L innovation envisagée comme une stratégie «d enracinement» dans le canal de distribution par le prestataire de services logistiques



Documents pareils
JEUDI 2 AVRIL 2009, MONTPELLIER

II L APPROCHE PEDAGOGIQUE EN 2nde PRO LOGISTIQUE ET TRANSPORT. 1 Mon téléphone portable

Pour saisir le sens des leviers d amélioration, il est d abord nécessaire de comprendre les caractéristiques du supply chain management.

What leadership for the Logistic Service providers in the supply chain of the French automotive industry?

Enjeux d une vision supply chain globale et défis associés. Yves Dallery Professeur à l Ecole Centrale Paris Associé au sein du cabinet Diagma

LA LOGISTIQUE GLOBALE ET LE SUPPLY CHAIN MANAGEMENT Enjeux principes exemples. Philippe-Pierre Dornier Michel Fender. Deuxième édition 2007

Dossier de presse 2013

Transport, logistique, Supply Chain * sdv.com. *Chaîne logistique

L ultra mutualisation : un potentiel de gains majeur pour une nouvelle vision des flux de distribution

Pole Formation Catalogue

SBM Offshore OIL & GAS* sdv.com. Logistique. Imagination. *Pétrole et Gaz

MODULES ECBL DESCRIPTIF SENIOR

L s 1 0 r è r gles d o r de la Supply Chain

Logistar, la solution haute p récision de votre Supply Chain

Enjeux d une vision supply chain globale et défis associés. Yves Dallery Professeur à l Ecole Centrale Paris Associé au sein du cabinet Diagma

Contrat d application pour l amélioration de la compétitivité logistique IMPORT-EXPORT

Système d information et supply chain management : rôle d un prestataire de services logistiques

Healthcare * sdv.com. Logistique. Imagination. *Santé

La logistique en France Rapport Savy

Maîtriser les mutations

Les basiques du Supply Chain Management

Guide d accompagnement.

Club Supply Chain et distribution

JEUDI 2 AVRIL 2009, MONTPELLIER

PGE 2 Fall Semester Purchasing Track. Course Catalogue. Politique, Stratégie & Performance des Achats p. 2

La Supply Chain. vers un seul objectif... la productivité. Guy ELIEN

MANAGEMENT ET TECHNIQUES D ACHATS. 1. Sensibiliser à la dimension stratégique de l Achats à travers des exemples concrets d entreprises industrielles

Traçabilité Du besoin à la mise en oeuvre

de la DSI aujourd hui

PAS D ORGANISATION SANS ORGANISATION (2)

Supply Chain Management

Transport, logistique et chaînes productives durables : des enjeux communs

GLOBAL SUPPLY CHAIN MANAGEMENT & STRATEGIE LOGISTIQUE

Externaliser le système d information : un gain d efficacité et de moyens. Frédéric ELIEN

UNE LOGISTIQUE FIABLE POUR LE SECTEUR DE L ENERGIE ÉOLIENNE. Continuer

L offre de formation en supply chain. Le positionnement de Centrale Paris

«Echanges et apport d expertise autour du Projet GALENA» Mardi 26 mai à 9h00

La plateforme Cloud Supply Chain. Présentation de GT Nexus

Newsletter. Éditorial. Janvier - février 2012 SOMMAIRE

Centre Multimodal de Distribution Urbaine Logistique Urbaine et système d information

Sage ENTREPÔTS. La solution progicielle de gestion de vos flux d entreposage. «S engager auprès de vous pour fiabiliser votre quotidien»

Chapitre 2 : La logistique. Pour le commerce international, les modes de transport utilisés sont :

Perception et utilisation des solutions de radio-identification (RFID) dans les entreprises françaises

Création d une agence de communication interne _Au cours de ces dernières années, l équipe Marketing-Communication de Galexis a dû faire face à d

COMMENT ANTICIPER LES EVOLUTIONS ET SE PREPARER AU CHANGEMENT

Editorial. Un nouveau livre de Philippe Pierre DORNIER

SAGE ERP. Sage ERP X3. Principaux éditeurs. Pour vos appels d offre. 3 e ÉDITION. SupplyChainMagazine.fr 19, rue Saint-Georges Maisons-Alfort

Bienvenue au Club Logistique! Jeudi 05 décembre 2013

aux entreprises textiles Le parte n aire dédié Mail : commercial@sc-2.com

Le pilotage des collaborations et l interopérabilité des systèmes d information Vers une démarche intégrée

Planning for growth. Focus Supply Chain

N 2. Generix fait figure de pionnier dans le Software as a Service, qui va bouleverser l univers du commerce et de la distribution.

OBSERVATOIRE PARTENARIAL LYONNAIS EN ECONOMIE VEILLE PARTENARIALE SUR LA LOGISTIQUE. Cahier n 3

Supply Chain: un regard vers le passé et un pas vers le futur

Management des organisations et stratégies Dossier n 10 Veille et intelligence économique

Business & High Technology

Les questions posées permettent de faire un état de l art sur les pratiques logistiques durables des membres du Club.

ACCOMPAGNEMENT VERS LE CLOUD COMPUTING BIENVENUE

D ITIL à D ISO 20000, une démarche complémentaire

SOLUTIONS DE GESTION ALIMENTAIRE

Supply Chain Management ou Gestion de la Chain Logistique

Forum Agropur Coopératives agricoles : Renforcer la compétitivité et saisir les nouvelles opportunités

Votre partenaire idéal

isrs 7 Améliorer la performance Sécurité, Environnement et Opérationnelle

Achats de prestations logistiques : les bonnes pratiques

Comment concevoir une Supply Chain robuste et flexible à l échelle mondiale?

