SECURITE TRANSFUSIONNELLE : LES LEÇONS DE L HEMOVIGILANCE



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Transcription:

Sécurité en anesthésie 63 SECURITE TRANSFUSIONNELLE : LES LEÇONS DE L HEMOVIGILANCE F. Forestier 1, G. Janvier 1, P. Fialon 2, B. David 3-1 Département d Anesthésie- Réanimation Chirurgicale II, CHU de Bordeaux, Groupe Hospitalier Sud, 33604 Pessac Cedex 2 Unité Centrale de Sécurité Transfusionnelle et d Hémovigilance, CHU de Bordeaux, Groupe Hospitalier Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex - 3 Unité d Hémovigilance, AFSSaPS, 143-147, Boulevard Anatole France, 93285 Saint-Denis. INTRODUCTION Au cours des années 1980, le monde médical et simultanément les patients, ont pris conscience de l ampleur et de la gravité des complications virales transfusionnelles. En raison de l impact médiatique, des décisions médico-politiques immédiates ont été focalisées sur la transmission sanguine du virus de l immuno déficience humaine. L analyse scientifique inclura aussi les autres risques existants (VHB, VHC, ou ceux hypothétiques liés à des agents infectieux émergents. Afin d expliquer pourquoi cette catastrophe sanitaire n a pas été prévenue, il a été mis en avant les insuffisances, à cette époque, des connaissances cliniques, biologiques et épidémiologiques des affections transmissibles par le sang. Néanmoins de nombreux dysfonctionnements ont été mis en exergue : Les défauts d appréciation du rapport bénéfices/risques chez les médecins transfuseurs. L absence d observatoires et d outils de surveillance efficaces des risques dans le domaine transfusionnel. L insuffisance de la traçabilité des Produits Sanguins Labiles (PSL) dans les dossiers des malades, dans les centres de transfusion et les établissements de soins rendant difficile les enquêtes transfusionnelles à la recherche des malades transfusés. L hétérogénéité des centres de transfusion tant en termes d organisation que de méthodes de collecte, de préparation et de sécurisation des produits. L insuffisance des méthodes de réduction des risques dans la sélection des dons puis la préparation des produits dérivés du sang. Les difficultés rencontrées par les organismes nationaux de tutelle pour décider et mettre en œuvre des mesures réactives immédiates. En réponse à ces insuffisances, une politique sanitaire volontaire a été instituée et mise en place au cours de la précédente décennie. Elle a eu pour but de promouvoir la sécurité des thérapeutiques transfusionnelles.

64 MAPAR 2002 Ces modifications ont porté sur le renforcement et la centralisation des organismes de production et de surveillance. Différentes structures ont ainsi été créées ou réorganisées : L Etablissement Français du Sang (EFS). Le Laboratoire Français de Fractionnement et des Biotechnologies (LFB). L Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS). L Institut de veille sanitaire (IVS). Des avancées majeures ont eu lieu dans la sélection du don de sang et la sécurisation des produits dérivés du sang. Un système réactif de surveillance des complications a été mis en place : le dispositif d hémovigilance. Il a été institué par la loi du 4 Janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et est devenu opérationnel par les circulaires et décrets d applications vers 1997. 1. MISSIONS DE L HEMOVIGILANCE L hémovigilance est un système de surveillance des activités transfusionnelles organisé depuis la collecte du sang jusqu au suivi des patients transfusés. Ses missions et son organisation initiales ont été définies par la loi du 4 janvier 1993 [1], modifiées par celle du 1 er juillet 1998 en raison du renforcement de la veille sanitaire [2]. Elle a trois objectifs : 1. La traçabilité des informations de toutes les étapes du cheminement des Produits Sanguins Labiles (PSL) (prélèvement, délivrance, transfusion). 2. Le suivi des incidents transfusionnels. 3. La conduite d enquêtes épidémiologiques sur les donneurs et les receveurs. Deux systèmes d informations ont trouvé leur opérationnalité dans l application du dispositif d hémovigilance : 1. Le premier permet de prévoir le recueil, le recensement, l analyse et le suivi des incidents transfusionnels. Son but est d apporter en permanence des données scientifiques et épidémiologiques sur les risques transfusionnels aux décideurs politiques, aux médecins prescripteurs et aux patients. 