Vers une bonne entente de jumelage. Guide à l intention des aspirants-agriculteurs et des propriétaires



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Transcription:

Vers une bonne entente de jumelage Guide à l intention des aspirants-agriculteurs et des propriétaires

Table des matières Remerciements... 3 1. Un outil d accompagnement... 4 2. Conditions d une entente de jumelage... 5 2.1. Validation sur le terrain de la faisabilité du projet... 5 2.2. S entendre sur les conditions importantes... 6 2.2.1. Durée, renouvellement et conditions de résiliation... 6 2.2.2. Le prix... 8 2.2.3. Les investissements immobiliers... 8 2.3. Choisir le type d entente appropriée au projet... 9 2.3.1. Privilégier le bail ou le prêt, dans la mesure du possible... 9 2.3.2. Bail ou prêt?... 10 2.3.3. Doit-on envisager une autre forme de contrat que le bail et le prêt?... 11 2.3.4. Survol d autres formes de contrats : bail emphytéotique et propriété superficiaire... 13 2.4. Rédiger l entente... 16 2

Remerciements Ce document n aurait pu être possible sans le travail de rédaction de l équipe du Groupe de réflexion et d action sur l agriculture et le paysage (GRAAP). Nous tenons également à remercier l équipe de la MRC Brome-Missisquoi et la Clinique Juridique Juripop pour sa contribution en matière de contrat agricole. Et finalement, l équipe de la MRC d Argenteuil pour la mise à niveau du présent document. 3

1. Un outil d accompagnement Le présent document d information a pour objectif d accompagner les agriculteurs dans leurs démarches vers une entente de jumelage. La MRC d Argenteuil tiendra des séances d information sur les démarches nécessaires à accomplir en vue de conclure une entente entre les propriétaires et les aspirants-agriculteurs. De plus, la MRC met à la disposition des parties, pendant la phase de démarrage du projet, les services de personnes qualifiées ayant de l expérience dans l accompagnement et dans la rédaction de contrat agricole qui pourront aider aspirants-agriculteurs et propriétaires. Lorsque les parties auront élaboré une entente de jumelage en fonction de leurs besoins, elles pourront la faire valider par un notaire si elles le désirent. En somme, les outils d accompagnement permettent de prévoir certains impondérables et de diminuer les coûts. Plan de développement de la zone agricole d Argenteuil La MRC d Argenteuil a lancé officiellement son Plan de développement de la zone agricole d Argenteuil (PDZA) le 10 mai 2012, en présence de nombreux représentants du milieu agricole. Afin d assurer l avenir de l agriculture sur le territoire de la MRC, le PDZA identifie des principes directeurs, des orientations prioritaires de développement de l agriculture et dresse la liste des actions à mettre en œuvre, dont Banque de terres. Ce projet vise à augmenter l accessibilité des terres au profit de la relève agricole et à accroître l utilisation de terres agricoles qui sont souvent laissées en friche. Rappelons que ce plan est l un des huit projets pilotes initiés par le ministère de l Agriculture, des Pêcheries et de l Alimentation du Québec à la suite du dépôt en 2008 du rapport de la Commission sur l avenir de l agriculture et de l agroalimentaire québécois. 4

2. Conditions d une entente de jumelage 2.1. Validation sur le terrain de la faisabilité du projet L initiative de la validation repose d abord sur l agriculteur. L objectif de l agriculteur est de déterminer si le lieu lui convient. Dans le cas contraire, il doit en informer le coordonnateur et le propriétaire. Inutile de mobiliser le temps du propriétaire en lui exposant son projet ou ses inquiétudes. Afin d être précis et exhaustif dans son appréciation, l agriculteur doit élaborer soigneusement le Formulaire d identification de vos besoins en tant qu agriculteur. Cet outil doit porter sur une multitude de facteurs comme les caractéristiques physiques de la terre, des bâtiments, l habitation, l accès aux écoles, etc. Vos besoins doivent être établis en fonction de votre plan d affaires, mais aussi en fonction de vos aspirations personnelles et familiales. L agriculteur doit s inspirer de sa liste des besoins et s il le souhaite, il peut la bonifier avec des questions plus pointues comme les suivantes : Y a-t-il un historique d intrants qui ont nui aux sols (notamment en culture biologique)? Cet historique convient-il? Le drainage du sol est-il adéquat? Les bâtiments sont-ils adéquats ou susceptibles de le devenir à prix raisonnable? Quelle est la situation des terres avoisinantes? Doit-on craindre des usages nuisibles aux cultures ou aux élevages envisagés? La terre sera-t-elle partagée avec d autres exploitants agricoles? Ces projets sont-ils compatibles? Y aura-t-il un accès à des équipements existants qui pourraient diminuer le coût d implantation? Quels sont les investissements supplémentaires qui devront être faits par rapport à ceux prévus au plan d affaire de l agriculteur, en raison des caractéristiques observables des lieux? Avez-vous consulté la cartographie des sols (sous l onglet numéro 5)? L agriculteur doit valider les informations recueillies en se basant sur son expérience et sur les impressions de sa première visite. L objectif est de valider si le lieu possède un potentiel intéressant pour son projet. Ensuite, il conviendra d en informer le propriétaire qui pourra à son tour valider son intérêt. 5