Solutions logistiques dédiée au e-commerce et à la gestion de distribution du particulier

Les ressources numériques

L IMPACT DU E-COMMERCE SUR LA LOGISTIQUE. Réunion du 25 Janvier Document de travail

Performance Logistique Industrielle

Projet Fish & Catering Sector (Mise à jour du 13/10/08)

DOSSIER DE PRESSE. SOLUTYS Group Parc Technologique 10 rue Léonard de Vinci Lisses

Optimiser la maintenance des applications informatiques nouvelles technologies. Les 11 facteurs clés de succès qui génèrent des économies

La supply chain: définition

Métiers de la Production/ Logistique

MAITRISE DE LA CHAINE LOGISTIQUE GLOBALE (SUPPLY CHAIN MANAGEMENT) Dimensionnement et pilotage des flux de produits

Démarche de traçabilité globale

Les pratiques du sourcing IT en France

ASLOG Association Française pour la Logistique

Jones Lang LaSalle Supply Chain & Logistics Solutions

Rapport sur l intérêt des producteurs maraîchers de la région de Montréal quant aux modèles associatifs de mise en marché en circuits courts

Oracle Value Chain Management Presenting with

Management de la chaîne logistique. Professeur Mohamed Reghioui

Chaîne logistique & TIC

Révolution Lean-Supply Chain chez les pompiers. Journée inter-sdis sur le «Supply Chain Management» Albi, le 21 mai 2015

Accélérez votre projet ERP avec les Best Practices

En souscrivant. au contrat de distribution des solutions AKANEA, vous êtes triplement gagnant :

Améliorer la performance des transporteurs sur la supply chain

L évolution du travail en réseau : une nouvelle donne stratégique

Les leviers de performance du pilotage du processus achats/fournisseurs

CABINETS DE CONSEIL EN SCM

Pierre Fournet : Président Aslog IDF, Directeur Développement Diagma

CABINETS DE CONSEIL EN SCM

Manager en systèmes logistiques


sentée e et soutenue publiquement pour le Doctorat de l Universitl

Améliorer l efficacité de votre fonction RH

LA (LES) LOGISTIQUE (S) Qu'est-ce que c'est? Que peuvent faire les pouvoirs publics? Michel VIARDOT WP 24 CEE/ONU mars

Transcription:

L innovation envisagée comme une stratégie «d enracinement» dans le canal de distribution par le prestataire de services logistiques Aline BOISSINOT Attachée Temporaire d Enseignement et de Recherche, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II) CRET-LOG aline.boissinot@univmed.fr Élodie KACIOUI-MAURIN Doctorante à l Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II) - CRET-LOG e.kaciouimaurin@gmail.com Le recours massif aux externalisations de la fonction logistique au sein du canal de distribution a permis l émergence d un nouvel acteur, le prestataire de services logistiques (PSL). Face à l évolution de son métier, quelles peuvent être les stratégies mises en œuvre par ce fournisseur tiers au sein du canal de distribution pour pérenniser son activité? Au cœur d interfaces critiques et multi-acteurs, nous envisageons l innovation comme une stratégie d enracinement mise en œuvre par le PSL pour s ancrer durablement dans la relation tripartite afin de bénéficier des intérêts mutuels de cet échange. Introduction La logistique, considérée jusque dans les années 1980, comme une activité strictement opérationnelle, visant à l optimisation du transport, du stockage, de la production, etc. est désormais au cœur d organisations complexes aux frontières floues (Colin, 2005). Elle se définit comme une «démarche de pilotage et de gestion des flux physiques de marchandises par des flux virtuels d informations associées» (Colin, 2005, p. 138). Le management logistique apporte des réponses aux défis et pressions auxquels le canal de distribution est confronté (pilotage par l aval, différenciation retardée, outsourcing, synchronisation des flux, traçabilité, etc.). Cependant, bien que la logistique soit considérée aujourd hui comme stratégique dans l entreprise, on observe une externalisation croissante des activités dites logistiques. Ce recours massif à un prestataire externe a modifié au cours des 30 dernières années le métier du PSL. Simple exécutant en transport, cet acteur tiers peut être aujourd hui considéré comme un expert, «développeurs de solutions clés en mains» (Roques et Michrafy, 2003, p. 173), participant à l élaboration des schémas logistiques. Les PSL accompagnent la stratégie de recentrage des industriels et des distributeurs sur leurs compétences fondamentales (Roques et Michrafy, 2003). L offre de services du PSL s est donc, «chemin faisant», fortement élargie (Tixier et al., 1983). Il s agit désormais de construire et/ou de co-construire un système d offre globale associant transport et services connexes, créateurs de valeur ajoutée pour l ensemble du canal (Fulconis et Paché, 2005). Ainsi, les PSL, qu ils soient dans une logique d offre ou de demande, devront s adapter aux nouveaux besoins de leurs clients, industriels et distribu- Les auteurs remercient les évaluateurs anonymes de Logistique & Management ainsi que les participants au workshop organisé à Aix-en-Provence pour leurs précieuses remarques Vol. 17 N 2, 2009 7