2. Le deuxième système a été dédié à la traçabilité des produits dérivés du sang et a permis d assurer les enquêtes transfusionnelles, les procédures conservatoires de retrait de produits en cas d alerte sanitaire et l information auprès des patients ayant reçu des PSL comportant un risque potentiel ou réel de contamination. 2. RESEAU D HEMOVIGILANCE 2.1. RESEA U N ATION AL, UNE ORG ANISA TION TRES OPER ATIONNELLE Le dispositif d hémovigilance fonctionne en réseau constitué de 2000 Correspondants d Hémovigilance nommés dans les établissements de soins (ES) et dans les établissements de transfusion sanguine (ETS). Ceux-ci sont coordonnés par un Coordonnateur Régional d Hémovigilance, placé auprès du Directeur de la DRASS, où sa responsabilité est l organisation du dispositif. Il est une interface forte entre les correspondants de terrain et l Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS) [2]. 2.2. RELAIS DANS LES ET ABLISSEMENTS DE SOINS Les Comités de Sécurité Transfusionnelle et d Hémovigilance (CSTH) ont été mis en place dans les établissements de soins publics et de nombreux établissements privés. Ils coordonnent les activités d hémovigilance. Ils sont composés du Directeur et du

Sécurité en anesthésie 65 Correspondant d Hémovigilance de l établissement de soins et de l établissement de transfusion sanguine distributeur, du Coordonnateur Régional d Hémovigilance et de représentants médicaux, soignants, médico-techniques et administratifs de l établissement de santé. Les principaux services prescripteurs de transfusions doivent être représentés. Le Comité de Sécurité Transfusionnelle et d Hémovigilance est averti des incidents transfusionnels, il propose toute mesure pour y remédier, s assure du bon fonctionnement des circuits et des dépôts et élabore un plan de formation. La mise en œuvre de l hémovigilance nécessite une implication forte de l ensemble des acteurs de santé et des patients transfusés. Ce sont en effet ces derniers qui en signalant les effets indésirables et en assurant le suivi post-transfusionnel sont acteurs de leur propre vigilance. 3. TRAÇABILITE 3.1. MISSIONS DE L A TR AÇABILITE La traçabilité [3, 4] est un dispositif de recueil et de conservation des données sur les produits sanguins depuis leur collecte jusqu à leur administration aux receveurs. Elle doit permettre d établir un lien fiable entre le produit sanguin délivré et le receveur effectif tout en préservant l anonymat du donneur et le secret médical. 3.2. MODALITES DE MISE EN ŒUVRE Dans les établissements de transfusion sanguine, l informatisation assure depuis quelques années la traçabilité entre donneurs, et la distribution des produits sanguins. La fiabilité a été facilitée par le choix, pour chaque don, d un numéro d identification unique en France, traduit en numéro code barré. Les établissements de soins ont mis en place pour chaque patient transfusé un dossier transfusionnel dans lequel sont enregistrés les produits administrés. Le dossier transfusionnel fait partie du dossier médical des patients. Il comporte l historique des actes transfusionnels. Sa gestion est sous la responsabilité du médecin prescripteur. Les établissements de soins doivent aussi centraliser les informations sur les produits transfusés (numéro du don et code produit) et l identité des receveurs. Cette mise en œuvre est sous la responsabilité du Directeur d établissement. Sa conservation minimale de quarante ans pérennise l archivage. L échange des données transfusionnelles entre les établissements de transfusion et de santé est défini réglementairement. Il est initié par la prescription faite par le médecin. A partir de l ordonnance nominative, l établissement de transfusion établit une fiche de distribution qui comporte l identité du patient et les caractéristiques des produits. Dans le cas d une dotation, l ETS délivre un bordereau de livraison comportant les données liées aux produits. C est le dépôt de sang de l établissement de soins qui édite alors la fiche de distribution nominative sur laquelle est portée l identification du malade destinataire. Le retour d information va préciser le devenir des produits. Le document d attribution initial est complété en indiquant la date et l heure de la transfusion, l identité du receveur ayant effectivement reçu les produits, les numéros de dons et les codes des produits administrés ou éventuellement détruits ou restitués. Ce document est à retourner à l ETS soit directement soit par l intermédiaire du dépôt distributeur ou du service d hémovigilance. Ce dispositif doit être coordonné avec le recueil centralisé des données transfusionnelles pour limiter les contraintes liées à la traçabilité [5].