2.2. S entendre sur les conditions importantes Cette étape entame le processus de création d une entente contractuelle. Avant de se précipiter dans une rédaction détaillée, il est important de s entendre sur les conditions jugées les plus importantes. Elle permet d identifier quel genre de contrat convient aux parties et facilite sa rédaction. Il existe un nombre limité de conditions importantes qui font qu une entente contractuelle se fera ou non. Il y a une hiérarchie de préoccupations à respecter. Par exemple, est-ce que le loyer sera mensuel ou annuel? Les conditions les plus importantes de l entente sont en général : la durée et la possibilité de renouvellement, la clause de résiliation, le prix de location et le traitement des investissements immobiliers s il y en a. Il est suggéré que les conditions importantes abordées dans cette section soient d abord résolues avant de s engager dans des discussions plus détaillées. Dans certains cas, d autres conditions apparaîtront également essentielles. Il pourra s agir d un droit de premier refus permettant au locataire d être préféré en cas de vente à un tiers. On ajoutera ces conditions majeures à celles qui précèdent. 2.2.1. Durée, renouvellement et conditions de résiliation La durée sera pour l agriculteur une condition critique dans la majorité des cas. Bien sûr, si l entente ne vise qu à faire les foins sur la terre d un autre, la durée a moins d importance. Mais dans la plupart des cas, les agriculteurs voudront une durée leur permettant de récolter les fruits de leur travail sur la terre. Cela prend souvent au minimum 4 à 5 ans avant d arriver au seuil de rentabilité d un projet agricole. En France, la loi fixe la durée minimale d un bail agricole à 9 ans, renouvelable pour 9 autres années. Dans certains cas, l investissement immobilier (constructions, ouvrages, cultures pérennes) sera tel qu une durée de 9 ans sera largement insuffisante. Dans tous les cas, s il s agit de jeunes agriculteurs éligibles aux subventions à la relève, ils devront envisager un bail d au moins 5 ans pour qualifier leur entreprise. Devant la perspective d une entente de longue durée, certains propriétaires peuvent éprouver certaines inquiétudes. Voici les plus fréquentes : La cohabitation avec l agriculteur tourne au cauchemar, Les difficultés encourues à la vente de la propriété due à l existence d un bail de longue durée. Entre ces besoins légitimes des uns et des autres, quelle attitude faut-il prendre en matière de durée? La position la plus sensée est de fixer la durée en fonction de la nature du projet agricole. Toute autre solution aurait pour effet de rendre non viable le projet et d éloigner les agriculteurs sérieux. 6