1 - Source : Baromètre Outsourcing Europe 2008, p. 19 et 20. Cet outil mesure l évolution des comportements et des attentes du marché de la prestation. Il est conduit régulièrement par le cabinet Ernst&Young (1999, 2000, 2001, 2005 et 2008). Afin de permettre une comparabilité dans le temps des données obtenues, la démarche adoptée est similaire selon les années. La population sondée est donc globalement comparable. La base des 220 entreprises sondées est issue du Top de l Expansion, avec sélection des entreprises de plus de 150 millions d euros de chiffre d affaires, pour les grandes entreprises, de la liste de la côte pour les entreprises du Nouveau Marché, d une liste de PME issues de la région Rhône Alpes de plus de 120 millions d euros de CA. Les entretiens se sont adressés aux Présidents Directeurs Généraux ou Directeurs Administratifs et Financiers pour les entreprises du Nouveau Marché ou les PME de la région Rhône Alpes et aux Directeurs Administratifs et Financiers pour les grandes entreprises. teurs, en assemblant des services existants, en développant de nouveaux services personnalisés, ou encore, en standardisant leurs services. Dès lors, ces acteurs seront confrontés à des logiques d innovation, lesquelles pourront se traduire notamment par l introduction d une nouvelle technologie, de nouveaux équipements ou par une réorganisation des processus de construction, reconstruction et exécution de l offre. Ces élargissements de l offre de services logistiques requièrent certaines ressources, compétences et investissements importants. Aussi, face à un environnement concurrentiel mouvant et incertain, les PSL seront enclins à pérenniser leurs relations avec leurs chargeurs afin de rentabiliser sur le long terme les intérêts mutuels de ces échanges. Ainsi, nous envisageons l innovation comme une stratégie d «enracinement» du PSL dans sa relation avec son chargeur. Toutefois le PSL ne doit pas être considéré comme un intermédiaire supplémentaire (Filser et al., 2005) dans le canal de distribution. Il est à l interface entre les industriels et les distributeurs en proposant un «ensemble de composantes modulaires» (Filser et al., 2005, p. 226) telles que le stockage, l approvisionnement, la préparation de commande, etc. pour le compte d un chargeur sans transfert de propriété. L objectif de cette étude conceptuelle est de souligner l importance pour le PSL d envisager sa relation avec son chargeur (l industriel ou le distributeur) sur le long terme. Pour ce faire, il doit distinguer son offre de services par rapport à celle de ses concurrents. L innovation pourra être considérée comme une stratégie visant à s ancrer dans cette relation tripartite. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. Tout d abord, il s agira de revenir sur le recours à l externalisation et l essor des prestataires de services logistiques. Le contour de l activité logistique défini, nous aborderons dans un second temps, la théorie de l enracinement en vue d expliquer en quoi l innovation peut être considérée comme une stratégie du PSL visant à s inscrire dans une relation durable avec son chargeur. Recours a l externalisation et essor des PSL L émergence des PSL s explique par le désengagement, des industriels et des distributeurs, d activités jugées «périphériques» et par un recentrage sur leur cœur de métier, les activités jugées «essentielles» (Paché et Sauvage, 2005). En externalisant la fonction distribution /logistique/entreposage, les entreprises souhaitent tout à la fois réduire leurs coûts et augmenter leur productivité (49 % des cas en 2008), avoir une meilleure qualité de services et des expertises spécialisées (33 % en 2008), accroître leur flexibilité (25 % en 2008) 1. De ce fait, l industrie de la prestation de services logistiques s est fortement développée au cours des 30 dernières années, stimulée par les développements simultanés de l offre et de la demande de services logistiques (Berglund et al., 1999). Nous abordons ici les explications et les évolutions du recours à l externalisation d activités jusque là réalisées en propre afin de mieux comprendre ensuite l évolution des contours de la prestation de services logistiques. Recours à l externalisation L externalisation peut se définir comme «le recours à un prestataire externe, pour une activité qui était jusqu alors réalisée au sein de l entreprise. Il s accompagne fréquemment d un transfert de ressources matérielles et/ou humaines vers un prestataire chargé de se substituer aux services internes dans le cadre d une relation de moyen ou long terme» (Barthélemy, 2000, p. 24). L externalisation peut alors être entendue comme «un processus dans lequel deux organisations au moins forment au cours du temps des liens puissants et étendus, de types social, économique, de service et technique, dans le but de réduire les coûts et/ou d augmenter la valeur reçue et ainsi d en tirer un bénéfice mutuel» (Anderson et Narus, 1991, p. 96). Dans un premier temps, seules les activités dites annexes ou supports ont été externalisées, telles que les fonctions administratives et de saisie. Ces dernières ne sont pas considérées comme créatrices de valeur et faiblement maîtrisées en termes de coûts et de performance. Mais elles restent toutefois indispensables au fonctionnement de l entreprise (Quélin, 2003). Dans un second temps, face à un environnement toujours plus complexe, mouvant et incertain, les externalisations ont progressivement porté sur des activités dites stratégiques telles que la logistique, l informatique ou la R&D (Barthélemy, 2003). Les recours massifs à des prestataires externes ont ainsi accompagné les mouvements de recentrage sur le cœur de métier des entreprises. Cepen- 8 Vol. 17 N 2, 2009

dant, la finalité de l externalisation d activités supports diffère de celles jugées stratégiques. Dans le premier cas, l externalisation est souvent un moyen de réduire les coûts. Alors que pour le second, les externalisations stratégiques, les organisations cherchent des spécialistes leur permettant d atteindre leurs objectifs mais également, de se réorganiser. Nous observons aujourd hui un double mouvement dans le recours à l externalisation (Baromètre Outsourcing, 2005), la stabilisation du taux de recours à l externalisation, autour de 65% des entreprises, et dans le même temps, la croissance du nombre de fonctions externalisées. Aujourd hui, les fonctions supports telles que les services généraux restent les fonctions les plus touchées par les externalisations (76% des entreprises font appel à des prestataires pour effectuer les tâches d entretien, de restauration, de maintenance ou de gestion documentaire [Baromètre Outsourcing, 2008]). La fonction transport, la logistique et la distribution représente la deuxième fonction la plus externalisée par les entreprises françaises (68 % des entreprises ne gèrent plus cette activité en propre [Baromètre Outsourcing, 2008]). Le détail de l externalisation de la fonction logistique est établi dans la figure 1. L externalisation massive des activités logistiques a notamment permis l essor d un nouveau type d acteur : le prestataire de services logistiques. Qu il soit dans une logique d offre ou de demande, les contours de la prestation de services logistiques ont évolué, allant du «simple» transport de marchandises à la mise en œuvre de services complexes à forte valeur ajoutée. L évolution du recours à l externalisation a progressivement modifié le métier des PSL. L essor des PSL Il n existe pas de consensus dans la littérature sur la définition d un PSL. C est pourquoi, nous reprenons ici les définitions largement mobilisées dans les travaux académiques traitant des PSL et des «Third-Party Logistics» (notés 3PL ou TPL). Ce dernier terme semble aujourd hui être le terme dominant la littérature (Berglund et al., 1999). Les fournisseurs tiers de prestations de services logistiques sont des fournisseurs externes «qui managent, contrôlent et réalisent des activités logistiques pour le compte d un chargeur» (Hertz et Alfredsson, 2003, p. 140). Ainsi, les PSL peuvent être définis comme des entreprises qui «exécutent des Figure 1 : L externalisation de la fonction logistique Source : Baromètre Outsourcing, 2008, p. 15. «activités logistiques pour le compte d entreprises tiers» (Delfmann et al., 2002, p. 204). Les «activités effectuées par un PSL pour le compte d un chargeur [..] sont constituées, au moins, de la gestion et de l exécution du transport et de l entreposage [ ]. De plus, d autres activités peuvent être incluses, par exemple la gestion de stock, les informations liées aux activités, comme le tracking et le tracing, des activités à valeur ajoutée, comme l assemblage secondaire et l installation de produits ou même le management de la supply chain» (Berglund et al., 1999, p. 59). Les définitions des contours de la prestation logistique démontrent l étendue des compétences des PSL ainsi que leurs champs d action. Nous pouvons identifier trois vagues successives d évolution de la prestation de services logistiques (Berglund et al., 1999). Les années 1980 ont vu émerger ce que l on pourrait nommer aujourd hui les «PSL traditionnels», entreprises issues du transport et de l entreposage, tels que Norbert Dentressangle, détaillé dans l encadré 1. Ces PSL ont dû «se réorganiser et repenser leurs services en fonction de la centralisation croissante de leurs donneurs d ordres» (d Hauteville et Green, 2000, p. 190). Dans les années 1990, de nouveaux acteurs font leur apparition et étoffent l offre de services sur le marché. Ce sont les «network players» tels que les définissent Berglund et al. en 1999, entreprises internationales spécialisées dans l express, tels que TNT, UPS ou encore DHL, détaillé dans l encadré 2. Enfin, dès la fin des années 1990, de nouveaux acteurs font leur entrée dans l industrie de la prestation de services logistiques en dévelop- Vol. 17 N 2, 2009 9

