INTUBATION TRACHÉALE Christian LAPLACE



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Transcription:

INTUBATION TRACHÉALE Christian LAPLACE Réanimation Chirurgicale - CHU Bicêtre

Pourquoi intuber? Pour protéger les voies aériennes en cas de troubles de la conscience Pour protéger les voies aériennes et assurer la ventilation sous anesthésie générale ou sédation profonde Pour assister la ventilation d un patient en détresse respiratoire et/ou circulatoire

Quels sont les risques? L intubation difficile Les traumatismes: dentaires, pharyngo-laryngés, trachéaux L inhalation bronchique L hypoxémie L arrêt cardiaque L intubation impossible

Intubation difficile Plus de 2 laryngoscopies effectuées par un anesthésiste Expérimenté dans les conditions optimales ou plus de 10 min nécessaire à la réalisation de l intubation ou une laryngoscopie effectuée par au moins 2 anesthésistes avant le succès d intubation.

Critères d intubation difficile Classification de Mallampati Classe 1 - luette et loges amygdaliennes vues Classe 2 - luette partiellement visible Classe 3 - seul le palais membraneux est visible Classe 4 - seul le palais osseux est visible

Critères d intubation difficile Classification de Mallampati Classe 1 - luette et loges amygdaliennes vues Classe 2 - luette partiellement visible Classe 3 - seul le palais membraneux est visible Classe 4 - seul le palais osseux est visible Mobilité du rachis cervical : Distance thyromentonnière < 6 cm Mobilité de l articulation atloïdo-occipitale Ouverture de bouche < 35 mm Rétrognathie Pathologie cervico-céphalique : radiothérapie, cicatrice, hématome Incisives supérieures proéminentes

Et en traumatologie Trauma du rachis cervical : 2 à 6 % des polytrauma Minerve Position non optimale Saignement, sécrétions

Comment fait-on?

Préparation Aspiration forte prête et vérifiée, à proximité Ballon souple avec arrivée d oxygène branchée Masque facial adapté au patient Plateau d intubation complet (piles du laryngoscope!) Sondes d intubations de calibres variés Voie veineuse fiable et soluté disponible Accès aisé aux dispositifs «de secours» (Eschmann ) Chariot d urgence Respirateur vérifié

Plateau d intubation

Préoxygénation

Comparaison de différents modes de Pré-O 2 PaO2 (mmhg) Avant PaO2 après préoxygénation Durée (min) d apnée SpO2 95% Vt x 3 min O2 : 5L/min 95 392 3,73 4 CV 30s O2 : 5L/min 87 256 4 CV 30s O2 : 10L/min 90 286 2,78 4 CV 30s O2 : 20L/min 91 317 8 CV 60s O2 : 10L/min 92 369 5,21

Installation optimale Coussin sous l occiput Alignement des axes buccal, pharyngé et laryngé = visualisation glottique Interdit en cas de traumatisme

Mouvements du rachis pendant la laryngoscopie C1-C2 C0-C1

Intubation orotrachéale et évolution neurologique 1 cas clinique de tétraplégie après ventilation au masque facial et intubation trachéale Fracture de C6-C7 Aucune mesure de prévention n avait été prise Hastings et al. Anesthesiology 1993

Immobilisation cervicale Minerve vs stabilisation manuelle Stabilisation manuelle Minerve rigide Déplacement en % de l épaisseur de C5 Rotation en 12 10 8 6 4 2 * 3 2 1 Subluxation Distraction Rotation Gerling et al. Ann Emerg Med 2000

Immobilisation cervicale et visualisation glottique Grade laryngoscopique 1 2 3 4 Position «idéale» 92 8 0 0 Stabilisation manuelle 24 54 22 0 En % des 50 patients étudiés Heath. Anaesthesia 1994

Anesthésie Induction en séquence rapide (ISR) en Médecine d Urgence 100,0000 Pourcentages de succès (%) ISR AG sans curare Nord 80,0000 60,0000 Sakles Cantineau