Guide sur les ententes de jumelage destiné aux agriculteurs La protection du propriétaire contre une situation cauchemardesque doit être prise en considération dans les conditions de réalisation. Ce n est pas la durée réduite d un bail qui peut vraiment soulager le propriétaire malheureux. S il signe un bail de 5 ans au lieu de 10 ans et qu au bout d un an la situation devient invivable, les 4 années restantes lui apparaîtront une éternité. Mieux vaut avoir un contrat qui protège bien le propriétaire contre les abus éventuels d un agriculteur que d imposer des durées incompatibles avec la nature des activités agricoles. Une clause énumérant les défauts graves de l agriculteur donnant droit à la résiliation sera le moyen de protéger le propriétaire. L agriculteur sait ainsi que son droit n est pas menacé s il respecte son entente et il sera protégé contre des résiliations arbitraires. Ce droit de résiliation devrait également profiter à l agriculteur en cas de défaut grave du propriétaire et même en cas d échec de son projet agricole ou d autres motifs sérieux. La discussion de ce type de clause est bien sûr désagréable, mais nécessaire. Il faudra en outre prévoir si les indemnités sont convenues à l avance ou sont laissées à la discrétion d un arbitre ou d un tribunal en cas de mésentente. Examinons maintenant si un bail plus court améliorerait la situation du propriétaire en cas de revente. Sur le plan de la plus-value, il n est pas assuré qu un bail plus long soit nécessairement une cause de moins-value pour la propriété. Un projet agricole bien mené peut au contraire être une source de plus-value de la propriété et permettre d obtenir un meilleur prix de vente que pour une terre en friche par exemple. Le propriétaire suivant pourrait aussi souhaiter, tout comme le propriétaire actuel, d avoir un projet agricole sur sa terre s il n a pas lui-même l intention d exploiter la superficie sous bail. Bien sûr, il pourrait y avoir le cas de l acheteur qui aurait besoin de toute la terre immédiatement et qui n achètera que si le bail peut être résilié. Cette situation n est pas si fréquente, mais doit être envisagée. Mais un bail plus court ne résout pas la question entièrement. S il reste 3 ans à courir sur un bail de 5 ans, le problème se posera également si l acheteur veut recouvrir l usage des lieux loués dans les meilleurs délais. L inconvénient sera non seulement la fonction de la durée du bail, mais aussi de l importance relative de la superficie louée par rapport à celle de la propriété tout entière. Si seulement 5 % de la propriété est louée, l inconvénient pour le futur acheteur n est pas le même que si c est 80 %. Il est donc préférable d analyser la question au cas par cas. Si le propriétaire estime qu il pourrait perdre des acheteurs ou devoir diminuer son prix du fait du bail consenti, alors une clause de résiliation à cet effet doit être prévue et un mode de calcul de l indemnité de l agriculteur ainsi que les conditions et délais de départ doivent être établis. De plus, l agriculteur devrait se voir offrir un droit de préférence pour l achat de la propriété. Finalement, un propriétaire doit avoir le droit de résilier l entente si l agriculteur ne réalise pas le projet prévu. Certains propriétaires offrent une partie de leur terre à des conditions très avantageuses pour aider la relève agricole. Ce n est pas pour la voir inexploitée pendant toute la durée du bail. Quant au renouvellement, il est d ordinaire consensuel. Si les deux parties le souhaitent, elles peuvent bien évidemment renouveler l entente. Par ailleurs, comme le permet le droit français, une option de renouvellement pourrait être assignée à l agriculteur pour une durée donnée, ce qui lui permettrait de résilier le contrat après un premier terme si son projet ne réussit pas comme prévu. 7

2.2.2. Le prix Le problème du prix se pose principalement dans le cas du bail. Si la terre est mise gratuitement à la disposition de l agriculteur, il s agira d un prêt. Il est suggéré par ailleurs d indiquer aux parties que le loyer peut être payé de différentes façons. Par exemple, l agriculteur pourra offrir des services d entretien du reste de la terre du propriétaire (faire les foins) afin de réduire la portion payable en argent. Il pourra aussi offrir une part de sa récolte ou de sa production. Propriétaires et agriculteurs doivent être raisonnablement au courant des prix pratiqués dans les environs. L agriculteur doit en outre être en mesure de simuler l impact du prix proposé sur son plan d affaires. Un autre moyen de payer ou de réduire un loyer consiste à apporter des améliorations locatives à la terre qui intéressent le propriétaire et de les lui laisser à la fin du bail. La prochaine sous-section traite des améliorations locatives. 2.2.3. Les investissements immobiliers Il pourra arriver que l exploitation agricole de l agriculteur exige de sa part des investissements immobiliers : construction, drainage souterrain, bassin d irrigation, cultures pérennes. Ces constructions, ouvrages ou plantations seront la propriété du propriétaire, tant pendant le bail qu à la fin. Des investissements significatifs peuvent engendrer des problématiques quant à la durée nécessaire à leur amortissement et à un éventuel partage des coûts s ils ne peuvent être amortis pendant la durée du bail. Dans le cas où ces investissements peuvent être pleinement amortis par l agriculteur pendant la durée de son bail, on pourra ajuster le loyer de telle sorte que l agriculteur ne soit pas perdant. Le loyer réduit est ainsi la contribution du propriétaire à la plus-value des améliorations locatives payées par son locataire si ces améliorations ont une valeur résiduelle significative pour le propriétaire. Mais dans d autres cas, l investissement peut être plus important et la baisse du loyer apparaître insuffisante. L évaluation de la valeur des améliorations apportées par un agriculteur pose un important problème. Cette valeur peut être grande aux yeux de l un et nulle à d autres yeux. Prenons le cas d un propriétaire qui n exploite pas sa terre et qui la loue à un agriculteur qui veut faire un élevage de moutons. La ferme était autrefois une ferme laitière. Les clôtures ne sont pas adaptées à un élevage de moutons et l ancienne étable doit être réaménagée en bergerie. Il s agit là d améliorations locatives importantes pour notre jeune agriculteur. À son départ, que vaudra la clôture à moutons qu il a installée au coût de 15 000 $ et les améliorations au coût de 20 000 $ pour transformer l étable en bergerie? Pour le propriétaire, ces améliorations n ont aucune valeur s il n a pas l intention d élever des moutons. Pire encore, s il souhaite louer à un éleveur de bovins par la suite, la transformation de l étable en bergerie est un handicap. En l absence d une disposition contraire au contrat, il serait même en mesure d exiger que le locataire remette son étable en état à son départ. Non seulement l investissement de l agriculteur ne vaut rien, mais il doit investir de nouveau pour remettre l étable dans son état initial. Mais il est aussi possible que le locataire suivant soit un éleveur de moutons, heureux de la transformation. Dans ce cas, le propriétaire sera avantagé. 8

