Canada s Social Contract: Evidence from Public Opinion Matthew Mendelsohn Résumé Document de recherche n P 01 Réseau de la participation publique Disponible uniquement en anglais à partir du site www.cprn.org ou sur demande au (613) 567-7500. Réseau canadien de recherche en politiques publiques 600-250, rue Albert Ottawa (Ontario) K1P 6M1 (613) 567-7500 (613) 567-7640 www.cprn.org
2 Canada s Social Contract: Evidence from Public Opinion Matthew Mendelsohn, Université Queen s Résumé Quelle est la nature de l identité canadienne en ce début de XXI e siècle et quels sont ses liens avec le contrat social canadien? Selon l image traditionnelle, le Canada a un caractère plus collectiviste, il est plus ouvert à la diversité et il est plus internationaliste que son voisin du sud. Mais les années 90 ont été marquées par une contraction des activités de l État sous l impulsion des pressions exercées par la réduction des déficits publics, la libéralisation des échanges et une offensive néo-conservatrice visant à réduire les dépenses sociales et les niveaux d imposition. Un nouveau tableau de l identité canadienne en est ressorti, qui se caractérise par un individualisme plus poussé, une volonté moindre de redistribuer les ressources par l intermédiaire de l État, une plus grande ouverture aux solutions du secteur privé pour relever les défis économiques et une préoccupation moindre à l égard de la préservation des sources traditionnelles de la culture canadienne. Dans quelle mesure ces traits saillants sont-ils un reflet fidèle de la réalité? Cette étude contient une synthèse exhaustive des données des dix dernières années tirées de sondages d opinion publique concernant ce que les Canadiens pensent du contrat social. L auteur examine la façon dont les Canadiens réconcilient les pressions exercées par la compétitivité, l innovation, l efficience et la mondialisation avec la vision traditionnelle d une identité canadienne orientée vers le partage et la compassion. Parmi les sujets précis abordés, mentionnons les perceptions des Canadiens dans les domaines suivants : leurs droits et leurs responsabilités en tant que citoyens; les caractéristiques des relations intergroupes et intercommunautaires; le rôle des entreprises privées et des institutions publiques dans l économie; les obligations des divers ordres de gouvernement au Canada à l égard des citoyens; et le caractère approprié de l arbitrage entre les individus, les valeurs fondées sur le marché et la prestation collective de biens publics. L auteur a effectué une recherche de toutes les enquêtes commerciales sur ces questions qui sont accessibles par l intermédiaire des archives publiques (comme les archives de recherche sur l opinion publique canadienne à l Université Queen s), de grandes enquêtes universitaires (comme les études sur les élections canadiennes), d enquêtes réalisées par des instituts de recherche (comme celles entreprises par le Centre de recherche et d information sur le Canada) et d enquêtes gouvernementales obtenues par l intermédiaire de la Loi sur l accès à l information et disponibles à la Bibliothèque du Parlement. L auteur a regroupé les résultats des enquêtes sous des thèmes pour faciliter l analyse.