pant des solutions complexes liées aux technologies de l information, aux services financiers ou encore aux activités de consulting, tels que Géodis, Kuehne et Nagel, Stef-Tfe, détaillé dans l encadré 3. Dès lors, face à une concurrence exacerbée entre les PSL, aux pressions législatives, environnementales, etc., innover permet de maintenir un avantage concurrentiel visant à déstabiliser les concurrents mais aussi à apporter une réponse de plus en plus fine aux besoins plus complexes des clients. Innover Encadré 1 : Norbert Dentressangle Entreprise familiale, s il en est, issue du transport, ce prestataire a su développer une expertise forte dans les secteurs textile, alimentaire, biens de consommation, grande distribution, etc depuis sa création en 1979. Dans les branches transport et logistique du groupe leader en France, des opérations de stockage, magasinage, gestion de stock, préparation de commande, côtoient des activités à valeur ajoutée telles que la facturation pour compte client, la réalisation d inventaire ou encore la logistique de retour. Sources : Logistiques Magazine, 2008, «Top 100 des PSL», n 234-235. Encadré 2 : DHL Prestataire de services logistiques généraliste, DHL a réalisé en 2007, 210 M d de chiffre d affaires dans le secteur de la grande distribution soit plus de 50% de son chiffre d affaires total. Le groupe jouit d une position privilégiée à l interface entre enseignes généralistes et spécialisées telles que Carrefour, Auchan, Brico Dépôt, Zara Home, et fournisseurs de la grande distribution tels que Lever-Fabergé, Kellogg s, Coca-Cola, etc. Ce prestataire développe des solutions sur mesure et dédie des ressources pour certains de ses clients. C est notamment le cas pour Blédina, où DHL a dédié une équipe de 6 personnes dans son entrepôt multiclients de Lomme (59), pour assurer la préparation de conteneurs à destination des marchés d Europe de l Est, d Afrique et du Moyen Orient. Par ailleurs, DHL a équipé 6 entrepôts dédiés à l enseigne Metro Cash & Carry en France de portiques de lecture RFID. Ainsi, le prestataire poursuit des projets à forte dimension technologique visant à fidéliser sa clientèle et à se différencier de ses concurrents par la mise en œuvre d innovations. Sources : Logistiques Magazine, 2008, «DHL Exel Supply Chain gère la crise», n 234-235, pp. 97-99 Encadré 3 : STEF- TFE Stef-Tfe est le principal prestataire logistique de produits agroalimentaires frais et surgelés. Ce prestataire est spécialisé dans la maîtrise de la chaîne du froid et offre une capacité d entreposage de 5.400.000 m² à température dirigée (répartie dans le tempéré à +15 /+18, dans le frais +2 /+4, dans le surgelé à 18 /-21 ). La concentration des acteurs (des industriels et des enseignes), la pression accrue des clients (plus de services, fréquence de livraison accrue, augmentation du nombre de références, diminution des stocks), la réglementation renforcée qui nécessite des investissements notamment pour la traçabilité, obligent le prestataire Stef-Tfe à être toujours plus performant. De plus, leader sur le marché de la prestation sous température dirigée, Stef-Tfe doit faire face à la concurrence des prestataires généralistes et chercher des gains de productivité à travers l innovation de services (mise en place de la RFID, recherche de solution alternative au transport routier, activité de conseil, etc.). Ainsi, Stef Tfe a mis en place une solution adaptée au besoin de son client Auchan. Au sein de ses trois plateformes de cross-docking, le PSL a mis en place la préparation vocale afin de livrer en produits frais 48 magasins du distributeur. Cette solution permet de préparer l intégralité des flux le jour même, tout en réduisant les coûts. Sources : Supply Chain Magazine, www.supplychainmagazine.fr/toute-info/archives/scm024/appelsoffre24.pdf, mai 2008, consulté en janvier 2009. tant dans l offre de services que dans la manière de mettre en œuvre et de réaliser le service permet de modifier les règles du jeu concurrentiel. La construction, l exécution et la reconstruction d offres innovantes créatrices de valeur pour les entreprises sont donc au cœur des stratégies des PSL. D autant que les évolutions technologiques poussent les PSL à innover (exemples : EDI, RFID, Internet, WMS, TMS, ERP, etc.). De même, la durée des contrats (3 ans en moyenne) de prestations de services logistiques (Paché et Sauvage, 2005) contraint les PSL à se remettre en question et proposer des services toujours plus innovants et personnalisés. L innovation apparaît alors comme une stratégie permettant au PSL de s ancrer durablement dans la relation entre l industriel et la grande distribution. L innovation envisagée comme une stratégie d enracinement : vision du PSL Cette seconde partie vise à comprendre et à illustrer les stratégies développées par les PSL à la lumière de la théorie de l agence sous la perspective de l enracinement. L innovation est envisagée, dans un premier temps comme une stratégie mise en place par les PSL afin de s enraciner. Dans un second temps, elle est illustrée au travers deux exemples issus de la presse professionnelle. La théorie de l enracinement Le PSL réalise de plus en plus d investissements pour le compte du distributeur ou de l industriel, tant en «marketing ou en logistique pour développer la gestion partagée des approvisionnements (GPA) ou les services de merchandising et de marketing [qui] aboutissent à une quasi sous-traitance de la part des distributeurs» (Lepers, 2003, p. 86). De la sorte, les PSL se rendent de plus en plus indispensables auprès des distributeurs en possédant conjointement les ressources et les compétences logistiques pour réaliser ces activités. La conséquence directe de ces investissements est «l allongement de la durée des projets communs» (Lepers, 2003, p. 87). Effectivement, compte tenu des coûts de changement prohibitifs, les parties prenantes auront tout intérêt à pérenniser leur relation d échange. Dans la perspective de rentabiliser les investissements, le PSL va tenter de maintenir une relation à long terme et de la pérenniser avec 10 Vol. 17 N 2, 2009