Bien sûr, il y a des cas où le propriétaire verra l amélioration locative comme une plus-value importante. Par exemple, l agriculteur construit un hangar à machinerie que le propriétaire utilisera pendant le bail et même par la suite. Dans d autres cas, le propriétaire sera disposé à permettre l amélioration sans toutefois augmenter son fardeau à la fin du bail, même s il reconnaît la valeur intrinsèque de l amélioration. En effet, le propriétaire pourrait être tout à fait justifié d indiquer à l agriculteur qu il ne veut pas engager des dépenses qui résulteraient d améliorations locatives. Ces exemples indiquent que les évaluations peuvent non seulement diverger grandement, mais aussi dépendre d usages futurs indéterminés. De plus, il faut tenir compte du fait que les propriétaires ne veulent pas toujours hériter d une facture qui viendrait avec l héritage laissé par l agriculteur à la fin du bail. En conséquence, il sera important de prendre tout le temps voulu pour analyser chacun des investissements immobiliers envisagés par l agriculteur. Il convient pour les parties de tenter de ranger ces investissements dans les catégories suivantes : L agriculteur amortira son investissement sur la durée du bail. Le propriétaire contribuera à l investissement de l agriculteur. Cette contribution pourra s'effectuer de diverses façons : loyer réduit, paiement d une partie du coût de construction, indemnité de fin de bail ou une combinaison de ces moyens. L indemnité pourrait varier selon l usage futur (exemple donné plus haut d une conversion en bergerie qui est utile ou non selon la nature de l élevage subséquent). L agriculteur enlèvera l amélioration locative et remettra les lieux dans leur état original ou dans un autre état convenu avec le propriétaire. Si l investissement est très important (ex. : une étable, une maison de ferme, un grand vignoble), l agriculteur pourrait faire face à une difficulté de financement ou à un coût de financement trop élevé. N étant pas propriétaire, il n a pas accès au financement hypothécaire. Il est rare de voir un propriétaire consentir à une hypothèque pour financer le projet de l agriculteur. Il y a cependant des solutions pour ces cas plus rares et elles seront présentées brièvement à la section suivante. 2.3. Choisir le type d entente appropriée au projet 2.3.1. Privilégier le bail ou le prêt, dans la mesure du possible La location (bail ou bail agricole) et le prêt seront les types d entente appropriés à la très grande majorité des situations. Ce sont des contrats bien connus de la majorité des gens et qui n exigent que peu de formalités juridiques. Surtout, ils ne demandent pas l autorisation de la CPTAQ. Aussi est-il recommandé de privilégier ces types d entente. Il pourrait cependant arriver qu un autre type d entente soit plus indiqué, soit en tant que première entente, soit en tant que deuxième étape d une entente qui aura commencé par une location ou un prêt, mais qu on aura prévu de transformer sous certaines conditions. Ces autres types de contrats portent parfois des noms un peu moins connus (le bail emphytéotique, l usufruit, la propriété superficiaire) et parfois des noms plus connus (comme la servitude). Même si ces situations sont plus rares, il est important d en avoir une connaissance minimale et, avec l aide d un conseiller, de déterminer s il serait préférable d envisager autre chose que le bail ou le prêt malgré la complexité accrue. 9