66 MAPAR 2002 L échange d informations entre établissement de transfusion et de soins peut se faire sous forme télématique. Les modalités de transfert sont codifiées réglementairement. Elles doivent utiliser des messages standardisés (Norme AFNOR) appelés «formats pivots» et un cryptage. Des projets régionaux de transfert électronique sont en cours dans plusieurs régions sous l égide du Coordonnateur Régional d Hémovigilance. Le recueil des données transfusionnelles est sous la responsabilité du médecin prescripteur. Le Correspondant d Hémovigilance et le CSTH s assurent de leur mise en œuvre et vérifient la fiabilité des informations. Le Directeur de l établissement met à disposition les moyens techniques et/ou humains nécessaires. Il s assure de la conformité vis-à-vis des dispositions réglementaires sur la protection des informations en respect des libertés individuelles (déclaration à la CNIL). 3.3. DONNEES ACTUELLES DE TRAÇABILITE Elles permettent d assurer les enquêtes et les alertes. Le taux de traçabilité national était estimé à 40 % en 1995. Il est actuellement de 96 % : 2,85 millions PSL sont «tracés» par an. Les 5 % manquants correspondent à 150 000 produits dont on ne peut préciser les conditions de prescription et de transfusion. Une telle exhaustivité fiabilise et surtout facilite les enquêtes transfusionnelles et les retraits. Les délais d obtention des données et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir sont notablement réduits. Les enquêtes ascendantes sont initiées par la découverte chez un patient d une pathologie, le plus souvent infectieuse, susceptible d avoir été transmise par un produit sanguin. Les enquêtes descendantes ont pour but de retrouver le ou les receveurs de produit préparé à partir d un don de sang comportant un risque avéré ou potentiel de contamination. Les alertes sanitaires sont adressées aux établissements de transfusion et/ou de soins chaque fois qu une information remet en question la sécurité, la qualité des produits sanguins ou leur conformité aux normes. L utilisation des données de traçabilité permet de connaître, dans les meilleurs délais, le lieu de conservation et d organiser la reprise des PSL incriminés pour destruction ou mise en quarantaine Avec les données de traçabilité, si les produits ont été administrés, le médecin prescripteur, informe ou prévoit si nécessaire un suivi clinique ou biologique des patients transfusés. De telles opérations ont pu être menées au cours des dernières années témoignant ainsi du caractère opérationnel des dispositifs de traçabilité et de gestion d alertes. 4. DONNEES DE L HEMOVIGILANCE ET INCIDENTS TRANSFUSIONNELS 4.1. OUTILS DE SUIVI DES INCIDENTS TRANSFUSIONNELS Le recueil des incidents transfusionnels concerne l ensemble de l activité transfusionnelle jusqu au suivi des receveurs qui inclut une recherche d agglutinines irrégulières, le dosage des transaminases et la proposition de dépistage VIH et VHC en pré et post-transfusionnel [4, 6, 7]. Le signalement des incidents est systématique sans attendre l analyse de l imputabilité. «Tout médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste, sage-femme, infirmier(ère) qui constate un effet inattendu ou indésirable, dû ou susceptible d être dû à l administration d un PSL, doit le signaler dans les 8 heures au Correspondant d Hémovigilance». Ce dernier procède aux investigations nécessaires pour son exploration.

