sa demande; Condamne le défendeur à la moitié des dépens de l instance Tribunal : Mme M. MORIS, juge unique