La présente section vise à aider les parties à reconnaître les situations qui pourraient justifier qu on s intéresse à ces autres formes d entente. Par exemple, un simple bail pourrait être la solution la plus adéquate au départ, tout en envisageant un changement dans l avenir dû, par exemple, à la construction d un bâtiment de valeur. Lorsque les parties seront convaincues que le bail ou le prêt sont les types d entente appropriés à leur situation, elles pourront aller à la section suivante afin de procéder à la rédaction d une première version de leur contrat. 2.3.2. Bail ou prêt? Voici les principales définitions du Code civil du Québec (C.c.Q.). Il désigne la location de terres comme un contrat de louage ou de bail et le prêt de terres comme un contrat de prêt à usage. Quelques remarques importantes suivront ces définitions. Bail «Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s'engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d'un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps. Le bail est à durée fixe ou indéterminée.» Art. 1851 C.c.Q. Prêt à usage «Le prêt à usage est le contrat à titre gratuit par lequel une personne, le prêteur, remet un bien à une autre personne, l'emprunteur, pour qu'il en use, à la charge de le lui rendre après un certain temps.» Art. 2313 C.c.Q. Le prêt à usage, qui s applique au prêt d une terre ou d une partie de terre, se distingue principalement du bail en ce qu il est gratuit. C est donc la présence ou l absence de loyer qui distingue le bail du prêt. Cette distinction majeure devrait suffire pour permettre aux parties de choisir entre les deux. Il faut se rappeler qu un loyer n est pas obligatoirement une somme d argent. Il peut être payable en nature. Si le propriétaire exige une part des récoltes en échange de sa terre, il ne s agit plus d un prêt, mais bien d un bail qu on appelle contrat de métayage. Autre différence, il faut savoir que le prêt à usage est un contrat régi par des dispositions législatives différentes de celles du bail. Le bail est un contrat beaucoup plus «encadré» par la loi que ne l est le prêt à usage. Onze articles du C.c.Q. régissent le prêt à usage contre 41 pour le contrat de louage. Lorsqu on examine les deux types de contrat, on conclut assez vite que le droit de l emprunteur est plus précaire que celui du locataire. À titre d exemple, l article 2319 énonce ce qui suit : «Le prêteur peut réclamer le bien avant l'échéance du terme, ou, si le terme est indéterminé, avant que l'emprunteur ait cessé d'en avoir besoin, lorsqu'il en a lui-même un besoin urgent et imprévu, lorsque l'emprunteur décède ou lorsqu'il manque à ses obligations.» Art. 2319 C.c.Q. Le locateur n a pas tous ces droits. Il est cependant possible de remédier à cette précarité en établissant des clauses contractuelles qui écarteront certaines dispositions de la loi. Il faut savoir que les articles du Code civil du Québec n ont pas tous une force impérative. Certains sont certes impératifs et on ne peut s y soustraire par une convention privée. C est le cas des articles cités plus haut, qui définissent ce que sont le louage et le prêt. On dit qu ils sont «d ordre public». D autres sont là pour indiquer ce qui se passera si les parties n ont pas prévu dans leur convention la façon de traiter certaines questions. On dit qu ils sont «d ordre supplétif», c est-à-dire qu ils s appliqueront en l absence de disposition contraire dans la convention des parties. 10

Pour toutes ces raisons, même si ces contrats sont assez bien connus, il convient de les faire élaborer ou de les faire revoir par un conseiller juridique. 2.3.3. Doit-on envisager une autre forme de contrat que le bail et le prêt? C est principalement la question de la nature et de l importance des investissements qui pourront être faits par les agriculteurs de même que celle du financement qui détermineront s il faut songer à d autres types d entente que le bail et le prêt. La perspective d un investissement immobilier significatif, comme un bâtiment de ferme, une maison d agriculteurs ou la plantation de cultures pérennes de grande valeur (vignes, arbres fruitiers, vergers, etc.) doit déclencher un examen plus approfondi. Un type de contrat différent pourra ne pas être nécessaire au début, mais plus tard. Dans ce cas, il faudra prévoir au début comment la transformation s effectuera. Comme ces autres types de contrat constituent une forme d aliénation, même si elle est temporaire, ils exigeront l autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Il est suggéré d entreprendre ces démarches au début du projet, même s il est préférable de démarrer avec un prêt ou un bail. En effet, l agriculteur ne voudra peut-être pas prendre le risque d apprendre 3 ou 4 ans plus tard que la CPTAQ refuse le projet. Des contrats comme l emphytéose ou la propriété superficiaire sont de nature à donner un titre plus important à l agriculteur sans morceler la terre du propriétaire de façon définitive. À l expiration du terme du contrat, le propriétaire retrouve sa terre comme à la fin d un bail, mais entretemps, il aura consenti des droits qui permettront à l agriculteur, par exemple, d hypothéquer ses nouvelles constructions sans hypothéquer la terre ni la mettre en danger. Avant d aborder brièvement ces contrats, il y a lieu de savoir reconnaître les situations qui pourraient amener les parties à envisager, à court ou à moyen terme, un contrat autre que le bail ou le prêt. Un conseiller vous aidera, mais quelques exemples aideront à se faire une première idée. Exemple 1 : le projet exige un investissement substantiel Rémi, jeune agriculteur, a un projet de vaches laitières. Henri, propriétaire foncier, est un ancien producteur laitier et voit d un bon œil le projet de Rémi. Cependant, l étable d Henri a passé au feu il y a 15 ans et Henri, à la retraite, a décidé de ne pas la reconstruire. Il n était d ailleurs pas assuré pour la valeur à neuf. Rémi évalue à 200 000 $ le coût de construction d une étable qui conviendrait au nombre de vaches qu il peut avoir compte tenu des quotas dont il peut disposer. Si l entente est un bail, il est clair que l étable appartient à Henri. C est embêtant pour Rémi qui l aura payé. Qui plus est, Rémi pourrait obtenir un financement hypothécaire de la Financière agricole du Québec, mais il n est pas propriétaire. Henri, à la retraite, ne souhaite pas hypothéquer sa ferme et courir le risque de devoir payer cette étable s il arrivait malheur à Rémi. On le voit, le bail a ici ses limites. Les parties devront examiner s il n y a pas d autres types d entente que le bail pour résoudre leurs problèmes. 11