Sécurité en anesthésie 67 Les Correspondants d Hémovigilance de l établissement de soins et de transfusion remplissent les Fiches d Incident Transfusionnel (FIT). Elles sont transmises dans les 48 heures au Coordonnateur Régional d Hémovigilance. Le transfert au niveau national est assuré par un système informatisé (GIFIT). Les incidents graves et ceux susceptibles d affecter plusieurs receveurs sont notifiés d emblée à l AFSSaPS et à l EFS. L analyse de ces FIT permet d apprécier l imputabilité de la transfusion (exclue, douteuse, possible, vraisemblable ou certaine) et la gravité de l accident : Grade 1 : absence de danger pour la vie du patient. Grade 2 : morbidité à long terme pour le patient. Grade 3 : danger immédiat pour la vie du patient. Grade 4 : décès du patient. Les données de l hémovigilance sont réévaluées et mises à jour régulièrement. Elles sont à la disposition des médecins prescripteurs et des CSTH. La revue «L hémovigilance», éditée par l AFSSaPs, est diffusée aux membres du réseau. Elle est disponible sur le site Internet de cette institution. Elle informe et sensibilise les médecins sur le rapport bénéfices/risques des actes transfusionnels. Ce retour d information est indispensable aux prescripteurs pour adapter leurs indications transfusionnelles et renseigner les patients transfusés. L analyse des données de l hémovigilance s inscrit dans un processus continu et actif de sécurité sanitaire. La détection de risques nouveaux guide la mise en place de mesures adaptées. 4.2. DONNEES N ATION ALES DE L HEMO VIGILANCE Du 1 er janvier 1994 à décembre 2001, 44 000 fiches ont été transmises à l AFS- SaPS. Le taux de déclaration est de 2,8 FIT pour 1 000 PSL distribués. Les incidents sont en majorité sans gravité (92 %). Ils induisent un risque vital immédiat (1,8 %) ou une morbidité à long terme (4,2 %). Pour 206 patients, les manifestations déclarées incluaient le décès. Dans l étude effectuée en 1997, sur 79 FIT avec décès, l imputabilité de la transfusion était exclue dans 16 cas, douteuse pour 17, possible pour 19, vraisemblable pour 12 et certaine dans 15 cas. 4.2.1. ACCIDENTS IMMEDIATS 72 % des incidents sont immédiats. L analyse de leurs étiologies, et ce, quelles que soient l imputabilité transfusionnelle et la gravité retenue, montre le nombre important d incidents de mécanisme inconnu puis la fréquence des accidents allergiques (Tableau I). Tableau I Incidents immédiats, tous grades et imputabilités Inconnu 54 Allergiques 26 Incompatibilité ABO 1 HLA et leuco plaquettaires 6 Autres incompatibilités 2 Culture positive de PSL 1 Surcharge volémique 4 Inefficacité transfusionnelle 3 Autre 3

68 MAPAR 2002 Lorsqu on centre l analyse sur les accidents avec imputabilité transfusionnelle importante (3 : possible ou 4 : vraisemblable), la répartition en fréquence se modifie. Une étiologie est plus souvent retrouvée (Tableau II). Tableau II Incidents immédiats, tous grades et imputabilités 3 et 4. Inconnu 28 Allergiques 42 Incompatibilité ABO 1 HLA et leuco plaquettaires 11 Incompatibilité Rhésus 1 Autres incompatibilités 4 Culture positive de PSL 1 Surcharge volémique 6 Inefficacité transfusionnelle 4 Autre 4 Pour les incidents d imputabilité transfusionnelle forte (> 2) et de forte gravité (menace vitale immédiate ou décès), le pourcentage d accidents liés à une surcharge vasculaire, une incompatibilité ABO ou avec une culture positive du PSL, devient important (Tableau III). Tableau III Incidents immédiats, grades 3 et 4 et imputabilités 3 et 4. Inconnu 19 Allergiques 24 Incompatibilité ABO 6 HLA et leuco plaquettaires 5 Incompatibilité Rhésus 1 Autres incompatibilités 4 Culture positive de PSL 6 Surcharge volémique 25 Inefficacité transfusionnelle 3 Autre 5 La grande majorité des décès d imputabilité certaine ou vraisemblable est secondaire à une infection bactérienne, une surcharge volémique ou une incompatibilité ABO. C est donc sur ce type d accidents qu une démarche d amélioration sur la sécurité transfusionnelle a été menée en priorité. Les accidents hémolytiques transfusionnels par incompatibilité ABO sont rares mais toujours observés après transfusion homologue mais aussi autologue. S ils ne représentent qu un pour cent de l ensemble des incidents signalés, ils sont responsables de 6 % des accidents graves de forte imputabilité. Les dysfonctionnements retrouvés peuvent être générés dans les ETS, mais le plus souvent sont observés dans les établissements de soins. Les causes les plus fréquentes