son chargeur. La relation qui se lie entre un chargeur et un PSL peut s étudier selon la théorie de l agence (Sauvage 1997, Chanson 2003). En effet, le chargeur (le principal) contractualise avec un PSL (l agent) pour que ce dernier réalise un contrat signé au préalable. A partir de ce contrat, le PSL est engagé à atteindre des objectifs, tels que l augmentation de la productivité, diminution des coûts, augmentation de la rotation des stocks, etc. La compréhension des stratégies de l agent peut toutefois être complétée par la théorie de l enracinement. Celle-ci se base sur la théorie de l agence (Eisenhardt, 1989) afin de comprendre les différentes relations de pouvoir existantes au sein de la relation agent principal. L enracinement se distingue de l encastrement, notion clé introduite par Granovetter (1985), dans le sens où l encastrement permet d analyser les comportements (et les institutions) en prenant en compte les relations sociales courantes qui exercent, sur eux, de très fortes contraintes. La théorie de l enracinement quant à elle, vise à expliquer «les moyens par lesquels les dirigeants des entreprises [ ] réussissent à se pérenniser à leur poste» (Medina, 2006, p. 35). Pour cet auteur, l enracinement de l agent est un processus qui se décompose en trois temps : la valorisation de la relation, l enracinement positif et l enracinement incrusté. La valorisation de la relation consiste pour un PSL à faire en sorte que son agent soit satisfait de sa relation. «De cette façon, dans la mesure où B [le PSL] exécute efficacement les activités qui lui ont été assignées grâce à ses capacités, la firme A [le chargeur] aura une perception positive à l égard de la relation, et pourra commencer à la valoriser» (Medina, 2006, p. 88). La valorisation a pour objectif le partage de la valeur créée, la prolongation du contrat, ainsi que la pérennisation du contrat entre le PSL et son chargeur. L enracinement positif survient «lorsque la firme A (et peut-être également la firme B) prend la décision de rechercher une pérennisation de la relation, elle doit, après le stade de valorisation, mettre en place des stratégies d enracinement pouvant garantir à long terme des pouvoirs dans la relation» (Medina, 2006, p. 89). Ces stratégies d enracinement peuvent se traduire par la mise en œuvre d actifs spécifiques ou de stratégies informationnelles visant à développer l expertise du fournisseur tiers. Le PSL devient indispensable au fonctionnement de l entreprise en élargissant son offre de services (Fulconis et Paché, 2005, p. 173). Enfin, l enracinement incrusté se développe lorsque les deux organisations deviennent interdépendantes, leur pouvoir devrait s équilibrer. «Cependant, si les effets des stratégies d enracinement déployées dans la relation ne parviennent pas à équilibrer le rapport des pouvoirs à long terme, [ ], des conflits de plus en plus graves pourraient apparaître et provoquer la fin de la relation» (Medina, 2006, p. 93). La figure 2 illustre les étapes de l enracinement telles que nous venons de les définir. Si la théorie de l enracinement nous permet de nous rendre compte des enjeux liés à la pérennisation de la relation pour le PSL, elle nous renseigne également sur l intérêt du chargeur à voir sa relation s inscrire durablement dans le temps avec son fournisseur. En effet, la volonté du PSL de s enraciner dans cette relation, provoquera la satisfaction du chargeur dans la réalisation du service sous-traité. A terme, le PSL pourrait détenir exclusivement des compétences, des savoir-faire spécifiques qui pourraient exposer le distributeur à des risques liés à la perte de contrôle et de pouvoir. Nous proposons alors de nous intéresser à l innovation comme une stratégie du PSL (l agent) pour s enraciner positivement dans sa relation avec son chargeur (le principal). L innovation : Des offres diversifiées proposées par les PSL Afin d envisager l innovation comme une stratégie d enracinement, nous devons démontrer que les PSL peuvent être en situa- Figure 2 : Les étapes de l enracinement de la relation entre le PSL et son chargeur Source : adaptée de Medina, 2006, p. 134. Vol. 17 N 2, 2009 11