Guide sur les ententes de jumelage destiné aux agriculteurs Exemple 2 : le projet est en zone agricole et l agriculteur souhaite avoir une maison sur la ferme Sean et Cindy sont de jeunes agriculteurs diplômés de l ITA. Ils ont trois enfants en bas âge. La terre de Mme Goodfellow est idéale pour leur projet d élevage. Mme Goodfellow est veuve d un agriculteur bien connu de la région et ses rencontres avec Sean et Cindy lui ont donné l impression qu elle s entendrait bien avec eux. Elle estime que leur présence sur la terre lui offrira de la compagnie et permettra que se continue la ferme qu elle a créée et dirigée avec son défunt mari pendant plus de 30 ans. Cependant, Sean et Cindy ne voient pas comment ils pourraient élever leurs enfants et s occuper des cultures et de leur petit élevage sans habiter la terre. C est pour eux un critère important. Mme Goodfellow ne s y oppose pas, mais après une première consultation, deux difficultés apparaissent. La première est semblable à l étable de l exemple numéro 1. Sean et Cindy paieront pour une maison qui ne leur appartiendra pas et Mme Goodfellow se retrouvera avec une hypothèque non désirée sur les bras. Dans un contrat de bail, le risque de chacun est élevé. La deuxième difficulté est le fait que la terre de Mme Goodfellow est en zone agricole. On ne peut construire de maisons comme on veut en zone agricole. Que faire? Le bail pourrait bien ne pas être la solution dans ce cas également. Exemple 3 : un projet réunissant plusieurs agriculteurs sur une même terre qui appartient à une fiducie foncière agricole De généreux donateurs avec le concours d une municipalité sont prêts à acquérir, par la voie d une fiducie foncière agricole, une terre en zone agricole afin de permettre à différents agriculteurs de réaliser leurs projets sans avoir à s endetter pour l achat de la terre. La terre permettrait de recevoir les projets de quatre groupes distincts d agriculteurs. Une portion de la terre servirait aux infrastructures communes afin de diminuer encore plus les coûts pour chaque agriculteur. C est un projet qui reçoit un excellent support de la communauté et paraît innovateur et prometteur. On discute de la possibilité de permettre maisons et bâtiments sur les parcelles octroyées à chacun. On se demande comment assurer la gestion des parcelles communes. Certains jeunes qui participent au projet se demandent s ils pourront revendre à leur départ les actifs qu ils auront travaillé à construire sur leur parcelle. Ici aussi, il est peu probable que le bail ou le prêt soient les solutions à employer. En plus, il y a fort à parier que toute solution exige le recours à une autorisation de la CPTAQ. Si, après avoir lu ce qui précède, les parties sont confortées dans leur choix de procéder avec un bail ou un prêt, passez maintenant à la section 3.4. Si, au contraire, un doute a été soulevé, lisez la section suivante. 12