Sécurité en anesthésie 69 sont une erreur de choix du PSL ou une erreur de patient à transfuser qui aboutissent à un défaut d attribution au patient du PSL qui lui est destiné. On constate de plus une défaillance pratiquement systématique de la vérification ultime au lit du malade. Ce contrôle n a pas été fait ou mal fait, et de ce fait inopérant : mauvaise interprétation, non-respect de l unité de temps, de personne et de lieu pour sa réalisation. Les surcharges volémiques représentent 4 % des incidents signalés mais 25 % des accidents transfusionnels graves. Elles surviennent presque exclusivement lors de transfusion de concentrés de globules rouges. Ces accidents sont probablement plus fréquents. En effet, leur signalement n est pas exhaustif. La surveillance attentive des patients, des critères plus stricts d indications devraient prévenir leur survenue. Les données d hémovigilance nationales et internationales ont confirmé la persistance de contaminations bactériennes des PSL. Elles permettent de mieux décrire leur symptomatologie. Des recommandations ont été émises pour prévenir ces risques de contamination bactérienne. Les critères de sélection des donneurs et les procédures de désinfection cutanée au cours des prélèvements des dons sont majorées. Les contrôles bactériologiques des sites de prélèvements ont été instaurés. Le détournement des premiers millilitres du don est devenu systématique. Pour permettre un diagnostic plus facile de ces accidents dans les établissements de soins, les PSL sont conservés après transfusion pendant deux heures pour permettre leur examen bactériologique. L étiologie de l incident n est pas toujours retrouvée (54 % de l ensemble des FIT tous grades et imputabilités). Ces incertitudes diagnostiques sont expliquées par la gravité des contextes cliniques, les origines souvent pluri-factorielles des accidents, et aussi par une connaissance incomplète des mécanismes de leur survenue. 4.2.2. ACCIDENTS RETARDES Vingt-six pour cent des FIT déclarés sont dûs à des incidents retardés. La répartition des catégories diagnostiques est reportée comme suit (tableau IV) : Tableau IV Incidents retardés, tous grades et imputabilités. Sérologie VIH positive 3 Sérologie VHB positive 3 Sérologie VHC positive 28 Anticorps anti-érythrocytaire 65 Autre 1 Lorsqu on analyse les incidents dont l imputabilité transfusionnelle est forte (3 et 4), et ce quelle que soit la gravité, ces complications sont dominées par les allo-immunisations anti-érythrocytaires (Tableau V). Tableau V Incidents retardés tous grades et imputabilité forte. Sérologie VIH positive 0,4 Sérologie VHB positive 0,2 Sérologie VHC positive 7,5 Anticorps anti-érythrocytaire 90 Autre 2

70 MAPAR 2002 La majorité des incidents retardés déclarés sont donc des allo-immunisations antiérythrocytaires. Leur dépistage est important pour l avenir transfusionnel du malade. Le suivi des receveurs de PSL a permis de dépister de rares cas de transmissions d infections virales. Mais le nombre observé est moins important que celui qui avait été estimé à partir du suivi des donneurs de sang. Pour le VIH, le risque théorique moyen de prélever un don de sang contaminant est, en France, estimé à trois par an. En fait, depuis la mise en place du dépistage chez les donneurs (1985), seulement 3 cas concernant des transfusions récentes, ont été retrouvés chez des receveurs de PSL. Des discordances similaires sont constatées pour les autres virus. La discordance entre ces deux approches est expliquée par une surestimation possible des calculs obtenus à partir du suivi des donneurs. Il est probable qu elle soit due, au moins en partie, à l absence d exhaustivité dans le suivi post-transfusionnel des receveurs : patients décédés ou n effectuant pas de suivi. Le risque de contamination virale va encore diminuer après l introduction d un dépistage génomique des infections VHC et VIH mis en place depuis Juillet 2001 : par techniques PCR. Les autres virus connus comme étant responsables d une contamination par voie transfusionnelle (virus de l hépatite