Agent d induction et induction en séquence rapide Etomidate 0,2 à 0,4 mg/kg Stabilité hémodynamique excellente si utilisé seul Mouvements involontaires fréquents (30-65 %) Pas en perfusion continue pour la sédation Diminue la PIC et donc maintient la PPC Thiopental et Propofol Chute tensionnelle = titrer, faible dose! Baisse de PIC mais baisse de PA (-30 % environ)

Succinylcholine et induction en séquence rapide Installation rapide ( 1 min) Durée courte ( 5 min) 1 mg.kg -1 Contre-indications rares : Para / tétraplégie (selon délai) Immobilisations prolongées Brûlures étendues Allergie connue

Préparation Etomidate : 20 mg dans une seringue de 10 ml Penthotal 2,5 % : 500 mg dans une seringue de 20 ml Diprivan 1 % : 200 mg dans une seringue de 20 ml Celocurine : 100 mg dans une seringue de 10 ml

Manœuvre de Sellick

Précautions en cas de trauma cervical

Intubation orotrachéale versus nasotrachéale % N= % 100 4 100 100 65 1.7 3.7 0% 60 Taux de réussite Nombre de tentatives Taux de complications Orotrachéale Nasotrachéale Dronen et al. Ann Emerg Med 1987

Orifice glottique

Après l intubation Ne pas lacher la manœuvre de Sellick tant que l on est pas assuré que l IOT est bien trachéale Vérifier le capnographe +++ Auscultation pour déceler une intubation sélective Fixation de la sonde sur le maxillaire supérieur +++ Pas sur la mandibule (mobile!) Et brancher le patient sur le ventilateur

Surveillance Vérifier le repère externe de la sonde par rapport aux arcades dentaires Aspirations trachéales régulières +++ Aspirations pharyngées pour éviter la stagnation de sécrétions au dessus du ballonnet (pneumopathies) Vérification de la pression du ballonnet (20 cmh 2 O) Prévention des lésions ischémiques trachéales (sténoses, granulomes)

Si l intubation est difficile

Mandrin semi-rigide

Mandrin d Eschmann

Mandrin d Eschmann 157 patients Stabilisation cervicale en rectitude et pression cricoïdienne Groupe 1 - intubation avec mandrin d Eschmann. N = 78 Groupe 2 - intubation sans mandrin d Eschmann. N = 79 Groupe 1 : 100% de réussite, délai moyen de 45 sec Groupe 2 : 5 échec d intubation, réussite avec mandrin 6 patients ont nécessité plus de 45 sec (maxi 95 sec) Nolan et al. Anaesthesia 1993

Masque laryngé

Fastrach

Fastrach et traumatisme cervical 257 intubations difficile réalisées avec le Fastrach 100 % de réussite à la mise en place 1 ère tentative : 228 2 ème tentative : 27 3 ème tentative : 2 100 % de ventilation efficace 70 cas de rachis cervical instable immobilisé en rectitude intubation à la 1 ère tentative : 63 intubation à la 2 ème tentative : 5 intubation à la 3 ème tentative : 2 avec guidage fibroscopique Ferson et al. Anesthesiology 2001

Fastrach et traumatisme cervical 257 intubations difficile réalisées avec le Fastrach 100 % de réussite à la mise en place 1 ère tentative : 228 2 ème tentative : 27 3 ème tentative : 2 100 % de ventilation efficace 70 cas de rachis cervical instable immobilisé en rectitude intubation à la 1 ère tentative : 63 intubation à la 2 ème tentative : 5 intubation à la 3 ème tentative : 2 avec guidage fibroscopique Aucun déficit neurologique secondaire à l intubation Ferson et al. Anesthesiology 2001

Conclusion Geste technique fréquent Potentiellement à risque si problème anatomique A risque si problème médical/paramédical Surveillance cruciale pour les complications