3 Principales conclusions Les Canadiens sont devenus plus attachés à leur pays pendant les deux dernières décennies, ils sont plus susceptibles de se décrire comme «Canadiens avant tout» et ils sont moins enclins à s identifier d abord à leur province. Ces tendances sont même plus prononcées parmi ceux qui sont âgés de moins de 35 ans (sauf au Québec, où ce sont les citoyens plus âgés qui sont les plus attachés au Canada). La plupart des Canadiens souscrivent à l identité que la Charte des droits et libertés trace pour eux. Ils appuient fortement le bilinguisme et le multiculturalisme, et ces valeurs sont devenues des pierres angulaires de l identité canadienne à la grandeur du pays. Les Canadiens sont aussi devenus plus favorables à l immigration, puisque seul un Canadien sur trois préconise une baisse du nombre d immigrants qui entrent au Canada, bien que ce nombre varie en fonction de l évolution de la situation économique et politique. La voie empruntée il y a plus de 30 ans dont le but était d inculquer aux Canadiens le sentiment d être un pays bilingue et multiculturel fut couronnée de succès dans l ensemble, et ce sont les Canadiens plus jeunes qui sont les plus favorables au bilinguisme, au multiculturalisme et à l immigration. Il semble aussi que les jeunes acceptent beaucoup plus facilement les relations familiales non traditionnelles. Mais l appui à l égard des peuples autochtone est plus mitigé. Les Canadiens sont ambivalents à l égard des questions relatives aux Autochtones : ils reconnaissent qu il existe des obligations en vertu des traités et ils admettent l existence d un lourd passé de discrimination, mais ils ont tendance à s opposer à la notion d un «statut spécial», ils estiment que les demandes des Autochtones sont exagérées et ils sont d avis que ceux-ci devraient mieux accepter les réalités de la vie canadienne au XXI e siècle. L appui aux programmes de péréquation demeure élevé au pays, même dans les provinces «mieux nantis». Les Canadiens croient fermement que les gens qui habitent de petites villes à Terre-Neuve devraient avoir accès à des écoles et à des hôpitaux de qualité comparable à ceux des villes de la banlieue de Toronto. Toutefois, les tensions et les mesquineries interrégionales demeurent aussi élevées. Les Canadiens (à l extérieur de l Ontario) ont l impression que leur province n obtient pas sa juste part du fédéralisme canadien, qu elle n a pas suffisamment de pouvoir à l intérieur de la fédération et qu elle n est pas respectée par le gouvernement fédéral. La volte-face sur le plan des attitudes à l égard de la libéralisation des échanges et d une stratégie commerciale dynamique depuis les années 80 est tout à fait remarquable. Dans la foulée de l Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l attitude à l égard de la libéralisation des échanges et de l Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) fut très hostile. Depuis son point le plus bas en 1992, l appui accordé à l ALENA et aux autres accords commerciaux n a cessé de s accroître, et le soutien en faveur de la poursuite de négociations menant à d autres accords commerciaux continue d être élevé. Bien que certains jeunes fortement scolarisés s opposent à la libéralisation
4 des échanges et que des gens socialement marginalisés lui soient aussi hostiles, une vaste majorité de jeunes Canadiens considèrent la libéralisation du commerce comme une occasion qu ils envisagent avec enthousiasme. Les Canadiens en sont venus à croire que leur pays est plus productif qu il ne l était. Ils ne perçoivent aucune contradiction entre, d une part, la compétitivité et la productivité et, d autre part, un réseau solide de programmes sociaux. Beaucoup de Canadiens sont d avis que des programmes sociaux efficaces ajoutent à leur productivité. Les Canadiens sont même plus à l aise en ce qui concerne l intégration mondiale sur un large éventail de questions et ils favorisant une expansion du rôle des institutions internationales. Toutefois, ils croient aussi que les décisions concernant les dépenses sociales et l État providence doivent demeurer une affaire intérieure. L appui à la libéralisation des échanges est devenu axiomatique, mais cet appui est mitigé par les préoccupations que suscitent les préjudices à la situation sociale. Le soutien accordé à la libération des échanges est la manifestation d un appui à l internationalisme et non pas l indice d un appui aux valeurs néo-conservatrices. Les Canadiens souscrivent à l image de leur pays en tant que société qui est ouverte sur le monde et qui réussit bien sur la scène mondiale. Les preuves de l internationalisme des Canadiens sont indéniables. Plusieurs aspects de l internationalisme font maintenant partie de l identité des Canadiens : ceux-ci croient que le Canada a une obligation morale à l égard du reste de monde, ils aimeraient encourager l adoption des valeurs canadiennes à l étranger et ils estiment que les échanges commerciaux et une participation aux affaires mondiales sont susceptibles de favoriser cette adoption. Les Canadiens participent aux activités mondiales plus que jamais auparavant et ils considèrent que cette participation est la clé de la prospérité. Les Canadiens reconnaissent qu ils sont fortement tributaires de leurs échanges avec les États-Unis, mais une majorité d entre eux ne pensent pas que le Canada devrait entretenir des relations plus étroites avec les États-Unis sur la plupart des questions. On n a observé aucune hausse perceptible parmi les Canadiens de la tendance à s identifier en tant que «nord-américains». Les Canadiens établissent une distinction entre leurs relations avec les États-Unis et leur identité : la plupart des Canadiens veulent que ces relations soient cultivées et ils reconnaissent leur importance pour la prospérité collective du pays, mais ils ne souhaitent pas que le Canada devienne davantage comme les États-Unis et qu il perde son identité distincte. La vaste majorité des Canadiens estiment qu ils sont différents des Américains et ils sont d avis qu ils ont plus de choses en commun avec les Canadiens des autres provinces qu avec les Américains des États voisins. Certains indices font état à l heure actuelle d un appui plus prononcé qu auparavant en faveur du continentalisme en ce sens que les Canadiens sont disposés à travailler de concert avec les Américains lorsque les intérêts des deux pays sont en cause et que les politiques ont un caractère «administratif» (par exemple, la sécurité aux frontières) et qu elles ne touchent pas directement à la façon dont ils s organisent sur le plan collectif. Les Canadiens tiennent à maintenir des relations étroites avec les États-Unis mais sans devenir des Américains ou sacrifier leur aptitude à prendre des décisions indépendantes.