tion d innovation. L innovation est entendue ici comme l introduction d une nouvelle offre, de nouvelles technologies sur des nouveaux marchés et/ou auprès de nouveaux chargeurs pouvant impliquer une réorganisation des processus ou encore une évolution significative du métier du prestataire. Par ailleurs, la dimension inter-organisationnelle est une caractéristique intrinsèque de la prestation de services logistiques. En effet, les PSL peuvent co-construire, co-concevoir ou encore co-réaliser leurs offres en interaction, plus ou moins étroite, avec leurs chargeurs. L exploration des typologies des PSL présentes dans la littérature nous permet ainsi, de démontrer que les PSL combinent différentes situations d innovation. Leur synthèse nous permet d identifier trois critères distinguant les PSL : le degré de complexité des prestations réalisées, le degré de différenciation de l offre et le degré de maîtrise du processus par le PSL. Le degré de complexité renvoie à l étendue et à la valeur ajoutée des prestations du PSL. En effet, les services logistiques se sont considérablement développés allant du «simple» transport, «l opérationnel pur» (Berglund et al., 1999, p. 66), à la mise en œuvre de solutions complexes pouvant inclure le service après-vente ou encore le marketing direct, la facturation et les activités de consulting (Delfmann et al., 2002). Les services peuvent être en outre standardisés, assemblés («bundling») ou hautement personnalisés («customisés») (Delfmann et al., 2002). La variété des situations rencontrées par les PSL tend à prouver que ces derniers sont susceptibles de combiner différentes situations d innovation. Geodis est un excellent exemple de PSL d abord focalisé sur une activité de transport et qui a su ensuite élargir son offre de service, en direction du secteur automobile, en réalisant des activités créatrices de valeur telles que le co-manufacturing (Fulconis et al., 2008). Pour cette activité singulière, le PSL prend en charge la gestion des approvisionnements des pièces, assemble les modules en fonction des commandes des clients pour les livrer à l équipementier. Le degré d adaptation au client ensuite, fait référence au fait que les PSL peuvent développer et mettre en œuvre des services en réponse aux besoins et à la demande du client, ou pas (Hertz et Alfredsson, 2003, p. 141). Dans le premier cas, ils se trouveraient dans une logique de demande. Dans le second, ils seraient dans une logique d offre. La capacité du PSL à s adapter au client, ou pas, nous renseigne sur le degré d interaction plus ou moins étroit entre le PSL et son client dans la construction et/ou la co-construction du service. La GMA (Gestion Mutualisée des Approvisionnements) témoigne de la capacité des PSL à développer des offres de services logistiques structurantes pour le compte de plusieurs industriels et/ou plusieurs distributeurs. Dans cette démarche, les industriels se regroupent afin de livrer sur une même palette des produits différents à un ou plusieurs distributeur(s). Pour réaliser cette prestation, le PSL va investir dans des actifs spécifiques afin de proposer des solutions toujours plus adaptées aux besoins de ses interlocuteurs (GMA en répartition fixe ou variable). Le degré de maîtrise du processus par le PSL enfin, illustre le fait que les PSL peuvent réaliser en propre le service ou sous-traiter tout ou partie de la prestation. Persson et Virum (2001) classifient les PSL en fonction de la possession d actifs et du type de réponse apportée aux clients. Ainsi, ils identifient quatre types de PSL qu ils soient des opérateurs logistiques ou des TPL, des agents ou des intégrateurs. Les PSL «dématérialisés», tels que définis dans la littérature (Fulconis et Paché 2005), vont développer un savoir-faire et une expertise en termes de pilotage, d assemblage et de réassemblage de chaînes logistiques. Les typologies de PSL présentes dans la littérature démontrent l étendue des compétences des acteurs sur ce secteur et la variété des situations rencontrées. Dans un secteur fortement concurrentiel et incertain, comme l est le secteur de la prestation de services logistiques, la création de nouvelles offres ainsi que leur différenciation sont des leviers de performance et de profit pour les acteurs du marché (Selviaridis et Spring, 2007, p. 133). L innovation peut donc être envisagée comme une stratégie de différenciation de l offre de services, plus ou moins radicale. La mise en œuvre de stratégies complexes et diversifiées semble être une réponse apportée par le PSL pour s enraciner durablement dans la relation avec son chargeur. Dès lors, il existe de réels enjeux à l innovation de services chez les PSL. La nécessité d innover peut se traduire chez ces acteurs par l uniformisation et la standardisation de services et de processus, stratégiques dans le cas de groupes internationaux ou multidivisionnels («Standard TPL provider», Hertz et Alfredsson, 2003) ; par l exécution et/ou l extension de cette offre 12 Vol. 17 N 2, 2009

existante («Customer adapter», Hertz et Alfredsson, 2003), par l introduction d une nouvelle technologie par exemple ; ou encore par le nouvel assemblage créé à partir de services et de solutions existants («Bundling LSP», Delfmann et al, 2002) ; et enfin, par la conception d offre de services dédiés, construits en interaction plus ou moins étroite avec le client («Customer developper», Hertz et Alfredsson, 2003). Tous ces éléments issus de la littérature nous démontrent que les PSL peuvent mener des stratégies d innovation, de nature et de degré différents. Ces innovations peuvent porter sur le service offert ou sur le procédé de réalisation de ce service. Ou bien encore sur le degré d intensité du changement introduit par l innovation. Notons enfin que les PSL peuvent mener simultanément ces différents types d innovation. L enracinement mis en acte Après avoir décrit les évolutions de la prestation de services logistiques et compris en quoi l innovation pouvait être considérée comme une stratégie d enracinement, cette partie vise à démontrer l intérêt de notre proposition théorique dans le cadre des relations entre industriels, PSL et distributeurs au sein du canal de distribution. En effet, l innovation peut être envisagée comme une stratégie du PSL afin de pérenniser son activité dans le canal. A l interface entre l industriel et le distributeur, le PSL a tendance aujourd hui à développer des services entièrement personnalisés visant à s incruster entre l industriel et le distributeur. La dimension inter-organisationnelle de cette triade, due pour tout ou partie au caractère intrinsèque de la prestation de services logistiques, est particulièrement forte. Dans le secteur de la grande distribution, on observe une concurrence exacerbée intra et inter-type due en partie au manque d innovation majeure dans les formats de vente (super, hyper et hard discount) (Filser et Paché, 2008). Désormais, les bouleversements s opèrent en amont des points de vente. Les services logistiques ont donc une place centrale. La concentration des détaillants, l internationalisation des réseaux de vente, la mondialisation des sources d approvisionnement et enfin, la recherche de gains de productivité créent de nouvelles opportunités pour les PSL (Filser et Paché, 2008). Cette partie est le fruit d une revue de presse professionnelle nous permettant de distinguer des activités relevant, selon nous, des stratégies d innovation visant l enracinement incrusté du PSL dans sa relation avec l industriel(s) et le(s) distributeur(s). Ces illustrations se feront au travers de la mise en place d une technologie (RFID) et de la mise en œuvre de nouveaux schémas logistiques (GMA). Dans le premier cas, détaillé dans l encadré 4, il s agit d une innovation technologique conjointement menée par un industriel, Bénédicta, et un PSL, FM Logistic, visant à mettre en œuvre une boucle Radio Frequency IDentification semi-ouverte. La mise en place du projet pilote a permis de mettre en œuvre des actifs spécifiques visant à développer l expertise du PSL et à anticiper les évolutions technologiques en cours. A la lumière des éléments conceptuels développés précédemment, nous envisageons ce projet, supporté par la mise en œuvre d une nouvelle technologie, comme une stratégie d enracinement positif du PSL. Cette innovation technologique traduit la capacité du PSL à développer une offre de service personnalisée ayant un degré élevé de complexité, pour laquelle le PSL détient la maîtrise totale du processus. Cela démontre également la volonté du fournisseur tiers de se différencier de ses concurrents en jouant, comme le souligne le directeur général d FM Logistic, un «rôle de pionnier et d aiguillon» auprès de leurs clients. De plus, la réalisation de ce projet a permis de fédérer les différents acteurs vers un objectif commun. Cependant, les distribu- Encadré 4 : Bénédica et FM Logistic : une boucle RFID semi-ouverte En octobre 2006, Bénédicta et le prestataire FM Logistic ont souhaité mettre en œuvre de manière concrète la RFID en boucle semi-ouverte entre l usine de l industriel située à Seclin (59) et l entrepôt du PSL situé à Longueil Ste Marie (60). En termes de flux physiques, ce projet pilote concerne 3500 palettes. La mise en place de ce projet a été motivée par la volonté commune d améliorer la productivité et la fluidité des opérations dans l entrepôt, d accroître la fiabilité des opérations de contrôle et de traçabilité des produits, et un renforcement de la sécurité alimentaire. Ce pilote a nécessité un investissement de 70 000 pour chacun des acteurs du projet. Celui-ci est considéré comme une solution innovante dans le sens où il s agit là d une des premières applications de ce type entre un industriel et un PSL. Ce projet renforce l image de spécialiste de la grande distribution d FM Logistic dont les principaux clients en France sont Cora, Henkel, Kraft Foods et Unilever. A l échelle du groupe, ses principaux clients sont Auchan, Carrefour, HP, Masterfoods et Unilever. Début 2008, les premiers gains du pilote ont été perçus : 100% de fiabilité de lecture en réception sur tous les produits, une compatibilité des outils de gestion d entrepôt du prestataire avec la technologie RFID ainsi qu un gain de temps de 13 secondes/palette réceptionnée sur l ensemble du processus. Sources : Logistiques Magazine, 2007, «Bénédicta et FM Logistic testent un pilote RFID», n 217, pp. 34-37. Supply Chain Magazine, 2007, «Bénédicta et FM Logistic. La RFID en boucle semi-ouverte», n 15, pp. 24-25. Supply Chain Magazine, 2008, «FM Logistic/Bénédicta-RFIDEA. FRID, la mayonnaise prend!», n 21, pp. 34-35. Vol. 17 N 2, 2009 13