A, Parvovirus B19 et CMV) ou les virus émergents (HGV, HHV8, TT virus, etc.) ne font pas l objet d un dépistage systématique en routine sur les dons du sang en raison de l absence de pathogénie, du faible taux de transmission ou de l absence de test de dépistage. A ce jour, aucun cas de transmission d Encéphalopathie Subaiguë Spongiforme Transmissible (ESST) dans sa forme classique ou variante n a été rapporté. En raison du risque potentiel décrit pour la forme variante, des mesures préventives ont été mises en place : Déleucocytation systématique. Renforcement des motifs d exclusion aux dons du sang aux personnes ayant séjourné un an dans les îles britanniques entre 1980 et 1996. Recommandations de stratégies d épargne transfusionelle et rappel des indications strictes. CONCLUSION : LES LEÇONS DE L HEMOVIGILANCE L hémovigilance a été mise en place pour prévenir la survenue de risques majeurs de contaminations virales des patients transfusés. En moins de dix ans s est mis en place un réseau opérationnel avec une implication exhaustive des personnels des établissements de soins et de transfusion et le renforcement des organismes de tutelle et de surveillance. La prise en charge de la traçabilité des PSL est en voie d exhaustivité. L expérience acquise dans ce domaine permet le suivi en France de 3,5 millions de PSL. De telles actions peuvent donc être mises en place pour d autres produits de santé à risques : dispositifs médicaux implantables, appareils interventionnels ou de diagnostics en contact avec les patients. Le dispositif de surveillance qu est l hémovigilance permet de quantifier et de décrire, en toute transparence, les risques transfusionnels actuels. Il a permis d orienter les mesures de sécurisation mises en œuvre puis de mesurer leur impact. Pour les affections virales connues, une diminution très importante des risques de contamination est actuellement réelle. Pour les risques théoriques ou potentiels, des actions préventives ont été proposées, ainsi que des informations obligatoires aux patients.

Sécurité en anesthésie 71 En ce qui concerne les infections bactériennes, l hémovigilance a permis d identifier cette complication dans sa gravité et d y adjoindre et promouvoir des mesures informatives et des règles de bonnes pratiques transfusionnelles adaptées. L hémovigilance, exercée sur les produits sanguins labiles, a aussi mis en évidence que certaines complications étaient induites non pas par les produits, mais par des prescriptions ou des techniques transfusionnelles inappropriées. Ainsi, a été prise en compte l importance des incidents par incompatibilités ABO liées aux erreurs d attribution et à des manques de rigueur dans les contrôles. De même, l attention est attirée sur la prévention des surcharges volémiques en raison de leur extrême fréquence et de leur gravité. Pour ce type de complications, l hémovigilance doit s inscrire dans un processus d amélioration de la qualité des soins pour promouvoir la sécurité transfusionnelle. L hémovigilance contribue à développer et à assimiler les démarches de gestion des risques. A ce titre, elle participe aux politiques de sécurisation des soins et de vigilance sanitaire. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Loi 93.5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicaments. [2] Loi du 2 juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire. [3] Circulaire DGS/DH du 30 décembre 1994 relative à la traçabilité. [4] Décret n 94-68 du 24 janvier 1994 et circulaire DH-DGS du 7 juillet 1994 relatifs aux règles d Hémovigilance. [5] Fialon P, Quaranta JF, Lemonnier MP, Bricard H, Nublat M, Laxenaire MC, Blanloeil Y, Galperine I, Baron JF, Gross S, Fournel JJ, Vezon G, Janvier G. Bilan de la mise en place du système d hémovigilance et de sécurité transfusionnelle dans les établissements de santé et de transfusion français. Transfus Clin Biol 1998;5:193-202. [6] Circulaire 98/231 du 9 avril 1998 relative à l information des malades en matière de risques liés aux produits sanguins labiles et aux médicaments dérivés du sang et sur les différentes mesures de rappel effectuées sur ces produits sanguins. [7] Circulaire DGS/DH n 609 du 1 er octobre 1996 relative aux analyses et tests pratiqués sur des receveurs de produits sanguins labiles.