5 Les grandes priorités des Canadiens ont tendance à avoir un caractère social comme les soins de santé, l éducation, le chômage et la pauvreté infantile. Lorsqu on leur pose la question directement, les Canadiens sont plus enclins à dire que des «programmes sociaux plus généreux» devraient avoir une priorité élevée que de réclamer que le «gouvernement interfère le moins possible avec le libre fonctionnement des marchés». La plupart sont d avis qu il faudrait réinvestir dans les programmes sociaux au lieu de réduire les impôts. Mais, même si les Canadiens sont fortement attachés aux programmes sociaux du contrat social canadien, l importance accordée au «gouvernement» ou à «l État» est moins élevée dans leur échelle de valeur. Il ne faudrait pas confondre l appui donné aux soins de santé et à l éducation avec celui accordé aux solutions «étatiques». Les Canadiens continuent de manifester un esprit de solidarité sociale et un appui à des dépenses et à des programmes sociaux solides, mais la plupart admettent (ou acceptent) ce qu ils considèrent être les réalités d une économie ouverte et mondialisée. Les échanges commerciaux, les connaissances, l éducation, la prudence budgétaire et les investissements stratégiques sont d une importance cruciale pour la prospérité; les gouvernements peuvent contribuer à créer des occasions mais ils ne peuvent pas «créer des emplois». Par conséquent, l appui à des programmes traditionnels de création d emplois a diminué, tandis que le soutien accordé à des «investissements stratégiques», qui sont susceptibles d aider les Canadiens à tirer avantage au maximum de leurs propres possibilités, est à la hausse. Le maintien d un budget équilibré est devenu une valeur canadienne et il y a une forte résistance à déroger à ce principe. Malgré l accent politique mis sur la réduction des déficits et l appui populaire donné aux partis politiques qui insistent sur les enjeux budgétaires, les valeurs de la population canadienne n ont pas semblé évoluer beaucoup en ce qui concerne la question primordiale de savoir s il est de la responsabilité de l État d offrir des services publics essentiels ou si les gens sont disposés à payer pour ces services. L attachement des Canadiens à l égard d un solide système public d enseignement, de soins de santé et de protection de l environnement ne s est pas démenti pendant les années 90. La population canadienne a reconnu qu il fallait se préoccuper des questions budgétaires, sans accepter d emblée l argument néoconservateur selon lequel il fallait réduire sensiblement les dépenses sociales. En somme, les Canadiens se sont éloignés de la gauche traditionnelle en ce qui concerne les questions économiques et budgétaires en appuyant la libéralisation des échanges et le conservatisme budgétaire, sans sacrifier leur attachement aux programmes sociaux. Par ailleurs, sur le plan social et moral, les Canadiens ont adopté des positions associées avec la gauche et ils acceptent de plus en plus des structures et des modes de vie moins traditionnels, sauf dans le cas de plusieurs Canadiens plus âgés, qui se sentent moins à l aise avec ces nouvelles tendances.