Encadré 5 : HeCoRe HeCoRe, créé en 2006, est mis en œuvre par K+N sur deux sites en France, Savigny-le-Temple (77) et Saint Quentin-Fallavier (38). Le prestataire, l un des leaders mondiaux du secteur, stocke pour le compte des trois industriels (Henkel, Colgate et Reckitt-Benckriser) quelques 60 000 palettes pour l ensemble des sites. Cette démarche, s inscrit dans la volonté de mettre en place une supply chain «verte». Face aux contraintes environnementales et aux besoins des distributeurs d être livrés plus fréquemment afin d augmenter le taux de disponibilité des produits, la mutualisation des moyens logistiques est une solution innovante. Cette solution permet une diminution de 20 % du nombre de véhicules nécessaires. Cela contribue à l amélioration de l image des acteurs concernés. Par ailleurs, pour les industriels, il va s agir d optimiser les bâtiments et les camions nécessaires tout en augmentant leur productivité. Pour les distributeurs, les gains attendus sont une meilleure disponibilité des produits en linéaire et une réduction des stocks. Sources : Supply Chain Magazine, 2007, «Trois industriels mutualisent leurs flux», n 11, pp. 6. Observatoire Partenarial Lyonnais en Economie, 2009, «Développement Durable et logistique», cahier n 9, 12p. teurs ne sont pas encore impliqués dans ce projet même s ils bénéficient directement des gains de ce pilote. Nous supposons alors que compte tenu de la volonté de l industriel et du PSL d ouvrir la boucle RFID jusqu aux distributeurs, à terme, les acteurs de cette triade pourraient se retrouver en situation d interdépendance mutuelle. Aussi, les pouvoirs s équilibreront et la relation entretenue par le PSL au sein du canal de distribution sera incrustée. Dans le deuxième cas étudié, détaillé dans l encadré 5, il s agit d une innovation organisationnelle développée par l ensemble des acteurs du canal de distribution : la gestion mutualisée des approvisionnements (GMA) ou pooling comme évoquée dans la section sur l'innovation. Ce programme de mutualisation dénommé HeCoRe regroupe les industriels Henkel, Colgate et Reckitt-Benckriser et est mis en œuvre par le PSL Kuehne + Nagel. La mise en place de cette solution permet de mettre en commun tant les moyens physiques (entrepôt, camion, etc.) qu organisationnels consacrés à la gestion des approvisionnements. Ainsi le PSL devient l interlocuteur unique de l industriel et du distributeur pour gérer les flux physiques (d approvisionnements et de retours). La mise en place de la GMA est un processus long, coûteux (il faut s assurer de la compatibilité des produits fréquence volume client des différents industriels) et qui nécessite la construction d entrepôts dédiés. Ces investissements permettent au PSL de s inscrire dans une phase d enracinement positif. A terme, les acteurs de ce nouveau schéma logistique pourraient se retrouver dans une situation d interdépendance mutuelle. Le PSL par son expertise et sa maîtrise totale du processus pourrait s incruster dans cette relation tripartite. Conclusion L innovation pour un PSL est un moyen de différenciation et de déstabilisation du jeu concurrentiel. Cette différenciation de l offre de services logistiques peut se traduire d une part, par des modes opératoires ou des équipements visant à accroître les performances des acteurs de la chaîne logistique et à rendre ainsi plus attractifs les modèles organisationnels déployés. D autre part, les PSL peuvent se différencier par leur volonté d intégrer dans leur stratégie de développement les préoccupations environnementales et d accompagner leur client dans des démarches dites «vertes». Nous pouvons mettre en avant les initiatives de certains acteurs comme DHL, Géodis ou encore FM Logistic. Le premier a obtenu une certification ISO 14000. Le second a créé une direction spécifique aux problématiques environnementales. Le troisième enfin, a doté ses entrepôts de cellules photovoltaïques. Ainsi, face aux pressions environnementales et réglementaires de plus en plus fortes, les PSL vont pouvoir prendre de nouvelles initiatives dans le cadre du développement logistique s inscrivant dans une démarche «verte». Dès lors, le PSL pourra déployer de nouveaux savoir-faire à valeur ajoutée, permettant une différenciation concurrentielle, tout en s adaptant aux besoins de ses clients. Les PSL vont devoir soutenir le dynamisme du secteur en permettant aux industriels de trouver des solutions flexibles et de rendre variable leurs coûts. Ils devront également être à la recherche d une massification des flux permettant d une part de réaliser des économies d échelle et d autre part de réduire les impacts environnementaux. Cette communication théorique a pour objectif de démontrer que le PSL met en œuvre des stratégies d innovation visant à s ancrer durablement dans sa relation avec son chargeur. Ce travail, nous permet d envisager différemment le rôle du PSL et les enjeux de l innovation dans le domaine des services logistiques au sein du canal de distribution. Première étape de travaux de recherche futurs, cette communication permet d envisager des pro- 14 Vol. 17 N 2, 2009