2.3.4. Survol d autres formes de contrats : bail emphytéotique et propriété superficiaire Les situations présentées à la section précédente exigeront probablement des solutions plus élaborées qu un simple bail ou un prêt. Ces solutions seront plus complexes, plus coûteuses et ne sauraient être envisagées que lorsque les parties sont convaincues de leur nécessité. Il n existe pas de guides pour l élaboration de contrats agricoles de cette nature. Le GRAAP pourra orienter les parties vers les personnes qualifiées si ce type de contrat est envisagé. Dans cette sous-section, un survol sera fait de deux types d entente, l emphytéose et la propriété superficiaire, afin de donner une idée de leur utilité en certaines circonstances. Le bail emphytéotique Le bail emphytéotique est l expression souvent utilisée pour désigner un contrat nommé de notre Code civil qui s intitule l emphytéose. Il pourrait s avérer être une solution très intéressante pour plusieurs des situations décrites à la sous-section précédente. Malgré son nom rébarbatif, il est facile à comprendre, car il ressemble beaucoup à un bail à première vue. Mais il est un contrat qui confère beaucoup plus de droits qu un simple bail. Voyons comment il est défini par la loi, avant de voir comment il pourrait résoudre les problèmes évoqués. «L'emphytéose est le droit qui permet à une personne, pendant un certain temps, d'utiliser pleinement un immeuble appartenant à autrui et d'en tirer tous ses avantages, à la condition de ne pas en compromettre l'existence et à charge d'y faire des constructions, ouvrages ou plantations qui augmentent sa valeur d'une façon durable.» Art. 1195 C.c.Q. L emphytéose doit durer au moins 10 ans et ne peut excéder 100 ans. Par ce minimum de 10 ans, le législateur a voulu que l emphytéote (celui qui jouit du droit d emphytéose, c est-à-dire l agriculteur dans notre cas) ait un temps raisonnable pour jouir des améliorations foncières qu il a le fardeau d apporter. L emphytéote paie son droit d utiliser la terre en réalisant des constructions, ouvrages ou plantations qui sont généralement décrits dans le contrat. En effet, le propriétaire reçoit gratuitement ces améliorations foncières à la fin de l emphytéose. Il sera réputé avoir fait un gain en capital à cet effet. En plus des constructions, ouvrages ou plantations, le contrat peut prévoir que l emphytéote devra payer un prix, globalement ou par versement. 1 L emphytéote est tenu de payer les taxes foncières. L emphytéote a des droits étendus, mais que le propriétaire peut cependant encadrer : «L'emphytéote a, à l'égard de l'immeuble, tous les droits attachés à la qualité de propriétaire, sous réserve des limitations du présent chapitre et de l'acte constitutif d'emphytéose. L'acte constitutif peut limiter l'exercice des droits des parties, notamment pour accorder au propriétaire des droits ou des garanties qui protègent la valeur de l'immeuble, assurent sa conservation, son rendement ou son utilité ou pour autrement préserver les droits du propriétaire ou de l'emphytéote, ou régler l'exécution des obligations prévues dans l'acte constitutif.» Art. 1200 C.c.Q. 13 1 Art. 1207 C.c.Q.

L emphytéote peut hypothéquer son emphytéose et cette hypothèque n affecte pas l immeuble du propriétaire. Si l agriculteur emphytéote fait défaut de payer le créancier hypothécaire, celui-ci ne peut pas saisir l immeuble du propriétaire. Il ne peut saisir que le droit d emphytéose, c est-à-dire qu il pourra vendre à un autre agriculteur le droit que le premier avait, et ce, pour le restant de l emphytéose. Ce type de contrat pourrait être très avantageux dans certains cas. Prenons le cas de l exploitation d une érablière qui occupe une partie d une terre agricole. Un propriétaire pourrait conclure avec un jeune agriculteur en acériculture un bail emphytéotique pour une durée de 15 ou 20 ans. Le contrat stipulerait que l agriculteur détient les droits emphytéotiques sur l érablière et qu en conséquence il a l obligation de construire une cabane à sucre pour son exploitation. À la fin du bail, le propriétaire jouit librement de la cabane à sucre. Le contrat pourrait prévoir que le propriétaire se réserve certains droits de jouissance sur son érablière pendant l emphytéose et même un droit d accès à la cabane à sucre à des moments convenus avec l agriculteur. Jouissant des droits d emphytéose, l agriculteur pourrait obtenir un financement hypothécaire pour ériger cette cabane à sucre sans affecter le patrimoine du propriétaire. Cela pourrait être une solution gagnant-gagnant. Cependant, en zone agricole, le bail emphytéotique constitue une forme d aliénation et doit être autorisé par la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ). La propriété superficiaire Voici la définition qu en donne le Code civil : «La propriété superficiaire est celle des constructions, ouvrages ou plantations situés sur l'immeuble appartenant à une autre personne, le tréfoncier.» Art. 1011 C.c.Q. Ici, l agriculteur devient réellement propriétaire de la grange qu il construit ou des vignes qu il plante. Le propriétaire reste propriétaire du fonds de terre et des bâtiments qui sont les siens. C est un peu comme dans un immeuble en «condos». La propriété est morcelée de façon verticale. Outre la propriété des constructions, ouvrages ou plantations, l agriculteur, propriétaire superficiaire, bénéficie d une servitude, d ordinaire décrite au contrat, qui établit ses droits de jouissance sur le fonds de terre du propriétaire, qu on nommera le tréfoncier. En voici un exemple. Jean, un agriculteur, dispose d une grande terre qu il ne cultive pas en entier. Un couple de producteurs de tomates en serre est à la recherche d une très petite terre pour s établir, car leur production n exige qu une petite superficie. Ils auront par ailleurs une petite production complémentaire en plein champ. Mais ils n arrivent pas à trouver un petit lopin d environ 3 hectares. Ils ne veulent pas acheter une grande terre, car leur entreprise exige des investissements importants dans des serres permanentes et un petit bâtiment de transformation. Le coût d une grande terre serait prohibitif. Ils s adressent alors à leur ami Jean qui souhaiterait bien les aider. Cependant, il s interroge sur les conséquences d avoir tous ces bâtiments sur sa terre. Comme c est sa terre, les bâtiments lui appartiendront même s ils sont payés par le couple. 14