longements prometteurs. Aussi, suivant une méthodologie qualitative, des études de cas pourront être réalisées afin d explorer différentes situations d innovation chez les PSL au sein du canal de distribution. Ces études nous permettront de définir les processus d innovation tant au niveau intra qu inter-organisationnel. Bibliographie Anderson J., Narus J., (1991), Partnering as a Focused Market Strategy, California Management Review, Spring, vol 33 Issue 3. pp. 95-114. Baromètre Outsourcing, (2005), Pratiques et tendances du marché de l externalisation en France, réalisé par le cabinet Ernst & Young. Baromètre Outsourcing Europe, (2008), De l externalisation à la fragmentation des entreprises, réalisé par le cabinet Ernst & Young. Barthélemy J., (2000), L outsourcing : analyse de la forme organisationnelle et des ressources spécifiques externalisées : test d un modèle issu de la théorie des coûts de transaction et de l approche par les compétences, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Ecole des Hautes Etudes Commerciales. Barthélemy J., (2003), Stratégie d externalisation, Dunod, coll. Stratégies et Management. Berglung M., Van Laarhoven P., Sharman G., Wandel S., (1999), Third Party Logistics: is there Future?, International Journal of Logistics Management, vol 10 n 1, pp. 59-70. Chanson G., (2003), Externalisation et performance dans la relation client-prestataire, Revue Française de Gestion, n 143, pp. 43-54. Colin J., (2005), Le supply chain management existe-t-il réellement?, Revue française de gestion, n 156, pp. 135-149. D Hauteville F., Green R., (2000), Internationalisation de la distribution : la logistique comme source d avantage concurrentiel?, Economies et Sociétés, Série «Systèmes agroalimentaires», AG, n 24, pp. 187-198. Delfmann W., Albers S., Gehring M., (2002), The Impact of Electronic Commerce on Logistics Service Providers, International Journal of Physical Distribution & Logistics Management, vol 32 n 3, pp. 203-222. Eisenhardt K., (1989), Agency Theory: an assessment and review, Academy of Management Review, vol.14 n 1, pp. 57-74. Filser M., Des Garets V., Paché G., (2005), La Distribution : organisation et stratégie, Editions EMS. Filser M., Paché G., (2008), La Dynamique des canaux de distribution. Approche théorique et rupture stratégique, Revue Française de Gestion, n 182, pp. 109-133. Fulconis F., Roveillo G., Paché G., (2008), Le transport, parent pauvre ou pièce maîtresse des schémas d approvisionnements contemporains?, Les Cahiers Scientifiques du Transport, n 54, pp. 25-48. Fulconis F., Paché G., (2005), Piloter des entreprises virtuelles. Quel rôle pour les prestataires de services logistiques?, Revue Française de Gestion, n 156, pp. 167-186. Gosse B., Sargis-Roussel C., Sprimont P-A., (2002), Les changements organisationnels liés aux stratégies d externalisation, Finance Contrôle Stratégie, vol 5 n 1, pp. 101-128. Granovetter M., (1985), Economic Action and Social Structure : the Problem of Embeddedness, American Journal of Sociology, vol 91 n 3, pp. 481-510. Hertz S., Alfredsson, M., (2003), Strategic Development of Third-Party Logistics Provider, Industrial Marketing Management, n 32, pp. 139-149. Lepers X., (2003), La relation d échange fournisseurs-grand distributeur : vers une nouvelle conceptualisation, Revue Française de Gestion, n 143, pp. 81-94. Medina P., (2006), La pérennisation de la relation entre un chargeur et son prestataire logistique. Une explication par la contextualisation de l enracinement, Thèse en Sciences de Gestion pour l obtention du Doctorat, Université de La Méditerranée, Aix-Marseille II, mars. Paché G., Sauvage T., (2005), La Logistique, Enjeux stratégiques, Vuibert Edition, 3 e Edition. Persson G., Virum, H., (2001), Growth Strategies for Logistics Service Providers: a Case Study, The International Journal of Logistics Management, vol 12 n 1, pp. 53-64. Quélin B., (2003), Externalisation stratégique et partenariat de la firme patrimoniale à la firme contractuelle?, Revue Française de Gestion, vol 29 n 143, pp 13-26. Vol. 17 N 2, 2009 15

Roques T., Michrafy M., (2003), Logistics Service Providers in France-2002 Survey: Actors Perceptions and Changes in Practices, Supply Chain Forum: an International Journal, vol 4 n 2, pp. 34-52. Sauvage T., (1997), Vers une conceptualisation de la relation d agence entre les institutions du canal de distribution: application à la relation prestataire logistique-client, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université de la Méditerranée, Aix-Marseille II, novembre. Selviaridis K., Spring M., (2007), Third Party Logistics: a Literature Review and Research Agenda, The International Journal of Logistics Management, vol 18 n 1, pp. 125-150. Tixier D., Mathe H., Colin J., (1983), La logistique au service de l entreprise. Moyens, mécanismes et enjeux, Dunod. 16 Vol. 17 N 2, 2009