De plus, notre couple de producteurs a besoin d obtenir un financement hypothécaire pour l achat et la construction des serres et du bâtiment. Jean ne voit pas comment il pourrait prendre le risque de mettre une deuxième hypothèque sur sa terre pour aider ses amis. Il n est pas prêt à détacher définitivement trois hectares de sa terre, même s il accepterait que ses amis s installent chez lui. Le conseiller juridique de Jean leur propose alors la propriété superficiaire. Le couple sera propriétaire des serres et du bâtiment, mais Jean restera propriétaire de son fonds de terre. Le sol autour des serres et du bâtiment appartenant à Jean, il sera nécessaire d inclure à la convention superficiaire une servitude précisant les droits d utilisation du fonds de terre que Jean est prêt à leur accorder. Comme la terre de Jean est en zone verte, cette opération est un morcellement qui devra être autorisé par la CPTAQ. Avant de faire la demande à la CPTAQ, le couple étudie avec son institution financière le montant qu elle serait prête à accorder en financement hypothécaire. L institution décide d appuyer le projet. Ensuite, la CPTAQ étudie la demande et, si elle est d avis que l entreprise du couple est viable et leur permettra d en vivre et que le morcellement ne porte pas préjudice à l homogénéité du milieu agricole, elle pourra donner son autorisation. La propriété superficiaire temporaire a toutefois son intérêt malgré l obligation de racheter l immeuble de l autre à la valeur marchande. Certains projets de relève apparentée sont structurés de cette façon. Il arrive en effet que les enfants d agriculteurs ne soient pas prêts à racheter la ferme de leurs parents encore actifs sur la terre. Les parents et les enfants peuvent souhaiter que ces derniers prennent de l expérience en apprenant ce que c est que d être vraiment à son compte avant d acheter le tout. La propriété superficiaire temporaire permet de créer une entreprise distincte que les jeunes opéreront en achetant ou construisant leurs bâtiments et en les hypothéquant distinctement de la ferme parentale. Ils ont ainsi la chance de bâtir une partie du capital qui leur permettra de racheter la ferme au complet. Pendant ce temps, les entreprises sont distinctes, même s il y a de l entraide, et les jeunes apprennent à être autonomes. Inutile de dire que la propriété superficiaire temporaire ne devrait être envisagée par les parties que si l une d elles a un intérêt véritable à acquérir la propriété de l autre au terme du contrat. La propriété superficiaire peut être permanente ou temporaire. Si elle est temporaire, la convention doit prévoir ce qui arrivera au moment de son extinction (à défaut, c est la loi qui réglera la question). Qui, du tréfoncier ou de l agriculteur, devra se porter acquéreur de la propriété de l autre? Cette acquisition devra se faire à la juste valeur marchande. 15

2.4. Rédiger l entente Pour rédiger un bon contrat, il est souhaitable de disposer d un bon modèle de départ. Il est conseillé aux parties de tenter de faire ellesmêmes ou avec les conseils d une personne d expérience bénévole une première rédaction d un projet de contrat. Ensuite, elles pourront le valider par un notaire ou un avocat ayant de l expérience dans les matières agricoles. Cette façon permettra de limiter les honoraires à verser tout en s assurant d avoir une entente de qualité. Il ne faut pas minimiser les conséquences d une entente incomplète ou mal rédigée. La MRC d Argenteuil pourra vous aider de différentes façons dans ce travail : Référence à un guide général La Clinique juridique Juripop a développé et publié le Guide de rédaction de contrats en milieu agricole. Cet excellent ouvrage fournit un modèle de contrat de bail ou de prêt, mais surtout donne des indications précieuses sur la façon de l adapter à chaque situation. Le guide peut être trouvé à l adresse internet suivante : http://www.juripop.org/wpcontent/uploads/2011/03/guide_agricole_we b.pdf Références à des exemples de types de contrats Au fur et à mesure que des contrats seront conclus dans le cadre du projet Banque de terres, la MRC d Argenteuil conservera les modèles les plus intéressants en les dépouillant des informations permettant d identifier les parties ou de connaître les montants. Ces exemples pourront fournir un point de départ encore plus adapté à certaines situations. Soutien juridique Pour aider au démarrage du projet Banque de terres et pour une période limitée, la MRC d Argenteuil met gratuitement à la disposition des parties, lorsque la terre louée est dans la MRC d Argenteuil, les services de sa greffière afin de les seconder dans la préparation d un projet d entente applicable à des cas relativement simples (location ou prêt). En terminant, le conseil de la MRC d Argenteuil souhaite aux agriculteurs et propriétaires fonciers qui participeront au projet de Banque de terres un heureux jumelage tout en concluant une entente de qualité. 16